Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse cherche à interjeter appel de la décision de la division générale datée du 24 avril 2014. Le membre de la division générale a déterminé qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations en vertu du Régime de pensions du Canada, ayant jugé que son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2013. Pour obtenir gain de cause dans cette demande de permission, la demanderesse doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[2]  L’avocate de la demanderesse demande la permission d’en appeler au nom de la demanderesse au motif que la division générale a fondé sa décision sur diverses conclusions de fait erronées qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et qu’elle a aussi commis diverses erreurs de droit. En particulier, l’avocate plaide que la division générale a commis les erreurs détaillées ci‑après.

Conclusions de fait erronées

  1. a) La division générale a commis une erreur en faisant abstraction d’importants éléments de la preuve, en substituant sa propre appréciation à l’opinion des experts et en interprétant mal les faits portés à sa connaissance. L’avocate allègue ce qui suit :
    1. i. Au paragraphe 71, la division générale a fait mention de la formation et des qualifications de la demanderesse. L’avocate fait observer que la demanderesse, en grande partie, n’a pas travaillé dans les domaines où elle a reçu sa formation.
    2. ii. Au paragraphe 71, la division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas essayé de se trouver un emploi convenable, à temps plein ou partiel. L’avocate fait observer que le dernier emploi occupé par la demanderesse lui est toujours disponible, mais qu’elle n’a pas été en mesure d’y retourner en raison de problèmes de santé.
    3. iii. Au paragraphe 67, la division générale a conclu que [traduction] « en tenant compte de l’ensemble de la preuve […] [elle n’a pas confirmé] une décision selon laquelle [ses problèmes de santé] étaient graves au moment où sa PMA a pris fin. » L’avocate affirme que la division générale n’a pas tenu compte du témoignage de la demanderesse et de toutes les opinions des experts.
  2. b) La division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve de la demanderesse.
  3. c) La division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve des experts, en particulier des dossiers provenant de l’Hôpital général de Guelph, des rapports des Drs Kevork et Giles ainsi que du rapport d’examen cytologique et du rapport d’étude du sommeil. L’avocate plaide que la division générale a également commis une erreur en n’accordant pas un poids approprié au rapport du Dr Giles.

Erreurs de droit

  1. d) La division générale a commis une erreur en n’appliquant pas l’analyse « réaliste » que requiert l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. En particulier, l’avocate soutient que la division générale n’a pas tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse, comme son âge, son expérience de travail limitée et les répercussions de ses problèmes de santé.
  2. e) La division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des principes établis dans Taylor c. Ministre du Développement des ressources humaines (4 juillet 1997), CP4436, et Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) c. McDonald, (7 octobre 1988) CP01527, en ce qu’elle n’a pas tenu compte des problèmes de santé de la demanderesse dans leur intégralité, y compris d’une combinaison d’aspects tant mentaux que physiques, et de la façon dont ils se sont répercutés sur son employabilité ou sa capacité de travailler.
  3. f) La division générale a commis une erreur de droit en n’évaluant pas l’invalidité de la demanderesse à la date de la fin de la période minimale d’admissibilité.
  4. g) La division générale a commis une erreur de droit en omettant de prendre en compte Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, en exigeant de la demanderesse qu’elle détienne une forme ou une autre d’occupation rémunératrice alors que rien dans la preuve médicale ne confirmait qu’elle avait la capacité de le faire.
  5. h) La division générale a commis une erreur de droit en assimilant un employeur « philanthropique » à un employeur « réaliste ».

[3] L’avocate plaide qu’en omettant d’évaluer tous les éléments de la preuve, la division générale n’a pas, adéquatement et équitablement, procédé à une analyse en bonne et due forme des faits et, ce faisant, a commis une erreur.

[4] L’avocate a aussi produit d’autres rapports médicaux. Elle plaide en outre que la division d’appel devrait prendre en considération les éléments supplémentaires de la preuve médicale qui ont été obtenus et produits après l’audience tenue le 10 avril 2014.

