Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

C. W., appelante

Sheila Drohan, représentante légale de l’appelante

K. R., témoin

A. R., observatrice

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 5 août 2011. L’intimé a rejeté la demande au stade initial puis après réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et l’appel a été transféré au Tribunal en avril 2013.

[2] Le présent appel a été instruit en personne pour les motifs suivants :

  1. le mode d’audience permet de prendre les mesures d’adaptation requises par les parties de participants;
  2. il y avait de l’information manquante ou il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  3. le mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale afin que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, tout appel déposé auprès du BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension du RPC. Pour être admissible à une pension d’invalidité, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[6] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Questions en litige

[7] La date de la PMA n’est pas contestée, car les parties conviennent et le Tribunal constate que la PMA a pris fin le 31 décembre 2010.

[8] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que le contraire que l’appelante ait été atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

Preuve

Documents

[9] Dans son questionnaire daté du 25 juillet 2011, l’appelante a déclaré avoir cessé de travailler chez Lindor le 13 décembre 2008. Elle a expliqué qu’il lui était extrêmement difficile de rester debout sur un plancher de béton pendant des périodes de deux heures dans le milieu de la vente au détail. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas prendre d’analgésiques trois heures avant ses quarts de travail parce qu’elle devait conduire son véhicule pour se rendre au travail et en revenir et être capable de se concentrer au travail. Lorsqu’elle rentrait à la maison, elle devait augmenter sa dose de médicaments, ce qui n’était pas [traduction] « propice » pour s’occuper de ses deux jeunes enfants. Elle souffre d’une protrusion discale focale paracentrale au niveau L5-S1, de dessiccation discale, d’une grave arthropathie facettaire bilatérale, de dépression, du syndrome du côlon irritable (SCI), d’insomnie et de douleurs chroniques. Elle ne peut rester assise ou debout durant plus de 10 à 15 minutes à la fois et ne peut soulever des poids de plus de 2 à 5 livres. Les analgésiques qu’elle prend lui causent des problèmes de mémoire et de concentration. Sa douleur chronique entraîne de l’insomnie et elle a besoin de prendre un calmant avant le coucher. Elle prend les médicaments sur ordonnance suivants : Cymbalta, Codéine Contin, Lenoltec 3, Sandoz-Rabeprazole, Wellbutrin, Naproxen, Quetiapine et Ferrogluc. Elle devait avoir une consultation en counselling dans une clinique de santé mentale.

[10] L’appelante est née en 1976 et a terminé sa 12e année. Du 1er novembre 2008 au 13 décembre 2008, elle a travaillé dans la vente au détail et au service à la clientèle chez Lindor. Du 25 janvier 2008 au 13 juin 2011, elle a travaillé comme distributrice pour NSA (Juice Plus). Elle a cessé de travailler activement pour NSA (Juice Plus) en octobre 2008 parce que sa clientèle s’était effondrée et qu’elle ne touchait plus un revenu mensuel rémunérateur. Elle a expliqué qu’elle ne pouvait pas conduire sur de longues distances ou rester assise à son ordinateur pendant de longues périodes pour [traduction] « attirer » de nouveaux clients en raison de l’état du bas de son dos. Elle souffrait également d’un manque de concentration. Du 6 juillet 2008 au 1er novembre 2008, elle a travaillé comme coordonnatrice financière.

[11] Dans une lettre datée du 15 janvier 2014, la représentante légale de l’appelante a déclaré que l’appelante avait commencé à travailler pour NSA (Juice Plus) en janvier 2008 et avait cessé de travailler activement en octobre 2008. Tout revenu reçu par la suite était [traduction] « résiduel ».

[12] Dans un rapport médical daté du 30 mai 2011, le Dr Bourns, médecin de famille, a indiqué qu’il connaissait l’appelante depuis 10 ans. Son diagnostic était le suivant : i) L5-S1; ii) arthrose: iii) dépression; iv) SCI; v) insomnie; vi) douleur dorsale chronique; vii) contrôle de la douleur. Il a ajouté qu’on avait prescrit à l’appelante de la Codéine Contin, qui avait été remplacée par du Percocet. Selon le Dr Bourns, si la douleur était contrôlée, l’appelante pourrait éventuellement effectuer un travail sédentaire.

[13] Un tomodensitogramme de la colonne lombaire réalisé le 7 octobre 2004 a révélé une importante hernie discale ou une extrusion postérolatérale gauche au niveau L5-S1 exerçant une pression sur le côté gauche du sac thécal d’intensité modérée déplaçant légèrement la racine nerveuse gauche au niveau S1.

[14] Une IRM de la colonne lombaire réalisée le 22 juin 2007 a révélé une hypertrophie de la facette à niveaux multiples et une légère sténose spinale au niveau L5-S1 en raison d’un bombement discal central modéré.

[15] Le 9 novembre 2007, le Dr Izuwaka, neurochirurgien, a vu l’appelante pour sa lombalgie. Il a indiqué qu’elle avait une hernie discale au niveau L5-S1 en 2003 et avait répondu à un traitement conservateur. Cinq mois auparavant, elle s’était à nouveau blessée au dos. L’examen a révélé une restriction de l’amplitude des mouvements, de la douleur à l’extension, une élévation complète de la jambe tendue, aucune irritation des racines nerveuses ni aucun déficit moteur, et des sensations ou des réflexes normaux. Une IRM de la colonne lombaire a révélé une spondylose au niveau L5-S1 sans hernie connexe ou compression des racines nerveuses. Selon le Dr Izuwaka, la chirurgie n’était pas indiquée. Il a recommandé à l’appelante de suivre un programme d’exercices et des traitements de physiothérapie.

[16] Le 1er avril 2009, le Dr Bourns a écrit [traduction] « À qui de droit » qu’il serait préférable que l’appelante habite au premier étage de sa coopérative d’habitation en raison de ses problèmes de dos.

[17] Une IRM de la colonne lombaire faite le 27 janvier 2011 a révélé une légère protrusion discale focale paracentrale gauche au niveau L5-S1 et une arthropathie facettaire à niveaux multiples. Selon la description provenant d’une IRM antérieure, ce problème s’était vraisemblablement amélioré. Il n’y avait aucun signe de sténose foraminale ni de sténose du canal central.

[18] La radiographie de l’articulation sacro-iliaque, du bassin et des hanches réalisée le 7 avril 2011 était normale.

