Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

L. P. : appelante

Adam Moras : représentant de l’appelante

F. P. : époux de l’appelante

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante a été estampillée en date du 1er juin 2011 par l’intimé. L’intimé a rejeté la demande dans un premier temps ainsi qu'à l'étape de la révision. L’appelante en a appelé de la décision de révision au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et cet appel a été transféré au Tribunal en avril 2013.

[2] L’audition relative à cet appel a eu lieu par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  • Ce mode d’audience est celui qui est le plus approprié lorsqu'il y a un nombre élevé de participants;
  • Il y a des lacunes dans les renseignements au dossier et/ou un besoin de clarification;
  • Le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question préliminaire

[3] Au début de l’audience, Me Moras a remis un dossier contenant des observations écrites ainsi que bon nombre de rapports et dossiers médicaux qui ne se trouvaient pas dans le dossier d’audience. Me Moras a présenté verbalement des rapports et dossiers médicaux supplémentaires et le Tribunal a décidé que, bien que ces documents aient été produits bien après les échéances prévues dans l’avis d’audience, ils étaient probablement importants et qu’il serait injuste pour l’appelante que ces renseignements médicaux supplémentaires ne soient pas pris en compte par le Tribunal.

[4] Le Tribunal a statué que la preuve testimoniale devait être entendue et que par la suite, l’audience serait ajournée selon les modalités suivantes :

  1. Le représentant de l’appelante doit déposer le dossier auprès du Tribunal au plus tard le 20 avril.
  2. Une copie du dossier doit être envoyée sans délai à l’intimé, qui aura 30 jours pour déposer des observations écrites.
  3. Après que la totalité des documents et des observations supplémentaires auront été reçus ou que le délai accordé pour déposer ceux-ci aura expiré, le Tribunal décidera si une autre audience est nécessaire. Dans l’affirmative, cette nouvelle audience aura probablement lieu par vidéoconférence.
  4. Si le Tribunal décide qu’aucune autre audience n’est requise, il communiquera par écrit les motifs de sa décision.

Droit applicable

[5] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 stipule que tout appel déposé au BCTR avant le 1er avril 2013 et que le BCTR n’a pas entendu est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les exigences d’admissibilité pour la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne toucher aucune pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[7] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date de la fin de la PMA ou avant cette date.

[8] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une incapacité physique ou mentale qui est grave et prolongée. On considère qu’une personne est atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou qu'elle entraînera vraisemblablement le décès.

Question en litige

[9] Le Tribunal conclut que la date de la PMA est le 31 décembre 2012.

[10] Dans la présente affaire, le Tribunal doit décider si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de la PMA ou avant celle-ci.

Contexte

[11] L’appelante était âgée de 47 ans le 31 décembre 2012, soit la date de la fin de la PMA; elle est maintenant âgée de 50 ans. Elle est née à X (Portugal) et est déménagée au Canada en 1971, à l’âge de 6 ans. Elle a terminé sa 12e année, obtenu son diplôme d'études secondaires et n'a pas fait d’autres études. Le cours d’informatique qu’elle a pris il y a environ 20 ans est le seul cours de perfectionnement qu’elle a suivi. Elle a commencé à travailler juste après l’école secondaire; notamment, elle accomplit des tâches de secrétariat au sein d’un cabinet d’avocats pendant environ un an, puis elle entre des commandes et accomplit des tâches connexes pour trois sociétés de textile différentes.

[12] Elle a été impliquée dans un accident de véhicule le 11 septembre 2000 et s’est absentée du travail pendant environ quatre mois; sur le plan médical, elle n'a gardé aucune séquelle de l’accident. En décembre 2008, elle a été impliquée dans un autre accident alors qu'un véhicule a embouti l’arrière de son véhicule alors qu’elle se rendait au travail. Elle s’est absentée du travail jusqu’en mars 2009; elle est ensuite retournée au travail selon un horaire modifié (de 9 h à 13 h). Elle était incapable de continuer de travailler après mai 2009 en raison de la douleur et de son incapacité de se pencher, de s’asseoir et de se lever dans la mesure requise. Depuis, elle n’est pas retournée au travail.

