Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Avocate de l’appelant : Me Laura Dalloo
  • Intimé : K. O.
  • Avocat de l’intimé : Me Michael Laplante

Introduction

[1] L’intimé a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il a affirmé qu’il était invalide en raison d’une lombalgie mécanique et de la maladie mentale. Les douleurs lombaires avaient été causées par une blessure au travail et l’état de dépression et d’anxiété a fait suite à cela. L’appelant a rejeté la demande de l’intimé, initialement ainsi qu’après réexamen. L’intimé a interjeté appel devant le Bureau du commissaire des tribunaux de révision. L’affaire a été déférée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013, en application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu audience et, le 23 juin 2014, a accueilli l’appel de l’intimé, le jugeant invalide aux termes du Régime de pensions du Canada (le RPC).

[2] L’appelant a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale. La permission d’en appeler lui a été accordée par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale le 18 décembre 2014.

[3] L’appelant a fait valoir que le présent appel devrait être accueilli pour trois motifs : la division générale a commis une erreur dans son calcul de la période minimale d’admissibilité (PMA) (date à laquelle un demandeur doit être considéré comme invalide pour recevoir une pension d’invalidité du RPC); elle a appliqué le mauvais critère juridique pour conclure à l’invalidité de l’intimé; elle a insuffisamment motivé sa décision. L’intimé a concédé que la PMA qui était indiquée dans la décision de la division générale n’était pas la bonne, mais il a soutenu que cela ne devrait pas altérer la décision. Il a également affirmé que la division générale avait déterminé et appliqué le bon critère juridique et que les motifs de la décision étaient suffisants.

Analyse

Norme de contrôle

[4] L’appelant a fait valoir que les questions mixtes de fait et de droit devraient être assujetties à la norme de contrôle de la raisonnabilité et que les erreurs de droit et en matière de justice naturelle devraient être contrôlées selon la norme de la décision correcte. L’intimé n’a pas disconvenu de ces observations.

[5] L’arrêt de principe en la matière est Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu qu’au moment de contrôler une décision sur des questions de fait, des questions mixtes de droit et de fait et des questions de droit en lien avec l’interprétation de la propre loi constitutive d’un tribunal, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité, c’est-à-dire si la décision du tribunal fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Les questions de justice naturelle et de droit qui revêtent une importance générale pour le système juridique devraient être contrôlées selon une norme de la décision correcte. C’est ce raisonnement qu’a suivi la Cour d’appel fédérale pour trancher une demande de pension d’invalidité du RPC dans l’affaire Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187.

[6] L’appelant a fait valoir que la détermination de la PMA de l’intimé et la question de savoir si le bon critère juridique permettant de qualifier l’invalidité a été appliqué sont des questions mixtes de fait et de droit et ne devraient pas être assujetties à la norme de la raisonnabilité. L’avocate de l’appelant a également soutenu que la question de savoir si la décision de la division générale renfermait des motifs suffisants est une question de justice naturelle qui est importante dans le contexte des demandes de prestations d’invalidité, mais que cette question ne revêt pas d’importance pour le système juridique dans son ensemble. Elle devrait être assujettie à une norme de contrôle de la décision correcte. L’intimé ne s’est pas opposé à cette affirmation.

Application de la norme de contrôle

a) PMA incorrecte

[7] L’appelant a d’abord soutenu que la division générale avait commis une erreur dans son calcul de la PMA en l’espèce. Il apparaît que, juste avant la tenue de l’audience de la division générale, un troisième registre des gains a été déposé au Tribunal. Les parties ont convenu que la division générale avait été valablement saisie de cela à son audience. Par conséquent, la PMA commençait le 31 décembre 2014, et non plus le 31 décembre 2012 comme l’indiquait la décision de la division générale. L’appelant a soutenu que, du fait que la division générale avait tenu compte de la mauvaise date de PMA, elle n’avait pas dûment évalué la preuve concernant la capacité de travailler de l’intimé après 2012 et qu’il en avait résulté une décision qui était déraisonnable et ne faisait pas partie des issues acceptables. Il a également soutenu que la division générale avait commis une erreur dans sa conclusion selon laquelle l’intimé était invalide en 2009 alors que les gains déclarés de ce dernier montraient une capacité accrue de travailler après cette date. L’intimé a déclaré des gains d’environ 5 000 $ en 2012 et d’environ 15 000 $ en 2013. En outre, l’avocate de l’appelant a fait observer que si la division générale avait pris en considération la bonne PMA, elle aurait également tenu compte du fait qu’il n’y a pas eu de preuve médicale concernant l’état de santé de l’intimé après 2012, ce qui pouvait aussi démontrer qu’il n’était pas invalide. Finalement, sur cette question, l’appelant a fait valoir qu’il ressortait clairement de la preuve que l’intimé était capable d’obtenir et de conserver un emploi adapté à ses restrictions à la bonne PMA, et donc qu’il n’était pas invalide en vertu du RPC.