[19] Le 27 avril 2011, le Dr Marriott, psychiatre, a vu l’appelante et a noté qu’il l’avait déjà vue en 2002 pour une dépression et une réaction d’adaptation. Elle se plaignait principalement d’une douleur lombaire résultant d’une chute en février 2004. Il a dit qu’elle n’avait pas travaillé depuis 2008 et qu’elle avait de la difficulté à rester assise ou debout pendant de longues périodes. Il a indiqué qu’au moment de la consultation elle montrait des signes de dépression, mais n’a pas admis être en dépression. Il lui a accordé une note d’environ 50 à 60 à l’évaluation globale de fonctionnement (EGF). Il lui a prescrit du Seroquel en raison de ses problèmes de sommeil et parce qu’elle était très tendue, lui a proposé du Zoloft et a recommandé l’activité physique.

[20] Le 6 mai 2011, le Dr Schutz, neurochirurgien, a vu l’appelante. Il a indiqué qu’elle ne travaillait pas et qu’il y avait de [traduction] « nombreux autres problèmes personnels en cause ». À l’examen, il a constaté que sa force musculaire, son tonus, sa masse, sa coordination, ses réflexes, sa démarche et son examen sensoriel étaient normaux et les mouvements de son dos étaient presque normaux. Il a signalé qu’un tomodensitogramme récent était semblable à celui de 2008 et montrait de la dégénérescence discale à niveaux multiples et une légère hernie discale focale paracentrale au niveau L5-S1. Il a déclaré que la chirurgie n’était pas indiquée et a recommandé un programme d’exercices autogéré.

[21] Le 10 mai 2011, seulement quatre jours plus tard, le Dr Zacharias, spécialiste du contrôle de la douleur, au Centre de contrôle de la douleur, a indiqué que l’appelante avait affirmé avoir glissé en février 2004 et a commencé à ressentir de la douleur qui a finalement diminué. Vers le mois d’août 2004, elle a commencé à ressentir de la douleur au bas du dos et aux hanches et est retournée au travail pendant qu’elle prenait des analgésiques. En avril 2007, elle s’est à nouveau blessée au dos en trébuchant. Une IRM réalisée en juin 2007 indiquait une légère protrusion discale focale paracentrale gauche au niveau L5-S1 avec arthropathie facettaire à niveaux multiples. Elle a vu le Dr Izukawa pour une consultation chirurgicale qui n’a pas jugé qu’elle était une candidate pour la chirurgie. Une IRM faite le 27 janvier 2011 a également montré une protrusion discale focale au niveau L51 et l’appelante a été dirigée vers le Dr Schutz, neurochirurgien. D’après le Dr Zacharias, l’appelante a décrit sa lombalgie comme étant chronique avec une douleur intermittente irradiant dans le côté gauche du bassin et le quadrant inférieur de l’abdomen. À l’occasion, elle irradie à l’arrière de la jambe jusqu’aux chevilles et au pied gauche. La douleur s’aggrave lorsqu’elle reste assise ou debout pendant de longues périodes. Le Dr Zacharias a fait référence à une évaluation des capacités fonctionnelles de décembre 2009 qui a permis de conclure que l’appelante était vraisemblablement capable d’occuper un emploi de nature administrative et a recommandé qu’elle change souvent de position pendant la journée de travail pour ne pas marcher ou rester en position assise ou debout pendant de longues périodes. L’examen physique du Dr Zacharias a révélé une sensibilité de la colonne vertébrale et une capacité limitée d’élever la jambe tendue. Le Dr Zacharias a dit que les blessures de l’appelante indiquaient une lombalgie mécanique et que sa douleur était à la fois nociceptive et neuropathique. Il a indiqué qu’il tenterait une anesthésie paravertébrale par blocage nerveux. Le Dr Zacharias a souligné que l’appelante effectuait la plupart des tâches domestiques et devait s’asseoir à l’occasion pendant environ 10 à 15 minutes pour pouvoir les achever. Elle pouvait préparer les repas pour ses enfants, faire le lavage et aider ses enfants à faire leurs devoirs. Il a ajouté que son sommeil était interrompu presque toutes les nuits.

[22] Le 13 mai 2011, le Dr Bourns a indiqué que l’appelante avait des épisodes de dépression depuis environ 10 ans. Il a dit qu’il était difficile d’en prédire la durée, mais que la dépression était continue et était liée à la douleur au dos de l’appelante et limitait sa capacité de régler ses problèmes. Elle entraînait une perte de sommeil, une perte d’appétit, une humeur dépressive avec pensées suicidaires, de l’isolement, un manque d’assurance et d’estime de soi ainsi que de la difficulté à prendre des décisions. Elle voyait le Dr Marriott à la Halton Mental Health Clinic et assistait à des séances sur la douleur chronique au dos. Elle a aussi récemment consulté le Dr Schutz, neurochirurgien, qui n’avait pas de solution chirurgicale à proposer pour son problème au dos. Elle souffrait d’une hernie discale depuis 2004 et avait dû endurer la douleur depuis ce temps. Le Dr Bourns a dit espérer qu’un meilleur contrôle de la douleur et une thérapie avec le Dr Marriott offriraient à l’appelante un meilleur pronostic et qu’elle serait davantage en mesure de gérer sa dépression.

[23] Le 17 mai 2011, le Dr Zacharias a dit que le récent journal de douleur de l’appelante montrait une cote de douleur quotidienne de 8 à 10. Il a dit qu’il avait remplacé sa prescription de Tylenol 3 par du Percocet, qu’il allait la réévaluer sous peu, qu’il avait parlé de l’administration d’éventuelles anesthésies tronculaires et lui avait prescrit un opioïde à action prolongée.

[24] Le 15 septembre 2011, le Dr Zacharias a rempli une Formule de demande de prestations obligatoires pour les nécessités spéciales pour le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) du ministère des Services sociaux et communautaires. Il a indiqué que l’état de l’appelante était permanent, qu’il s’attendait à ce qu’il demeure stable et que, depuis le 3 mai 2011, elle devait se rendre une ou deux fois par mois au Centre de contrôle de la douleur.

[25] Le 30 juillet 2012, la North Halton Mental Health Clinic a redirigé l’appelante vers son médecin de famille. L’évaluateur des congés a indiqué que l’appelante estimait avoir besoin des services d’une clinique de la douleur qui était financée par l’État, a signalé qu’elle prenait du Cymbalta, de l’Elavil et du Wellbutrin et a recommandé que le Dr Bourns continue à lui prescrire et à surveiller sa médication.

[26] Une IRM réalisée le 4 février 2013 a révélé une nouvelle protrusion discale au niveau L5-S1 qui entraînait un grave rétrécissement du canal central et une compression de la racine nerveuse gauche au niveau S1.

