Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 31 mars 2014. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible au bénéfice des prestations en vertu du Régime de pensions du Canada, ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2009.

[2] L’avocate de la demanderesse présente cette demande de permission au motif que la division générale a commis diverses erreurs de droit et a aussi fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour que sa demande de permission soit accueillie, la demanderesse doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[3] La demanderesse cherche à obtenir la permission d’en appeler au motif que la division générale :

  1. a commis une erreur de droit en exigeant effectivement d’elle qu’elle prouve que son invalidité était grave hors de tout doute plutôt que selon la prépondérance des probabilités;
  2. a fait reposer sa décision selon laquelle la demanderesse avait la capacité de travailler sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus précisément :
    1. a) la division générale a accepté que la preuve médicale confirmait l’existence d’une invalidité régulière et constante avec graves limitations fonctionnelles depuis juin 2009;
    2. b) il n’y a rien, dans la preuve médicale produite, qui portait à croire que la demanderesse avait une capacité résiduelle de travailler;
    3. c) la division générale a accepté la preuve de capacités fonctionnelles gravement limitées présentée par la demanderesse et n’a pas indiqué qu’elle n’acceptait pas une quelconque partie de cette preuve;
  3. a commis une erreur en ne prenant pas en considération la preuve médicale relative à la capacité de travailler de la demanderesse avant et après la PMA;
  4. a commis une erreur en omettant de prendre en considération la preuve et l’opinion médicales d’après-PMA après avoir conclu à la régularité des maux dont se plaignait la demanderesse à la suite de son accident de voiture en 2009, ce qui, soutient la demanderesse, a raisonnablement amené la division générale à en déduire que sa capacité de travailler et ses capacités fonctionnelles d’après-PMA étaient représentatives de sa capacité de travailler et de ses capacités fonctionnelles d’avant-PMA;
  5. a commis une erreur de droit en exigeant de la demanderesse qu’elle démontre qu’elle avait déployé des efforts en vue d’obtenir et de conserver un emploi, ayant conclu à tort que cette dernière avait une capacité de travail résiduelle.

[4] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Droit applicable

[5] Bien que la demande d’autorisation d’interjeter appel soit un premier obstacle que la demanderesse doit franchir – et un obstacle inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond –, il reste que la demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Dans Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 4, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[6] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant que je puisse lui accorder la permission d’en appeler, la demanderesse doit me convaincre que ses motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’un de ces motifs au moins a une chance raisonnable de succès.

Analyse

a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’appliquant pas la bonne norme de preuve?

[8] L’avocate de la demanderesse soutient que la norme de preuve applicable est la norme applicable en matière civile, c’est-à-dire la prépondérance des probabilités, et non la norme de preuve plus stricte qu’est la preuve hors de tout doute raisonnable.

[9] La division générale a-t-elle appliqué la norme plus exigeante? Au paragraphe 22 de son analyse, la division générale a indiqué qu’il incombait à la demanderesse de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une invalidité grave et prolongée.

[10] L’avocate de la demanderesse plaide cependant qu’au paragraphe 28 de sa décision, la division générale [traduction] « s’est méprise en se demandant si [la demanderesse] a levé tout doute quant à la gravité de ses symptômes » (je souligne). La division générale a écrit ce qui suit au paragraphe 28 :

[Traduction]

Le Tribunal a certes noté les importants problèmes de santé que l’appelante a actuellement, mais il a aussi noté que la preuve médicale au dossier laisse subsister un doute quant à la gravité de ses symptômes après la fin de la PMA.

[11] Nonobstant le fait que la division générale ait déclaré que la norme de preuve applicable était celle de la prépondérance des probabilités, il y a un point défendable à affirmer que, en bout de ligne, la division générale a pu appliquer une norme de preuve plus stricte lorsqu’elle a laissé entendre qu’il ne pouvait pas y avoir de doute quant à la gravité des symptômes de la demanderesse. La demanderesse m’a convaincue que la division générale avait pu commettre une erreur de droit en demandant effectivement à la demanderesse de prouver hors de tout doute la gravité de son invalidité, et ce, après avoir mentionné qu’il subsistait [traduction] « un doute » au sujet de la gravité de ses symptômes.

b) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[12] Je vais aborder ensemble les observations énoncées aux alinéas i. à iii du sous-paragraphe [3] b), compte tenu des points qui se chevauchent. L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a accepté que la preuve médicale confirmait l’existence d’une invalidité régulière et constante avec graves limitations fonctionnelles à partir de juin 2009. L’avocate plaide que la division générale a accepté la preuve de la demanderesse concernant ses capacités fonctionnelles gravement limitées et n’a pas mentionné qu’elle ne retenait pas un élément ou un autre de cette preuve. L’avocate affirme en outre qu’il n’y a rien, dans la preuve médicale présentée, qui porte à croire que la demanderesse avait une capacité de travail résiduelle. Compte tenu de ces considérations, l’avocate soumet que la division générale a commis une erreur en concluant que la demanderesse manifestait une quelconque capacité de travailler.

[13] À l’examen de la décision de la division générale, on constate que, tout au plus, la division générale a déclaré qu’elle convenait, avec la demanderesse, que les rapports médicaux au dossier faisaient ressortir une régularité dans les maux dont la demanderesse se plaignait à la suite de son accident de voiture (au paragraphe 25). La division générale n’a toutefois pas été jusqu’à dire qu’elle acceptait que la preuve médicale confirmait l’existence d’une invalidité régulière et constante avec graves limitations fonctionnelles à partir de juin 2009. Cela représenterait une mauvaise interprétation de la décision.

[14] L’avocate fait observer que la division générale n’a pas indiqué qu’elle n’acceptait pas un quelconque élément de la preuve de la demanderesse. Cela dit, on ne saurait en conclure pour autant que le fait de n’avoir pas spécifiquement écarté des éléments de la preuve qu’elle aurait pu ne pas retenir équivaut, pour la division générale, à son acceptation de cette preuve. On le constate tout particulièrement à la lecture de la discussion et de l’analyse que la division générale fait de certains éléments de la preuve.

[15] Prétendre qu’il n’y avait aucune preuve médicale que la demanderesse avait une quelconque capacité résiduelle de travailler nécessiterait une réévaluation de la preuve, ce qui déborde le cadre d’une demande de permission. Cela étant dit, sans analyser la preuve en tant que telle, la division générale a bel et bien cité certains éléments de la preuve médicale à partir desquels elle a conclu qu’il y avait une preuve de capacité de travailler. Dans le même temps, la division générale a aussi indiqué qu’il n’y avait pas au dossier de rapports médicaux datant d’avant la période minimale d’admissibilité et émanant d’un psychiatre ou d’un psychologue, ni de preuve d’hospitalisation. En d’autres termes, l’absence d’une certaine preuve peut aussi avoir quelque valeur de persuasion si cette preuve avait pu revêtir une certaine valeur probante dans le traitement des questions soumises à la division générale.

[16] Finalement, il semble qu’en plaidant qu’il n’y avait pas de preuve médicale d’une capacité résiduelle de travailler, on laisse entendre que la charge de prouver la gravité incombe moins, en quelque sorte, à la demanderesse. Or, à cet égard, le fardeau de la preuve incombe à un demandeur. C’est au demandeur qu’il incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice et que son invalidité est prolongée.

[17] La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il y avait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

c) La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en considération la preuve médicale relative à la capacité de travailler de la demanderesse avant et après la PMA?

[18] Je n’ai pas besoin qu’il y ait eu effectivement erreur de droit ou conclusion erronée de la part de la division générale, mais, pour que j’évalue ce moyen d’appel, il faut que la demanderesse me convainque que, en l’espèce, la division générale a effectivement omis de prendre en considération la preuve médicale relative à sa capacité de travailler après la PMA, afin que je puisse déterminer si l’erreur alléguée relève de l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[19] L’avocate de la demanderesse plaide que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle [traduction] « n’a pas tenu compte de la preuve médicale relative à la capacité que la demanderesse avait de travailler après la PMA, mais si peu de temps après l’expiration de cette période que cela aurait été raisonnablement représentatif de la capacité qu’avait la demanderesse à la fin de sa PMA, et n’a pas tenu compte de la preuve médicale antérieure à la PMA qui étayait cette conclusion. »

[20] En particulier, l’avocate de la demanderesse cite le paragraphe 25 de la décision de la division générale comme un passage démontrant clairement que la demanderesse manifestait une série de symptômes en juin 2009 qui se sont poursuivis, sans discontinuer, jusqu’en décembre 2009. La division générale a écrit ceci au paragraphe 25 :

[Traduction]

Le Tribunal convient avec l’appelante qu’il ressort des rapports médicaux au dossier qu’il y avait une régularité dans les maux dont elle se plaignait à la suite de l’accident de voiture.

