Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 22 février 2015. Cette dernière a conclu que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave et prolongée qui avait débuté en octobre 2012 et qu’elle devrait commencer à toucher une pension d’invalidité à compter de février 2013. L’avocate de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel le 20 mai 2015. La demanderesse soutient que la date de fin de la période minimale d’admissibilité aurait dû être le 1er janvier 2010 et que le versement des prestations d’invalidité aurait donc dû commencer entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012. Pour que j’accueille cette demande, la demanderesse doit me convaincre que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[2] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’elle a fixé les dates de début de l’invalidité et de versement à octobre 2012 et à février 2013, respectivement.

[3] L’avocate cite le paragraphe 9 de la décision de la division générale, dans lequel il est indiqué que le Tribunal devait déterminer s’il était plus probable que [la demanderesse] ait été atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date marquant la fin de sa période d’admissibilité. L’avocate soutient que la division générale a fait une erreur dans le calcul de la période minimale d’admissibilité puisque selon ses calculs, elle devrait plutôt être en janvier 2010. Elle fait également valoir qu’il [traduction] « est indiqué que la PMA allait du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 » et que le versement des prestations aurait donc dû commencer au cours de cette période.

[4] L’avocate soutient que la division générale s’y est prise de façon arbitraire pour fixer la date de début de l’invalidité à octobre 2012 et qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance. Elle soutient que la division générale n’a pas expliqué les raisons qui l’ont poussée à choisir la date de début de l’invalidité.

[5] L’avocate fait également valoir ce qui suit :

[Traduction]
Même si la demanderesse a subi une autre blessure dévastatrice en octobre 2012, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de preuve de nature médicale et les autres éléments de preuve tendent à démontrer que l’invalidité grave et prolongée a commencé au début de la PMA fixée au 1er janvier 2010, étant donné que c’est en juillet 2009 que s’est produite la blessure originale qui a brisé tous les os de la partie inférieure de la jambe gauche de la demanderesse, écrasé son pied et sa cheville et entraîné des lésions importantes des tissus mous et des nerfs, de l’enflure, des ulcères, de l’arthrite et (sic) dans les régions blessées.

[6] L’avocate soutient que la preuve sur laquelle la division générale s’est appuyée pour conclure à une invalidité s’appliquait aussi bien avant qu’après la blessure en octobre 2012.

[7] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

[8] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Dans les décisions Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[9] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, il est indiqué que les seuls motifs d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour que je puisse accueillir la demande, la demanderesse doit me convaincre que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel et qu’au moins l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès. L’avocate de la demanderesse a souligné un certain nombre de questions. Je les aborderai une après l’autre.

  1. a) Période minimale d’admissibilité

[11] La période minimale d’admissibilité établit la date la plus tardive à laquelle un requérant doit être déclaré invalide aux fins de l’évaluation de son admissibilité en vertu du Régime de pensions du Canada. La date de début de l’invalidité d’un requérant pourrait être bien antérieure à la période minimale d’admissibilité et ce dernier pourrait tout de même être admissible à une pension d’invalidité. À l’inverse, si l’invalidité survient après la période minimale d’admissibilité, le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

[12] L’avocat de la demanderesse affirme maintenant que la date de fin de la période minimale d’admissibilité est janvier 2010, ou une date située entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012. Je remarque que la division générale a indiqué que les parties s’entendaient sur le fait que la date de fin de la période minimale d’admissibilité était décembre 2012. L’avocate ne soutient pas que la division générale s’est trompée en ce qui concerne la position des parties à l’égard de la période minimale d’admissibilité à l’audition de l’appel. Toutefois, comme cette question soulève une erreur de droit qu’aurait pu commettre la division générale, elle pourrait être sans portée pratique pour ce qui est d’établir si les parties s’étaient entendues sur la période minimale de qualification. Je vais établir si cette question pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

[13] L’article 19 du Régime de pensions du Canada prévoit qu’un calcul proportionnel est seulement possible lorsque survient un événement déclencheur : en l’espèce, il s’agit du début de l’invalidité. L’avocate soutient effectivement qu’avec un calcul proportionnel, on peut fixer la date à janvier 2010. En d’autres mots, la division générale aurait dû établir que la date de début de l’invalidité se situait quelque part en janvier 2010. Ce ne peut pourtant pas être le cas, puisque l’avocate laisse entendre que la cause de l’invalidité de la demanderesse aux fins du Régime de pensions du Canada découle d’un accident de la route qui s’est produit le 14 juillet 2009.

[14] Je tiens également compte du fait que l’avocate laisse entendre que la date de début de l’invalidité est le 1er janvier 2010. Toutefois, cette dernière n’a fourni aucun fondement factuel ou probatoire pour justifier cette date. Je ne peux que présumer que l’avocate a calculé que la période minimale d’admissibilité prenait fin le 1er janvier 2010 parce que cette date coïncide avec la période rétroactive maximale de 15 mois avant la date de présentation d’une demande de prestations d’invalidité, pour une personne déclarée invalide.

[15] L’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada est ainsi formulé :

42(2) Personne déclarée invalidePour l’application de la présente loi :

. . .

b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d’être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne — notamment le cotisant visé au sous-alinéa 44(1)b)(ii) — n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été faite. (C’est moi qui souligne)

[16] La date à laquelle une personne est déclarée invalide est subordonnée à la présentation de toute demande de pension d’invalidité, mais elle ne coïncide pas nécessairement avec le moment où l’invalidité a véritablement commencé, et ne devrait pas être confondue avec la période minimale d’admissibilité. Si un requérant est bel et bien devenu invalide au sens du Régime de pensions du Canada avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, il est admissible à une pension d’invalidité. L’alinéa 42(2)b) a été créé afin de fournir une certaine certitude actuarielle; sans les dispositions sur la rétroactivité maximale, le Régime de pensions du Canada pourrait subir des pressions énormes si un nombre très élevé de requérants présentaient des demandes tardives de pensions d’invalidité des années ou même des décennies après le début de leurs invalidités respectives.