[5] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Droit applicable

[6]  Avant qu’on puisse accorder une permission d’en appeler, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Dans Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 4, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[7]  En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant que je puisse lui accorder la permission d’en appeler, la demanderesse doit me convaincre que ses motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’un de ces motifs au moins a une chance raisonnable de succès.

Analyse

a) Conclusions de fait erronées alléguées

[9] La demanderesse doit me convaincre que la division générale a tiré les conclusions de fait erronées qu’elle allègue. Qui plus est, la demanderesse doit exposer de façon assez détaillée les conclusions de fait erronées alléguées et ne pas se contenter d’une simple généralisation.

[10] L’avocate de la demanderesse a cité les paragraphes 67 et 71 de la décision comme comportant des conclusions de fait erronées. En ce qui concerne le paragraphe 71, l’avocate plaide que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que la demanderesse n’avait pas travaillé dans son domaine de formation – comme assistante dentaire ou préposée aux services de soutien à la personne – et qu’elle n’a pas pris en considération le fait que l’ancien emploi occupé par la demanderesse lui était toujours disponible. Il existait un fondement factuel sur lequel la division générale pouvait faire reposer ses conclusions concernant les études et la formation de la demanderesse, ainsi que les efforts déployés par la demanderesse pour se trouver un emploi. En fait, l’avocate ne prétend pas que les conclusions tirées par la division générale, à savoir que la demanderesse est [traduction] « une femme instruite qui a reçu une formation dans plusieurs domaines » ou qu’elle [traduction] « n’a pas essayé de se trouver un travail convenable, à temps plein ou partiel », étaient erronées, ni que la décision rendue reposait sur des conclusions de fait erronées que la division générale a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Ainsi, la demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il y avait, sur ce moyen d’appel, une chance raisonnable de succès.

[11] Pour ce qui est du paragraphe 67, l’avocate plaide que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a déclaré qu’elle avait tenu compte de l’« ensemble de la preuve » et qu’elle [traduction] « ne [concluait] pas que la preuve étaye une décision [concluant à la gravité à la date de fin de la PMA]. » L’avocate soutient que la division générale a omis de tenir compte du témoignage de la demanderesse et de l’ensemble de la preuve médicale. L’avocate soutient que l’otorhinolaryngologiste a déclaré, en mars-avril 2014, qu’il y avait une probabilité de 90 % que la demanderesse souffre d’un carcinome papillaire et qu’elle doive subir une autre thyroïdectomie à l’été de 2014. À mon avis, la division générale n’a pas tiré dans l’abstrait ces conclusions énoncées au paragraphe 67. La division générale a cité le témoignage de la demanderesse ainsi que des éléments de la preuve médicale dans les précédents paragraphes, si bien que l’on ne saurait dire que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Là encore, l’avocate ne prétend pas que la déclaration faite par la division générale est erronée en soi. Qui plus est, je ne considère pas que ces déclarations constituent des conclusions de fait en tant que telles, mais qu’elles ressortissent plutôt à la décision finale.

[12] L’avocate affirme aussi que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve de la demanderesse ni des opinions médicales des experts, y compris les dossiers provenant de l’Hôpital général de Guelph, les rapports des Drs Kevork et Giles, ainsi que le rapport d’examen cytologique et le rapport d’étude du sommeil. L’avocate plaide que la division générale a également commis une erreur en n’accordant pas un poids approprié au rapport du Dr Giles.

[13] Les observations de l’avocate laissent entendre que la division générale avait l’obligation d’énumérer tous les éléments de la preuve qu’elle a examinée pour mesurer la gravité de l’invalidité de la demanderesse. La Cour d’appel fédérale a statué qu’un décideur n’a pas l’obligation d’énumérer de façon exhaustive tous les éléments de la preuve qu’il a examinée, puisque l’on présume, de façon générale, qu’il a examiné l’ensemble de la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’ [traduction] « […] un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. » La Cour d’appel fédérale a en outre refusé d’intervenir dans le poids que le décideur accorde à la preuve, estimant que cette charge « relève du juge des faits. » L’avocate n’a pas porté à mon attention de point qui, dans la décision de la division générale, me porterait à m’interroger sur l’opportunité de réfuter ou d’écarter cette présomption.

