Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada et a allégué qu’elle était invalide en raison d’une maladie mentale et de limitations physiques. L’intimé a refusé sa demande au stade initial puis après réexamen. La demanderesse en a appelé devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Le 1er avril 2013, l’appel a été déféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a fixé une date pour une audience par téléconférence. La demanderesse n’a pas assisté à cette audience. Trois jours après la date prévue de l’audience, la représentante de la demanderesse a communiqué avec le Tribunal pour demander que l’audience soit reportée parce qu’elle a cru, lorsqu’elle a reçu les observations écrites de l’intimé, que l’affaire serait tranchée sur la foi du dossier écrit. La division générale a refusé de reporter l’audience. Elle a rejeté l’appel de la demanderesse.

[2] La demanderesse a demandé la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a soutenu que la division générale avait commis une erreur, car elle n’avait pas pris en compte le principal problème médical qui l’empêchait de travailler, qu’elle pouvait expliquer pourquoi elle ne pouvait plus prendre les médicaments qui lui étaient prescrits et que la division générale avait émis des hypothèses inexactes concernant son traitement. Ella a aussi soutenu que la division générale avait fait preuve de partialité.

[3] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

[4] Pour obtenir la permission d’interjeter appel, la demanderesse doit présenter un motif valable pour lequel l’appel pourrait être accueilli : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a aussi conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« la Loi ») régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 58 de la Loi énonce les seuls moyens d’appel pouvant être pris en compte pour accorder la permission d’en appeler d’une décision de la division générale (voir l’annexe de la présente décision). Je dois donc déterminer si la demanderesse a présenté un moyen d’appel prescrit à l’article 58 de la Loi qui a une chance raisonnable de succès.

[6] La demanderesse a présenté plusieurs arguments à titre de moyens d’appel. D’abord, elle a fait valoir que la division générale avait [traduction] « ignoré ou minimisé » son principal symptôme invalidant, soit l’incapacité à se concentrer. Dans sa décision, la division générale résume la preuve médicale qui a été produite à l’audience. Celle-ci comprend des commentaires formulés par les médecins concernant l’incapacité de l’appelante à se concentrer. La division générale n’a pas analysé cet élément pour en arriver à sa décision. Dans l’arrêt R. c. Sheppard (2002 CSC 26), la Cour suprême du Canada a statué que le décideur est tenu d’exposer les motifs expliquant ses conclusions fondées sur des éléments de preuve contradictoires et dont dépend en grande partie l’issue de l’affaire. La division générale a conclu que la demanderesse avait une certaine capacité de travailler ou de se recycler, mais n’a pas expliqué comment elle en était arrivée à cette conclusion à la lumière de la preuve selon laquelle elle ne pouvait pas se concentrer sur quelque travail que ce soit. L’issue de la présente affaire repose, en grande partie, sur cette conclusion de fait. Ce moyen d’appel souligne donc une erreur commise par la division générale et peut avoir une chance raisonnable de succès.

[7] La demanderesse a aussi expliqué pourquoi elle avait cessé de prendre certains médicaments (parce qu’ils lui donnaient l’impression d’être [traduction] « un zombie ») et a affirmé que, même si elle n’avait pas reçu de traitements de physiothérapie parce qu’elle ne pouvait pas se le permettre, elle avait fait des exercices chez elle. Cet élément de preuve n’a pas été porté à la connaissance de la division générale à l’audience dans cette affaire. L’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ne prescrit pas la présentation de nouveaux éléments de preuve comme étant un moyen d’appel.

[8] Toutefois, en l’espèce, la présentation de cet élément de preuve appuie la prétention selon laquelle il y a eu manquement aux principes de justice naturelle de la part de la division générale. La demanderesse n’a pas contesté le fait que sa représentante avait reçu l’avis d’audience qui a été envoyé par le Tribunal. Ni la représentante ni la demanderesse n’ont assisté à l’audience. Trois jours après la date prévue de l’audience, la représentante a demandé qu’une autre date d’audience soit fixée parce qu’elle avait mal compris les observations écrites de l’intimé. Ces observations étaient datées d’environ deux semaines avant la tenue de l’audience, et ont été transmises à la demanderesse dès leur réception par le Tribunal. La demanderesse a fait valoir que, à la réception des observations, elle a cru que l’affaire avait été tranchée et que les observations étaient la décision de la division générale. Par la suite, elle a communiqué avec le Tribunal pour demander que l’audience soit reportée. La division générale a rejeté la demande et a tranché l’affaire à partir des documents écrits dont elle avait été saisie. La décision de la division générale a été rendue après que la représentante de l’appelante lui eut demandé que l’audience soit reportée.

[9] Il est possible que la demanderesse n’ait pas pu plaider entièrement sa cause et répondre aux préoccupations de l’intimé en procédant ainsi. Il s’agirait d’un manquement aux principes de justice naturelle de la part de la division générale en l’espèce, ce qui constitue un moyen d’appel qui peut avoir une chance raisonnable de succès.

[10] La demanderesse a aussi soutenu que la division générale avait émis une hypothèse lorsqu’elle avait affirmé que le Dr Rehman lui aurait donné des séances de psychothérapie s’il avait conclu que son état le justifiait. La division générale n’a pas exposé dans sa décision la preuve sur laquelle elle s’est fondée pour en arriver à la conclusion que le Dr Rehman aurait fourni ce traitement. Il peut s’agir d’une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale. Ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

[11] Enfin, la demanderesse a écrit [traduction] « Commentaires préjudiciables entraînant une mauvaise prédisposition ». Selon d’autres énoncés figurant dans la demande de permission d’en appeler devant la division d’appel, il semble que l’appelante a soutenu que la division générale avait fait preuve de partialité. Elle a fourni deux exemples de [traduction] « prédispositions » visant à appuyer cet argument, avec des explications de sa conduite comme je l’ai déjà mentionné. Toutefois, ce moyen d’appel n’est pas clair. Dans la décision Pantic c. Canada (Procureur général), 2011 CF 591, la Cour fédérale a conclu qu’on ne peut dire qu’un moyen d’appel a une chance raisonnable de succès s’il n’est pas énoncé clairement. Ce moyen d’appel n’a donc pas de chance raisonnable de succès.

Conclusion

[12] La permission est accordée, car la demanderesse a présenté au moins un moyen d’appel pouvant avoir une chance raisonnable de succès.

[13] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel sur le bien-fondé de l’affaire.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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