[17] Dans certains cas, une période minimale d’admissibilité plus tardive peut être avantageuse, puisqu’elle prolonge la période au cours de laquelle un requérant peut être déclaré invalide. Le fait que la période minimale d’admissibilité soit plus tardive ne définit pas le moment du début de l’invalidité, puisque c’est la date de présentation de la demande qui détermine la date présumée de l’invalidité.

[18] Le Régime de pensions du Canada prévoit une formule stricte pour le calcul de la période minimale d’admissibilité. L’alinéa 44(2)b) du Régime de pensions du Canada porte sur le calcul de cette période. Le calcul s’appuie en partie sur le moment où le requérant a fait des cotisations valides au Régime de pensions du Canada L’alinéa 44(2)b) du Régime de pensions du Canada décrit également la façon dont la période minimale d’admissibilité est calculée. Ce calcul est en partie fondé sur la période où un requérant a versé des cotisations valides au Régime de pensions du Canada. La période minimale d’admissibilité est fixée à une date précise : elle n’est pas choisie dans une plage de dates possibles. L’avocate ne laisse pas entendre que la division générale a appliqué la mauvaise formule.

[19] Compte tenu de ce qui précède, la demanderesse ne m’a pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel avait une chance raisonnable de succès.

  1. (b) Date de début de l’invalidité

[20] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en déterminant la date de début de l’invalidité et soutient que selon la prépondérance des probabilités et la preuve portée à sa connaissance, la division générale aurait dû trouver la demanderesse invalide à partir de janvier 2010. L’avocate ne m’a pas fourni de fondement probatoire ou juridique précis pour étayer cet argument. En effet, le fait que l’avocate reconnaisse l’existence d’[traduction] « une autre blessure dévastatrice en octobre 2012 » semble miner ses arguments selon lesquels rien n’appuie le choix d’octobre 2012 comme date de début de l’invalidité.

[21] L’avocate soutient que la division générale n’a pas accordé un poids approprié à certains éléments de preuve. La Cour d’appel fédérale a déjà abordé, dans d’autres affaires, l’argument selon lequel la Commission d’appel des pensions n’avait pas tenu compte de l’ensemble de la preuve ou n’avait pas accordé à cette dernière un poids approprié. Dans la décision Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de la demanderesse faisait mention d’un certain nombre de rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. La Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir quant au poids que le décideur avait accordé à la preuve, faisant valoir qu’il s’agissait vraiment d’une question qui « relevait du juge des faits ».

[22] L’avocate fait également valoir que la division générale s’y est prise de façon arbitraire pour fixer la date de début de l’invalidité à octobre 2012 et qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance. Elle soutient que la division générale n’a pas expliqué les raisons qui l’ont poussée à choisir la date de début de l’invalidité. En fait, au paragraphe 60 de sa décision, la division générale a expliqué comment elle a déterminé que la date de début de l’invalidité serait octobre 2012. Elle a constaté que la demanderesse avait fait une chute, ce qui avait encore aggravé son invalidité.

[23] Même s’il se peut que la division générale n’ait pas fait référence à chacun des rapports médicaux dont elle était saisie ou ne les ait pas tous analysés de façon exhaustive, elle n’a pas rendu sa décision sans s’appuyer sur quoi que ce soit. Elle a tenu compte de certains des avis médicaux et y a fait référence, en plus de mentionner qu’elle avait également tenu compte des limitations décrites dans le questionnaire rempli par la demanderesse, le rapport de l’ergothérapeute et le témoignage de la demanderesse. Quoi qu’il en soit, je prends note des remarques que la Cour suprême du Canada a formulées dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 :
Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision.  Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). 

[24] L’avocate me demande essentiellement de soupeser de nouveau la preuve et de tirer une conclusion différente de celle que la division générale a rendue. Cela dépasse la portée de la demande de permission. La Loi ne prévoit pas de réévaluation de la preuve portée à la connaissance de la division générale à l’étape de la demande de permission. La Loi exige que le demandeur convainque la division d’appel qu’au moins une erreur susceptible de révision a été commise et que cette erreur fait en sorte que l’appel a une chance. La demanderesse ne s’est pas acquittée de cette obligation en ce qui concerne ce moyen d’appel.

  1. (c) Versement des prestations d’invalidité

[25] La division générale a indiqué qu’aux fins du paiement et conformément à l’article 69 du Régime de pensions du Canada, les versements commençaient quatre mois après la date d’invalidité, qui correspond en l’espèce à février 2013.

[26] L’avocate soutient que le versement des prestations d’invalidité aurait dû commencer entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012 plutôt que quatre mois plus tard, en février 2013. L’avocate n’a fourni aucun fondement factuel ou juridique pour étayer l’argument selon lequel la division générale n’avait pas respecté l’article 69 du Régime de pensions du Canada ou avait excédé sa compétence en déterminant la date de commencement du versement des prestations d’invalidité. De plus, l’avocate n’a pas expliqué comment elle s’y est prise pour arriver à un calcul différent. Comme aucun détail n’est donné sur la façon dont la division générale a commis une erreur ou dont l’avocate a procédé pour calculer une date différente de commencement du versement des prestations d’invalidité aux termes de l’article 69 du Régime de pensions du Canada, la demanderesse ne m’a pas convaincue qu’elle avait une chance raisonnable de succès à cet égard.

Conclusion

[27] La demande de permission est rejetée.

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