[14] La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il y avait, sur ce moyen d’appel, un point défendable en soutenant que la division générale avait fondé sa décision sur diverses conclusions de fait erronées qu’elle aurait tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

b) Erreurs de droit alléguées

[15] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a commis de nombreuses erreurs de droit.

i. Villani

[16] L’avocate de la demanderesse plaide que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer l’analyse « réaliste » que requiert Villani lorsqu’elle n’a pas tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse, comme son âge, son expérience de travail limitée et les répercussions de ses problèmes de santé.

[17] L’arrêt Villani ne dresse pas de liste complète des caractéristiques personnelles. En ce qui touche le contexte « réaliste » dont il est question dans Villani¸ les circonstances particulières sur lesquelles la Cour d’appel fédérale semble s’être penchée ont trait à la situation particulière d’un requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie. Le contexte « réaliste » ne ressortit pas à une prise en compte de l’environnement physique ou des exigences imposées à un demandeur dans un contexte d’emploi, ni aux répercussions des problèmes de santé de quelqu’un dans un contexte de travail. (Bien que je ne considère pas l’impact des problèmes de santé ou des invalidités d’un demandeur sur sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice comme un facteur relevant des principes énoncés dans Villani, je conviens quand même que la fonctionnalité générale d’une personne est déterminante pour mesurer la gravité de son invalidité.)

[18] Pour les fins d’une demande de permission, il est suffisant de démontrer que la division générale n’a pas appliqué les principes établis dans Villani. En l’espèce, la division générale a tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse au paragraphe 71 de sa décision, où elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

L’appelante est une femme instruite qui a reçu une formation dans plusieurs domaines. Elle possède des compétences en informatique ainsi que de nombreuses autres compétences transférables. Elle n’a pas essayé de se trouver un emploi convenable, à temps plein ou partiel.

[19] Même si la division générale ne semble pas avoir discuté de l’âge de la demanderesse ou de ses précédentes expériences de travail pour déterminer si la demanderesse était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, cela ne signifie pas que la division générale a omis d’appliquer l’analyse « réaliste » requise par Villani. La division générale a effectué l’analyse requise de cela en l’espèce, mais elle n’a pas procédé à une analyse approfondie ni n’a tenu compte des caractéristiques particulières de la demanderesse qui, ainsi que l’avocate le soutient, sont des facteurs déterminants pour toute mesure de la gravité.

[20] La Cour d’appel fédérale a déclaré ceci dans Villani :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est‑à‑dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous‑alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir . [C’est moi qui souligne.]

[21] Si la division générale a appliqué Villani et a effectué une évaluation de certaines des circonstances de la demanderesse mais pas toutes, a‑t‑elle appliqué le bon critère juridique? Tout en étant consciente de ce que l’évaluation de la situation de la demanderesse est une question de jugement sur laquelle on ne devrait pas intervenir, je considère qu’il y a un point défendable à invoquer quant à la question de savoir si, nonobstant l’évaluation qui a été effectuée, la division générale a dûment appliqué Villani lorsqu’elle n’a pas pris en compte certaines des caractéristiques personnelles de la demanderesse.

ii. Taylor et McDonald

[22] L’avocate plaide que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de prendre en compte les principes établis dans Taylor et McDonald,en ce qu’elle n’a pas pris en considération tous les problèmes de santé ni la preuve dans son ensemble. L’avocate plaide que la division générale n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse souffrait de multiples problèmes de santé, dont les suivants : cancer de la thyroïde; asthme; maladie pulmonaire obstructive chronique; douleurs et engourdissements au visage et au côté droit du cou; douleurs qui irradient du bas du dos aux membres inférieurs, ce qui cause des limitations physiques, de l’anxiété et de la dépression; apnée du sommeil; fatigue durant le jour et épuisement. L’avocate affirme que la division générale s’est concentrée sur des problèmes médicaux de la demanderesse qui s’étaient quelque peu améliorés avec la chirurgie bariatrique, comme le diabète, l’hypertension artérielle et le taux élevé de cholestérol.

