Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse a allégué, dans sa demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, qu’elle était invalide en raison de blessures subies lors d’un accident de la voiture, d’incontinence et de problèmes intestinaux. L’intimé a refusé sa demande à l’examen initial puis après réexamen. L’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Le 1er avril 2013, l’appel a été déféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Le 28 janvier 2015, la division générale a rejeté l’appel.

[2] La demanderesse a demandé la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a fait valoir que la décision de la division générale renfermait des erreurs de fait, des erreurs mixtes de droit et de fait et des erreurs de droit, et que les principes de justice naturelle avaient été violés.

[3] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Analyse

[4] Pour obtenir la permission d’en appeler, la demanderesse doit présenter un motif valable sur le fondement duquel l’appel pourrait être accueilli : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a aussi conclu que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander s’il a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« la Loi ») régit le fonctionnement du tribunal. L’article 58 de la Loi prescrit les seuls moyens d’appel pouvant être pris en considération pour accorder une permission d’en appeler d’une décision de la division générale (voir l’annexe de la présente décision). Par conséquent, je dois déterminer si la demanderesse a présenté un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès.

Erreurs de fait

[6] La demanderesse a présenté plusieurs arguments pour obtenir la permission d’en appeler. D’abord, elle a soutenu que la décision de la division générale renfermait une erreur de fait parce qu’elle concluait que l’explication de la demanderesse au sujet de sa blessure au dos, soit des hernies discales, n’était pas étayée par la preuve médicale présentée à l’audience et que la division générale avait accordé du poids à cette conclusion de fait. Dans l’arrêt Klabouche c. Canada (Développement social) 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédérale a conclu que ce n’est pas le diagnostic d’un problème de santé qui rend une personne invalide aux termes du Régime de pensions du Canada, mais l’effet qu’a le problème de santé sur sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La décision de la division générale ne contenait aucune analyse de l’incidence des douleurs lombaires de l’appelante sur sa capacité de travailler. Ce moyen d’appel souligne donc une erreur de fait et constitue un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[7] La demanderesse a aussi soutenu que cette erreur avait dû entacher la crédibilité de la demanderesse. Il n’a pas été question de la crédibilité de la demanderesse dans la décision de la division générale. La division générale n’a commis aucune erreur en agissant ainsi. Par conséquent, il ne s’agit pas d’un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès.

[8] De plus, la demanderesse a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son état s’était détérioré à partir du moment où elle ne pouvait plus obtenir de traitements réguliers parce que son assureur ne les lui remboursait pas. Dans sa décision, la division générale a pris en compte les progrès réalisés par la demanderesse grâce aux traitements qu’elle a reçus après l’accident et a souligné que son état s’était détérioré quand les traitements avaient cessé. Elle a ensuite conclu que la demanderesse n’avait pas suivi les recommandations de traitements au sujet du recours à une clinique de la douleur. La décision énonce également les limitations physiques de la demanderesse. Il n’est pas clair si la division générale a pris en compte la détérioration de l’état de la demanderesse lorsque ses traitements ont cessé pour rendre sa décision. Il s’agit d’un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

Erreurs mixtes de fait et de droit

[9] La demanderesse a aussi présenté des arguments qui selon elle signalent des erreurs mixtes de fait et de droit et qui étayaient sa demande de permission d’en appeler. Elle a soutenu qu’il n’était pas approprié de la part de la division générale de demander si la demanderesse touchait une assurance ou des prestations de maladie. Il n’est pas inapproprié que la division générale recueille des renseignements pertinents d’un demandeur. En l’espèce, comme il existait de nombreux rapports médicaux, dont certains avaient été rédigés à l’intention d’un assureur, ce renseignement aurait pu être pertinent au poids accordé à la preuve médicale produite. En outre, la décision de la division générale ne mentionnait nullement une telle source de revenus; je ne suis donc pas convaincue que l’on a accordé du poids à ce facteur pour déterminer si la demanderesse était invalide. Ce moyen d’appel n’a pas de chance raisonnable de succès.