[8] L’intimé a convenu que la bonne PMA était le 31 décembre 2014. Il a soutenu que, bien que cette erreur ait été commise dans la décision de la division générale, elle ne portait pas un coup « fatal » à la demande de l’intimé et ne rendait pas la décision déraisonnable, puisque l’intimé était invalide depuis la blessure qu’il avait subie au travail en 2006, ce qui était longtemps avant la PMA.

[9] Je retiens que, si l’intimé est devenu invalide au travail en 2006, le fait que la division générale ait tenu compte de la bonne PMA datée de décembre 2014 ou de la mauvaise datée de décembre 2012 ne rendrait pas nécessairement déraisonnable la décision de la division générale. En l’espèce, toutefois, il est également ressorti du registre des gains que l’intimé avait la capacité de travailler en 2012 et par la suite. Je retiens que l’intimé avait une capacité accrue de travailler, comme en témoignent ses gains accrus pour le même emploi en 2012 et en 2013, ainsi que son témoignage selon lequel il avait augmenté ses heures de travail. Par conséquent, cette erreur commise par la division générale était d’importance.

[10] Je suis convaincue que, pour en arriver à sa décision, la division générale a vérifié la présence ou non d’une éventuelle preuve médicale après 2012. À l’examen de la décision, il appert que le membre de la division générale savait qui traitait l’intimé et quand ce dernier recevait des traitements. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’autres rapports médicaux rédigés après 2012 ne signifie pas nécessairement que l’intimé ne souffrait plus de douleurs. L’intimé a témoigné qu’il ne recevait pas de traitement de santé mentale à ce moment-là, de sorte que l’on ne pouvait s’attendre à ce qu’il existe des rapports à ce sujet. Le fait que la décision de la division générale ne mentionnait pas explicitement l’absence de rapports médicaux après 2012 n’est pas une erreur en l’espèce.

b) Critère juridique incorrect

[11] L’appelant a également fait valoir que la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle a appliqué le mauvais critère juridique pour qualifier l’invalidité en l’espèce. L’alinéa 42(2)a) du RPC définit ce qu’est une invalidité grave et prolongée. Il s’agit d’une invalidité qui rend le demandeur incapable d’avoir une occupation véritablement rémunératrice (cette disposition est citée en annexe de la présente décision). L’appelant a fait valoir que l’emploi à temps partiel que l’intimé avait obtenu après s’être installé en Alberta et qu’il continue d’occuper était véritablement rémunérateur. L’appelant a déclaré que la notion de ce qui est véritablement rémunérateur en vertu du RPC était assez « élastique », du fait que cela dépend des circonstances de chaque cas. L’intimé a affirmé que ce travail n’était pas véritablement rémunérateur.

[12] L’expression « véritablement rémunératrice » n’est pas définie dans le RPC. La Commission d’appel des pensions a conclu de façon constante que cette expression comprend les emplois pour lesquels la rémunération offerte pour services rendus ne serait pas une compensation modique, symbolique ou illusoire, mais plutôt une compensation qui correspond à une rémunération appropriée selon la nature du travail effectué (Poole c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP20748, 2003; Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187).

[13] La division générale a erré à cet égard. Elle ne s’est pas dûment demandé si le travail de l’intimé était véritablement rémunérateur. Sa décision n’est pas claire quant à savoir s’il y avait des éléments de preuve permettant de conclure que l’emploi occupé par l’intimé ne satisfaisait pas à cette norme juridique.