[23] Bien que la division générale n’ait pas abordé la plupart de ces problèmes dans son analyse, elle a bel et bien fait mention du cancer de la thyroïde, de l’asthme, des douleurs et engourdissements au visage et au côté droit du cou, de l’apnée du sommeil, de la fatigue durant le jour et de l’épuisement. Il se peut que certaines de ces affections (comme le cancer de la thyroïde) ne fussent pas latentes à la fin de la période minimale d’admissibilité, ou qu’elles se fussent stabilisées, mais la demanderesse m’a convaincue qu’il y avait un point défendable à invoquer en déclarant que la division générale avait pu ne pas prendre pleinement en considération tous les aspects et éléments de la preuve médicale dans leur intégralité lorsqu’elle a déterminé si l’invalidité de la demanderesse devait être jugée grave à la date de la fin de la période minimale d’admissibilité. Cela n’implique toutefois pas qu’il faille réévaluer la preuve soumise à la division générale, mais cela requiert nécessairement que la demanderesse et son avocate démontrent que la division générale a été saisie non seulement d’une preuve de ces affections, mais aussi d’une preuve des répercussions que ces affections ont eues sur la demanderesse.

iii. Invalidité à la fin de la PMA

[24] L’avocate plaide que la division générale a commis une erreur en n’évaluant pas l’invalidité de la demanderesse au moment où sa période minimale d’admissibilité prenait fin, soit le 31 décembre 2013. L’avocate énumère les diverses affections dont la demanderesse souffrait à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, ces affections comprennent le cancer de la thyroïde, de l’asthme, une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), des douleurs et engourdissements au visage et au côté droit du cou, des douleurs au bas du dos, de l’anxiété et de la dépression, de l’apnée du sommeil, de la fatigue durant le jour et de l’épuisement. L’avocate soutient que la division générale aurait dû examiner de près l’état de santé de la demanderesse [traduction] « à la date de la fin de sa PMA » et, par implication, aurait dû prendre en considération ces diverses affections.

[25] À l’examen du dossier d’audience dont la division générale était saisie, on constate que la demanderesse avait produit peu de choses en fait de documents médicaux qui étaient pertinents pour la fin de la période minimale d’admissibilité, soit décembre 2013. Pour la plupart, les documents médicaux portaient sur la période de 2010 à 2012. Il y avait une seule note datée du 17 mai 2013 provenant de la clinique bariatrique, quelques dossiers médicaux émanant du Dr Maheshwari à jour jusqu’à mai 2013 seulement ainsi que divers rapports diagnostiques et dossiers du University Health Network indiquant que la demanderesse avait subi une biopsie du nodule thyroïdien gauche, à la suite d’une ablation du lobe droit de la glande thyroïde subie en octobre 2013. (L’avocate a commodément fourni un index pour les dossiers médicaux, aux pages GT1-259 et GT1-260 du dossier d’audience, quoique des renvois par numéro de page auraient été idéaux.) En fait, même les observations écrites de l’avocate de la demanderesse invitaient la division générale à se concentrer sur les dossiers médicaux de 2011 et de 2012.