[27] Le 21 février 2013, le Dr Schutz a vu l’appelante pour une douleur aiguë à la jambe gauche qui durait depuis environ 5 mois. Elle ne pouvait se déplacer qu’avec un déambulateur. Son examen a révélé qu’elle n’avait aucun mouvement du dos et ne pouvait pas élever la jambe tendue. La récente IRM montrait une immense hernie discale au niveau L5-S1 qui causait une grave compression de la racine nerveuse gauche au niveau S1. Le Dr Schultz a recommandé une laminectomie et une discectomie au niveau L5-S1, interventions que l’appelante a subies le 5 mars 2013.

[28] Le 10 avril 2013, le Dr Shultz a indiqué que l’appelante allait très bien et que sa douleur à la jambe était [traduction] « presque disparue de même que sa douleur au dos ». Il a ajouté que la cicatrice avait bien guéri et qu’il n’y avait eu aucun déficit neurologique. Il a proposé qu’elle commence un programme d’aquaforme.

[29] Selon la note clinique du Dr Bourn datée du 30 avril 2013, l’appelante était [traduction] « encore invalide, douleur dorsale, douleur au bassin, arthrite ».

[30] Le 30 avril 2013, le Dr Bourne a rempli une demande de Certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Il a indiqué qu’elle était nettement limitée dans ses activités comme la marche, qu’elle ne pouvait pas soulever ou transporter d’objets ou se pencher et était incapable de rester assise pendant plus de 30 minutes. Dans la case Diagnostic, il a inscrit [traduction] « blessure au dos, chirurgie au dos en mars 2013, douleur chronique et arthrite ».

[31] Le 1er mai 2014, le Dr Bourne a rempli une autre demande de Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées, dont le contenu était semblable au premier formulaire qu’il a rempli.

[32] Le 26 novembre 2013, le Dr Zacharias a indiqué que l’appelante avait visité la clinique de la douleur tous les 28 jours depuis mai 2011. Depuis la chirurgie de mars 2013, sa douleur avait beaucoup diminué, surtout la douleur qui irradiait dans ses jambes. Elle ressentait maintenant de la douleur surtout dans le dos. Au cours de sa dernière consultation, elle a précisé que sa pire douleur au cours de la semaine précédente était de 9/10, que la douleur la moindre était de 6/10 et qu’elle avait une douleur moyenne de 7 à 8/10. Elle a indiqué que sa douleur avait diminué de 30 % à 40 % avec les médicaments. Le 8 octobre 2013, son indice d’invalidité due à la douleur était de 57/70. Selon le Dr Zacharias, la douleur au dos de l’appelante la limitait beaucoup dans ses activités quotidiennes, notamment le ménage, la marche et les longues périodes passées debout et les tâches domestiques. Il a dit qu’elle avait une capacité extrêmement limitée d’occuper régulièrement un emploi rémunérateur et a écrit ce qui suit : [traduction] « Ses difficultés à demeurer assise ou debout, à marcher ainsi que sa douleur l’empêchent d’occuper un emploi à temps plein ». Il a indiqué que le pronostic était réservé et que de nombreux facteurs pouvaient déterminer comment elle réagirait avec le temps. Toutefois, elle déployait tous les efforts pour améliorer son état et contrôler sa douleur.

[33] Le 20 août 2014, l’Agence du revenu du Canada a écrit à l’appelante pour l’informer qu’elle était admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées pour les années d’imposition de 2007 à 2019.

[34] Le ou vers le 9 septembre 2014, le Dr Zacharias a signé un formulaire de demande au nom de l’appelante pour obtenir de la marihuana à des fins médicales en raison de sa lombalgie mécanique et de sa douleur neuropathique.

Témoignage de vive voix

[35] L’appelante a 38 ans et a terminé sa 12e année. Elle a suivi quelques cours en administration au collège, mais n’a jamais obtenu son diplôme.

[36] Elle habite avec ses deux enfants : son fils de 18 ans et sa fille de 15 ans. Elle vit dans le même immeuble coopératif depuis 2003-2004. Sa mère vit au troisième étage du même immeuble avec son conjoint (le beau-père de l’appelante).

[37] Elle a travaillé dans des restaurants, des stations-service, un club vidéo, une garderie et des centres de conditionnement physique.

[38] En février 2004, elle a glissé sur une plaque de glace en se rendant au travail et s’est blessée au dos. À ce moment, elle travaillait dans un club Curves pour femmes. En août 2004, elle a eu un spasme au dos. Elle a suivi des traitements de physiothérapie et de massothérapie. Elle a été absente du travail jusqu’au printemps 2005. Elle est retournée dans un autre centre de conditionnement physique appelé True Star for Women comme assistante du directeur régional. Son dos s’était amélioré au point où elle pouvait conserver un emploi, mais ne pouvait pas exécuter les tâches physiques de son travail, c’est-à-dire enseigner l’entraînement aux poids et en circuit. Elle a travaillé dans ce centre pendant 3 ou 4 mois. Cependant, elle devait parcourir de longues distances pour se rendre à divers établissements du club et demeurer assise pendant de longues heures, ce qui lui causait des douleurs au dos. Elle a donc quitté son emploi.

[39] Vers le mois d’avril 2007, elle s’est à nouveau blessée au dos. Elle a trébuché sur une conduite exposée, est tombée, s’est blessée à la jambe et [traduction] « a ressenti une secousse » dans le dos. Elle a eu un spasme au dos. On a traité son dos avec des médicaments. À ce moment, elle exécutait des tâches administratives ou de bureau chez EZ Rect. Elle se souvient d’avoir pris deux congés de maladie : l’un pour un spasme au dos et un autre en raison de son syndrome du colon irritable (SCI). Elle a travaillé à cet endroit pendant environ 14 mois.

[40] Ensuite, elle a travaillé comme caissière dans un Dollar Store pendant un ou deux mois. Elle travaillait quatre heures par jour debout, ce qui lui donnait mal son dos.

[41] De novembre 2008 à décembre 2008, elle a travaillé chez Lindor où elle vendait des vêtements. Elle devait rester debout pendant quatre heures sur un plancher de béton. Les périodes passées debout lui donnaient mal au dos.

[42] De janvier 2008 à juin 2011, elle a travaillé à domicile à faire de la vente pour Juice Plus. Elle vendait des comprimés contenant du jus à des membres de sa famille et à des amis. Elle a fait ce travail de manière active pendant environ trois mois. Si les membres de sa famille et ses amis vendaient le produit, elle obtenait un pourcentage de leurs ventes, c’est-à-dire un revenu résiduel. Elle n’a pas poursuivi ce genre de travail parce qu’elle ne pouvait pas faire le réseautage nécessaire pour générer des ventes, p. ex. [traduction] « frapper aux portes », distribuer des dépliants dans les épiceries et donner des présentations à domicile. Elle avait des problèmes de concentration et ne pouvait pas [traduction] « tirer et pousser » les produits. Le revenu résiduel a pris fin en juin 2011 étant donné qu’il n’y avait plus de ventes pour continuer de générer des revenus.