[14] En outre, la division générale a conclu que l’intimé n’était pas capable de travailler à temps plein et que [traduction] « un emploi occasionnel à temps partiel, lorsqu’il peut l’occuper compte tenu de son état de santé, ne constitue pas une « occupation rémunératrice ». » Ce n’est pas le bon critère juridique à utiliser. Dans Boles c. MEI (30 juin 1994, CP2794), la Commission d’appel des pensions a conclu, à la lumière du libellé de l’alinéa 42(2)a) du RPC, qu’une « occupation véritablement rémunératrice » n’est pas la même chose qu’une « occupation rémunératrice ». Ce raisonnement me convainc. La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a indiqué que l’intimé était incapable d’avoir une occupation rémunératrice et a appliqué ce critère juridique incorrect aux faits qui lui ont été soumis.

[15] Il a également été établi qu’un demandeur ne pouvait pas être considéré comme invalide s’il était capable d’accomplir un travail léger. Dans Micelli-Riggins c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 158, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un travail véritablement rémunérateur pouvait comprendre un emploi à temps partiel ou des tâches modifiées. Dans sa décision, la division générale a reconnu que l’intimé, en l’occurrence, était capable de travailler à temps partiel environ 15 heures par semaine. Ce dernier a témoigné que ses heures étaient régulières. La décision de la division générale n’expliquait pas de quelle façon avait été tirée la conclusion selon laquelle l’intimé était incapable d’avoir une occupation véritablement rémunératrice à la lumière de cette preuve. C’était là aussi une erreur.

[16] L’appelant a également cité la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Dans cette décision, il est dit que pour être déclaré invalide en vertu du RPC, un demandeur doit démontrer que les efforts qu’il a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son invalidité. L’avocate de l’appelant a fait valoir que le fait que l’intimé continuait d’occuper un travail à temps partiel démontrait qu’il pouvait conserver ce travail et donc qu’il n’était pas invalide en vertu du RPC. À l’inverse, l’intimé a soutenu qu’il continuait d’occuper cet emploi afin de maintenir son bien-être émotionnel et que l’emploi en question n’était pas une occupation véritablement rémunératrice du fait que les gains qu’il en tirait ne lui suffisaient pas pour subvenir à ses besoins. De plus, il a affirmé que le fait qu’il ait obtenu et conservé un travail aux tâches légères à la station-service, assumant essentiellement les fonctions de caissier, démontre qu’il s’était conformé à l’exigence d’essayer d’obtenir et de conserver un travail, ainsi qu’il est établi dans la décision Inclima.

[17] Bien que j’accepte que l’intimé travaille pour des raisons de santé mentale, il demeure que la qualification de ce travail en tant qu’occupation véritablement rémunératrice n’est pas fonction des motifs pour lesquels ce travail est effectué. Cette qualification ne dépend pas non plus entièrement du montant gagné, quoique cela soit l’un des facteurs à prendre en considération. Comme il est dit dans la décision Poole, une occupation véritablement rémunératrice est une occupation pour laquelle la rémunération n’est pas modique, symbolique ou illusoire. L’intimé travaillait à la station-service et était rémunéré en conséquence. Rien, dans la preuve, n’indique que son revenu ait été ajusté du fait de la limitation des tâches qu’il effectuait, ni que sa rémunération n’était que modique. Par conséquent, je suis convaincue que la division générale a erré en ne se posant pas dûment la question de savoir si le travail de l’intimé était une occupation véritablement rémunératrice.

[18] La division générale ne s’est pas non plus penchée sur le fait que l’intimé soit capable de conserver ce travail nonobstant ses limitations. Comme la décision Inclima exige d’un demandeur qu’il prouve qu’il soit dans l’incapacité de conserver un travail en raison de son invalidité, il s’agissait là d’un facteur important dont la division générale aurait dû tenir compte dans sa décision.

