Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

K. L. : appelante

Timothy Cullen : représentant légal de l’appelante

J. T. : observatrice

Introduction

[1] L’appelante avait déjà fait une demande de prestations d’invalidité du RPC le 25 novembre 2008 et cette demande avait été rejetée. Elle n’en a pas appelé de cette décision. Sa plus récente demande de prestations d’invalidité du RPC, qui forme le fondement du présent appel, a été estampillée par l’intimé le 29 décembre 2010. L’intimé a rejeté la demande au départ ainsi qu’à l’étape de la révision, et l’appelante a interjeté appel de ces décisions auprès du Bureau du commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[2] L’audience relative au présent appel a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes : i) la vidéoconférence est offerte dans la région où l’appelante réside; ii) il y a des incohérences dans les renseignements figurant au dossier et/ou un besoin de clarification; iii) le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 stipule que les appels déposés au BCTR avant le 1eravril 2013 et que le BCTR n’a pas encore entendus sont réputés avoir été déposés auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (RPC) établit les critères d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être agé de moins de 65 ans;
  2. b) ne toucher aucune pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’invalidité grave et prolongée au plus tard à la date où la PMA prend fin.

[6] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une incapacité physique ou mentale qui est grave et prolongée. On considère qu’une personne est atteinte d’invalidité grave si elle est incapable d’exercer régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle durera vraisemblablement pendant une longue période, si elle sera continue et indéfinie ou si elle entraînera vraisemblablement le décès.

Question en litige

[7] Il n’y avait aucune question en litige concernant la PMA, car les parties se sont entendues et le Tribunal constate que la PMA a pris fin le 31 décembre 2010.

[8] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2010 ou avant cette date.

Preuve

Preuve documentaire

[9] Dans son questionnaire du RPC daté du 8 mars 2011, l’appelante a indiqué qu’elle avait arrêté de travailler le 25 juin 2008 après avoir obtenu un congé médical. Elle travaillait depuis le 5 juillet 1993 en tant que technicienne de services à l’enfance. Elle a dit qu’elle souffrait de stress, de dépression, de douleurs au dos et aux articulations, de maux de tête, d’étourdissements et d’un manque de sommeil. Elle a déclaré que ses jambes et ses genoux enflaient à cause de l’arthrite et qu’elle avait des sifflements d’oreilles en permanence. Elle souffre également d’une cataracte à l’œil droit et se sent fatiguée la plupart du temps. Elle ne peut pas soulever d’objets, s’accroupir, s’asseoir ou rester debout durant de longues périodes de temps, et elle utilise une canne et parfois un déambulateur. En 2009, elle a eu un léger accident vasculaire cérébral. Elle a aussi des problèmes gastriques intermittents. De 2006 à 2009, elle est allée à l’hôpital plusieurs fois en raison de crises de panique. On lui a prescrit du Tylenol, du Nexium, du Citalopram et de la Quinine pour des crampes aux jambes. Elle a reçu des consultations au St. Michael’s Hospital, a fait de la méditation fondée sur la pleine conscience, a suivi une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) fondée sur la pleine conscience et a consulté le Dr Sokolov, un psychiatre, à la clinique des troubles d’humeur du Center for Addiction and Mental Health (CAMH).

[10] Au soutien de sa demande initiale de prestations d’invalidité du RPC, l’appelante a rempli un questionnaire daté du 19 novembre 2008. Elle y a indiqué qu’elle souffrait de stress et de dépression, de douleurs au dos et d’enflure aux genoux, qu’elle était incapable de se concentrer et perdait la mémoire, que la tête lui tournait et qu’elle avait des douleurs à l’estomac. Elle a déclaré qu’elle ne pouvait pas soulever les enfants à son travail, ni s’accroupir ou se pencher, qu’elle était incapable de se concentrer, et qu’elle perdait le sens de l’orientation et avait des crises de paniques lorsqu’elle était frustrée. Elle a mentionné qu’elle était capable de s’asseoir ou de rester debout pendant 30 minutes, qu’elle marchait durant 30 minutes à une heure, qu’elle transportait des objets de quatre kilos et demi sur de courtes distances et qu’elle avait de la difficulté à atteindre des objets et à se pencher. On lui a prescrit du Pariet, du Celexa, du Celebrex et du Tylenol.

[11] L’appelante est née en 1952 et elle détient un diplôme en éducation de la petite enfance (EPE).

[12] Le 10 décembre 2010, la Dre Barbara Vari, médecin de famille, a rempli le rapport médical du RPC au soutien de la demande actuelle de prestations d’invalidité du RPC. Elle y a déclaré qu’elle connaissait l’appelante depuis deux ans et demi, et que celle-ci avait reçu un diagnostic 1) de dépression et de troubles de stress post-traumatique (TSPT) et 2) d’arthrose. La Dre Vari a affirmé que l’appelante ne pourrait pas travailler pendant plus de deux ans en raison d’une dépression principalement liée à un milieu de travail stressant et au harcèlement qu’elle avait subi pendant plusieurs années, mais que cela était peut-être aussi imputable à des traumatismes subis dans le passé à cause de la guerre. L’appelante a aussi reçu un diagnostic de douleurs au dos et aux genoux liées à de l’arthrose. Selon la Dre Vari, l’appelante a de la difficulté à se pencher, à soulever des objets, à s’accroupir et à s’asseoir pour de longues périodes de temps. Elle a indiqué que l’appelante pleurait beaucoup, se sentait coupable et tourmentée, qu’elle avait de la difficulté à prendre des décisions et qu’elle souffrait de plusieurs troubles d’ordre somatique. On lui avait prescrit du Cipralex et du Tylenol, elle avait fait de la physiothérapie et cela avait quelque peu amélioré son état, elle recevait des consultations de la part d’une travailleuse sociale (ce qui n’avait guère amélioré son état) et elle avait pris des antidépresseurs, ce qui ne l’avait pas beaucoup aidée non plus. La Dre Vari a dit que le pronostic était mauvais/réservé. Elle a déclaré qu’en dépit des efforts [traduction] « consciencieux » qu’elle faisait pour améliorer son état, l’appelante n’avait fait que « des progrès négligeables ». La Dre Vari a indiqué [traduction] : « je crains qu’il sera difficile pour elle de se remettre complètement de ses problèmes de santé en raison des traumatismes qu’elle a subis dans le passé à cause de la guerre, du harcèlement dont elle a ensuite été l’objet pendant longtemps et des mauvaises conditions de travail liées à son dernier emploi. »

[13] Le 1er octobre 2009, le Dr Selchen (neurologie) a vu l’appelante pour lui faire subir une évaluation neurologique. Selon lui, l’appelante était en congé depuis juin 2008 en raison d’une dépression, d’anxiété et de douleurs aux genoux et au dos. Elle s’était infligé une blessure au travail en 2005, avait eu certains ennuis avec ses genoux et, selon elle, avait subi de la discrimination de la part de son employeur jusqu’à ce qu’elle quitte cet emploi. Elle avait vu le Dr Bayer l’hiver précédent étant donné qu’elle vivait des épisodes de symptômes qu’elle a vaguement décrits, et qui selon le Dr Selchen correspondent à [traduction] « un éventail plutôt large d’autres phénomènes somatiques. » Même si une investigation intensive a été effectuée, rien de précis n’a été découvert. L’examen neurologique auquel le Dr Selchen a soumis l’appelante s’était révélé normal. Il n’a pas jugé qu’elle souffrait d’une maladie vasculaire grave ou que les épisodes qu’elle avait vécus étaient des accidents ischémiques transitoires (AIT). Il a indiqué que ses problèmes étaient surtout liés à de l’anxiété.