[43] De juillet 2008 à novembre 2008, elle a travaillé chez Manheim, une entreprise de vente aux enchères de véhicules située à Milton, en Ontario, dans un poste administratif. Elle pouvait se lever et s’asseoir et n’avait pas à rester sur sa chaise toute la journée. Toutefois, elle a continué d’avoir mal au dos. Elle ne se souvient pas si elle prenait des médicaments d’ordonnance ou en vente libre à l’époque. Elle travaillait pendant de longues heures et se sentait stressée, ce qui affectait son SCI.

[44] Depuis son dernier emploi, elle touche un revenu d’appoint du programme Ontario au travail et du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH).

[45] En décembre 2010, ses problèmes étaient [traduction] « terribles ». Son médecin de famille lui a prescrit des médicaments. Sur l’échelle de douleur, sa douleur était de 8 à 10, 10 étant la douleur la pire. Sa douleur se situe au niveau L5-S1. Elle irradie dans ses hanches et au bas du ventre du côté gauche. La douleur a commencé à descendre dans les jambes après qu’elle a commencé à consulter le Dr Zacharias en 2011. Après la chirurgie, sa douleur aux jambes a diminué pour ce qui est de sa chronicité, mais elle ressent toujours une douleur pulsatile par moments, notamment au talon. La chirurgie n’a pas soulagé sa douleur dorsale.

[46] À l’heure actuelle, elle prend de la Gabapentine, 300 mg, un comprimé le matin, 1 au coucher et 2 à 15 h; du Rabeprazole, une fois par jour; de l’OxyNeo, 40 mg, 2 comprimés 3 fois par jour; du Topirimate, 25 mg, 2 comprimés par jour (pour aider à couper l’appétit en raison de sa prise de poids); du Cymbalta, un comprimé par jour pour la dépression et la douleur neuropathique; du Senokot pour la constipation; du Sof-lax pour la constipation; de l’hydromorphone, 4 mg, 1 comprimé 4 fois par jour. Les médicaments empêchent que la douleur s’aggrave. Si elle se situe au niveau 8, elle demeurera au niveau 8. Elle ressent des effets secondaires comme la nausée, la constipation, les étourdissements et la vision trouble. Elle doit faire une sieste en après-midi.

[47] Elle conduit rarement. Lorsqu’elle le fait, elle ne prend pas ses médicaments. Son fils de 18 ans peut maintenant conduire. Son petit ami l’a conduite à l’audience. Elle réussit à conduire pendant environ 15 minutes. Elle conduit seulement si elle doit le faire, p. ex., pour aller chercher son enfant. Son beau-père la conduit à la clinique de la douleur. Elle envoie son fils à l’épicerie avec de l’argent comptant ou sa carte bancaire. Son petit ami l’aide aussi. Elle conduit environ une fois par mois.

[48] Elle a commencé à fréquenter la clinique de la douleur en mai 2011. Son médecin de famille la lui a recommandée en novembre ou décembre 2010. Elle avait l’habitude d’y aller une fois par semaine ou aux deux semaines. Maintenant, elle y va une fois par mois. Le Dr Zacharias lui a offert des injections pour la douleur. Elle a refusé l’offre. Elle craignait de contracter une méningite spinale étant donné le volume de patients qui consultent le Dr Zacharias. Elle a parlé de sa décision avec le Dr Zacharias, qui n’a jamais fait pression sur elle pour qu’elle accepte les injections. Il a aussi expliqué les risques des injections, notamment les risques d’infection et de ne pas atteindre le nerf. Il lui a aussi dit que les avantages pouvaient être de courte durée. Elle pourrait avoir récemment [traduction] « changé d’idée » au sujet des injections en raison de sa douleur constante. Toutefois, le Dr Zacharias lui a dit qu’elle n’était pas une bonne candidate parce que sa [traduction] « chirurgie du dos n’avait pas réussi ». Pendant ses consultations, ils parlent des médicaments et de leurs effets secondaires, ce qu’elle a réussi à faire au cours du mois, p. ex., elle a récemment commencé à faire de courtes promenades, et de son état émotif et mental. Elle remplit deux questionnaires chaque fois qu’elle voit le Dr Zacharias.

[49] En décembre 2010, elle était dans un piètre état émotif. Elle a vu le Dr Marriott, psychiatre, en avril 2011. Il lui a dit qu’elle avait besoin [traduction] « d’examiner de près ses problèmes » et l’a dirigée vers la North Halton Mental Health Clinic (la « clinique »), où elle a consulté une infirmière en santé mentale qui lui a dit de prendre des vitamines. L’appelante a vu l’infirmière une fois par mois. La clinique a finalement donné son congé à l’appelante en juillet 2012. Elle n’a nullement profité de ses consultations avec l’infirmière en santé mentale. Elle a préféré poursuivre ses traitements à la clinique de la douleur. À l’époque, elle prenait des médicaments pour la dépression et parlait de son état mental avec le Dr Zacharias.

[50] Depuis longtemps, son médecin de famille lui prescrit des médicaments pour la dépression [traduction] « par intermittence ». Elle prend actuellement du Cymbalta. Elle a déjà pris d’autres médicaments contre la dépression comme le Wellbutrin. À l’heure actuelle, elle a [traduction] « de bonnes et de mauvaises  » journées en ce qui concerne sa dépression. Certains jours, elle veut prendre son déambulateur et [traduction] « le laisser tomber d’une falaise ». Elle se sent inutile parce qu’elle ne peut pas faire de randonnées avec ses enfants et se sent mal parce qu’elle ne peut pas faire d’activités avec sa fille.

[51] Sa famille la soutient. Son beau-père et son fils la conduisent à différents endroits et son petit ami [traduction] « prend souvent la relève ».

[52] Elle a programmé dans son iPad trois sonneries pour les heures auxquelles elle doit prendre ses médicaments : 10 h 30, 15 h 30 et 22 h 30. Elle fait des étirements quand elle se réveille le matin. Il lui faut entre 15 et 20 minutes pour sortir du lit. Elle attend que son cadran sonne pour prendre son médicament. Si elle se réveille avant 10 h 30, elle a tellement de douleur qu’elle ne pense qu’à prendre son médicament. Dès qu’elle prend son médicament, elle ne pense qu’au moment où il [traduction] « fera effet », ce qui peut prendre une heure. Dès que le médicament fait effet, elle commence sa journée. Elle fait quelques tâches ménagères, p. ex., un peu de vaisselle ou de lessive.