[19] De plus, la division générale s’est fondée sur une décision de la Commission d’appel des pensions, A.K. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences (10 juin 2009, CP25905). L’avocate de l’appelant a affirmé que les faits de cette décision sont différents des faits qui m’ont été soumis et que cela n’aurait pas dû convaincre la division générale. Dans cette affaire, le médecin du demandeur de pension d’invalidité du RPC avait prescrit à A.K. de ne travailler pas plus que quatre heures quotidiennement, trois jours par semaine. Dans l’affaire qui nous occupe, l’intimé n’avait pas de telles restrictions. Chaque cas dépend des faits qui lui sont propres. Bien que les faits de l’affaire A.K. soient différents de ceux qui m’ont été soumis, je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une erreur en citant cette décision et en se fondant sur les principes juridiques généraux qui y sont énoncés.

c) Motifs insuffisants

[20] Finalement, l’appelant a soutenu que la division générale avait commis une erreur en ne motivant pas suffisamment sa décision. L’avocate de l’appelant a avancé que les motifs étaient insuffisants du fait qu’ils n’abordaient pas des éléments de preuve contradictoires ayant été soumis à la division générale au sujet de la capacité de travailler de l’intimé, que la conclusion selon laquelle l’intimé était invalide en date de juillet 2009 n’était pas corroborée par la preuve – et cela n’a pas été expliqué –, que la décision contenait un résumé des divers rapports médicaux, mais pas une analyse de ces rapports et que la décision ne renfermait aucun commentaire sur la crédibilité de l’intimé.

[21] À l’inverse, l’intimé a prétendu que la décision de la division générale renfermait des motifs suffisants et qu’elle préférait simplement la preuve étayant la thèse de l’intimé aux autres éléments de preuve. En particulier, l’intimé a argué que l’appelant avait choisi de ne pas assister à l’audience et contre-interroger l’intimé; il était trop tard à l’audition de l’appel pour contester le poids que la division générale a accordé à la preuve qui lui a été produite. L’intimé a en outre fait valoir que la décision de la division générale contenait par ailleurs une longue citation tirée d’un rapport du Dr Delaney qui ne concluait pas à l’invalidité de l’intimé. Cela démontrait que la division générale connaissait et avait évalué tant la preuve qui étayait la thèse de l’intimé que les autres éléments de preuve. Et la preuve écrite qui lui a été produite et les témoignages oraux livrés à l’audience ont convaincu la division générale, de sorte qu’elle n’a pas commis d’erreur dans sa décision.

[22] La décision de la division générale renfermait un résumé des rapports médicaux ayant été produits à l’audience tenue par la division générale. Ces rapports étaient contradictoires. La décision de la division générale n’analysait pas beaucoup ces rapports. Dans l’arrêt R. c. Sheppard (2002 CSC 26), la Cour suprême du Canada a conclu qu’un décideur a l’obligation d’énoncer les motifs des conclusions de fait tirées à l’examen d’éléments de preuve contradictoires et en fonction desquelles repose en grande partie l’issue de l’affaire. En l’espèce, il y avait des rapports émanant du médecin de famille qui concluaient que l’intimé était invalide en raison de vives douleurs lombaires. Il y avait aussi des rapports provenant d’orthopédistes qui déclaraient qu’il avait la capacité de travailler, de même que le témoignage de l’intimé selon lequel il était capable de travailler à temps partiel chaque semaine. Bien que cette preuve ait été résumée dans la décision de la division générale, ladite décision ne renfermait aucune explication des raisons pour lesquelles certains éléments de preuve ont été privilégiés ou se sont vu accorder un poids plus important. L’argument de l’intimé selon lequel le fait qu’un rapport médical infirmant sa thèse était cité dans la décision de la division générale démontrait que l’ensemble de la preuve avait été dûment pris en considération et évalué ne me convainc pas.

[23] À l’évidence, l’issue de la présente affaire dépendait, au moins en partie, de la preuve médicale et de la façon dont on a soupesé cette preuve pour en arriver à la décision. Sans explication de la façon dont la division générale a évalué cette preuve contradictoire, il est difficile de comprendre le fondement de sa décision. Une telle explication est l’une des raisons d’être des motifs écrits. Par conséquent, je suis convaincue que les motifs de la division générale étaient insuffisants.

[24] L’avocate de l’appelant a argué qu’une telle erreur constituait une erreur de droit et un manquement aux principes de justice naturelle. Elle a donc affirmé que cette erreur devrait être assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte. L’avocat de l’intimé ne s’est pas opposé à cet argument. Bien que je comprenne cet argument, je ne suis pas convaincue qu'il s'agit d'un énoncé correct du droit applicable au vu des décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir et par la Cour d’appel fédérale dans Atkinson. Dans la présente affaire, cependant, je n’ai pas besoin de décider quelle norme de contrôle devrait être appliquée à cette erreur. À l’examen des documents qui m’ont été produits, je suis convaincue que la division générale a commis l’erreur de fournir des motifs insuffisants, ce qui a rendu sa décision à la fois incorrecte et déraisonnable.