[14] Le 30 décembre 2009, le Dr Chapnik, un otorhinolaryngologiste, a vu l’appelante pour des maux de tête sur le côté droit et des épisodes d’étourdissements ainsi qu’un acouphène persistant, toujours sur le côté droit. L’examen otorhinolaryngologique n’a révélé aucun problème. Tant le conduit auditif externe que la membrane du tympan étaient intacts et les deux pavillons d’oreilles étaient bien ventilés. L’appelante souffrait d’une légère perte auditive sensorielle semblable à celle mesurée à l’aide d’un audiogramme en 1997. À cause des étourdissements, on a pris des arrangements pour procéder à un électronystagmogramme afin d’examiner la fonction d’équilibre. Une IRM de la tête fut aussi prévue.

[15] Selon un rapport de congé accordé selon la progression de la physiothérapie daté du 4 janvier 2010, on a fait faire des exercices d’étirement et de renforcement à l’appelante. Son état s’était quelque peu amélioré. Lorsqu’elle a obtenu son congé, elle a montré qu’elle comprenait comment augmenter le niveau de difficulté de ses exercices et elle a déclaré que son état s’était amélioré, globalement, de 49 pour cent. Elle a indiqué qu’elle était capable de s’asseoir pendant plus d’une heure et de faire plus d’activités physiques qu’avant. Lors de son départ, on lui a prescrit un programme d’activités à domicile.

[16] Une IRM de la tête et du cou a été réalisée le 30 janvier 2010 en raison de la présence d’un acouphène pulsatile sur le côté droit, d’étourdissements temporaires et de maux de tête (aussi sur le côté droit). Aucune lésion de l’angle ponto-cérébelleux n’a été détectée.

[17] Le 19 février 2010, la Dre Laurence Rubin a vu l’appelante pour une consultation relative à des douleurs bilatérales aux genoux et à la poursuite du traitement à base d’Actonel. L’appelante a continué de se plaindre de douleurs qui affectaient principalement son genou droit et à cause desquelles elle avait de la difficulté à utiliser les escaliers et à passer d’une position assise à une position debout. Ces douleurs étaient intermittentes et la physiothérapie n’a pas vraiment permis de les éliminer. La Dre Rubin a noté que l’appelante a continué de se soumettre à un programme d’exercice autonome qui comportait une séance de natation quotidienne. Un examen a révélé que la démarche de l’appelante sur une distance de 20 mètres était conforme aux limites fonctionnelles normales et que l’amplitude de mouvement de sa colonne lombaire était pleine et non restreinte. L’amplitude de mouvement bilatérale des hanches était elle aussi conforme aux limites fonctionnelles normales. Sa hanche droite avait une amplitude de mouvement de 3 à 135 degrés sur le plan de la flexion, le tout accompagné de crépitations rétropatellaires modérées et d’une légère effusion sur le côté droit. La plupart des problèmes, tant sur le plan fonctionnel qu’en ce qui concerne la douleur au genou droit, étaient imputables à de l’arthrose patello-fémorale. Selon la Dre Rubin, l’appelante pourrait profiter d’une injection de stéroïdes intraarticulaire. L’appelante voulait recevoir ce traitement et la Dre Rubin lui a injecté du Depo-medrol dans le genou droit. Comme elle présentait un faible risque de fracture, la Dre Rubin lui a conseillé de cesser de prendre de l’Actonel.

[18] Le 27 avril 2010, la Dre Rubin et le Dr Goligher ont vu l’appelante afin de faire un suivi. L’appelante a mentionné que l’injection précédente de corticostéroïdes dans son genou droit avait fait régresser ses symptômes d’environ 20 % durant une brève période de temps. Quoi qu’il en soit, elle a continué de souffrir de douleurs marquées aux genoux. Globalement, l’appelante croyait que son état avait empiré. Elle s’est plainte de douleurs aux mains sur le dessus des pouces et a précisé que le côté droit était plus douloureux que le gauche. Selon les Drs Rubin et Goligher, l’appelante présentait une symptomatologie et des problèmes liés à son invalidité qui empiraient progressivement et qui étaient imputables à de l’arthrose patello-fémorale bilatérale. Cet état semblait aussi être associé aux articulations carpo-métacarpiennnes de ses mains. Ils ont expliqué qu’une intervention chirurgicale n’était pas très efficace pour ce type de pathologie. Mais ils ont toutefois indiqué qu’ils enverraient l’appelante au service d’orthopédie pour qu’on l’évalue et qu’on envisage de lui faire passer une arthroscopie et de la soumettre à un débridement. Ils ont aussi recommandé qu’elle augmente sa dose de Tylenol Extra fort à six comprimés par jour au besoin.

[19] Le 23 juin 2010, le Dr Waddell a vu l’appelante pour étudier la possibilité de lui faire passer une arthroscopie du genou gauche afin de déterminer si elle souffrait du syndrome de la douleur patello-fémorale. Il a déclaré qu’elle a mentionné que son genou gauche était douloureux et enflé depuis deux ou trois ans et qu’il craquait et bloquait. Elle avait aussi ressenti de la douleur au bas du dos et fait de la physiothérapie pour régler ce problème. Même si la Dre Rubin lui avait fait une injection dans le genou au début de 2010, l’appelante a indiqué que son état n’avait pas changé ni ne s’était amélioré de façon marquée après cette injection. Ses symptômes empiraient lorsqu’elle utilisait un escalier ou qu’elle passait d’une position assise à la position debout. Selon le Dr Wadell, l’appelante a déclaré que même si son genou l’incommodait dans une certaine mesure, [traduction] « cela ne lui avait pas trop nui au travail. » Un examen a révélé qu’elle marchait sans utiliser d’accessoire fonctionnel, que sa démarche était essentiellement normale, qu’elle était capable de s’accroupir complètement en partant de la position debout sans difficulté apparente, et que sa colonne lombaire avait une amplitude de mouvement complète et ne la faisait pas souffrir ni ne l’incommodait. Elle a aussi réussi à lever ses jambes. Ses genoux présentaient une excellente amplitude de mouvement bilatérale et elle ressentait une légère douleur dans le genou gauche en fin de course au niveau rétropatellaire. Elle avait une légère effusion au niveau du genou gauche avec des crépitations rétropatellaires et elle a subi un test de Clark s’étant soldé par un résultat positif. Le Dr Waddell a indiqué ce qui suit :

[Traduction] « En résumé, nous avons affaire à une dame de 58 ans atteinte d’arthrose patello-fémorale au genou gauche et ne réagissant pas à des mesures conservatrices et à l’injection de stéroïdes. L’examen physique qu’elle a subi aujourd’hui a révélé une excellente amplitude de mouvement et des troubles minimes se résumant à une légère effusion et un test de manœuvre du rabot s’étant soldé par un résultat positif (...). Avant d’envisager de lui faire passer une arthroscopie, nous avons décidé de la soumettre à un examen par IRM du genou gauche afin de déterminer s’il y a une pathologie ou un problème interne qui pourrait être géré à l’aide d’une arthroscopie. Nous ne croyons pas qu’elle soit candidate pour quelque chose de plus sérieux que cela (...). »

[20] Le 8 décembre 2010, la Dre Vari a envoyé une lettre à la société d’assurance invalidité de l’appelante. Elle y indiquait que l’appelante continuait de souffrir « grandement » de dépression, d’anxiété et probablement de TSPT. Selon la Dre Vari, les symptômes de l’appelante étaient étroitement liés à des difficultés qu’elle avait eues dans le cadre de son dernier emploi dans une garderie où ses interactions avec la direction avaient été extrêmement stressantes et traumatisantes. Elle a aussi souffert d’arthrose ayant entraîné des douleurs bilatérales aux genoux et au bas du dos. D’autres symptômes intermittents comprennent des maux de tête, des paresthésies, des étourdissements et de la faiblesse. Ces symptômes étaient souvent associés à de la dépression et de l’anxiété. La Dre Vari ne croyait pas que l’appelante allait pouvoir travailler. À cause de sa dépression et de son anxiété, elle souffrait de troubles émotifs, elle pleurait sans raison, elle présentait un niveau d’énergie et de concentration diminué, elle se fatiguait rapidement et avait très peu de réserves pour gérer le stress. La Dre Vari a déclaré ce qui suit : [traduction] « Elle a des attentes passablement élevées envers elle-même et à cause de sa fragilité émotive, je crains qu’elle ne tente de retourner travailler prématurément et que cela l’expose à un échec et la replonge dans la dépression. » Toujours selon la Dre Vari, l’appelante ne serait pas physiquement capable de retourner travailler, car elle ne pourrait pas soulever d’enfants ni s’accroupir aussi souvent que les techniciennes doivent le faire durant leur journée de travail. La Dre Vari a indiqué qu’elle avait changé la médication de l’appelante et qu’elle l’avait envoyée à la clinique des troubles de l’humeur du CAMH pour qu’elle y subisse une évaluation psychiatrique formelle, et à une clinique de psychothérapie communautaire pour qu’elle y obtienne un soutien pour ce type de thérapie.

