Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 7 avril 2014. Le membre de la division générale a déterminé que le demandeur n’était pas admissible au bénéfice des prestations en vertu du Régime de pensions du Canada, ayant jugé que son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2010. Pour obtenir cette permission, le demandeur doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[2] Le demandeur demande la permission d’en appeler au motif que la division générale :

  1. 1) n’a pas observé un principe de justice naturelle en ne prenant pas en considération l’ensemble de la preuve et des observations qui lui ont été soumises;
  2. 2) a commis une erreur de droit lorsqu’elle a [traduction] « rendu la décision sans tenir compte des aspects relatifs à une invalidité grave et prolongée qui sont énoncés à l’alinéa 42(2)a) du Régime [de pensions du Canada] »;
  3. 3) a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées [traduction] « et n’a pas tenu compte des faits dans leur interprétation correcte »;
  4. 4) n’a pas pris en considération la totalité de la preuve ni les effets cumulatifs des problèmes du demandeur au moment d’évaluer la gravité de l’invalidité.

[3] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Droit applicable

[4] Avant qu’on puisse accorder une permission d’en appeler, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Dans Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 4, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[5] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Avant que je puisse lui accorder la permission d’en appeler, le demandeur doit me convaincre que ses motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’un de ces motifs au moins a une chance raisonnable de succès.

Analyse

a) La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle?

[7] L’avocat du demandeur plaide que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve et des observations dont elle était saisie. L’avocat n’a pas précisé les éléments de preuve dont la division générale n’aurait pas tenu compte ni l’impact que cela aurait pu avoir sur le résultat de la décision. Cela étant dit, je fais observer les propos suivants que la Cour suprême du Canada a tenus dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391).

[8] La Cour d’appel fédérale a également statué qu’un décideur n’avait pas l’obligation d’énumérer de façon exhaustive tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, puisqu’il est généralement présumé que le décideur a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’« […] un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. » L’avocat n’a pas porté à mon attention de point qui, dans la décision de la division générale, me porterait à m’interroger sur l’opportunité de réfuter ou d’écarter cette présomption.

[9] Le demandeur ne m’a pas convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

b) La division générale a-t-elle omis de tenir compte du critère juridique établi à l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada?

[10] L’avocat plaide que la division générale n’a pas tenu compte des aspects relatifs à une invalidité grave et prolongée. Au début de son analyse, la division générale a précisé le critère juridique auquel le demandeur devait satisfaire en application de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada pour que l’on détermine s’il était admissible à des prestations d’invalidité. La division générale a ensuite effectué une analyse du cas sous l’angle du volet du critère relatif à la gravité. S’il est vrai que la division générale ne s’est pas penchée sur l’aspect du critère portant sur le caractère prolongé de l’invalidité, il reste que le critère relatif à l’invalidité comporte deux volets et que si un demandeur ne satisfait pas à l’un ou l’autre des aspects de ce critère à deux volets, il n’aura pas satisfait aux exigences relatives à l’invalidité en vertu de la législation. Comme la division générale l’a indiqué avec justesse, il n’était alors pas nécessaire, dans ces circonstances, de procéder à une analyse du cas sous l’angle de l’aspect du critère relatif au caractère prolongé de l’invalidité. Dans Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[10] Le fait que la Commission se soit essentiellement concentrée sur le volet « grave » du critère, et qu’elle ne se soit pas prononcée quant au volet « prolongé » ne constitue pas une erreur. Les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du RPC sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du RPC sera rejetée.

[11] Le demandeur ne m’a pas convaincue qu’il y avait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

c) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées et a-t-elle omis de [traduction] « tenir compte des faits dans leur interprétation correcte »?

[12] L’avocat plaide que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées et n’a pas tenu compte des [traduction] « faits dans leur interprétation correcte ». L’avocat n’a pas précisé les conclusions de fait erronées alléguées sur lesquelles la division générale aurait fondé sa décision, ni les faits qu’elle aurait omis de prendre en considération dans [traduction] « leur interprétation correcte ». En l’absence de détails suffisants sur les conclusions de fait erronées ou les faits mal interprétés, je ne dispose d’aucun fondement me permettant d’évaluer adéquatement ce moyen. Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel aux fins d’une demande de permission, il devrait à tout le moins fournir quelques détails sur les motifs de la demande de permission hormis une déclaration générale que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée ou n’a pas tenu compte des faits [traduction] « dans leur interprétation correcte », de manière que la division d’appel n’ait pas à spéculer sur ce que ces erreurs auraient pu être. La demande de permission est déficiente à cet égard et le demandeur ne m’a pas convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

d) La division générale a-t-elle omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve et de l’effet cumulatif de l’invalidité dans son évaluation de la gravité?

[13] L’avocat du demandeur plaide que la division générale a commis une erreur en omettant de prendre en considération la totalité de la preuve. Plus particulièrement, l’avocat écrit ce qui suit :

[Traduction]

On a diagnostiqué à l’appelant une maladie chronique appelée iléite de Crohn en 2009, ce qui a eu des répercussions sur plus de 50 % de son iléon, avec des plaies superficielles aux muqueuses et l’a amené à voir régulièrement son gastroentérologue et à être fortement médicamenté. De plus, il prend un médicament pour la dépression et l’anxiété. Il a également des problèmes de sommeil chroniques et prend des médicaments pour son sommeil qui ne l’aident pas à bien dormir, car il se réveille très souvent la nuit. On lui a aussi diagnostiqué une ostéoporose en 2010, et il prend des médicaments chaque semaine pour que ses os soient moins fragiles. Récemment, il a aussi contracté une discopathie dégénérative. Il est aussi, depuis de nombreuses années, atteint d’hypertension et est constamment médicamenté. En raison de ces problèmes, il n’arrive pas à prendre suffisamment de sommeil et doit aller à la salle de bain 10 à 15 fois par jour. Il y a divers rapports médicaux versés au dossier qui font mention des problèmes de santé de l’appelant. Tous ces problèmes ont commencé longtemps avant que sa PMA ne prenne fin, en décembre 2010, et se poursuivent encore aujourd’hui. Le médecin traitant de l’appelant a résumé tous les problèmes de santé de ce dernier dans sa lettre datée du 2 novembre 2012 et a exprimé l’avis que l’appelant ne pouvait obtenir un emploi rémunérateur. […] L’appelant prend aussi du Remicade, ce qui affaiblit presque totalement son système immunitaire, de sorte qu’il peut facilement attraper une infection. En raison de cela, l’appelant évite de sortir de chez lui, si ce n’est pour se rendre à des rendez-vous chez le docteur.