[26] Les dossiers médicaux traitant de l’historique médical de la demanderesse pour 2013 qui ont été présentés à la division générale étaient les suivants :

  • dossiers du Centre médical Grandview datés du 4 janvier au 2 mai 2013, dans lesquels il est indiqué que la demanderesse a été vue pour des services de santé mentale ainsi qu’au sujet d’une chirurgie bariatrique et des nodules thyroïdiens (pages GT1-344 à GT1-346);
  • le 18 mars 2013, on a fait passer une échographie à la demanderesse pour analyser un nodule en croissance. On lui a découvert de multiples nodules thyroïdiens (pages GT1-370 et GT1-371);
  • 20 mars 2013 – biopsie du lobe thyroïdien gauche guidée par échographie (page GT1-267);
  • 21 mars 2013 – rapport d’examen cytologique pour le lobe thyroïdien gauche (page GT1-268);
  • avril 2013 – résumé de congé de l’Hôpital général de Guelph – la demanderesse avait subi un pontage gastrique laparoscopique le 10 avril 2013 (pages GT1-428 à GT1-433 et GT1-447 à GT1‑452);
  • mai 2013 – l’entrée consignée dans les dossiers cliniques indique que la demanderesse avait été avisée de son aiguillage vers la clinique de la douleur, mais qu’elle a décliné un rendez-vous car cela coïncidait avec la chirurgie bariatrique. Elle n’a pas voulu prendre alors un rendez‑vous, car elle ne voulait pas nuire aux résultats de la chirurgie bariatrique (page GT1-346);
  • 17 mai 2013 – note de la clinique bariatrique – la demanderesse a été vue et l’on a considéré qu’elle allait bien, et aucun autre rendez‑vous de suivi n’a été pris. Après la chirurgie, elle a continué en prenant du Prevacid pendant trois mois (pages GT1-432 / 449);
  • 7 mai 2013 – résultats du régime faible en glucose (page GT1-445);
  • mars 2014 – dossiers du University Health Network indiquant que la demanderesse avait subi une ablation du lobe thyroïdien droit en octobre 2013. Sur la crainte d’un carcinome papillaire, on lui a fait subir une biopsie du nodule thyroïdien gauche le 24 mars 2014. Une lobectomie a été recommandée afin qu’on catégorise mieux la lésion avant le traitement définitif (pages GT4-2 à GT4-6).

[27] À première vue, il y a une absence marquée de toute discussion ou analyse de nombre des affections dont l’avocate plaide que la division générale aurait dû examiner de près. Toutefois, ni la demanderesse ni son avocate n’avait obtenu grand‑chose en fait de documents de 2013 qui traitaient des diverses affections de la demanderesse. Si la demanderesse et son avocate avaient voulu que la division générale examine tout l’historique médical de 2013, il leur appartenait d’obtenir et de produire le dossier médical complet. Cela demeure la thèse de la demanderesse à prouver.

[28] L’avocate soutient que la division générale a aussi négligé de prendre en considération le témoignage de la demanderesse qui était pertinent pour la période minimale d’admissibilité, mais elle n’a pas porté à mon attention d’extraits précis de l’audience enregistrée ni n’a obtenu de transcription de la preuve à l’appui de ces allégations. La division générale ne pouvait tenir compte que de la preuve dont elle était saisie. En dehors du témoignage de la demanderesse, qui a été résumé aux paragraphes 42, 43, 45, 46 et 48 à 50 de la décision, et des documents médicaux qui ont été résumés aux paragraphes 35 à 40 et 44, il ne semble pas qu’il y avait grand‑chose que la division générale pouvait prendre en considération en fait de preuve médicale relative à la période minimale d’admissibilité.

L’avocate a énuméré les diverses affections de la demanderesse, soit le cancer de la thyroïde, l’asthme, la MPOC, les douleurs et engourdissements au visage et au côté droit du cou, les douleurs au bas du dos, l’anxiété et la dépression, l’apnée du sommeil et la fatigue durant le jour ainsi que l’épuisement, mais la preuve médicale pertinente pour la période minimale d’admissibilité ne traitait pas complètement de ces affections. La majeure partie de la preuve se rapportant à la période minimale d’admissibilité semble avoir été citée par la division générale dans son analyse de la preuve.