[21] Le 6 janvier 2011, la Dre Vari a indiqué que l’appelante avait été incapable de travailler depuis juin 2008 pour des raisons d’ordre médical et qu’elle n’était pas non plus en mesure d’exécuter les tâches attribuées à une éducatrice de la petite enfance. Le pronostic quant à une amélioration importante de son état qui lui permettrait de retourner travailler n’était guère encourageant.

[22] Le 10 janvier 2011, le Dr Stephen Sokolov, psychiatre au CAMH, a évalué l’appelante à la clinique des troubles de l’humeur. L’appelante a mentionné qu’elle prenait de l’Escitalopram depuis trois mois et qu’avant cela, elle avait pris du Citalopram durant plusieurs années. Elle a aussi indiqué qu’elle présentait des symptômes de TSPT depuis qu’elle avait vécu au Vietnam et qu’elle faisait des cauchemars et avait des flashbacks et des crises de panique. Elle présentait également des symptômes d’hypervigilance et d’hyperexcitation. Selon le Dr Sokolov, l’appelante n’avait jamais été traitée à l’aide de médicaments expressément pour des TSPT. Environ cinq ou six ans plus tôt, elle avait vécu un conflit au travail et subi du harcèlement de la part de son employeur. Depuis lors, elle n’avait pas travaillé et les symptômes liés à ses humeurs et son anxiété ont empiré. Elle a dit qu’elle souffrait de dépression, que son sommeil était souvent interrompu et qu’elle dormait donc moins, qu’elle avait aussi moins d’appétit, qu’elle avait beaucoup de difficulté à se concentrer, et qu’elle souffrait d’anhédonie, de fatigue, d’un ralentissement de ses fonctions cognitives et d’agitation marqués. Dans le cadre d’un inventaire rapide des symptômes de la dépression, on a déterminé qu’elle était modérément déprimée. Elle souffrait aussi d’anxiété et d’inquiétude généralisées marquées. Dans le cadre de l’Inventaire d’anxiété de Beck, elle a aussi obtenu la cote « modérée à grave » pour ce qui est de l’anxiété et on a établi qu’elle souffrait d’anxiété sociale et de comportements d’évitement social marqués. Elle a aussi eu de graves crises de paniques qui ont été partiellement atténuées grâce à des antidépresseurs. Elle avait auparavant obtenu une consultation et son état avait été évalué à la clinique des troubles de l’humeur du Toronto Western Hospital (TWH) et on l’avait mise dans un groupe d’accession à la pleine conscience. Plus récemment, elle s’est fait suivre au sein d’un groupe au service de psychiatrie du St. Michael’s Hospital. Selon le Dr Sokolov, l’appelante répondait à des critères permettant d’établir qu’elle souffrait de troubles dépressifs majeurs chroniques et modérément graves. Elle répondait aussi aux critères associés aux TSPT, ce qui correspond probablement au premier diagnostic posé à son endroit. Même si elle avait quelque peu réagi à un antidépresseur, il est probable qu’elle n’a pas eu une réaction complète pour le motif que la dose était trop faible. Le Dr Sokolov a suggéré que l’on augmente sa dose d’Escitalopram à 30 mg et qu’on envisage de renvoyer son cas au Centre Canadien pour les Victimes de Torture.

[23] Un examen par ultrasons effectué le 16 mars 2011 a révélé une déchirure du tendon sus-épineux sur toute son épaisseur ainsi que la présence d’une tendinose résiduelle des tendons sus-épineux et sous-épineux, d’une tendinose bicipitale et d’un excédent de liquide séreux sous-deltoïdien et sous-acromial associé à une bursite.

[24] Le 16 juin 2011, le Dr Hall a vu l’appelante pour une consultation en soins ambulatoires relative à un membre supérieur. Il a précisé qu’elle était une femme de 59 ans qui souffrait de douleurs à l’épaule droite depuis environ cinq ans. Elle a mentionné que son amplitude de mouvement avait diminué, que son bras avait enflé et qu’elle avait déjà fait de la physiothérapie et pris des anti-inflammatoires mais qu’elle n’avait pas reçu d’injections de stéroïdes. Selon le Dr Hall, l’appelante avait des antécédents médicaux donnant à penser qu’elle avait eu un accident vasculaire cérébral et fait de la dépression, et elle a elle-même dit qu’elle avait souffert de faiblesse faciale du côté droit dans le passé. L’examen a révélé qu’elle jouissait d’une amplitude de mouvement presque complète, mais qu’elle souffrait d’un arc douloureux passif et de sensibilité liée au stress au niveau de l’épaule. Des tests effectués sur la coiffe des rotateurs ont révélé que les coiffes sus-épineuse et postérieure étaient faibles et douloureuses. Elle montrait aussi des signes de troubles au niveau bicipital. Un examen de son imagerie donnait à penser que le tendon sus-épineux présentait une déchirure d’un centimètre sur toute son épaisseur. Le Dr Hall a suggéré que l’on effectue une intervention chirurgicale. Comme l’appelante semblait avoir des réticences à ce sujet, le Dr Hall a recommandé qu’elle continue de faire de la physiothérapie pour accroître son amplitude de mouvement et d’accomplir des exercices de renforcement de l’épaule. Il a déclaré qu’il la reverrait dans trois ou quatre mois.

[25] Une endoscopie digestive haute effectuée en août 2011 a confirmé une petite quantité de reflux. Le même mois, un examen de la thyroïde par ultrasons a révélé la présence de plusieurs nodules thyroïdiens.

[26] Le 1er août 2011, la Dre Vari a envoyé une lettre à l’intimé. Elle y déclarait que l’appelante continuait de souffrir grandement de dépression, d’anxiété et probablement de TSPT. Ses problèmes étaient étroitement liés à des difficultés qu’elle avait eues dans le cadre de son dernier emploi dans une garderie où ses interactions avec la direction avaient été extrêmement stressantes et traumatisantes. Elle a continué de consulter une travailleuse sociale et de faire de la méditation fondée sur la pleine conscience. Elle a été évaluée au CAMH, où on lui a recommandé de trouver des ressources pour de la thérapie continue et d’augmenter sa dose d’antidépresseur. Quoi qu’il en soit, selon la Dre Vari, l’appelante ne pouvait pas tolérer de doses d’antidépresseur plus élevées et elle avait de la difficulté à trouver des ressources pour de la thérapie continue. Elle avait récemment reçu un diagnostic de déchirure de la coiffe du rotateur sur toute son épaisseur, cela ayant entraîné de graves douleurs et blocages au niveau de l’épaule. On lui avait offert de subir une intervention chirurgicale, mais elle a décidé d’essayer d’abord un traitement conservateur. La douleur ne s’est pas atténuée et la Dre Vari a déclaré qu’elle avait décidé de demander au chirurgien d’inscrire l’appelante sur une liste d’attente. La Dre Vari a noté que durant plusieurs années, l’appelante avait présenté des symptômes sur le côté droit de son corps. Certains de ces symptômes semblaient corroborer le diagnostic de névralgie faciale, ce trouble ayant entraîné des douleurs faciales, des maux de tête, des engourdissements et des picotements. L’appelante a vu son état s’améliorer quelque peu lorsqu’elle a pris du Gabapentin. Elle a aussi souffert d’arthrose lui ayant causé de la douleur aux deux genoux, au bas du dos et aux jambes de façon générale. Toujours selon la Dre Vari, l’appelante ne serait pas capable de retourner travailler et de s’occuper d’enfants puisqu’elle ne pourrait rien soulever, ni s’accroupir. Sa dépression, son anxiété et ses douleurs chroniques ont fait chuter son niveau d’énergie et de concentration. Elle se fatigue facilement, a peu de réserves pour gérer le stress, elle souffre de troubles émotifs et elle pleure sans raison. La Dre Vari a déclaré ce qui suit : [traduction] « Elle a des attentes passablement élevées envers elle-même et à cause de sa fragilité émotive, je crains qu’elle ne tente de retourner travailler prématurément et que cela l’expose à un échec et la replonge à nouveau dans la dépression (et je peux vous assurer que j’ai déjà vu cela chez d’autres patients). » Elle a aussi ajouté ce qui suit : « (l’appelante) est une citoyenne très consciencieuse et elle possède une solide éthique de travail. Même si elle fait de grands efforts pour améliorer son état afin de pouvoir retourner travailler, compte tenu des exigences physiques et psychologiques en cause, je ne crois pas qu’elle pourrait reprendre son travail. »