[53] Elle a un siège de baignoire pour la douche, un siège d’aisances que son fils apporte dans sa chambre le soir et ramène dans la salle de bains le matin et une pince à long manche pour la lessive. Elle ne peut plus passer l’aspirateur. Ses enfants s’occupent beaucoup du nettoyage dans la maison. Elle arrose les plantes au moyen d’un petit contenant. Elle occupe son temps jusqu’à sa prochaine dose de médicaments à 15 h 30. Elle parle avec enfants quand ils rentrent de l’école. Elle se couche jusque vers 17 h 30 ou 18 h. Les enfants et son petit ami aident à préparer le souper. Parfois, elle fait une petite promenade après le souper. Elle prend à nouveau ses médicaments à 22 h 30. Entre l’heure du coucher, à 23 h, et l’heure de son réveil le matin, elle a un mauvais sommeil. Elle peut dormir pendant deux heures à la fois. Elle peut être éveillée pendant des périodes d’une à trois heures, selon la douleur. Elle ne peut pas se coucher sur sa hanche droite ou gauche, sur le dos ou sur le ventre. Elle ne parvient pas à trouver une position confortable.

[54] Auparavant, elle vivait au deuxième étage de son immeuble. Elle a déménagé au premier étage parce qu’il n’y a pas d’ascenseur dans l’immeuble et qu’elle pouvait difficilement prendre les escaliers.

[55] Elle a demandé et obtenu de la marihuana à des fins médicales. Elle l’aide un peu, mais c’est n’est qu’une [traduction] « panacée ». Elle ne la soulage que temporairement.

[56] Son poids est passé de 140-150 livres à 228 livres. Elle ne peut marcher que sur de courtes distances avec de fréquentes pauses. Elle a un déambulateur depuis 2 ou 3 ans. Il lui a été prescrit par un ergothérapeute, qui a aussi obtenu pour elle des élévateurs pour sofa et un siège d’aisances. Elle a essayé une canne, mais quelqu’un lui a dit qu’elle la rendrait [traduction] « inégale » et endommagerait encore plus sa hanche.

[57] Depuis qu’elle a cessé de travailler, elle parvient à mieux contrôler son SCI. Elle a moins de crises aiguës, mais a encore une à trois crises par mois. Récemment, elle en a eu une qui a duré quatre jours. Elle prend des laxatifs ramollissant les selles et connaît les aliments à éviter.

[58] Le Tribunal a demandé des précisions à l’appelante concernant l’évaluation des capacités fonctionnelles (ECF) à laquelle a fait référence le Dr Zacharias dans son rapport de mai 2011. Selon le rapport d’ECF, l’appelante pourrait remplir les fonctions d’un poste administratif, mais elle devrait changer souvent de position pendant la journée pour minimiser les périodes prolongées de marche, en position assise ou debout. L’appelante ne pouvait se rappeler comment elle avait été dirigée avec une ECF. Elle pense qu’elle peut avoir été organisée par VPI, une agence de placement qui aide les personnes handicapées. Elle était intéressée de voir si elle pouvait faire quelque chose. Elle ne se souvient pas d’avoir parlé des recommandations du rapport avec qui que ce soit. Elle ne croit pas qu’elle pouvait travailler en 2009 ou à la fin de la PMA comme on l’indique dans l’ECP. Elle s’est adressée à VPI pour essayer d’obtenir de l’aide à titre de personne handicapée. Elle prend des médicaments toute la journée et doit s’étendre pendant la journée.

[59] Elle croit que la recommandation de consultation du Dr Marriot a eu lieu peu de temps avant qu’elle le consulte pour la première fois en avril 2011. Elle prenait probablement déjà du Wellbutrin quand elle l’a vu. Elle ne peut dire avec certitude si elle prenait déjà du Wellbutrin en décembre 2010. Cependant, elle se souvient de se sentir comme si elle voulait [traduction] « s’ouvrir les veines » en décembre 2010.

[60] Elle ne se souvient pas d’avoir dit au Dr Marriott qu’elle ne se sentait pas déprimée lors de sa consultation.

[61] Le Dr Zacharias n’a jamais exprimé d’opinion quant à sa capacité à travailler à temps partiel.

[62] En ce qui concerne le rapport établi en mai 2011 par le Dr Zacharias, dans lequel il dit qu’elle exécutait la plupart des tâches domestiques et devait s’asseoir régulièrement pendant environ 10 à 15 minutes pour les achever, qu’elle préparait les repas pour ses enfants, faisait la lessive et aidait ses enfants à faire leurs devoirs, l’appelante a dit qu’il reflétait fidèlement sa capacité d’accomplir ses tâches quotidiennes à ce moment-là.

[63] Depuis décembre 2010, elle ne croit pas qu’elle pourrait travailler ou se recycler. Vu ses antécédents professionnels, elle a tout essayé. Elle prend des médicaments puissants et ne peut pas [traduction] « endurer » le travail. Elle ne peut pas travailler de la maison en raison de ses problèmes de concentration. Son esprit va [traduction] « dans toutes les directions ». Elle se sent inutile pour ses enfants et n’est [traduction] « pas à la hauteur » en ce qui a trait aux questions scolaires et à leur éducation.

[64] La mère de l’appelante a témoigné. Elle souffre d’une rétinite pigmentaire et a 63 ans. Sa vue était meilleure à la fin de la PMA qu’elle l’est aujourd’hui. Elle vit dans le même immeuble que l’appelante depuis 2004. Elle passait plus de temps avec l’appelante quand les enfants de l’appelante (ses petits-enfants) étaient plus jeunes. Elle amène l’appelante à tous ses rendez-vous médicaux. Elles se parlent au téléphone tous les jours.

[65] En décembre 2010, l’appelante prenait beaucoup de codéine et ne vivait que pour sa prochaine dose d’analgésiques. Elle était dépressive et prenait des médicaments pour la dépression. À deux reprises, la témoin craignait que l’appelante ne s’enlève la vie parce qu’elle n’avait pas reçu le bon diagnostic, qu’elle ne savait pas comment améliorer son état, avait deux jeunes enfants et n’avait aucun soutien de son ex-conjoint. L’appelante avait l’impression que personne ne la croyait quant à l’intensité de douleur qu’elle ressentait et [traduction] « ne savait plus que faire ». Les enfants grandissaient et en faisaient beaucoup eux-mêmes. Toutefois, la témoin était sur appel et pouvait les aider. L’organisme des Grands frères s’occupait aussi du fils de l’appelante.