Documents relatifs à la demande

[13] Dans son questionnaire du RPC sur l’invalidité, estampillé en date du 1er juin 2011 par l’intimé, l’appelante indique qu’elle a une 12e année et que son dernier travail consistait à entrer des commandes pour G. U. du 4 août 1992 au 22 mai 2009. Elle indique qu’elle a cessé de travailler en raison d’un accident de véhicule. Elle a prétendu être invalide depuis le 22 mai 2009 et indiqué que ses maux au bas du dos et son incapacité de s’asseoir ou de se tenir debout pendant longtemps comptent parmi les affections ou les incapacités qui l’empêchent de travailler.

[14] Elle a décrit ses difficultés et ses limitations fonctionnelles comme suit : rester assise ou debout pendant 20 minutes; marcher pendant 30 minutes; inconfort à lever des poids; incapable d’agripper des objets loin du corps; incapable de beaucoup se pencher; parfois difficile de mettre son pantalon; aucun problème concernant la fréquence des selles et des mictions; doit faire une pause entre les tâches ménagères et l’un de ses enfants doit l’accompagner faire ses achats; aucun problème de vision, d’ouïe, d’élocution, de mémoire ni de concentration; endormissement difficile; peur de conduire, mais capable de conduire pendant une demi-heure. Elle a indiqué que son seul médicament est le Mobicox (15 mg une fois par jour) et que ses traitements comportent de la physiothérapie une fois par semaine, une visite chez le psychologue une fois par semaine et une visite chez le psychiatre toutes les six semaines.

[15] Un rapport daté du 20 mai 2011 dressé par le Dr Fong, médecin de famille de l’appelante, était joint à la demande du RPC. Le rapport fait état d’un diagnostic de maux de dos chroniques découlant d’un accident de véhicule en décembre 2008, d’un trouble de stress post-traumatique et d’une dépression. Il est indiqué dans le rapport que l’appelante se plaint de maux de dos tenaces découlant de l’accident de véhicule, qu’elle a suivi de nombreux traitements, notamment beaucoup de physiothérapie et des médicaments et qu’elle fait une dépression en conséquence de l’accident. Les médicaments de l’appelante sont les suivants : Mobicox, 15 mg une fois par jour; Elavil, 12,5 mg à l’heure du coucher; Sertraline, 50 mg. Le rapport indique qu’aucune autre consultation médicale ni aucun autre examen médical ne sont prévus. Les constatations physiques et les limitations fonctionnelles sont indiquées comme étant une sensibilité à la palpation au bas du dos avec une réduction de l’amplitude de mouvement; une flexion active du dos de 70 degrés; aucun déficit neurologique; des douleurs au moment de plier le dos. Le pronostic indique que ses maux de dos sont probablement chroniques.

Preuve testimoniale

Témoignage de l’appelante

[16] L’appelante a passé en revue ses antécédents scolaires et de travail. Elle se décrit comme une étudiante moyenne à l’école secondaire. Au moment de son accident de véhicule en 2008, elle travaillait pour G. U.; sa tâche consiste à entrer des commandes, à examiner les commandes afin de s’assurer de leur exactitude, à communiquer avec le service à la clientèle lorsque des documents étaient manquants, à réviser les commandes, à utiliser un ordinateur et à faire des appels téléphoniques. Elle a indiqué qu’elle s’était complètement rétablie de son accident de 2000 et qu’elle n’avait aucun problème médical important avant son accident de véhicule de décembre 2008.