[10] La demanderesse a aussi fait valoir que la division générale n’avait pas expliqué pourquoi elle avait accordé un plus grand poids aux rapports médicaux rédigés par l’assureur. Dans sa décision, la division générale a indiqué qu’un poids approprié avait été accordé aux rapports de deux spécialistes à qui on a demandé de donner un avis indépendant. Elle a accordé peu de poids aux rapports médicaux rédigés après la période minimale d’admissibilité. Elle n’a toutefois pas motivé ses conclusions de fait tirées à partir d’éléments de preuve contradictoires. Dans l’arrêt R.c. Sheppard (2002 CSC 26), la Cour suprême du Canada a conclu qu’un décideur est tenu d’exposer les motifs des conclusions qu’il tire à partir d’éléments de preuve contradictoires et dont dépend l’issue de l’affaire. En l’espèce, l’issue de l’affaire dépendait, du moins en partie, des avis médicaux contradictoires auxquels la division générale accorderait le plus de poids. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle préférait certains avis médicaux plutôt que d’autres. Il s’agit d’une erreur mixte de droit et de fait qui constitue un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[11] La demanderesse a aussi fait valoir que la division générale avait erré en ne tentant pas de découvrir si les rapports médicaux rédigés après la période minimale d’admissibilité tenaient compte de l’état de santé de la demanderesse avant cette date. Dans le résumé du rapport du Dr Waisman contenu dans sa décision, la division générale a indiqué que son pronostic de la demanderesse était réservé parce qu’elle souffrait de douleurs depuis plus de deux ans. Cela indiquerait que ce problème pouvait exister pendant la période minimale d’admissibilité. Par conséquent, il s’agit d’un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[12] En outre, la demanderesse a soutenu que la division générale avait commis une erreur dans sa décision, car, bien qu’elle ait conclu qu’elle n’avait pas tenté de trouver un emploi correspondant à ses limitations, elle n’avait pas pris en compte les raisons expliquant son défaut de le faire. La demanderesse a fait valoir qu’il s’agissait d’une erreur mixte de fait et de droit. Dans la décision Boyle c. Ministre du Développement des ressources humaines (10 juin 2003 CP18508), la Commission d’appel des pensions a conclu que le demandeur n’était pas tenu de démontrer qu’il avait tenté de trouver un autre emploi adapté à ses limitations étant qu’il pouvait reprendre son emploi précédent dès qu’il estimait pouvoir le faire. Bien que cette décision ne lie pas la division générale, le principe juridique était pertinent en l’espèce. Le fait que la division générale n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse pouvait avoir une raison valable pour ne pas chercher un autre emploi est une erreur mixte de fait et de droit qui constitue un moyen d’appel pouvant avoir une chance raisonnable de succès.

[13] Enfin, à cet égard, la division générale n’a pas tenu compte dans sa décision de l’effet cumulatif de l’ensemble des problèmes de la demanderesse entraînant une invalidité sur sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La décision ne fait guère référence à l’incontinence ou aux problèmes intestinaux de la demanderesse. Dans l’arrêt Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’ensemble des problèmes de santé d’un demandeur de prestations d’invalidité doit être pris en compte. Le défaut par la division générale de le faire constitue un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

Erreurs de droit

[14]  La demanderesse a fait valoir que la décision de la division générale renfermait également des erreurs de droit. Sur ce point, elle a d’abord affirmé que la division générale avait commis une erreur parce qu’elle n’a pas pris en compte et appliqué le critère visant à déterminer ce qu’est une « occupation véritablement rémunératrice », comme le prévoit la version récente du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (le « Règlement »). Ce Règlement ne s’applique qu’aux demandes de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada présentées après le 29 mai 2014. La demanderesse a présenté sa demande de pension avant cette date et donc la division générale n’a commis aucune erreur en ne faisant pas référence à ce Règlement.

[15] Subsidiairement, la demanderesse a soutenu que la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle avait déclaré que la demanderesse aurait dû être capable de travailler [traduction] « dans une certaine mesure » étant donné qu’elle aurait dû déterminer si elle était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. La décision renfermait un énoncé inexact du critère juridique visant à déterminer si l’invalidité est grave aux termes du Régime de pensions du Canada. L’application du mauvais critère juridique est une erreur de droit qui constitue un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

Principes de justice naturelle

[16] Enfin, la demanderesse a soutenu que la division générale avait violé les principes de justice naturelle en l’espèce. Elle a affirmé que, comme la décision de la division générale faisait très peu référence à sa crédibilité, il était raisonnable de supposer qu’elle n’avait accordé aucun poids à son témoignage. Il s’agit d’un manquement aux principes de justice naturelle, car, si aucun poids n’a été accordé au témoignage de la demanderesse, on l’a ainsi privée du droit d’être entendue. Cet argument n’est pas convaincant. On ne peut supposer qu’aucun poids n’a été accordé au témoignage de la demanderesse simplement parce qu’aucune conclusion particulière n’a été tirée à l’égard de sa crédibilité. Le témoignage a été résumé dans la décision et a été pris en compte.

[17] De plus, le poids qui a été accordé au témoignage de la demanderesse n’est pas lié au fait qu’elle a eu l’occasion d’être entendue. Il revient à la division générale, à titre de juge des faits, d’entendre tous les éléments de preuve présentés à l’audience et de les soupeser pour en arriver à sa décision. L’appelante n’a pas soutenu qu’elle n’avait pas pu présenter pleinement ses arguments. Par conséquent, cet argument ne constitue pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[18] La demande est accueillie parce que la demanderesse a présenté des moyens d’appel pouvant avoir une chance raisonnable de succès.

[19] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel sur le bien-fondé de l’instance.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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