Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en 2003. L’intimé a rejeté sa demande à l’examen initial puis après réexamen. La demanderesse a fait appel de la décision devant le Bureau du commissaire des tribunaux de révision. Après une audience tenue en mars 2004, un tribunal de révision a rejeté l’appel de la demanderesse.

[2] En 2008, la demanderesse a de nouveau présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté cette demande. La demanderesse n’a pas fait appel de cette décision.

[3] En 2010, la demanderesse a présenté une demande d’annulation ou de modification de la décision de 2004 du tribunal de révision fondée sur le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté cette demande et la demanderesse a de nouveau porté la décision en appel devant le Bureau du commissaire des tribunaux de révision. Le 29 octobre 2010, un tribunal de révision a rejeté cet appel, estimant que la demanderesse n’avait pas produit de faits nouveaux aux termes de la loi.

[4] En février 2013, la demanderesse a présenté une demande fondée sur le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada pour faire annuler ou modifier la décision de 2010 du tribunal de révision. Cette demande a été transférée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013 en application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Le 2 juin 2014, la division générale a tranché cette affaire sur dossier. Elle a rejeté la demande de la demanderesse au motif qu’elle était frappée de prescription et qu’elle ne satisfaisait pas au critère législatif relatif aux « faits nouveaux et essentiels ».

[5] La demanderesse a demandé la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale. La demande de permission d’en appeler (la « Demande ») à la division d’appel a été déposée à la division d’appel du Tribunal le 11 février 2015, ce qui semble être après l’expiration du délai prévu pour le faire. Le mari de la demanderesse, qui est aussi son représentant, a écrit que la Demande avait été déposée tardivement du fait que la santé de la demanderesse avait continué de se détériorer et qu’il avait dû consacrer beaucoup de son temps à prodiguer des soins à la demanderesse et à l’amener à ses rendez-vous. En outre, en raison de son invalidité, la demanderesse avait de la difficulté à prendre des décisions, avait des trous de mémoire et était instable.

[6] Au sujet de l’appel, la demanderesse a déclaré que de nombreux médecins et fonctionnaires du gouvernement avaient conclu qu’elle était invalide, que ses diagnostics de lupus et de fibromyalgie ne pouvaient être connus à la date de l’audience de 2004 du fait qu’ils n’avaient pas encore été posés, qu’elle n’avait pas été capable de défendre sa cause comme il se doit à l’audience de 2004 car son mari n’avait pas été en mesure de présenter son dossier et que, en 2010, du fait qu’il avait été mis fin [traduction] « abruptement » à l’audience car son cas [traduction] « ne répondait pas au critère », les décisions du tribunal de révision n’ont pas fait mention de ses douleurs constantes qui constituaient sa principale affection invalidante et qu’elle n’était pas d’accord avec les observations faites par l’intimé à une audience tenue par le tribunal de révision.

[7] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Analyse

Demande tardive

[8] C’est la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») qui régit le fonctionnement du Tribunal de la sécurité sociale. L’article 57 de cette loi prévoit qu’un appel d’une décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal doit être interjeté dans les 90 jours de la communication de cette décision à un demandeur, mais que ce délai peut être prorogé (voir la disposition correspondante en annexe de la présente décision). En l’espèce, la décision de la division générale était datée du 2 juin 2014 et a été envoyée par la poste à la demanderesse ce même jour. La demanderesse a déposé la Demande au Tribunal en février 2015, soit environ huit mois après. Manifestement, ce dépôt a été fait après l’expiration du délai. Il me faut donc déterminer si le délai pour déposer la Demande devrait être prorogé.

[9] Dans l’évaluation d’une demande de prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler, le Tribunal est guidé par les décisions de la Cour fédérale. Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a conclu que les facteurs suivants doivent être pris en considération et évalués pour trancher cette question :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande;
  2. b) le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. c) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  4. d) l’affaire révèle une cause défendable.

[10] Le poids à accorder à chacun de ces facteurs peut varier selon les faits de chaque espèce et, dans certains cas, des facteurs différents pourront être pertinents. La considération première est celle de l’intérêt de la justice – Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[11] En l’espèce, le mari de la demanderesse a affirmé que la Demande avait été déposée tardivement en raison du temps et des efforts que nécessitaient les soins à prodiguer à la demanderesse et des difficultés de cette dernière à prendre des décisions, de ses trous de mémoire, etc. Je suis convaincue qu’il s’agit là d’une explication raisonnable du retard de dépôt de la Demande.

[12] La demanderesse n’a cependant pas présenté d’observations quant à son éventuelle intention persistante de poursuivre la demande. Je ne dispose pas non plus de renseignements m’indiquant si un préjudice serait causé à l’une ou l’autre des parties en cas de poursuite de l’affaire. Il m’est donc impossible d’en arriver à une décision au sujet de ces facteurs.

[13] Je dois aussi déterminer si la demanderesse a présenté une cause défendable. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63. C’est le même critère juridique qui doit être satisfait pour qu’une permission d’en appeler soit accordée, si bien que nous l’examinerons ci-après dans ce contexte.