[27] Le 3 octobre 2011, J. T., coordonnatrice de la section locale 2484 du SCFP a rédigé une lettre dans laquelle elle indiquait qu’elle connaissait l’appelante depuis plus de 15 ans. Elle considérait que cette dernière était une personne honnête et fiable possédant une solide éthique de travail. Mme J. T. a aussi mentionné qu’elle a travaillé de près avec l’appelante pour préparer sa demande de prestations d’invalidité de longue durée et son appel. Elle a été témoin du fait que l’appelante n’était pas en mesure de chercher un emploi ou de suivre une nouvelle formation. Elle a aussi pu constater à plusieurs reprises que l’appelante était incapable de fonctionner. Selon Mme J. T., l’appelante a eu des épisodes de dépression et d’anxiété lors desquels elle a eu de la difficulté à dormir ou à se concentrer. Elle ressentait souvent de la douleur et elle avait de la difficulté à rester debout, à s’asseoir ou à marcher pendant de longues périodes de temps. Elle présentait un niveau d’anxiété intense et a été incapable de faire abstraction des expériences qu’elle a vécues chez son ancien employeur. Elle a dû annuler des rendez-vous plusieurs fois à cause de douleurs et de picotements dans ses jambes. Elle avait fait du bénévolat à la section locale, mais sa disponibilité était extrêmement limitée par sa santé.

[28] Un rapport de cytopathologie daté du 18 octobre 2011 a confirmé la présence d’un goitre nodulaire.

[29] Le 30 mars 2012, le Dr Halman, un psychiatre, a évalué l’appelante. Selon l’appelante, son principal objectif était de trouver une approche non médicale pour traiter sa maladie mentale. Elle a indiqué qu’elle était d’humeur maussade et que ses symptômes de TSPT avaient empiré depuis qu’elle avait arrêté de travailler en 2008. Elle a dit qu’elle dormait mal, que son niveau d’énergie était passable, qu’elle avait peu d’appétit, qu’elle avait de la difficulté à se concentrer et que sa mémoire était déficiente. Elle espérait retourner travailler dans le futur et a nié avoir eu quelque idée suicidaire que ce soit. Le Dr Halman a mentionné que l’appelante avait des symptômes marqués de TSPT qui avaient persisté et empiré durant les trois dernières années. Il a déclaré que les conflits qu’elle avait vécus dans son ancien milieu de travail avaient été le déclencheur de ces problèmes et qu’elle avait eu l’impression de se retrouver [traduction] « à nouveau en état de guerre ». Elle avait des flashbacks et elle revivait l’expérience des champs de bataille du Vietnam. Elle s’est rendue compte qu’elle était tendue et hypervigilante dans les lieux publics et qu’elle avait parfois des symptômes dissociatifs de déréalisation et dépersonnalisation. Elle a aussi présenté certains symptômes d’anxiété généralisée et elle a eu une série de crises de paniques, mais elle estimait qu’elle les maîtrisait grâce à des exercices de méditation. À l’issue d’une évaluation, le Dr Halman a déclaré que depuis qu’elle s’était fait harceler dans son lieu de travail, son état mental avait beaucoup changé, elle se sentait déprimée de manière persistante et elle souffrait de symptômes de TSPT qui s’aggravaient. Le Dr Halman a posé un diagnostic de troubles dépressifs majeurs et de TSPT, il a rejeté la possibilité d’un trouble d’anxiété généralisée et il a établi une cote de 60 pour l’EGF. Il a déclaré que le Cipralex rapportait certains avantages et il a par ailleurs noté que l’appelante déciderait peut-être d’arrêter d’en prendre. Le Dr Halman a indiqué que l’appelante profiterait d’une réduction continue du stress fondée sur la pleine conscience et d’une TCC, et qu’elle aurait aussi intérêt à consulter une travailleuse sociale. Il l’a aussi encouragée à être active dans sa collectivité (marche, natation, bénévolat, etc.).

Témoignage de vive voix

[30] L’appelante a enseigné au secondaire au Vietnam pendant 14 ans. Elle a étudié à l’Université de Saigon et y a obtenu un diplôme en 1975, soit l’année lors de laquelle le gouvernement vietnamien a été renversé. Son père a été emprisonné au Vietnam durant quatre ans. En 1989, son père, qui vivait alors au Canada, était en train de mourir d’un cancer. L’appelante est venue au Canada grâce à un permis du ministre et elle est devenue résidente permanente le 5 avril 1989.

[31] Lorsqu’elle s’est établie au Canada, elle croyait qu’elle pourrait oublier ses expériences passées. Elle avait entre autres vu son frère mourir devant la famille et sa sœur perdre la vie durant la guerre au Cambodge. Elle voulait enseigner au secondaire, mais elle faisait face à un obstacle d’ordre linguistique. Elle est allée à l’école le soir pour apprendre l’anglais et elle a commencé à travailler dans une manufacture environ trois semaines après son arrivée au Canada. Elle a travaillé dans cette manufacture durant environ un an. Elle a aussi essayé de travailler dans un café, mais elle était allergique à la fumée de cigarette. Elle ne croyait pas qu’elle pourrait enseigner au secondaire en raison de l’obstacle de la langue et de son manque de connaissances. Elle s’est donc surtout employée à œuvrer auprès des enfants. Elle a travaillé pendant un an comme assistante dans une garderie. Elle a fréquenté le George Brown College pendant deux ans et y a obtenu son certificat en EPE. Elle a été engagée dans une autre garderie où elle a travaillé de 1993 à 2008 avant d’obtenir un congé médical.

[32] Comme technicienne de services à l’enfance, elle s’occupait des enfants. Cet emploi comportait un aspect physique. Par exemple, elle devait soulever des enfants et changer des couches.

[33] En 2005, elle s’est blessée à la garderie. Elle jugeait que cette garderie était mal gérée et sale. La direction l’a harcelée et surveillée, et l’a mise dans une position gênante et irritante. Des gens l’ont accusée de choses dont elle n’était pas responsable afin de [traduction] « la pousser à démissionner ». Elle a subi du harcèlement pendant trois ans et cela lui a occasionné du stress. Chaque fois qu’elle rencontrait les dirigeants et qu’ils portaient de fausses accusations contre elle, elle avait l’impression que son milieu de travail était une [traduction] « zone de guerre ». Elle avait des flashbacks de ses expériences au Vietnam. Elle a dit que le lieu de travail était « toxique ». Elle n’arrivait pas à dormir. Lors de rencontres avec la direction, elle avait dû prendre un médicament sublingual afin de se calmer.