[66] Avant ses blessures, l’appelante avait une bonne éthique du travail. Elle était intelligente, s’exprimait bien, était fonceuse et vivante. Après sa blessure au dos en 2004, elle ne travaillait pas. En août 2004, elle avait des spasmes au dos et ne pouvait pas se lever de terre. Lorsqu’elle a repris le travail, elle souffrait constamment. À certains moments, elle ne pouvait plus supporter la douleur et a dû prendre des congés. La deuxième blessure au dos a aggravé son état. Elle faisait ce qu’elle pouvait quand elle le pouvait.

[67] Juice Plus était un emploi à domicile que l’appelante a fait pendant environ trois mois. Elle ne pouvait pas [traduction] « pousser » après avoir vendu à tous les parents et amis. Elle ne pouvait pas sortir et montrer les produits ou recevoir des gens à la maison. Elle ne pouvait pas travailler en raison de la quantité de médicaments qu’elle prenait. Ses capacités intellectuelles avaient considérablement diminué et elle avait toujours de la douleur.

[68] La témoin accompagne l’appelante à la clinique de la douleur. Le Dr Zacharias leur a mentionné qu’il ne croyait pas qu’elle puisse avoir un emploi rémunéré à temps plein. Il a dit qu’il était [traduction] « incertain » qu’elle puisse être occuper un emploi à temps partiel parce qu’elle n’avait pas la capacité mentale pour le garder. Selon la témoin, l’appelante doit ménager son dos, s’étendre en après-midi, ne peut rester debout ou assise et doit changer de position. Ses médicaments diminuent ses capacités mentales. La témoin accompagne l’appelante à ses rendez-vous médicaux parce qu’elle ne se souvient pas de ce que lui disent les médecins.

[69] L’appelante n’est pas la fille qu’elle a connue. Sa vitalité a disparu. Elle était en forme. Son tempérament lui permettait de prendre les blagues. Depuis presque 11 ans, la témoin se fait rabrouer parce que l’appelante ne peut tenir une conversation sans critiquer à cause de la douleur. Elle est une tout autre personne.

[70] En ce qui concerne le rapport du Dr Zacharias de mai 2011, dans lequel il a décrit les activités quotidiennes de l’appelante, la témoin a affirmé que l’appelante faisait probablement ces activités la plupart du temps, mais qu’elle devait aussi s’en remettre à ses enfants. Il ne faisait probablement pas encore de sieste pendant la journée étant donné que les médicaments prescrits par le Dr Bourns ne la fatiguaient pas, mais plutôt lui [traduction] « embrouillaient » l’esprit. Dès que le Dr Zacharias a commencé à la voir, il a progressivement cessé de lui prescrire de la codéine.

[71] En décembre 2010, le SCI de l’appelante a été aggravé parce qu’elle prenait de la codéine. Si elle devenait tendue ou nerveuse, son SCI s’aggravait. Elle dormait mal et la dépression était aussi un facteur.

[72] La témoin n’a pas assisté aux rendez-vous de l’appelante à la clinique de santé mentale. Toutefois, elle sait que l’appelante n’avait pas l’impression que le counselling l’aidait.

[73] Le Dr Zacharias a été utile. Il lui prescrit des antidépresseurs, pose des questions à l’appelante et explique ce qu’il et ne peut pas faire pour elle. L’appelante a dit craindre que les injections aggravent son problème de colonne. Le Dr Zacharias a expliqué que les injections pouvaient la soulager pendant une heure ou deux seulement. L’appelante craignait aussi de contracter la méningite à cause des injections. Selon la témoin, le Dr Zacharias a accepté la décision de l’appelante de ne pas procéder aux injections.

[74] Même si la chirurgie a aidé au niveau de la douleur sciatique, elle n’a pas réglé la douleur au dos ou aux hanches de l’appelante, son SCI, ni sa dépression. Le Dr Zacharias a dit que s’il peut réduire la douleur à 5 sur l’échelle de douleur, le traitement aura été un succès. Il n’a pas été question d’une date de fin du traitement. L’appelante a rarement atteint le niveau 5 sur l’échelle de douleur au cours des mois d’été. Toutefois, sa douleur se situe en moyenne entre 8 et 10.

Observations

[75] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Ele est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de ses troubles physiques et mentaux.
  2. La témoin et elle ont donné des témoignages crédibles et convaincants.
  3. Elle n’a pas la capacité d’occuper un emploi à temps partiel. Pendant ses bonnes journées, elle peut faire quelques heures [traduction] « ici et là », mais n’a pas la capacité de travailler de façon régulière. Elle a tenté de modifier son travail et a quand même eu des difficultés.
  4. Quant à l’ECF, elle ne précise pas à quelle fréquence elle doit alterner entre la position assise et debout. Elle a eu des problèmes avec d’autres emplois. Elle a aussi des problèmes avec la dépression, les effets secondaires des médicaments, le SCI et les douleurs dorsales. Les besoins d’adaptation sont [traduction] « trop nombreux » et elle aurait besoin d’un employeur conciliant.
  5. Sa dépression est liée à sa douleur. Elle a vu un conseiller en santé mentale et n’en a nullement bénéficié. Toutefois, le principal but est de traiter et de contrôler sa douleur. Rien ne changera à moins que la douleur diminue.

[76] L’intimé fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Le médecin de famille a dit qu’elle pouvait effectuer un travail sédentaire si sa douleur était contrôlée.
  2. Selon le rapport du spécialiste de la douleur, elle a une douleur dorsale mécanique. Il a recommandé un traitement conservateur.
  3. La description de ses activités quotidiennes ne reflète pas une grave perte de fonctions, de sorte que tous les types d’emploi seraient interdits de façon continue depuis décembre 2010.
  4. L’IRM ne révèle pas un problème de la moelle épinière ou du nerf rachidien. Les résultats des tests diagnostiques ne décrivent pas une pathologie grave qui entraînerait une grave invalidité empêchant tout type de travail.
  5. Les résultats de l’EGF de 50 à 60 indiquent des symptômes ou des difficultés de fonctionnement modérés. L’évaluation psychiatrique n’appuie pas des symptômes et des restrictions d’une gravité menant à la conclusion que l’appelante est atteinte d’une invalidité totale qui l’empêcherait d’occuper tout type d’emploi dans un avenir prévisible.
  6. Il est reconnu qu’elle a certaines restrictions physiques et psychologiques et ne peut pas accomplir son ancien travail. Toutefois, elle est jeune et possède une 12e année. Un travail léger ou sédentaire ne peut être exclu.

Analyse

[77] L’appelante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le ou avant le 31 décembre 2010.

Invalidité grave

[78] Le Tribunal est convaincu que l’appelante a travaillé pour la dernière fois en décembre 2008 en raison d’une douleur qui l’empêchait de rester debout pendant des périodes prolongées dans le milieu de la vente au détail chez Lindor.