[25] Je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une erreur en ne justifiant pas la date à laquelle l’intimé est, selon elle, devenu invalide. La décision conclut clairement que l’intimé est devenu invalide en 2006, lorsqu’il a été soudainement frappé de lombalgie. Toutefois, l’intimé n’a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC qu’en décembre 2010 et, en raison des dispositions du RPC, il ne pouvait pas être jugé invalide plus de 15 mois avant la date de la demande. Il en a résulté que l’intimé a été jugé invalide en 2009. Cela a été clairement énoncé dans la décision.

[26] L’appelant a également soutenu que la décision de la division générale renfermait une erreur du fait qu’elle ne comportait aucun commentaire sur la crédibilité de l’intimé. L’avocate de l’appelant a affirmé qu’un tel commentaire était nécessaire en raison du caractère [traduction] « mixte » de la preuve concernant la capacité de travailler de l’intimé. Je ne suis pas convaincue que la décision de la division générale contenait une erreur à cet égard. Le témoignage de l’intimé correspondait à ce que disaient les rapports médicaux étayant sa demande. L’absence de conclusion quant à la crédibilité ou l’absence de crédibilité ne nuit pas à la compréhension de la décision ni des raisons pour lesquelles la division générale en est arrivée à ses conclusions.

[27] Finalement, dans ses observations écrites, l’avocate de l’appelant a affirmé que la décision de la division générale était insuffisamment motivée du fait qu’elle ne traitait pas de la question de l’exagération des symptômes par l’intimé. Or, cette question a bel et bien été abordée dans la décision. On y a résumé le rapport médical ayant soulevé cette question ainsi que le témoignage fourni par l’intimé au sujet de ce rapport. Je ne trouve aucune erreur à cet égard dans la décision de la division générale.

Conclusion

[28] Dans Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a conclu que :

les motifs doivent être suffisants pour permettre aux parties de comprendre le fondement de la décision du tribunal et pour procéder au contrôle judiciaire de celle-ci. Ils doivent être examinés dans leur ensemble et leur contexte, et doivent être à même de convaincre la cour de révision que le tribunal s’est penché sur les questions de fond en litige nécessaires pour trancher l’affaire.

Je conclus que la division générale a commis une erreur dans son calcul de la PMA, n’a pas appliqué le bon critère pour qualifier l’invalidité en vertu du RPC et a insuffisamment motivé sa décision. Chacune de ces erreurs rendrait la décision déraisonnable. Les motifs écrits ne permettent pas au lecteur de comprendre comment la division générale en est arrivée à la décision qu’elle a rendue. Examinée dans son ensemble, la décision est déraisonnable. Par conséquent, l’appel doit être accueilli.

Redressement

[29] L’article 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les redressements qui peuvent être accordés par la division d’appel du Tribunal (voir cette disposition en annexe). J’ai examiné l’ensemble des observations que les parties ont faites à l’appui de la permission d’en appeler et de l’appel, la preuve écrite qui a été présentée à la division générale lors de l’audience qu’elle a tenue ainsi que l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Je suis convaincue que suffisamment d’éléments de preuve non contestés m’ont été produits et que, dans les circonstances de l’affaire, il est approprié que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Il s’agit là du moyen le moins onéreux et le plus rapide de trancher le présent appel.

[30] Les faits non contestés sont les suivants : l’intimé a terminé ses études secondaires puis a travaillé à temps plein en occupant des emplois physiquement exigeants. En 2006, il travaillait comme opérateur de chariot élévateur. Il a souffert de vives douleurs lombaires et a cherché à se faire traiter par la physiothérapie et en consultant des médecins. Il a suivi la thérapie qu’on lui a prescrite, sauf pour les traitements qu’il n’avait pas les moyens de se payer. Son état s’est aggravé en février 2008 lorsqu’il a été impliqué dans un accident de voiture. L’intimé n’est pas retourné travailler en Ontario après l’accident de voiture, et son médecin de famille a validé la décision de ne pas retourner travailler. L’intimé a consulté divers orthopédistes qui ont émis l’opinion qu’il devrait être capable de travailler avec certaines restrictions.