[34] Durant la période allant de 2005 à 2008, son médecin lui a prescrit une médication, qui l’a fait se sentir comme une « zombie ». Quoi qu’il en soit, elle a essayé de se concentrer sur les enfants et son emploi. Même si elle a pris des photos et filmé des vidéos de la garderie qu’elle a montrées à la Santé publique, ses plaintes n’ont jamais été traitées. Son stress a continué d’augmenter.

[35] Lorsqu’elle ressentait de la douleur, elle prenait du Celexa et du Celebrex. Elle a aussi pris du Cipralex et du Nexium. Elle n’arrivait pas à dormir et elle est allée travailler alors qu’elle se sentait fatiguée. Compte tenu de son état, elle estimait qu’elle n’aurait pas dû être au travail. Elle n’avait pas encore consulté de psychiatre ou de psychologue.

[36] Elle a envisagé de se chercher du travail ailleurs. Mais elle avait investi beaucoup d’efforts dans son emploi à la garderie. Elle a néanmoins fait une demande d’emploi dans une autre garderie et elle a été convoquée à une entrevue, mais elle n’a pas obtenu le poste. Selon l’appelante, cet employeur potentiel était au courant de ce qui se passait dans la garderie où elle travaillait.

[37] À un certain moment, elle a pris une semaine de congé et son médecin lui a dit de prendre plutôt un congé d’un mois. Un gestionnaire l’a appelée chez elle et a porté de fausses accusations contre elle. À cause du harcèlement, elle ressentait de la colère, avait des flashbacks et faisait des cauchemars. Elle avait l’impression qu’elle pourrait se faire du mal à elle-même ou causer du tort à d’autres, mais elle s’est rendu compte qu’elle devait donner le bon exemple aux enfants. Son médecin lui a recommandé de penser aux effets à long terme sur sa santé et en juin 2008, elle a pris un congé de maladie. Elle a eu des accès d’anxiété ainsi qu’un mini-accident vasculaire cérébral. Son neurologue lui a dit que ce n’était pas une bonne idée pour elle de retourner travailler et que [traduction] « la prochaine fois, ça pourrait être très grave. » Elle n’est jamais retournée travailler à la garderie. Bien qu’elle ait dit qu’elle était intéressée à aller travailler dans une autre succursale des services à l’enfance, le directeur s’y est opposé.

[38] Après son mini-accident vasculaire cérébral, elle a fait de la physiothérapie et consulté des médecins. Ces activités représentaient l’équivalent d’un emploi à temps plein.

[39] Elle ne pouvait pas marcher convenablement. Elle a demandé à son médecin si elle pouvait utiliser un scooter. Il lui a dit qu’elle devait marcher tous les jours. Elle avait besoin de faire de la physiothérapie et d’utiliser un déambulateur et une canne à cause de ses genoux. Elle croit que les médicaments l’ont rendue malade et lui ont occasionné des reflux gastriques. Elle croit aussi qu’elle a subi une perte osseuse à cause de ces médicaments et qu’ils l’ont rendue fragile. Le médecin a fait une injection dans son genou et elle a fini par souffrir d’une cataracte ayant requis une intervention chirurgicale.

[40] Les traitements, les médicaments et la physiothérapie n’ont pas permis d’améliorer son état physique. Elle peut marcher sans l’aide d’une canne pour de courtes périodes de temps. Elle pratique la pleine conscience, elle a vu des spécialistes et elle affirme que dans une certaine mesure, elle est plus calme. Toutefois, lorsqu’elle pense au travail, elle continue, selon ses dires, de ressentir de l’anxiété. À cause de sa dernière expérience de travail, elle a peur de se retrouver dans un nouveau lieu de travail.

[41] Ses mains la font souffrir et elle échappe des choses. Elle ne peut pas s’accroupir ni se pencher à cause de ses genoux et elle a des problèmes avec ses yeux. Elle ne croit pas qu’un employeur pourrait comprendre sa situation ou lui permettre de prendre des congés de maladie au besoin.

[42] Depuis 2013, elle fait de la thérapie de groupe tous les mois. Elle peut communiquer avec sa travailleuse sociale à tout moment.

[43] Elle a encore des flashbacks à l’occasion, mais pas aussi souvent qu’en 2010-11. Elle se sent moins seule et moins menacée, car elle sait que d’autres personnes sont dans la même situation qu’elle.

[44] Elle ne croit pas qu’elle pourrait retourner travailler. Le seul fait d’y penser la rend anxieuse. Un jour, J. T. l’a amenée dans un congrès de services à l’enfance où elle était censée s’occuper d’enfants. Elle a eu un accès d’anxiété et a dû se rendre à l’hôpital.

[45] D’autres éléments qui déclenchent de l’anxiété incluent le fait de penser aux pressions du travail. Elle sait qu’elle ne peut pas répondre aux attentes en matière de rendement. Les reportages d’actualité présentés aux nouvelles la rendent également anxieuse. Pendant plusieurs années, elle n’avait pas de téléviseur.

[46] Elle essaie de vaquer à ses occupations quotidiennes. Lorsqu’elle se lève le matin, elle fait de l’exercice et pratique la pleine conscience. Cela l’aide plus que des médicaments et lui évite de subir des effets secondaires tels que la bouche sèche, les étourdissements, etc. Lorsqu’elle se sent bien, elle sort. Sinon, elle reste à l’intérieur. Elle ne peut prévoir comment elle se sentira d’un jour à l’autre et cela peut dépendre de la température et de son sommeil. Elle souffre d’apnée du sommeil et recourt au procédé de ventilation spontanée en pression positive continue (CPAP). Même si ce procédé l’aide, elle ressent parfois des picotements dans ses jambes.

[47] Son médecin et sa travailleuse sociale lui ont conseillé de faire du bénévolat. Lorsqu’elle est arrivée au Canada, elle faisait du bénévolat pour la Croix-Rouge et la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC. Elle fait actuellement du bénévolat à Out of the Cold. Ce faisant, elle se rend compte qu’elle n’est pas seule. Il y a eu des jours où il lui est arrivé de projeter de faire du bénévolat mais d’y renoncer à cause de son état. Comme bénévole, elle n’est pas tenue de téléphoner à un employeur pour lui dire qu’elle est malade, d’expliquer son absence ou de travailler en se conformant à un horaire et à des exigences en matière de rendement.

[48] Son médecin de famille l’a dissuadée de retourner travailler, car cela pourrait aggraver son état.

[49] Elle a suivi les recommandations de son médecin. Bien que son spécialiste lui ait recommandé d’augmenter sa dose de médicaments, elle est affectée par les effets secondaires de ceux-ci. Et même si le Dr Hall lui a recommandé de se faire opérer au niveau de la coiffe du rotateur, elle veut remettre cela à plus tard. Elle a vu des gens [traduction] « se faire ouvrir » au Vietnam et à cause de cela, elle ne veut pas subir d’intervention chirurgicale. Elle aimerait mieux faire de la physiothérapie et suivre un traitement de chiropractie. Depuis trois ans, elle se fait traiter toutes les deux semaines à la clinique de chiropractie du St. Michael Hospital. Elle fait aussi des exercices à domicile tous les jours et participe à un programme d’aquaforme.

[50] Elle prend du Nexium au besoin pour traiter un problème de reflux. Elle essaie de bien manger, de faire de l’exercice et de pratiquer la pleine conscience. Elle ne prend aucun autre médicament pour sa dépression et le stress. L’approche axée sur la pleine conscience qu’elle met en pratique pour gérer ses ennuis de santé lui procure plus de bienfaits que des médicaments. Son médecin approuve cette approche. Les médicaments la faisaient se sentir comme une « zombie » et elle ne pouvait pas fonctionner.