[29] Cela dit, au paragraphe 66 de la décision, la division générale a déclaré : [traduction] « Il semblerait que les principaux problèmes cités dans le rapport médical établi au moment où la demande de prestations du RPC a été déposée aient été résolus ou sont à présent gérés adéquatement. » À la suite de cela, au paragraphe 67, la division générale a écrit que [traduction] « […] à l’examen de l’ensemble de la preuve, le Tribunal ne conclut pas que la preuve produite confirme une détermination que les affections de l’appelante étaient graves au moment où prenait fin sa PMA. » J’ignore quel but ou valeur sous‑tendait la mention, par la division générale, des [traduction] « principaux problèmes cités dans le rapport médical », mais si la division générale a pris en considération la totalité de la preuve relative à ces principaux problèmes et s’est ensuite limitée à ne tenir compte que des problèmes cités dans le rapport médical, cela soulève une cause défendable.

iv. Inclima

[30] L’avocate plaide que la division générale a commis une erreur en omettant de prendre en considération Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, en ce qu’elle a exigé de la demanderesse qu’elle détienne une occupation rémunératrice alors qu’aucune preuve médicale ne confirmait que la demanderesse avait une quelconque capacité de le faire.

[31] Dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[32] Bien que la division générale ait cité Inclima dans sa décision, la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en exigeant d’elle qu’elle fasse des efforts pour obtenir et conserver un emploi, tout comme elle a erré en concluant que la demanderesse avait la capacité de détenir une quelconque occupation rémunératrice à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

[33] Si la division générale avait conclu que la demanderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, elle aurait commis une erreur de droit en exigeant de la demanderesse qu’elle déploie des efforts en vue de trouver un emploi et de le conserver, mais, en l’espèce, la division générale a conclu que la demanderesse était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Si ce moyen avait été le seul motif invoqué à l’appui de la demande de permission, j’aurais rejeté la demande.

[34] Comme j’ai conclu que la demande de permission conférait, en bout de ligne, une chance raisonnable de succès à l’appel, si l’on devait conclure que la demanderesse n’était pas régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, ce serait alors une erreur de droit que d’exiger d’elle qu’elle fasse des efforts pour se trouver un emploi et le conserver.

(v) Employeur philanthropique

[35] L’avocate de la demanderesse plaide que la division générale a commis une erreur de droit en assimilant un employeur « philanthropique » à un employeur « réaliste ». Elle affirme que le fait qu’un employeur philanthropique puisse entretenir une relation d’emploi avec une personne par ailleurs invalide ne devrait pas être interprété par le juge des faits comme une preuve de la capacité de travailler. Je souscris généralement à ce principe de droit, mais, dans la présente affaire, les circonstances factuelles ne s’appliquent pas du fait que la demanderesse a cessé de travailler.

[36] L’avocate poursuit en disant que la Commission d’appel des pensions a toujours statué en droit que l’on ne pouvait attendre d’un demandeur qu’il se trouve un emploi sous la [traduction] « houlette protectrice d’un employeur bienveillant ». Elle cite Ministre du Développement social c. Cannon (7 février 2006) CP23201. Je présume que ce que l’avocate suggère par ces observations c’est que la division générale a exigé de la demanderesse que soit elle communique avec son employeur relativement à un éventuel retour au même emploi avec des modifications ou des mesures d’adaptation, soit qu’elle se trouve un autre travail auprès d’un employeur philanthropique.