[31] En 2010, l’intimé a commencé à souffrir d’une dépression découlant de ses douleurs et de sa situation personnelle. Il s’est rendu à l’hôpital et a été traité par un psychiatre qui lui a prescrit des antidépresseurs. À la fin de 2011, il a déménagé en Alberta pour résider avec une ancienne conjointe de fait et les enfants de cette dernière, lesquels lui ont fourni un soutien émotionnel. Le psychiatre de l’intimé était favorable à ce déménagement. Depuis son installation en Alberta, l’intimé a obtenu un emploi à temps partiel dans une station-service, travaillant essentiellement à la caisse, où il peut s’asseoir lorsqu’il en a besoin. Son horaire de travail prévoit de 20 à 22 heures par semaine, mais l’intimé effectue normalement 15 heures par semaine environ. Il travaille les lundis, mardis, jeudis et vendredis. L’intimé a déclaré qu’il travaillait principalement pour maintenir son bien-être et son estime de soi. Il est actuellement traité par un médecin de famille et ne prend plus de médicaments d’ordonnance pour ses douleurs. Il gère maintenant ses douleurs avec des médicaments en vente libre, des sels d’Epsom et de l’onguent. Il ne reçoit plus de traitement continu pour les problèmes de santé mentale.

[32] Il ressort clairement de la preuve que l’intimé souffre d’une lombalgie persistante qui ne s’est pas résorbée. En dépit de cela, il a réussi à s’affranchir d’une médication analgésique comportant la prise de stupéfiants thérapeutiques. Il a trouvé du travail adapté à ses limitations (lesquelles sont spécifiées dans les rapports médicaux) et a conservé cet emploi. Il travaille selon un horaire régulier, une quinzaine d’heures par semaine. Il est rémunéré pour ce travail. Il n’y a aucune preuve indiquant que sa rémunération ait été modifiée en raison de ses restrictions au travail.

[33] L’avocat de l’intimé avait raison lorsqu’il a dit que la question qui est au cœur de cette affaire est celle de savoir si le travail de l’intimé était une occupation véritablement rémunératrice. Les décisions citées plus haut confirment que, pour qu’un travail soit considéré comme véritablement rémunérateur, il n’est pas nécessaire qu’il soit très lucratif. Il n’a pas besoin d’être à temps plein ou constitué de tâches non modifiées. À la lumière des faits non contestés, je suis convaincue que l’intimé accomplit un travail véritable sur une base régulière et est rémunéré en conséquence pour cet emploi. Il s’agit d’une occupation véritablement rémunératrice au sens du RPC. L’intimé est félicité pour avoir obtenu ce travail et persévéré malgré ses douleurs.

[34] En outre, le registre des gains déposé auprès du Tribunal montre que l’intimé a pu accroître ses gains au fil du temps tout en occupant le même emploi. Je retiens que cela démontre une augmentation de sa capacité de travailler à la station-service.

[35] Comme je suis convaincue que l’intimé a obtenu et conservé une occupation véritablement rémunératrice au moment de la PMA, je considère qu’il ne souffre pas d’une invalidité grave aux termes du RPC.

Conclusion

[36] Pour l’ensemble de ces motifs, l’appel est accueilli.

[37] Pour les mêmes motifs, l’invalidité de l’intimé n’est pas considérée comme grave en vertu du RPC, de sorte que sa demande est rejetée.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

59. (1) La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

Régime de pensions du Canada

42. (2) Pour l’application de la présente loi :

  1. a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :
    1. (i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,
    2. (ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès

Pièces produites

  1. Demande de permission d’en appeler datée du 22 septembre 2014, décision accordant la permission d’en appeler datée du 18 décembre 2014, observations déposées par l’appelant en date du 12 décembre 2014 et du 2 février 2015, observations déposées par l’intimé en date du 28 novembre 2014 et du 23 avril 2015.
  2. Décision de la division générale datée du 23 juin 2014
  3. Enregistrement de l’audience de la division générale datée du 4 juin 2014
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