[51] En réponse aux questions du Tribunal, l’appelante a précisé qu’elle ne veut pas se faire opérer à l’épaule et que cela serait une solution de dernier recours. Elle a administré les premiers soins à des gens au Vietnam et elle en a vu qui avaient des os fracturés. Elle ne veut pas que quelque chose lui arrive à cause d’une intervention chirurgicale. Son médecin de famille lui a suggéré de faire de la physiothérapie et de suivre un traitement de chiropractie, et elle a donné suite à cette suggestion. Elle fait aussi des exercices chez elle tous les jours pour gérer son problème d’épaule et cela, affirme-t-elle, donne de très bons résultats.

[52] Bien que le Dr Sokolov a recommandé qu’on l’envoie au Centre Canadien pour les Victimes de Torture, elle ne l’a consulté qu’une seule fois. Son médecin de famille ne lui a jamais recommandé d’aller à cet endroit. Elle va aussi au St. Michael’s Hospital pour traiter ses problèmes psychologiques.

[53] Elle a arrêté de prendre du Cipralex en mars 2013. Ce médicament lui asséchait la bouche et lui perturbait l’estomac. Les pilules sont aussi devenues difficiles à avaler.

[54] Elle a fait de la thérapie cognitive et de la thérapie de groupe. Avec l’aide de son représentant légal, l’appelante a précisé qu’elle s’est jointe à un groupe de réduction du stress fondée sur la pleine conscience en 2009 et en 2010 (GT1-172) au Toronto Western Hospital (TWH); qu’elle a participé à un programme de méditation au St. Michael’s Hospital en 2009; qu’elle a suivi une thérapie cognitive et une thérapie de groupe sur les comportements cognitifs au TWH en 2009 et en 2010, et qu’elle a eu des rencontres avec sa travailleuse sociale en 2008 et en 2011. Elle communique régulièrement avec sa travailleuse sociale et elle lui parle tous les mois. Elle participe encore à la thérapie de groupe une fois par mois; cette thérapie est dirigée par le service de la santé mentale du St. Michael’s Hospital.

[55] Elle a des flashbacks à l’occasion. Par exemple, elle en a eu au temps des Fêtes en 2014 et aussi le jour de son anniversaire de naissance en février 2015.

[56] Alors qu’elle assistait à un congrès de services à l’enfance il y a environ deux ans, elle a ressenti de l’anxiété lorsqu’elle a vu les enfants dont elle était censée s’occuper. Ils lui ont rappelé les enfants de la garderie où elle travaillait, ce qui lui a occasionné une crise de panique.

[57] Elle a fait du bénévolat à la Croix-Rouge et à la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC il y a plusieurs années lorsqu’elle est arrivée au Canada. Elle a commencé à faire du bénévolat pour Out of the Cold en 2008. Elle œuvrait à cet endroit une fois par semaine pendant environ trois heures, elle promenait des gens et elle aidait à la coupe de légumes. Elle n’a pas d’horaire fixe et elle est capable de travailler à son propre rythme. Si elle arrive en retard, cela ne pose aucun problème. Ses médecins lui ont dit d’éviter l’isolement et de sortir de chez elle, ce qu’elle fait grâce au bénévolat.

[58] Elle ne croit pas qu’elle serait capable de se recycler dans son domaine ou d’apprendre un autre métier dans le cadre duquel elle n’entrerait pas en contact avec des enfants. Elle n’a pas une assez bonne vue pour travailler à l’ordinateur. Elle ne peut pas s’asseoir longtemps dans un bureau. Elle ne peut pas transporter d’objets dans un café. Elle ne peut occuper aucun emploi.

Observations

[59] L’appelante a fait valoir qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. Même s’il n’est pas possible de cerner un trouble de santé en particulier qui pourrait justifier un constat d’invalidité grave et prolongée, elle souffre, de manière cumulative, de plusieurs troubles répondant à la définition. Ses plus importants ennuis de santé sont les TSPT, l’anxiété et les autres troubles mentaux liés à son enfance au Vietnam et qui se sont manifestés au Canada. Ces troubles ont été déclenchés par le milieu de type « zone de guerre » dans lequel elle évoluait dans son milieu de travail à la garderie. À cause de ces problèmes, elle craint d’occuper un autre emploi.
  2. Dans le rapport médical du RPC, la Dre Vari affirme que malgré les efforts qu’elle faits pour améliorer son état, elle n’a accompli que des progrès négligeables. Dans sa lettre (GT1-52), la Dre Vari affirme que l’appelante est consciencieuse et vaillante, mais qu’elle est incapable de travailler. À cause de sa fragilité émotive, si elle tentait de retourner travailler prématurément, cela l’exposerait à un échec et la replongerait dans la dépression.
  3. Elle ne peut pas recommencer à œuvrer dans le domaine des services à l’enfance ni occuper quelque autre emploi que ce soit. L’idée de retourner travailler la rend anxieuse. Elle craint de revivre les mêmes expériences et elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.
  4. Elle fait du bénévolat sur la recommandation de ses médecins (voir le rapport du Dr Hallman [GT1-174]; ce médecin l’a encouragée à être active dans sa collectivité).
  5. Les attentes liées à ce travail bénévole ne sont pas aussi strictes que dans un milieu de travail compétitif : personne ne lui met de pression pour qu’elle soit productive.
  6. On dit d’elle qu’elle est vaillante. Les professionnels de la santé qui la traitent ne croient pas que ce serait une bonne idée qu’elle retourne travailler.
  7. Elle a aussi des ennuis physiques se rapportant à ses genoux, son épaule et de l’arthrite. Elle a de la difficulté à dormir à cause de picotements dans ses jambes. Même si ces troubles ne sont peut-être pas invalidants en soi, considérés ensemble et avec ses TSPT et son anxiété, l’appelante n’en souffre pas moins d’une invalidité grave et prolongée.
  8. D’un point de vue réaliste, elle ne peut pas travailler. Elle a 63 ans et doit affronter divers problèmes.

[60] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. Même si elle ne peut reprendre son ancien travail, rien ne l’empêche d’occuper un autre emploi.
  2. Si l’on se fie au rapport du neurologue, l’examen neurologique était normal.
  3. Et selon le rapport de l’otorhinolaryngologiste, l’évaluation des maux de tête et des étourdissements était normale.
  4. Le rhumatologue a posé un diagnostic d’arthrose légère dans les deux genoux.
  5. Il est indiqué dans le rapport du chirurgien orthopédique que l’examen des genoux et du dos était normal.
  6. Selon le spécialiste des membres supérieurs, l’appelante jouit d’une amplitude de mouvement presque complète dans son épaule droite et l’examen neurologique était normal. Ce spécialiste a déclaré qu’elle devrait envisager de se faire opérer pour réparer une déchirure du tendon de son épaule droite et il a suggéré qu’elle fasse de la physiothérapie.
  7. Si l’on se fie au rapport du psychiatre, l’appelante était modérément déprimée et avait une certaine réaction à l’antidépresseur. Le psychiatre a indiqué que la dose de médicaments pour les TSPT était trop faible, il l’a augmentée et il a suggéré que l’on recommande à l’appelante d’obtenir des services de counselling plus spécialisés. Cette situation ne l’empêche pas d’exécuter quelque travail que ce soit depuis la dernière fois où elle a été déclarée admissible à des prestations.
  8. Elle n’a jamais tenté d’accomplir un autre type de travail.
  9. On lui a offert de l’opérer pour réparer la déchirure dans sa coiffe de rotateur, mais elle a refusé. On lui a recommandé de faire de la physiothérapie, mais on ne sait pas si elle a donné suite à cette recommandation.
  10. De l’avis de l’orthopédiste, son arthrite était minimale et rien n’a été découvert de manière définitive qui aurait pu être réparé au moyen d’une intervention chirurgicale.
  11. Même si on a noté que sa dépression et ses TSPT avaient régressé, elle n’aime pas prendre de médicaments et elle a refusé que l’on optimise son état de santé à l’aide de doses augmentées. Malgré un traitement sous-optimal, sa cote EGF se situe encore à un niveau gérable et révèle que son niveau fonctionnel est modérément affaibli. Avec un traitement approprié et du counselling, il est raisonnable de penser que son niveau fonctionnel augmenterait.
  12. Même si l’appelante affirme qu’elle a eu un léger accident vasculaire cérébral, les examens neurologiques ne corroborent pas cette affirmation.
  13. Bien qu’on ait diagnostiqué plusieurs autres troubles de santé chez elle (perte auditive, sifflements d’oreilles, reflux œsogastroduodénal, nodules thyroïdiens et maux de tête), aucun de ces troubles ne nuirait à sa capacité de travailler dans un milieu lui convenant.
  14. Elle demeure active dans sa collectivité et d’un point de vue physique, elle est en mesure de travailler. Elle a un haut niveau d’instruction dans son pays d’origine.
  15. Elle peut accomplir un travail convenant à ses capacités.