[21] L’avocate mentionne ensuite que la demanderesse a ultérieurement vu la Dre Lori J. Albert, rhumatologue, le 11 février 2010, soit environ six semaines après la fin de la PMA. L’avocate fait observer que la Dre Albert a décrit les mêmes symptômes et limitations fonctionnelles connexes que ceux qu’avaient décrits le Dr Sharma, physiatre et neurophysiologiste de la demanderesse, le 19 octobre 2010. L’avocate soutient que la division générale a omis de prendre en considération le rapport médical de la Dre Albert à cet égard. Je ne tire pas la même conclusion à la lecture de la décision de la division générale. Après tout, la division générale a écrit qu’elle convenait, avec la demanderesse, que les rapports médicaux faisaient ressortir une [traduction] « régularité dans les maux dont se plaignait la demanderesse après son accident de voiture », puis a expressément cité le rapport de la Dre Albert daté du 12 février 2010. La division générale n’a peut-être pas expressément énuméré l’intégralité des symptômes ou limitations fonctionnelles de la demanderesse dont faisait état le rapport médical, mais elle était assurément au courant de l’ensemble des antécédents médicaux exposés par la Dre Albert.

[22] La division générale était-elle tenue d’énumérer tous les symptômes et limitations fonctionnelles dont faisait état le rapport médical de la Dre Albert datant du 12 février 2010 pour démontrer qu’elle avait bel et bien pleinement tenu compte dudit rapport médical? La Cour d’appel fédérale a statué qu’un décideur n’avait pas l’obligation d’énumérer de façon exhaustive tous les éléments de preuve qu’il a pris en considération, car il est généralement présumé que le décideur a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF  82, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’« […] un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. » L’avocate n’a pas porté à mon attention quoi que ce soit, dans la décision de la division générale, qui m’amènerait à me questionner sur l’opportunité de réfuter ou d’écarter cette présomption. Ainsi, la division générale n’était pas tenue de mentionner précisément un symptôme ou une limitation fonctionnelle en particulier que la demanderesse pouvait avoir déclaré lors de la consultation avec la docteure, même si cette visite n’a eu lieu que quelques semaines après la fin de la PMA. La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il y avait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

d) La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en considération la preuve et l’opinion médicales d’après-PMA?

[23] L’avocate de la demanderesse plaide que la division générale a commis une erreur en [traduction] « omettant de prendre en considération la preuve et l’opinion médicales postérieures à la PMA après avoir conclu à la régularité des maux dont se plaignait la [demanderesse] à la suite de son accident de voiture de juin 2009, ce qui pouvait raisonnablement amener à conclure que la capacité de travailler et les capacités fonctionnelles d’après-PMA de la [demanderesse] étaient représentatives de sa capacité de travailler et de ses capacités fonctionnelles d’avant-PMA. »

[24] Au paragraphe 25 de sa décision, la division générale a mentionné l’opinion médicale de la Dre Albert datée du 12 février 2010 ainsi que le rapport daté du 8 juin 2011 émanant du médecin de famille de la demanderesse, le Dr P. Hose. Toutefois, à l’examen du dossier d’audience, on constate que les rapports et dossiers médicaux suivants d’après-PMA ont été soumis à la division générale :

  1. dossiers médicaux provenant du cabinet Om Sai Physiotherapy Clinic Inc. pour la période du 14 juillet 2009 à novembre 2011 (la page couverture indique que la clinique de physiothérapie a transmis des dossiers dont la datation commence au 24 mars 2011, mais que les dossiers sont antérieurs à cette date) (pages GT1-56 à GT1-122 du dossier d’audience);
  2. rapport sur l’historique de la patiente pour la période du 30 juin 2009 au 16 novembre 2011 provenant de la pharmacie Keele & Rogers (page GT1-129);
  3. rapport de consultation du Dr Robert D. Wagman, ophtalmologiste, daté du 4 février 2010 (page GT1-134);
  4. tomodensitogramme de la tête daté du 5 octobre 2010 (page GT1-148);
  5. rapport de consultation daté du Dr Jan Carstoniu, anesthésiste, daté du 4 août 2011 (pages GT1-123 à GT1-128);
  6. opinion médicale du Dr Carstoniu datée du 22 avril 2012 (pages GT1-175 et GT1-176).