[79] Bien qu’elle ait fourni dans son questionnaire des renseignements qui indiquent qu’elle a continué à travailler pour Juice Plus jusqu’en 2011, l’appelante a précisé dans son témoignage qu’elle n’avait travaillé activement que pendant environ trois mois après avoir commencé. Lorsqu’elle a indiqué que son travail avait pris fin en 2011, elle faisait référence à l’arrêt de la rémunération résiduelle et non de son emploi actif.

[80] Le Tribunal est convaincu que les rapports médicaux établis peu de temps après la fin de la PMA appuient, dans l’ensemble, l’existence d’une invalidité grave au sens du RPC à la fin de la PMA ou avant cette date.

[81] Seulement un mois après la fin de la PMA, le 31 décembre 2010, le Dr Bourns, son médecin de famille, a confirmé un diagnostic de dépression, de douleur dorsale chronique et d’insomnie. Même s’il a indiqué qu’elle pouvait être capable d’effectuer un travail sédentaire si sa douleur était contrôlée, le Tribunal conclut que l’affirmation du Dr Bourn signifie que la douleur de l’appelante n’était pas encore suffisamment contrôlée et qu’elle était incapable d’effectuer un travail sédentaire à ce moment-là.

[82] L’IRM réalisée le 27 janvier 2011 a confirmé une légère protrusion discale focale paracentrale gauche au niveau L5-S1 et une arthropathie facettaire à niveaux multiples.

[83] Bien que le rapport établi le 6 mai 2011 par le Dr Schutz, neurochirurgien, n’appuie pas de conclusions importantes tirées de l’examen, seulement quatre jours plus tard, le 10 mai 2011, le Dr Zacharias, un médecin qui se spécialise dans l’évaluation et le contrôle de la douleur, a décrit de la sensibilité dans la colonne lombaire et une capacité limitée d’élévation de la jambe tendue à l’examen. Il a ajouté que les conclusions concernant l’appelante laissaient croire qu’elle souffrait d’une lombalgie mécanique et que sa douleur était à la fois nociceptive et neuropathique.

[84] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le Tribunal est convaincu que l’appelante souffrait d’une importante douleur lombaire avant la fin de la PMA qui était grave au sens du RPC. Vu la gravité et la nature prolongée de sa douleur, elle a dû consulter une clinique de la douleur et prendre de puissants analgésiques opioïdes, notamment de la Codéine Contin, du Lenoltec, du Percocet et de l’hydromorphone.

[85] Étant donné la gravité de sa douleur dorsale, le Tribunal est convaincu que l’appelante ne pourrait pas, d’un point de vue réaliste, effectuer l’un de ses anciens emplois ou accomplir tout autre travail physique vu les restrictions qui l’empêche de marcher et de se tenir debout.

[86] Reste la question de savoir si l’appelante possédait une certaine capacité d’exécuter des travaux légers dans le cadre d’un emploi sédentaire à la date de fin de la PMA ou avant.

[87] Compte tenu de ses limitations liées aux périodes prolongées en position assise et ses autres problèmes de dépression et, dans une moindre mesure, son SCI, le Tribunal est convaincu que l’appelante n’avait pas la capacité résiduelle d’exécuter régulièrement des travaux légers dans le cadre d’un travail sédentaire et dans un milieu concurrentiel.

[88] Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal s’est fondé sur le rapport du Dr Zacharias portant sur l’ECF de 2009, qui indiquait que l’appelante était vraisemblablement capable d’occuper un poste administratif en changeant souvent de position au cours de sa journée de travail afin de minimiser les longues périodes de marche, ou en position assise ou debout.

[89] Compte tenu du besoin de l’appelante de changer souvent de position pendant la journée pour réduire les longues périodes de marche, ou en position assise ou debout, et de son témoignage quant aux effets secondaires de ses médicaments, le Tribunal est convaincu que, d’un point de vue réaliste, l’appelante ne pouvait accomplir de légers travaux dans le cadre d’un travail sédentaire à la fin de sa PMA. Elle était préoccupée par une douleur aiguë et ne pouvait rester assise pendant de longues périodes. Il aurait donc été fort irréaliste, sinon impossible, d’envisager un travail sédentaire. Peu de temps après la fin de la PMA, le Dr Zacharias lui a prescrit des médicaments en raison desquels elle se sent fatiguée. Elle doit faire une sieste chaque après-midi.

[90] Le Tribunal conclut que l’appelante aurait besoin d’un employeur qui serait disposé à prendre des mesures d’adaptation à son égard, compte tenu de ses douleurs et de ses restrictions fonctionnelles, en lui offrant un milieu de travail souple lui permettant d’accomplir un travail sédentaire. Il en va particulièrement ainsi du fait de son besoin de changer souvent de position pour réduire les longues périodes en position assise et de faire une sieste pendant la journée. Le Tribunal est convaincu que les mesures d’adaptation requises par l’appelante, c’est-à-dire de changer souvent de position et de faire une sieste pendant la journée, ne permettent pas un travail dans un milieu valable et concurrentiel (L.F. c. MRHDS (5 octobre 2010) CP 26809 (CAP).

[91] En plus de douleurs aiguës l’obligeant à prendre de puissants analgésiques opioïdes et de l’incapacité de rester assise pendant de longues périodes, l’appelante souffre également de dépression. Comme je l’ai déjà mentionné, le Dr Bourns a diagnostiqué une dépression dans son rapport médical du 21 janvier 2011, qu’il a établi peu de temps après la fin de la PMA. Bien qu’il n’ait pas indiqué s’il avait prescrit des antidépresseurs avant la fin de la PMA, le Tribunal souligne qu’il a dirigé l’appelante vers un psychiatre, le Dr Marriott, qu’elle a consulté peu de temps après la date de fin de la PMA, en avril 2011. Bien que le Dr Marriott ait indiqué que l’appelante se plaignait principalement de douleurs au dos, il a ajouté qu’elle présentait des signes de dépression, lui a donné une cote d’EGF de 50 à 60 et lui avait prescrit du Seroquel, en soulignant qu’elle prenait déjà du Wellbutrin.

[92] Le Tribunal est d’avis que la dépression de l’appelante est un autre facteur qui l’aurait empêchée de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, notamment des travaux légers, à la fin de la PMA ou avant. Le Tribunal garde à l’esprit la description de ses symptômes faite par le Dr Bourn. Par exemple, il a mentionné la perte de sommeil, la perte d’appétit, une humeur dépressive accompagnée d’idées suicidaires, l’isolement, un manque d’assurance et une faible estime de soi ainsi que la difficulté à prendre des décisions. L’appelante et sa témoin ont toutes deux témoigné relativement à l’état mental troublé de l’appelante à la fin de la PMA.