[17] Elle a décrit son accident de décembre 2008 au cours duquel un véhicule a embouti son véhicule alors qu’elle se rendait au travail. Le jour de l’accident, elle a consulté le Dr Fong, son médecin de famille; et lors de cette première visite, elle s'est plainte surtout de douleurs au cou, à l’épaule droite et au bas du dos. Elle a consulté à nouveau le Dr Fong le jour suivant; il lui prescrit divers traitements, y compris de la physiothérapie, de la massothérapie, de l’acupuncture et un ultrason. Elle a déclaré qu'elle a poursuivi ces traitements jusqu’à l’an dernier, bien qu’il y ait eu quelques interruptions de traitement, lorsque la compagnie d’assurance refusait de payer. Au début, elle est allée chez Paramount Rehab et après décembre 2009, chez Active Care. Au départ, elle est allée en thérapie trois fois par semaine; au fil du temps, la fréquence est tombée à une fois par semaine.

[18] L’appelante a indiqué qu’après environ un an, elle a commencé à se sentir déprimée en raison de la douleur constante. Elle a initialement été dirigée vers le Dr Hill afin de suivre une psychothérapie et l'a rencontré une fois par semaine pendant environ un an. Elle a commencé à consulter le Dr Slyfield en décembre 2010; elle l'a rencontré 3 ou 4 fois en 2011, puis un an s’est écoulé sans le voir et elle a recommencé à le voir en 2012. L’appelante ne pouvait se rappeler de la dernière fois où elle a vu le Dr Hill.

[19] L’appelante a indiqué qu’en décembre 2012, elle suivait des traitements physiques et psychologiques, mais qu’elle n’en suit aucun à l’heure actuelle. Elle a indiqué avoir essayé plusieurs sortes de médicaments, en vain. À l’heure actuelle, elle prend quatre Tylenol Extra fort par jour; elle ne prend aucun antidépresseur ni aucun anxiolytique. Elle prenait du clonazépam en décembre 2012. Elle a consulté la clinique de la douleur Rothbart en février 2013 et reçu des injections épidurales dans son dos; elle n’y est allée qu’une seule fois parce que les injections la faisaient se sentir encore plus mal. Elle consulte maintenant le Dr Fong lorsqu’elle a un problème précis, mais elle ne le consulte plus pour ses douleurs parce qu’il lui a dit qu’il ne pouvait rien faire de plus.

[20] Lors d’une journée typique, elle se réveille, prend sa douche et fait du café. Ensuite, elle conduit son fils à l’école, revient à la maison et range un peu la maison. Elle rend visite à sa mère de 80 ans qui habite sur la même rue; parfois, c’est sa mère qui vient chez elle. Elle est capable de faire la lessive et le nettoyage, mais ses enfants l’aident en descendant la lessive et en passant l’aspirateur. Elle peut faire une épicerie légère; elle a indiqué que sa mère l’accompagne et l’aide à porter les sacs quand elle doit acheter plus de choses. Comme elle a du mal à dormir, elle fait parfois des siestes pendant la journée. Elle peut regarder un peu la télévision et faire des recherches à l’ordinateur. Elle utilise un vélo d’exercice une fois par semaine; elle ne fait pas de promenades à pied parce qu’elle n’a aucune énergie et parce que sa douleur est constante. Elle essaie de s’étirer une demi-heure par jour. Personne ne lui a conseillé le yoga ou la méditation et personne ne lui a recommandé un programme de soulagement de la douleur chronique. Elle utilise une chaise de douche, mais n’utilise aucun autre dispositif d’assistance. Elle peut faire sa toilette personnelle elle-même.

[21] Quand elle décrit ses limitations, l’appelante a indiqué que la pression dans le bas de son dos l’empêche de s’asseoir pendant quelque durée que ce soit et qu’elle doit continuellement s’asseoir et se lever… elle est émotive et pleure tout le temps… elle ne peut rien soulever… elle ne peut pas dormir… elle est incapable de faire quelque travail que ce soit. Quand on lui demande pourquoi, elle indique qu’aucun employeur ne voudra embaucher une personne qui ne peut pas s’asseoir, qui doit constamment se lever. Elle croit que son état de santé a commencé à stagner vers décembre 2009 et qu’il est le même aujourd’hui qu’à l’époque. Elle n’a cherché aucun un autre travail parce qu’elle ne se sent pas bien et que ses douleurs sont constantes.