[37] Si la division générale avait conclu que la demanderesse était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, elle aurait commis une erreur de droit en exigeant d’elle que soit elle communique avec son employeur au sujet de mesures d’adaptation à son lieu de travail, soit elle se mette en quête d’un autre travail chez un employeur philanthropique, mais, en l’espèce, la division générale a conclu que la demanderesse était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

c) Faits nouveaux – Dossiers médicaux

[38] L’avocate de la demanderesse a déposé une nouvelle preuve médicale, comprenant notamment les rapports d’un otorhinolaryngologiste et d’un rhumatologue, respectivement datés des 3 avril et 2 juin 2014. Dans le rapport de l’otorhinolaryngologiste, il est indiqué que la demanderesse va sûrement être opérée en juin ou juillet 2014, afin que l’on puisse déterminer si elle est atteinte du cancer de la thyroïde. Quant au rapport du rhumatologue, il mentionne que la demanderesse affiche les symptômes de la fibromyalgie depuis au moins 2010 et que les options de traitement seront reportées après l’opération chirurgicale à la thyroïde. Il y a aussi quelques rapports de laboratoire.

[39] Les rapports médicaux supplémentaires devraient se rapporter aux moyens d’appel. La demanderesse n’a pas indiqué en quoi les faits ou dossiers additionnels proposés pourraient soulever ou aborder l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. Si l’avocate demande à ce que nous examinions ces faits et dossiers supplémentaires, soupesions à nouveau la preuve et réentendions la demande pour rendre une décision favorable à la demanderesse, il m’est impossible de le faire à ce stade, en raison des contraintes prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ni la demande de permission ni l’appel ne procure de possibilité de réévaluer ou réentendre la demande en vue de déterminer si la demanderesse est invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[40] Si l’avocate a produit ces faits supplémentaires au nom de sa cliente dans le but de faire annuler ou modifier la décision de la division générale, il lui faut maintenant se conformer aux exigences prévues aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et déposer en outre une demande d’annulation ou de modification auprès la division qui a rendu la décision. Il y a aussi des délais et des exigences stricts auxquels il faut se conformer en vertu de l’article 66 de la Loi sur le MEDS pour faire annuler ou modifier une décision. Aux termes du paragraphe 66(2) de la Loi sur le MEDS, la demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date à laquelle la décision est communiquée à une partie. Quant à l’alinéa 66(1)b) de cette même loi, il stipule qu’un demandeur doit démontrer que les nouveaux faits sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. En application du paragraphe 66(4) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel ne peut, en l’espèce, ni annuler ni modifier une décision à la lumière de faits nouveaux, puisque seule la division ayant rendu la décision a le pouvoir de le faire.

[41] Les nouveaux rapports médicaux ne soulèvent ni n’abordent de moyens d’appel admissibles, de sorte que je suis dans l’impossibilité de les prendre en considération aux fins d’une permission d’en appeler.

Appel

[42] Les questions que les parties pourront vouloir aborder en appel comprennent les suivantes :

  1. a) L’appel est‑il un appel en examen ou un appel de la nature d’un contrôle judiciaire? Quel degré de déférence la division d’appel doit-elle avoir à l’endroit de la division générale?
  2. b) La division générale a‑t‑elle commis des erreurs de droit?
  3. c) Si la division générale a commis des erreurs de droit, quelle est la norme de contrôle applicable? Si c’est la norme de la décision correcte qui s’applique, quelle décision la division générale aurait dû rendre? Si c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique, la décision globale rendue par la division générale peut-elle être justifiée, est-elle transparente et compréhensible et s’inscrit-elle dans l’éventail des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit dont disposait la division générale?
  4. d) L’appel est‑il rendu théorique à la lumière du fait qu’il y avait d’autres raisons pour lesquelles la division générale a conclu que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait être jugée grave?
  5. e) Dans l’éventualité où la division générale aurait commis une erreur et où la décision serait jugée déraisonnable, quel serait l’éventuel redressement approprié?

[43] J’invite les parties à présenter aussi des observations sur le mode d’audience (c.‑à‑d. si cela devrait se faire par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses par écrit), de même que sur l’éventuel délai à leur impartir avant la tenue de l’audience.

Conclusion

[44] Pour l’ensemble de ces motifs, la Demande est accueillie.

[45] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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