[25] La division générale a reconnu qu’il y avait au dossier d’autres rapports médicaux sur l’état de santé de la demanderesse après la fin de la PMA. La division générale n’a procédé à aucune analyse de ces rapports d’après-PMA. Bien que, comme je l’ai déclaré plus haut, la division générale n’avait pas l’obligation d’énumérer tous les éléments de preuve dont elle a tenu compte pour en arriver à sa décision, il semble néanmoins que la division générale ait écarté toute prise en compte de ces dossiers et rapports dans leur ensemble, vu qu’ils ont été établis après l’expiration de la période minimale d’admissibilité.

[26] Si la division générale avait conclu que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave, les dossiers d’après-PMA auraient été déterminants pour toute analyse de la question de savoir si son invalidité pouvait être considérée comme prolongée. Dans les faits, la division générale n’a pas estimé que les dossiers d’après-PMA étaient pertinents, tout comme elle ne les a probablement pas pris en considération aux fins de la question de savoir si l’invalidité de la demanderesse pouvait être jugée grave après la date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

[27] La prise en compte des dossiers d’après-PMA n’aurait pas nécessairement modifié le résultat de la décision de la division générale, mais des points qui ne se trouvaient pas dans les dossiers d’avant-PMA ou datant du début de 2010 auraient pu être soulevés et traités par certains des médecins traitants de la demanderesse, points qui auraient pu influer sur la décision. Quant à savoir si les dossiers d’après-PMA auraient pu ne pas convaincre la division générale que l’invalidité de la demanderesse était grave, cela relève de la pure conjecture.

[28] L’avocate de la demanderesse affirme que, si la division générale avait tenu compte des rapports d’après-PMA, elle aurait raisonnablement conclu que la capacité de travailler et les capacités fonctionnelles d’après-PMA de la demanderesse représentaient ses capacité de travailler et capacités fonctionnelles d’avant-PMA.

[29] L’avocate n’a pas mentionné précisément les dossiers d’après-PMA qui, selon ses dires, auraient pu amener à tirer cette conclusion. On présume que l’avocate se fie en particulier aux rapports médicaux du Dr Carstoniu, puisque le rapport sur l’historique de la patiente, le rapport de consultation de l’ophtalmologiste, le tomodensitogramme de la tête et les dossiers de physiothérapie ne traitent pas de la question de la capacité de travailler ou des limitations fonctionnelles de la demanderesse, ni d’ailleurs, de la gravité de son invalidité. La plupart des dossiers de physiothérapie sont des notes manuscrites, en grande partie illisibles, qui se caractérisent par leur brièveté. Le physiothérapeute n’a pas fourni d’opinion au sujet de la capacité de travailler et des capacités fonctionnelles de la demanderesse.

[30] Dans le cas du Dr Carstoniu, cela aurait compté s’il avait vu la demanderesse au cours de la période se terminant à la date de fin de la PMA ou peu de temps après, car il aurait peut-être été en mesure d’émettre une opinion sur la capacité de travailler et la fonctionnalité de la demanderesse à la fin de la PMA. Apparemment, cependant, le Dr Carstoniu n’a commencé à voir la demanderesse qu’en août 2011, soit environ deux ans après l’expiration de la période minimale d’admissibilité. Si le Dr Carstoniu a fait état des plaintes de la demanderesse concernant sa capacité et ses limitations avant et après l’expiration de la PMA, je ne vois pas pourquoi on devrait nécessairement attendre de la division générale qu’elle se fie à l’historique présenté au Dr Carstoniu, puisque la demanderesse aurait pu – et l’a vraisemblablement fait – présenter ce même historique directement à la division générale, et la division générale aurait alors tiré, de cette preuve, ses propres conclusions.