Témoignage de F. P.

[22] Il connaît l’appelante depuis 1988; ils sont mariés en 1990. Avant décembre 2008, l’appelante avait bon caractère et elle était heureuse et active. Elle n’avait aucun problème de santé. Avant l’accident, elle faisait les tâches ménagères; maintenant elle essaie, mais doit s’interrompre à mi-chemin. Elle se plaint constamment de ses maux de dos et de la difficulté qu’elle a à se mettre au lit et à sortir du lit. Son état n’a pas beaucoup changé au cours des trois à quatre dernières années.

[23] Il ne sait pas exactement quels traitements l’appelante suivait en date de décembre 2012. Il croit que l’appelante est incapable de travailler parce que, quel que soit le travail, elle devrait s’asseoir longtemps et la position assise lui occasionne beaucoup d’inconfort; elle ne peut exécuter aucune tâche répétitive ni accomplir de travail physique.

Preuve médicale

[24] Le Tribunal a soigneusement examiné toute la preuve médicale au dossier d’audience. Les éléments que le Tribunal juge les plus pertinents sont énoncés ci-dessous.

[25] En février 2009, des radiographies de la colonne vertébrale lombaire révèlent un rétrécissement modérément grave à L5-S1, ou l’on soupçonne sérieusement une infection de l’espace intervertébral.

[26] Le 3 juillet 2009, un tomodensitogramme de la colonne lombaire de l’appelante révèle des altérations dégénératives à L5-S1, avec phénomène du vide discal, ainsi qu’un bombement discal postérieur léger et diffus. Le tomodensitogramme ne révèle aucun signe de hernie discale focale.

[27] Le 7 juillet 2009, le Dr Hill, psychologue, a déclaré que l’appelante souffre actuellement d’anxiété et de dépression graves, notamment qu’elle se sent terrifiée et nerveuse, qu’elle est incapable de se détendre, qu’elle craint le pire, qu’elle a des palpitations, qu’elle ne se sent pas solide, qu’elle a peur de perdre le contrôle et qu’elle présente une perte de joie de vivre, de l’agitation, de l’irritabilité, de l’indécision, des changements dans l’appétit, une dévalorisation de soi, une perte d’énergie, des changements dans son rythme de sommeil et de la fatigue. Il a indiqué qu’elle aurait besoin d’au moins 12 séances de thérapie et recommandé qu’elle puisse consulter un psychiatre pour une évaluation de ses idées suicidaires et pour se faire prescrire des médicaments, au besoin.

[28] Dans un rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles daté du 15 août 2009, Behrouz Elmiyeh, kinésiologue agréé, a recommandé des tâches modifiées et une tentative de retour au travail progressif après la mise en œuvre de certaines recommandations, comme la participation de l’appelante à un programme d’exercice correctif et l’évaluation ergonomique du poste de travail de l’appelante.

[29] Dans un rapport de clinique de fracture daté du 14 juin 2010, le Dr Seligman, chirurgien orthopédiste, a noté que l’appelante a mal au bas du dos depuis 2008; qu’elle n’a aucune douleur à la jambe ou à l’épaule; que ses radiographies sont normales; que le tomodensitogramme a révélé un bombement discal; qu’elle a eu des traitements de physiothérapie et des médicaments anti-inflammatoires. Le Dr Seligman conclut que l’appelante souffre de douleurs chroniques dans le bas du dos et de spasmes musculaires et qu’il ne peut recommander que la continuation des traitements symptomatiques et des traitements similaires.

[30] Le 29 novembre 2010, le Dr Slyfield, psychiatre, a déclaré que l’appelante souffre d'un trouble caractérisé par de la douleur et de certains éléments de trouble de stress post-traumatique. Il a prescrit 50-150 mg de sertraline par jour pendant les trois semaines suivantes, après quoi il devait revoir l’appelante.