Analyse

[61] L’appelante doit démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2010 ou avant cette date.

Grave

[62] Le Tribunal n’est pas convaincu que l’arthrose de l’appelante, en particulier ses douleurs au dos et aux genoux, la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date de la fin de la PMA ou avant cette date. Dans le rapport médical du RPC, la Dre Vari parle de douleurs au dos et aux genoux qui étaient causées par de l’arthrose et qui faisaient en sorte que l’appelante avait de la difficulté à se pencher, à soulever des objets, à s’accroupir et à s’asseoir pour de longues périodes de temps. Parmi ses troubles physiques, le Tribunal a aussi tenu compte de la déchirure du tendon sus-épineux et de la bursite détectées le 16 mars 2011 lors d’un examen par ultrasons.

[63] Le Tribunal a tenu compte du fait que dans le rapport de neurologie du 1er octobre 2009, il est indiqué que l’examen neurologique de l’appelante était normal. Selon le rapport de congé accordé selon la progression de la physiothérapie daté du 4 janvier 2010, l’appelante a déclaré que son état s’était amélioré, globalement, de 49 pour cent et qu’elle était capable de s’asseoir pendant plus d’une heure (comparativement à une demi-heure, comme elle l’avait indiqué dans son questionnaire du 19 novembre 2008). Le 19 février, la Dre Rubin, qui a vu l’appelante relativement à ses douleurs bilatérales aux genoux, a indiqué qu’un examen avait démontré que la démarche de l’appelante sur une distance de 20 mètres était conforme aux limites fonctionnelles normales et que l’amplitude de mouvement de sa colonne lombaire était entière et non restreinte. L’amplitude de mouvement bilatérale des hanches était elle aussi conforme aux limites fonctionnelles normales. Selon la Dre Rubin, la plupart des difficultés étaient liées à des douleurs au niveau du genou droit pour lesquelles l’appelante a reçu une injection ayant eu un effet positif sur ses symptômes pour une brève période de temps. Le 23 juin 2010, le Dr Waddell a vu l’appelante pour étudier la possibilité de lui faire passer une arthroscopie du genou gauche afin de déterminer si elle souffrait du syndrome de la douleur patello-fémorale. Ses symptômes empiraient lorsqu’elle utilisait un escalier ou qu’elle passait d’une position assise à la position debout. Il n’a mentionné aucune restriction qui l’aurait contrainte à s’asseoir de façon prolongée, et il a indiqué qu’elle ne ressentait aucune douleur au repos. Le Dr Waddell a aussi précisé qu’un examen a permis d’établir que l’appelante marchait sans utiliser d’accessoire fonctionnel, que sa démarche était essentiellement normale, qu’elle était capable de s’accroupir complètement en partant de la position debout sans difficulté apparente, et que sa colonne lombaire avait une amplitude de mouvement complète. De plus, ses genoux présentaient une excellente amplitude de mouvement bilatérale et elle ressentait une légère douleur dans le genou gauche en fin de course au niveau rétropatellaire, accompagnée d’une légère effusion et de crépitations rétropatellaire.

[64] Le Tribunal n’est pas convaincu que les constatations précitées impliquent que l’appelante souffre de troubles invalidants au niveau du dos et des genoux qui la rendent régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date de la fin de la PMA ou avant cette date.

[65] En ce qui concerne le membre supérieur droit de l’appelante, le Tribunal est conscient du fait que dans le rapport médical du RPC de décembre 2010, la Dre Vari a mentionné que l’appelante avait de la difficulté à soulever des objets et que, par ailleurs, l’examen par ultrasons auquel on a soumis ce même membre droit le 16 mars 2011 avait révélé que le tendon sus-épineux était déchiré sur toute son épaisseur, et démontré la présence d’une tendinose résiduelle des tendons sus-épineux et sous-épineux, d’une tendinose bicipitale et d’un excédent de liquide séreux sous-deltoïdien et sous-acromial associé à une bursite. Certainement, le 17 juin 2011, le Dr Hull a indiqué que l’appelante ressentait de la douleur dans son épaule droite depuis environ cinq ans. Un examen a révélé qu’elle jouissait d’une amplitude de mouvement presque complète, qu’elle souffrait d’un arc douloureux passif, que la coiffe sus-épineuse et postérieure était faible et douloureuse, qu’elle montrait des signes de troubles au niveau bicipital, et que l’imagerie donnait à penser que le tendon sus-épineux présentait une déchirure sur toute son épaisseur. Le problème était suffisamment grave pour que le Dr Hall lui recommande de subir une intervention chirurgicale. L’appelante était réticente à se faire opérer au début. Le Dr Hall lui a donc recommandé de continuer à faire de la physiothérapie. Quoi qu’il en soit, le 1er août 2011, la Dre Vari a indiqué à l’intimé que la douleur que l’appelante ressentait au niveau de l’épaule ne s’était pas atténuée et qu’elle demanderait au chirurgien d’inscrire l’appelante sur une liste d’attente.

[66] Même si le Tribunal est convaincu qu’en raison de l’état de son épaule droite, l’appelante souffrait d’une invalidité fonctionnelle en date de la fin de la PMA ou avant cette date, il n’est cependant pas convaincu que cette invalidité était grave au sens du RPC, puisque l’appelante n’avait pas encore suivi tous les traitements offerts qui auraient pu atténuer ses contraintes fonctionnelles. Le Tribunal n’est pas convaincu non plus que l’état de l’appelante l’avait rendue régulièrement incapable d’accomplir des travaux légers et sédentaires en date de la fin de PMA ou avant cette date. Le Tribunal constate qu’elle demeurait capable d’accomplir un travail pour lequel elle n’avait pas besoin de soulever ou d’atteindre des objets, ou d’en transporter en se servant de son membre supérieur droit. Enfin, le Tribunal a tenu compte du témoignage de l’appelante voulant que l’état de son épaule droite s’était amélioré grâce à un traitement non invasif tel que la chiropractie.

[67] Quoi qu’il en soit, le Tribunal est convaincu que l’appelante était devenue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date de la fin de la PMA ou avant cette date à cause de son incapacité mentale.

[68] Dans son questionnaire du 8 mars 2011, l’appelante a indiqué qu’elle souffrait de stress, de dépression, de maux de tête, d’étourdissements et d’un manque de sommeil. Dans son premier questionnaire, qui est daté du 19 novembre 2008, elle mentionnait aussi qu’elle souffrait de stress, de dépression, d’une incapacité à se concentrer et à se remémorer certaines choses, d’étourdissements et de crises de paniques. Dans le rapport médical du RPC daté du 10 décembre 2010, la Dre Vari pose un diagnostic de dépression, de TSPT et de plusieurs troubles d’origine somatique. Le 8 décembre 2010, elle a mentionné que l’appelante continuait de souffrir « grandement » de dépression, d’anxiété et probablement de TSPT, et que ses autres symptômes, y compris des maux de tête, des paresthésies, des étourdissements et de la faiblesse, étaient souvent associés à de la dépression et de l’anxiété.