[14] L’avocat soutient que la division générale n’a pas tenu compte des effets cumulés de tous les problèmes sur la capacité du demandeur d’exercer de nouveau tout emploi rémunérateur. Il plaide en outre que la division générale a commis une erreur en considérant les divers problèmes isolément et en concluant que l’invalidité du demandeur n’était pas grave et prolongée.

[15] Si la division générale a omis de prendre en compte les invalidités du demandeur de façon cumulative et la totalité de la preuve, dans le contexte de la question de savoir si le demandeur était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa période minimale d’admissibilité et de façon continue par la suite, cela pourrait soulever un motif défendable. J’examinerai la décision de la division générale sous cet angle.

[16] L’avocat a précisé les diverses affections du demandeur, dont l’iléite de Crohn, la dépression et l’anxiété, les problèmes de sommeil chroniques, l’ostéoporose, l’hypertension, la sensibilité aux infections (en raison de la prise de Remicade) et, plus récemment, la discopathie dégénérative. L’avocat affirme que la division générale a commis une erreur en concluant que, malgré tous ces problèmes, le demandeur pouvait retourner à une forme ou une autre d’emploi rémunérateur.

[17] La division générale a écrit qu’on ne lui avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve médicale, en particulier pour la période du 1er avril 2010 au 2 novembre 2012. Elle a jugé conséquent ce trou dans la preuve médicale, vu que la période minimale d’admissibilité s’inscrit dans cette période. La division générale a commenté les troubles du sommeil et la maladie de Crohn du demandeur. Elle a mentionné l’absence des rapports du Dr Nguyen, un gastroentérologue, et des résultats de deux rapports de laboratoires (quoiqu’il s’agissait de rapports datés du 8 septembre 2009 et du 1er avril 2010 émanant d’un autre gastroentérologue).

[18] La division générale n’a pas analysé en détail la dépression et l’anxiété, l’ostéoporose, l’hypertension, la sensibilité aux infections, bien que le demandeur eut témoigné qu’il avait l’ostéoporose et était dépressif. Dans le rapport du médecin de famille daté du 2 novembre 2012, il est indiqué que le demandeur était récemment devenu dépressif et qu’on le traitait pour cela. Je note que ce rapport indique aussi que le demandeur souffrait d’hypertension depuis plusieurs années, mais que cela était bien contrôlé grâce à un traitement. Le rapport indique en outre que le demandeur souffrait d’ostéoporose depuis 2010 et prenait des médicaments chaque semaine. Le médecin de famille n’a pas précisé quels effets ces affections avaient pu avoir sur le demandeur à la fin de sa période minimale d’admissibilité ou vers cette date. Le médecin de famille a également précisé que la discopathie dégénérative s’était déclarée en 2011, ce qui est postérieur à la PMA.

[19]  Le demandeur a également indiqué, dans son témoignage, qu’il craignait de contracter une infection, bien que l’on ne sache pas clairement, à la lecture de la décision de la division générale, à quel moment cette crainte a pu être nourrie. Un rapport sur la densité osseuse daté du 22 décembre 2009 a aussi été présenté à la division générale.

[20] Bien que la division générale n’ait pas effectué d’analyse de la dépression et de l’anxiété, de l’ostéoporose, de l’hypertension, de la sensibilité aux infections ou de l’hypertension, elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Il faut que la maladie soit activement déclarée à la date de la fin de la PMA (31 décembre 2010). La preuve [du demandeur] relative aux problèmes de glande thyroïde, à la dépression et à l’ostéoporose n’est pas étayée de documents médicaux datant du moment de la fin de la PMA. Il n’y a pas de rapports de spécialistes, de résultats d’analyses en laboratoire ou d’autres éléments de preuve corroborant l’existence de ces affections durant la période pertinente. Le rapport du médecin de famille date de 2012 et ne s’accompagne pas d’éléments de preuve se rapportant aux affections remontant à la date de fin de la PMA. Les rapports médicaux produits à la date de fin de la PMA ou avant ne montrent pas un [demandeur] atteint d’une invalidité grave au sens du RPC. (C’est moi qui souligne.)

[21] Pour revenir aux critères susmentionnés, bien que la division générale ait pu omettre de prendre en considération toutes les affections du demandeur de façon cumulative, elle a quand même indiqué qu’on ne lui avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve concernant certains des problèmes de santé du demandeur, notamment les problèmes de glande thyroïde, la dépression et l’ostéoporose. La division générale a conclu qu’il n’y avait pas de preuve corroborant l’existence de ces affections durant la période pertinente. Comme elle ne disposait pas de preuve de ces affections à la date de fin de la PMA, on ne saurait dire que la division générale n’a alors pas tenu compte des faits cumulés de ces affections ou de la totalité de la preuve.

[22] Il semble que ces observations remettent en question le caractère raisonnable de la décision rendue par la division générale. Une réévaluation et une nouvelle décision débordent largement le cadre d’une demande de permission.

Conclusion

[23] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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