[31] L’autre difficulté que me pose cette observation concernant les dossiers d’après-PMA réside dans le fait que, si l’avocate suggère que les plaintes ont été régulières dans le temps et que l’on aurait dû conclure, à la lumière des symptômes et de la fonctionnalité d’après-PMA, à l’existence d’une invalidité grave, logiquement, on aurait dû être en mesure de tirer la même conclusion à la lumière des mêmes symptômes et fonctionnalité d’avant-PMA sans avoir à tenir compte des circonstances d’après-PMA. La division générale a pris en compte la preuve d’avant-PMA et n’a pas été convaincue qu’il ressortait de cette preuve que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave. Si je devais maintenant suggérer que l’on pourrait prendre en considération la preuve d’après-PMA pour obtenir un portrait de l’invalidité d’avant-PMA de la demanderesse, nonobstant une conclusion que la preuve d’avant-PMA était insuffisante, cela pourrait signifier que l’on se permet d’obtenir de façon détournée ce que l’on n’a pas été capable d’obtenir d’emblée, en particulier si ces observations n’avaient pas été avancées à l’audience devant la division générale.

[32] En dépit de certaines de mes réserves au sujet de ces observations, si la division générale avait effectivement accepté que les symptômes de la demanderesse sont en grande partie demeurés inchangés entre le moment de son accident et la date de l’audience, je suis d’avis que l’on ferait valoir un point défendable en disant que la division générale aurait dû tenir compte des dossiers et opinions d’experts d’après-PMA dans son analyse générale pour déterminer si l’invalidité de la demanderesse pouvait être considérée comme grave au sens du Régime de pensions du Canada.

e) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en exigeant de la demanderesse qu’elle démontre qu’elle avait déployé des efforts en vue d’obtenir et de conserver un emploi?

[33] Dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[34] Bien que la division générale ait cité Inclima dans sa décision, la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en exigeant d’elle qu’elle fasse des efforts pour se trouver un emploi et le conserver, tout comme elle a erré en concluant que la demanderesse avait une capacité résiduelle de travailler.

[35] Si la division générale avait conclu que la demanderesse n’avait pas de capacité résiduelle de travailler, elle aurait commis une erreur de droit en exigeant de cette dernière qu’elle fasse des efforts pour se trouver un emploi et le conserver, mais, en l’espèce, la division générale a conclu que la demanderesse avait une certaine capacité de travailler. Si ce moyen avait été le seul motif invoqué en vue d’obtenir la permission d’interjeter appel, j’aurais rejeté la demande de permission.

[36] Comme j’ai conclu que la demande de permission conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, en partie sur les moyens voulant que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée concernant la capacité de travailler de la demanderesse qu’elle aurait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en bout de ligne, si l’on devait conclure à l’absence d’une capacité de travailler chez la demanderesse, ce serait commettre une erreur de droit que d’exiger de cette dernière qu’elle démontre qu’elle a déployé des efforts en vue d’obtenir et de conserver un emploi.

Appel

[37] Les points en litige sur lesquels les parties pourraient vouloir se pencher en appel, comprennent les suivants :

  1. a) Quel degré de déférence la division d’appel doit-elle avoir à l’endroit de la division générale?
  2. b) La division générale a-t-elle commis des erreurs de droit?
  3. c) Si la division générale a commis des erreurs de droit, quelle est la norme de contrôle applicable? Si c’est la norme de la décision correcte qui s’applique, quelle décision la division générale aurait dû rendre? Si c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique, la décision globale rendue par la division générale peut-elle être justifiée, est-elle transparente et compréhensible et s’inscrit-elle dans l’éventail des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit dont disposait la division générale?
  4. d) L’appel est-il rendu théorique à la lumière du fait qu’il y avait d’autres raisons pour lesquelles la division générale a conclu que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait être jugée grave?
  5. e) Quel est l’éventuel redressement approprié?

[38] J’invite les parties à présenter aussi des observations sur le mode d’audience (c.-à-d. si cela devrait se faire par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses par écrit), de même que sur l’éventuel délai à leur impartir avant la tenue de l’audience.

Conclusion

[39] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[40] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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