[69] Le Dr Sokolov, un psychiatre, a vu l’appelante le 10 janvier 2011 et a confirmé qu’elle répondait aux critères associés à un trouble dépressif majeur de nature chronique et modérément grave, ainsi qu’aux critères applicables aux TSPT, ce qui correspondait probablement au premier diagnostic. Il a indiqué qu’il fallait augmenter la posologie de sa médication et il a suggéré qu’on l’envoie au Centre Canadien pour les Victimes de Torture. L’appelante a déclaré lors de son témoignage que son médecin de famille n’avait pas pris d’arrangements pour donner suite à cette recommandation. Le Tribunal est incapable d’imputer quelque faute ou quelque blâme que ce soit à l’appelante pour ce manque de suivi apparent et il cite aussi le commentaire fait par la Dre Vari dans son rapport du 1er août 2011, à savoir que [traduction] « [l’appelante] avait aussi de la difficulté à trouver une thérapie continue. »

[70] Le 30 mars 2012, le Dr Halman, un psychiatre, a confirmé que des symptômes de TSPT « marqués » avaient empiré lors des trois années précédentes, et il a indiqué que cela avait été déclenché par des conflits que l’appelante avait vécus dans son ancien lieu de travail. Il a mentionné que depuis qu’elle s’était fait harceler dans son lieu de travail, son état mental avait beaucoup changé, elle se sentait déprimée de manière persistante et elle souffrait de symptômes de TSPT qui s’aggravaient. Le Dr Halman a posé un diagnostic de troubles dépressifs majeurs et de TSPT, et il a établi une cote de 60 pour l’EGF. Même si le Dr Halman a encouragé l’appelante à être active dans la collectivité (en marchant et en faisant de la nation et du bénévolat), le Tribunal note qu’il ne lui a pas suggéré ni recommandé d’essayer d’occuper un autre emploi ou de se recycler dans son domaine. L’appelante a déclaré lors de son témoignage qu’elle fait du bénévolat dans la collectivité lorsqu’elle en est capable et qu’elle participe à des activités d’aquaforme.

[71] Le Tribunal est convaincu que les troubles dépressifs majeurs et les TSPT de l’appelante l’ont rendue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis la dernière fois où elle a travaillé en juin 2008 et qu’elle a pris un congé à la suite du conflit survenu dans son lieu de travail. La preuve médicale étaye la conclusion voulant que ce conflit a déclenché ses TSPT, après quoi ces troubles sont devenus permanents, tout comme sa dépression. Tel qu’indiqué par le Dr Halman dans son rapport du 30 mars 2012, [traduction] « l’appelante n’a aucun antécédent psychiatrique et elle a commencé à avoir des problèmes de santé seulement en 2005 lors d’un incident dans son lieu de travail. De plus, elle a souffert de harcèlement au travail à la suite d’un incident qui impliquait de la « dénonciation ». Depuis lors, l’état mental de l’appelante a beaucoup changé, elle se sent déprimée de manière persistante et elle souffre de symptômes de TSPT qui s’aggravent. »

[72] Le Tribunal accepte que parmi les symptômes de l’appelante, il y a le fait que son sommeil est souvent interrompu et que son temps de sommeil a donc diminué, qu’elle a moins d’appétit, qu’elle a beaucoup de difficulté à se concentrer, et qu’elle souffre d’anhédonie, de fatigue, d’un ralentissement de ses fonctions cognitives et d’agitation marqués. Tel que l’a noté le Dr Sokolov dans son rapport de janvier 2011, un inventaire rapide des symptômes de dépression a permis d’établir que l’appelante faisait partie du groupe des personnes modérément déprimées. Dans le cadre de l’Inventaire d’anxiété de Beck, elle a aussi obtenu la cote « modérée à grave » pour ce qui est de l’anxiété et on a établi qu’elle souffrait d’anxiété sociale et de comportements d’évitement social marqués.

[73] Même si le Dr Sokolov a suggéré que l’on augmente la posologie de la médication de l’appelante et qu’on envoie celle-ci au Centre Canadien pour les Victimes de Torture, le 1er août 2012, la Dre Vari a indiqué que l’appelante ne pourrait pas tolérer de doses d’antidépresseurs plus élevées et qu’elle avait de la difficulté à trouver une thérapie continue.

[74] L’intimé a cité la déclaration du Dr Halman voulant que l’appelante souhaitait arrêter de prendre du Cipralex dans un avenir rapproché. L’appelante a déclaré lors de son témoignage qu’elle a fini par cesser de prendre ce médicament à cause de ses effets secondaires. Quoi qu’il en soit, elle continue d’assister à la thérapie de groupe, de pratiquer la pleine conscience afin de gérer son anxiété et elle communique régulièrement avec sa travailleuse sociale. Le Tribunal conclut que l’appelante a fourni une explication raisonnable pour justifier le fait qu’elle a arrêté de prendre du Cipralex et qu’elle a aussi présenté des éléments de preuve démontrant qu’elle a fait d’autres efforts pour gérer son état.

[75] L’intimé semble avancer qu’une cote EGF de 60 correspond à un état qui n’est pas grave. Quoi qu’il en soit, le Tribunal est convaincu, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, y compris la version intégrale du rapport du Dr Halman – dans lequel ce dernier pose un diagnostic de symptômes de TSPT marqués et de troubles dépressifs majeurs en plus de mentionner un mauvais sommeil, un manque d’appétit, de la difficulté à se concentrer et une tendance à oublier, des flashbacks, de l’hypervigilance dans les espaces publics et, à l’occasion, des symptômes dissociatifs – que l’invalidité de l’appelante la rend incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[76] Même si l’appelante est capable d’accomplir un peu de travail bénévole, le Tribunal estime que ce genre de travail ne correspond pas à celui que l’on doit effectuer dans un milieu compétitif, et il est convaincu que le bénévolat qu’elle fait ne prouve pas qu’elle est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[77] Compte tenu du témoignage verbal de l’appelante et du dossier médical, le Tribunal est convaincu que depuis qu’elle a arrêté de travailler en juin 2008, l’appelante a été régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à cause des symptômes associés à ses TSPT et à ses troubles dépressifs majeurs. Le Tribunal est aussi convaincu que son invalidité est demeurée grave jusqu’à la fin de la PMA et par la suite.

Prolongée

[78] Le Tribunal est convaincu que l’invalidité de l’appelante était prolongée en date de juin 2008 lorsqu’elle a arrêté de travailler et qu’elle a pris un congé médical.

[79] Il est indiqué dans les rapports médicaux ainsi que dans la preuve présentée par l’appelante que l’apparition de ses TSPT et de ses troubles dépressifs majeurs est liée au conflit qu’elle a vécu dans son lieu de travail, lequel l’a amenée à prendre un congé médical. Le dossier médical fait état de TSPT et de troubles dépressifs majeurs continus ayant persisté au-delà de juin 2008. Dans le rapport médical du RPC daté de décembre 2010, la Dre Vari mentionne que le pronostic pour l’appelante était mauvais ou réservé et que malgré les efforts « consciencieux » qu’elle faisait pour améliorer son état, elle ne faisait que des progrès négligeables. La Dre Vari a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je crains qu’il sera difficile pour elle de se remettre complètement de ses problèmes de santé en raison des traumatismes qu’elle a subis dans le passé à cause de la guerre, du harcèlement dont elle a ensuite été l’objet pendant longtemps et des mauvaises conditions de travail liées à son dernier emploi. » Le 30 mars 2012, le Dr Halman a confirmé que les symptômes de TSPT et les troubles dépressifs majeurs étaient persistants. Le Tribunal est convaincu que les TSPT et les troubles dépressifs majeurs de l’appelante persistent depuis longtemps et que leur durée est indéfinie.

Conclusion

[80] Le Tribunal constate que l’appelante souffrait d’une invalidité grave et prolongée en juin 2008 lorsqu’elle a arrêté de travailler et qu’elle a obtenu un congé médical. Aux fins des paiements, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant la réception, par l’intimé, de la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en décembre 2010; l’appelante est donc réputée être devenue invalide en septembre 2009. Selon l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date réputée de l’invalidité. Les versements débuteront en janvier 2010.

[81] L’appel est accueilli.

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