[93] Même si le Dr Marriott a indiqué que l’appelante ne se sentait pas déprimée quand il l’a vue, il a noté qu’elle disait se sentir inconfortable dans les réunions sociales et que, par moments, elle ne voulait pas sortir et avait de la difficulté à dormir.

[94] Le Tribunal examinera la prétention de l’intimé selon laquelle l’état de l’appelante s’était détérioré seulement après la fin de la PMA. Le Tribunal convient que la douleur de l’appelante s’est grandement accrue comme le démontre le dossier médical qui a été établi à partir de janvier 2013. Une IRM effectuée à cette époque montre une nouvelle protrusion discale au bas du dos causant une compression nerveuse à un niveau. Le Tribunal n’est toutefois pas convaincu que la détérioration qui s’est produite après la fin de la PMA quant à la lombalgie de l’appelante qui irradiait dans sa jambe, l’empêche de conclure qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC à la fin de la PMA ou avant. Pour les motifs énoncés précédemment, le Tribunal demeure convaincu qu’à la date de fin de la PMA ou avant, l’appelante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, notamment des tâches légères dans le cadre d’un travail sédentaire, étant donné l’effet cumulatif de sa douleur dorsale, de restrictions fonctionnelles connexes et de sa dépression.

[95] Le Tribunal examinera également la prétention de l’intimé à savoir que le problème lombaire de l’appelante a été réglé à la suite de la chirurgie qu’elle a subie en mars 2013 sous la rubrique Invalidité prolongée.

[96] Même si l’intimé soutient que les activités quotidiennes décrites par l’appelante ne traduisent pas une importante perte de fonction au point où tous les types d’emploi seraient toujours impossibles depuis la fin de la PMA, le Tribunal ne partage pas cet avis. Même si le Dr Zacharias a décrit les activités quotidiennes de l’appelante dans son rapport de mai 2011, le Tribunal n’accepte pas que l’exécution de tâches ménagères pouvant être accomplies quand cela convient soit assimilée à la capacité d’exécuter des tâches légères dans un marché commercial (voir Morley c. MEI (novembre 1995), CP 03296, CEB & PG 8592). De toute façon, le Dr Zacharias a indiqué que l’appelante devait s’asseoir régulièrement pendant 10 à 15 minutes pour pouvoir accomplir la plupart de ses activités.

[97] Le Tribunal est convaincu que l’appelante s’est conformée aux traitements. Bien qu’elle ait refusé les injections tronculaires et expliqué ses raisons à cet égard, elle a fourni un témoignage crédible non contesté selon lequel le Dr Zacharias n’a pas remis en question sa décision et a plutôt concentré ses efforts sur la pharmacothérapie pour contrôler sa douleur.

[98] Le Tribunal est convaincu qu’il vaut mieux établir que l’invalidité grave de l’appelante avait commencé à la date de fin de la PMA, à l’époque où le médecin de famille lui a recommandé une clinique de la douleur vu la nature grave de sa douleur et peu après quoi il l’a dirigée vers un psychiatre pour sa dépression.

Invalidité prolongée

[99] Bien que le Dr Bourns ait indiqué dans son rapport médical du RPC de janvier 2011 que l’appelante serait peut-être en mesure de remplir des fonctions sédentaires si sa douleur était maîtrisée, le Tribunal est convaincu que, d’après le dossier médical de l’appelante et son témoignage, sa douleur n’est pas encore contrôlée de façon satisfaisante.

[100] Le 15 septembre 2011, le Dr Zacharias a indiqué que l’état de l’appelante était permanent et qu’elle devait continuer à fréquenter le centre de contrôle de la douleur. Le 9 septembre 2014, il a rempli un formulaire de demande de marihuana à des fins médicales en raison de sa douleur au dos et de sa douleur neuropathique en confirmant que l’appelante ressentait une douleur constante.

[101] En ce qui concerne la prétention de l’intimé selon laquelle la douleur au dos de l’appelante avait été réglée à la suite de la chirurgie, le Tribunal a tenu compte du commentaire postopératoire formulé par le Dr Schutz le 10 avril 2013, soit que l’appelante allait très bien et que sa douleur à la jambe avait [traduction] « presque disparu tout comme sa douleur au dos ». Bien que ce commentaire laisse croire que le problème de l’appelante a été réglé et donc qu’il n’était pas prolongé, tout compte fait, le dossier médical indique le contraire. Comme je l’ai déjà souligné, dans sa note clinique du 30 avril 2013, le Dr Bourns a écrit ce qui suit : [traduction] « encore invalide, douleur au dos, douleur au bassin, arthritique ». En avril 2013 et en mai 2014, le Dr Bourns a rempli des certificats pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées indiquant une douleur chronique constante, et une capacité limitée de marcher et de rester en position assise pendant plus de 30 minutes. Le 26 novembre 2013, le Dr Zacharias a indiqué que l’appelante avait continué à fréquenter la clinique de la douleur tous les 28 jours depuis mai 2011.

[102] Même si la chirurgie de mars 2013 a soulagé de façon importante la douleur de l’appelante, surtout en ce qui a trait à sa jambe, le dossier médical appuie la conclusion selon laquelle la douleur au dos de l’appelante était par la suite surtout située dans le dos. Selon le Dr Zacharias, l’appelante était encore considérablement limitée en raison de sa douleur au dos et était extrêmement limitée dans sa capacité de régulièrement détenir un emploi rémunérateur.

[103] D’après le dossier médical et le témoignage crédible de l’appelante et de sa témoin au sujet de la douleur de l’appelante et de ses limitations fonctionnelles, le Tribunal est convaincu que la lombalgie de l’appelante est prolongée.

[104] En ce qui concerne la dépression, le Dr Bourns a décrit un historique de dépression intermittente d’environ 10 ans. Il a recommandé à l’appelante de consulter un psychiatre peu de temps après la fin de la PMA. Elle a fréquenté une clinique de santé mentale jusqu’en juillet 2012. Elle continue de prendre des antidépresseurs sur ordonnance et à parler de ce qu’elle ressent avec son spécialiste de la clinique de la douleur qu’elle consulte de façon continue. Le Tribunal est convaincu que l’appelante continue de souffrir de dépression de façon prolongée qui, combinée à sa douleur au dos, la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[105] Le Tribunal conclut que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis décembre 2010, date à laquelle elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de l’effet cumulatif de sa lombalgie et de la dépression. En vertu de l’article 69 du RPC, la pension est payable à compter du quatrième mois suivant le mois où le requérant devient invalide. Les paiements commenceront au mois d’avril 2011.

[106] L’appel est accueilli.

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