[31] Une IRM de la colonne lombaire effectuée le 28 avril 2012 révélait une altération dégénérative et une hernie légère à L5-S1.

[32] Une note d’étape du Dr Hill datée du 11 mars 2013 indique que l’appelante suivait une thérapie chaque semaine, qu’elle prenait du clonazépam, que son pronostic était incertain et que son évaluation globale de fonctionnement (EGF) était de 60.

[33] Le 2 avril 2013, le Dr Gonzales, du Rothbart Centre for Pain, a noté que l’appelante se plaignait surtout de douleurs au bas du dos depuis un accident de véhicule survenu en décembre 2008. Il était d’avis que l’appelante présentait une discopathie dégénérative de la colonne lombaire, en particulier à L5-S1. Il a recommandé d’essayer certaines interventions diagnostiques et thérapeutiques; l’appelante devait se présenter à nouveau pour recevoir une injection épidurale au côté droit de la colonne lombaire à L5-S1.

[34] Le 15 avril 2014, Milena Romalis, ergothérapeute et Robert Katz, travailleur social autorisé, ont présenté leur rapport d’évaluation de l’appelante à l'avocat de l'appelante. Dans le rapport, ils formulent les observations suivantes concernant la situation actuelle de l’appelante :

À l’heure actuelle, elle est submergée par la dépression, la douleur et la peur de l’avenir. Elle peut cuisiner pour sa famille, conduire ses enfants à l’école, garder la maison plus ou moins en ordre et faire sa toilette personnelle, mais elle peut difficilement faire autre chose. Elle ne peut décrire aucune activité qui soit amusante ou plaisante. De plus, elle est consternée par le fardeau financier qu’elle a imposé à sa famille pendant qu’elle ne travaillait pas. Heureusement, elle est soutenue par ses frères et sœurs et reçoit beaucoup d’aide de sa mère.

[35] Dans leur rapport, les évaluateurs indiquent avoir l’impression que la santé physique et psychologique de l’appelante se détériore depuis 2009 et qu’elle se trouve dans une spirale descendante. Dans le rapport, on peut lire [traduction] « Cela n’augure pas bien pour un retour au travail. » L’appelante a indiqué aux évaluateurs qu’elle avait presque tout essayé, y compris la physiothérapie, la chiropractie, la psychothérapie, la massothérapie, l’acupuncture, les injections épidurales, l’application de chaleur et les médicaments d’ordonnance. Elle a également indiqué qu’elle insistait pour marcher, s’étirer un peu et utiliser son vélo d’exercice une fois par semaine.

[36] Le rapport conclut ce qui suit :

Nous constatons que Mme L. P. a été blessée, mais nous ne sommes pas d’avis qu’elle a été détruite. À la rencontre, nous avons souligné qu’à notre avis, une certaine amélioration est une possibilité raisonnable. Nous l’avons encouragée à reprendre plusieurs éléments de sa vie antérieure à l’accident. Comme elle ne peut pas travailler à temps plein chez G., nous l’avons encouragée à chercher un emploi à temps partiel dans un autre domaine. Par exemple, elle pourrait gagner un revenu en tant que gardienne d’enfants ou accompagnatrice. Et cela pourrait l’amener à faire des progrès sur le plan de la vie familiale et sur le marché du travail.

[37] Le 2 juin 2014, le Dr Fong a rédigé des rapports à l’intention de l’avocat de l’appelante. Dans ses rapports, il a décrit les nombreuses visites de l’appelante après l’accident de véhicule jusqu’au 9 avril 2014. Il y a eu 12 visites en 2009; huit visites en 2010; cinq visites en 2011; six visites en 2012; trois visites en 2013; et trois visites jusqu’en avril 2014. Le Dr Fong a indiqué qu'au cours de chacune de ses visites, l’appelante s'est plainte de douleurs persistantes au bas du dos; que les douleurs dans son cou et ses épaules s’étaient résorbées, et qu’elle se plaignait également de symptômes compatibles avec un diagnostic de dépression et de trouble de stress post-traumatique. Il avait dirigé l’appelante vers le Dr Seligman, chirurgien orthopédique, vers le Dr Slyfield, psychiatre, vers le Dr Hill, psychologue et vers le Rothbart Centre for Pain.