Permission d’en appeler

[14] L’article 58 de la Loi sur le MEDS énonce les seuls moyens d’appel pouvant être pris en considération pour accorder la permission d’en appeler d’une décision de la division générale (voir cette disposition en annexe). Je dois donc déterminer si la demanderesse a invoqué un moyen d’appel prévu à l’article 58 de cette loi qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[15] Pour étayer sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a cité un certain nombre de lettres et de rapports médicaux qui démontraient que divers organes gouvernementaux, professionnels de la médecine et autres instances avaient conclu qu’elle était invalide. Je ne disconviens pas de leurs conclusions. Cependant, le critère juridique auquel il faut satisfaire pour qu’il soit conclu à une invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada est différent du critère à satisfaire pour être déclaré invalide pour des permis de stationnement, des rénovations domiciliaires ou d’autres aspects. Le fait que d’autres instances gouvernementales aient conclu que la demanderesse est invalide pour leurs fins ne signifie pas nécessairement qu’elle est invalide en vertu du RPC. En outre, la présentation de ces documents ne signale pas d’erreur de fait ou de droit ou de violation des principes de justice naturelle de la part de la division générale. Par conséquent, ce n’est pas un moyen d’appel qui confère une chance raisonnable de succès à l’appel.

[16] La demanderesse a aussi affirmé que ses diagnostics de lupus et de fibromyalgie ne pouvaient être connus à la date de l’audience de 2004 du tribunal de révision car ils n’avaient pas encore été posés. Bien que cela puisse être le cas, cette observation ne signale pas d’erreur ou de violation des principes de justice naturelle de la part de la division générale. Par conséquent, il ne s’agit pas d’un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

[17] La demanderesse a plaidé en outre qu’elle n’avait pas été en mesure de défendre adéquatement sa cause aux audiences de 2004 ou de 2010 du tribunal de révision en raison de la façon dont ces audiences se déroulaient. Elle n’a pas indiqué qu’elle s’était plainte de toute déficience au moment de la tenue de chacune de ces audiences ni n’a cherché à obtenir un redressement légal à cet égard au moment de chaque audience. Dans Mohammadian c. Canada [2000] 3 CF 371, la Cour fédérale a déterminé que les demandeurs devraient être tenus de se plaindre à la première occasion, lorsqu’il est raisonnable de s’y attendre. Dans l’affaire qui nous occupe, à tout le moins, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse se plaigne de ne pas être en mesure de défendre sa cause en 2004 dans sa demande de pension d’invalidité en 2008 ou à l’audience tenue en 2010. Elle ne l’a pas fait.

[18] Je ne suis pas convaincue qu’il y ait eu manquement à la justice naturelle à l’audience de 2010 du tribunal de révision. La demanderesse a affirmé qu’elle n’avait pas été en mesure de défendre pleinement sa cause du fait que son cas [traduction] « ne répondait pas au critère », mais elle n’a pas fourni d’autres détails à ce sujet. La pratique des tribunaux de révision appelés à se pencher sur des demandes fondées sur le paragraphe 84(2) du RPC était d’entendre en premier lieu les éléments de preuve et observations touchant la question de savoir s’il s’agissait de faits nouveaux. S’il était déterminé que ces éléments n’étaient pas des faits nouveaux, l’audience prenait fin. Ce n’est que lorsque le tribunal de révision concluait au caractère nouveau de certains faits qu’il entendait effectivement la preuve et les observations sur la question de l’invalidité. Comme, en 2010, le tribunal de révision a estimé qu’aucun fait nouveau n’avait été présenté, il a clôt l’audience à cette étape. Cela ne constituait pas une violation des principes de justice naturelle. Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’il y ait eu manquement aux principes de justice naturelle à cette audience.

[19] Qui plus est, cet argument n’alléguait pas que la division générale avait violé de quelque façon que ce soit les principes de justice naturelle. En conséquence, il ne s’agit pas d’un moyen d’appel qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[20] D’autre part, la demanderesse a argué que les décisions du tribunal de révision ne mentionnaient pas ses douleurs, lesquelles représentaient une affection invalidante. Cet argument ne soulève pas d’erreur qu’aurait pu commettre la division générale ni de manquement aux principes de justice naturelle de sa part. Ce n’est pas un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès en appel.

[21] Finalement, la demanderesse n’a pas souscrit à certains des arguments avancés par l’intimé aux audiences du tribunal de révision. Une simple déclaration de désaccord avec l’autre partie au litige ne signale pas d’erreur commise par le décideur ni de manquement à la justice naturelle. Au contraire, si les arguments des deux parties n’étaient pas pris en considération par le décideur, il se pourrait qu’il y ait eu un manquement à la justice naturelle. Par conséquent, cet argument ne soulève pas non plus de moyen conférant à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[22] En résumé, bien que la demanderesse ait présenté un certain nombre d’arguments comme moyens d’appel, je ne suis pas convaincue que l’un ou l’autre de ces arguments ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la permission d’en appeler doit être refusée.

[23] J’accorde aussi un plus grand poids à ce facteur pour déterminer s’il y a lieu de proroger le délai pour déposer la Demande à la division d’appel. Il ne serait d’aucune utilité de proroger ce délai étant donné que l’appel n’a pas une chance raisonnable de succès sur le fond.

[24] Bien que la demanderesse ait fourni une explication raisonnable à son dépôt tardif de la Demande, je ne suis pas convaincue qu’elle avait une intention persistante de poursuivre l’affaire. Je ne suis pas non plus en mesure de déterminer si un préjudice serait causé à une partie en cas de poursuite de l’affaire.

[25]  Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et du droit applicable, je ne suis pas convaincue qu’il soit dans l’intérêt de la justice de proroger le délai pour déposer la Demande à la division d’appel.

[26] La Demande est rejetée pour ces motifs.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

57. (1) La demande de permission d’en appeler est présentée à la division d’appel selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :

  1. a) dans le cas d’une décision rendue par la section de l’assurance-emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;
  2. b) dans le cas d’une décision rendue par la section de la sécurité du revenu, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

(2) La division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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