[38] Le Dr Fong a conclu [traduction] :

En résumé, cinq ans et demi se sont maintenant écoulés depuis son accident de véhicule. Malgré les traitements intensifs de physiothérapie, les massages et l’acupuncture, et malgré les visites à une clinique de la douleur chronique, Mme L. P. continue de se plaindre de douleurs chroniques graves au bas du dos découlant de l’accident de véhicule, ce qui a eu un impact sur ses activités de la vie quotidienne. Elle a probablement atteint un plateau dans son rétablissement et elle continuera probablement à souffrir de ces maux de dos chroniques. Elle continue d'avoir de la difficulté avec les activités qui l'obligent à courber le dos, et le fait de s’asseoir pendant longtemps lui cause de la douleur.

Ses diagnostics sont les suivants : syndrome de la douleur chronique; douleurs myofasciales au bas du dos; discopathie dégénérative de la colonne lombaire avec une petite hernie discale; trouble de stress post-traumatique. Elle continue de prendre des médicaments anti-inflammatoires de façon intermittente et continue de faire ses exercices à la maison. Aucun autre examen ni aucun autre traitement ne sont prévus pour le moment.

Observations

[39] Me Moras a fait valoir que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle et son mari sont des témoins sincères et honnêtes et ses longs états de service indiquent qu’elle est le genre de personne qui travaillerait si elle était en mesure de le faire;
  2. Me Moras a examiné la preuve médicale et mis l’accent sur le rapport du Dr Fong daté du 2 juin 2014, qui confirme le caractère prolongé des affections invalidantes de l’appelante et que les toutes les options de traitement pour ses affections physiques et psychologiques ont été explorées;
  3. L’appelante a tenté de retourner au travail selon un horaire modifié, mais n’a pas été en mesure de continuer après mai 2009.

[40] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Dans son rapport du 20 mai 2011, le Dr Fong indique que l’appelante présente une sensibilité dans le bas du dos, mais qu’elle ne présente aucun déficit neurologique et qu’aucune autre consultation ni aucun autre examen ne sont prévus;
  2. Le tomodensitogramme de juillet 2009 révèle un léger bombement discal mais ne révèle aucune hernie discale;
  3. Il n’y a aucune indication selon laquelle l’appelante aurait nécessité des interventions médicales agressives comme une hospitalisation ou selon laquelle elle aurait tenté d’obtenir un autre travail;
  4. La preuve ne fait pas état d’une affection médicale qui aurait empêché l’appelante d’accomplir tout type de tâche en décembre 2012 et de manière continue par la suite.

Analyse

[41] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

Grave

[42] Les exigences légales relatives à une demande de pension d’invalidité sont énoncées au paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada, qui établit essentiellement que l’invalidité doit être « grave » et « prolongée ». On considère qu’une personne est atteinte d’invalidité « grave » si elle est incapable d’exercer régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais elle doit aussi être incapable d’occuper un emploi que l’on s’attendrait raisonnablement à la voir occuper. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou qu'elle entraînera vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[43] Les dossiers suivants ont aidé le Tribunal à statuer sur les questions en litige exposées dans le présent appel.

[44] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide, au sens de la définition d’invalidité, le 31 décembre 2012 ou avant cette date. La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans le contexte du « monde réel » : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, la scolarité, la connaissance de la langue, les antécédents professionnels et l’expérience de vie au moment d’établir l’« employabilité » de la personne eu égard à l’invalidité de celle-ci.

[45] On doit prendre en compte toutes les déficiences possibles de l’appelante qui ont une incidence sur son employabilité et non seulement les déficiences les plus importantes ou la déficience principale : Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Bien que chacun des problèmes médicaux de l’appelante puisse ne pas mener, à lui seul, à une invalidité grave, l’effet groupé des diverses affections peut rendre l’appelante gravement invalide : Barata c. Ministre du Développement des ressources humaines, (17 janvier 2001) CP 15058 (CAP).

[46] L’appelante doit non seulement prouver l’existence d’un problème de santé grave, mais, si la preuve indique une capacité de travail, elle doit aussi démontrer qu’elle a fait des efforts pour obtenir et garder un travail qui se sont avérés vains en raison de son état de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Toutefois, s'il n'y a pas de capacité de travail, il n'y a aucune obligation de démontrer des efforts pour obtenir un emploi. L’incapacité peut être démontrée de diverses façons. Par exemple, on peut l’établir en faisant la preuve que l’appelante serait incapable d’occuper quelque emploi que ce soit : C.D. c. Ministre du Développement des ressources humaines (18 septembre 2012) CP 27862 (CAP).

Application des principes directeurs

[47] À la lumière de la preuve médicale abondante, en particulier le rapport du Dr Fong daté du 2 juin 2014, le Tribunal accepte la preuve de l’appelante selon laquelle elle ne pouvait plus exercer régulièrement une occupation véritablement rémunératrice après mai 2009 en raison de l’effet cumulatif de ses incapacités physiques et psychologiques. Aux yeux du Tribunal, l’appelante est une personne authentique qui souhaite ardemment vivre une vie normale et active, mais qui ne peut le faire en raison de maux de dos chroniques, d’une dépression et d’un trouble du stress post-traumatique.

[48] Aucun des médecins l’ayant traitée ne doute de sa sincérité et la preuve médicale indique clairement qu’elle a exploré avec diligence toutes les options de traitement, y compris les rendez-vous avec son médecin de famille, les médicaments d’ordonnance, les consultations auprès de spécialistes, ainsi que de nombreuses modalités de traitement, y compris la physiothérapie, la chiropractie, la psychothérapie, la massothérapie, l’acupuncture et les injections épidurales. Le rapport du Dr Fong daté du 2 juin 2014 confirme les traitements élaborés que l’appelante a subis pendant de nombreuses années, qu’elle continue de souffrir de maux de dos chroniques et qu’elle a probablement atteint un plateau dans son rétablissement.

[49] L’appelante a longtemps travaillé et de manière constante avant son accident de véhicule de décembre 2008 et, aux yeux du Tribunal, elle correspond au genre de personne qui continuerait de travailler si elle le pouvait. La preuve confirme le tribut affectif que l’incapacité de continuer à travailler a eu sur l’appelante. Le Tribunal note que l’appelante a tenté de retourner au travail, mais qu’elle a dû cesser de travailler après mai 2009 pour cause de douleurs importantes, même si son horaire était réduit et qu’elle accomplissait des tâches sédentaires légères. Tout cela appuie l'argument voulant qu’elle n’ait pas la capacité d’exercer régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[50] Eu égard à l’ensemble de la preuve, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante est atteinte d’invalidité grave conformément aux critères du RPC.

Prolongée

[51] Ayant conclu que l’appelante souffre d’invalidité grave, le Tribunal doit aussi établir si cette invalidité est prolongée.

[52] Les affections invalidantes de l’appelante ont persisté depuis son accident de véhicule en décembre 2008 et, malgré de nombreux traitements, il ne s’est produit aucune amélioration.

[53] L’invalidité de l’appelante est de longue durée et il n’y a aucune perspective d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[54] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’invalidité grave et prolongée en mai 2009, moment auquel elle ne pouvait plus continuer de travailler. Aux fins des paiements, une personne ne peut être réputée être invalide plus de quinze mois avant la réception, par l’intimé, de la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en juin 2011; par conséquent, l’appelante est réputée avoir été invalide en mars 2010. Selon l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date réputée de l’invalidité. Les paiements commenceront en date de juillet 2010.

[55] L’appel est accueilli.

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