Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

G. R., appelant;

Jennifer Pothier, représentante de l’appelant;

D. C., conseillère en toxicomanie, amie et témoin de l’appelant;

N. B., étudiant en droit dans le cabinet de Mme Pothier (à titre d’observateur).

Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) n’est pas payable à l’appelant.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 6 octobre 2011. L’intimé a rejeté la demande au stade initial et après réexamen. L’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) de la décision rendue après réexamen, et le Tribunal a été saisi de cet appel en avril 2013.

[3] Ainsi qu’il est expliqué dans l’avis d’audience daté du 18 février 2015, le présent appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • l’appelant devait être la seule partie qui assisterait à l’audience;
  • les questions faisant l’objet du présent appel ne devaient pas être complexes;
  • il y avait des lacunes dans l’information figurant au dossier ou des précisions étaient nécessaires;
  • la crédibilité ne devait pas figurer au nombre des questions principales;
  • le mode d’audience respectait l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’audience doit se dérouler de la manière la plus informelle et la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[4] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, tout appel interjeté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal.

[5] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant celle-ci.

[7] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Questions en litige

[8] Le Tribunal doit déterminer ce qui suit :

  1. si les cotisations versées par l’appelant pendant sa période de cotisation ont permis d’établir une période minimale d’admissibilité (« PMA »);
  2. si l’appelant est atteint d’une invalidité « grave et prolongée » qui l’empêche par conséquent de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

Preuve

Documents

[9] Dans son Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC daté du 4 octobre 2009 (p. GT1-51), l’appelant a révélé qu’il a reçu un diagnostic de spondylarthrite ankylosante et d’hépatite C, ainsi que d’une possible cirrhose causée par une toxicomanie prolongée, des problèmes de santé qui, selon lui, l’empêchaient d’occuper quelque emploi que ce soit. Il a indiqué qu’il souffrait d’une douleur constante, de fatigue, de maux de tête et de nausées. Il ne pouvait pas rester assis, se tenir debout ou se pencher pendant un certain temps. Il ne pouvait pas marcher plus de quatre pâtés de maisons. Il pouvait lever les bras lentement, mais ne pouvait soulever aucun objet sans ressentir de la douleur. Parfois, le seul moyen de mettre fin à la douleur était de se coucher.

[10] Il est né en septembre 1959 et a fait des études secondaires jusqu’en 12e année. En 1985, il a obtenu un certificat en finition de carrosserie du Fanshawe College. Il a travaillé comme peintre industriel pendant de nombreuses années, plus récemment chez Commercial Sandblasting à Saskatoon, un emploi qu’il a occupé jusqu’en décembre 2006, moment où il a été mis à pied pour l’hiver. Il a indiqué les médicaments qu’il prenait, notamment de l’Arthrotec, un analgésique anti-inflammatoire.

[11] Dans le premier Questionnaire médical relatif au RPC daté du 12 août 2011 (p. GT1-47), Muftiah Belgasem, médecin de famille, a indiqué que l’appelant avait reçu un diagnostic de spondylarthrite ankylosante et d’hépatite C. Parmi ses limitations fonctionnelles, il a noté une douleur dorsale chronique, une capacité limitée à se pencher et une incapacité de marcher ou de se tenir debout pendant de longues périodes. Il attendait de consulter un hépatologue. Il prenait de l’Arthrotec qui réduisait sa douleur. Son pronostic était stable.

[12] Dans une lettre datée du 24 novembre 2011 (p. GT1-41), K.M. Ibrahim, gastroentérologue, a écrit qu’il avait vu l’appelant en raison d’un récent diagnostic d’hépatite C, laquelle devait être traitée. Il souffrait de douleur dorsale chronique depuis trois ans, mais ne présentait aucun symptôme lié au foie. Il a affirmé ne pas avoir de nausées, de vomissements, de douleur dans le quadrant supérieur droit, de symptômes de sécheresse, de démangeaisons, de changements dans les habitudes intestinales, d’enflure aux jambes ou d’augmentation du tour de taille. Il se sentait fatigué, mais il en était ainsi depuis de nombreuses années. Il a affirmé ne pas avoir de selles noires, d’antécédents de dépression, de maladie du rein ou de maladie cardiaque. Il ne présentait aucun stigmate de maladie hépatique chronique. L’appelant avait probablement contracté l’hépatite C en consommant de la drogue par voie intraveineuse il y a 30 ans. Il avait aussi été un gros buveur pendant de nombreuses années jusqu’à l’an dernier. Le Dr Ibrahim prévoyait lui faire subir des tests de fonction hépatique et un test sérologique pour l’hépatite C.

[13] Dans une lettre datée du 11 mai 2011 (p. GT1-37), Gregory Griffiths, rhumatologue, a écrit qu’il voyait l’appelant parce qu’il souffrait peut-être de spondylarthrite. Il se plaignait de raideur au bas du dos depuis qu’il était dans la vingtaine ou la trentaine, mais n’avait pas de limitations fonctionnelles. Au cours des dernières années, il avait plus de symptômes de maux de dos mécaniques lorsqu’il faisait beaucoup de travail physique. Il a cessé de travailler il y a environ deux ans; il travaillait dans les mines de potasse dans l’Ouest, où il s’occupait de l’entretien et de la peinture de camions, et il trouvait très difficile de monter et descendre les échelles. Il a subi une fracture de la cheville il y a deux ou trois ans. À l’examen, il avait une rotation de 45 degrés au niveau du cou. Il avait une bonne amplitude au niveau des épaules. Aucune synovite périphérique n’a été observée au niveau des doigts ou des membres inférieurs. Il avait une amplitude limitée au niveau de la colonne lombaire d’environ cinq ou dix degrés à l’extension et la flexion était minimale. La flexion avant révélait une ouverture lombaire de deux centimètres. Ses hanches avaient une bonne amplitude fonctionnelle. Les radiographies de sa colonne lombaire réalisées au mois de janvier montraient une certaine anomalie dans les articulations sacro-iliaques et un tomodensitogramme a révélé une sacro-iliite bilatérale accompagnée d’anomalies lombaires. Le Dr Ibrahim a conclu que les antécédents de l’appelant et ses conclusions indiquaient une spondylarthrite, ainsi qu’une certaine atteinte lombaire. Il a proposé des traitements de physiothérapie et des analyses de sang additionnelles.

[14] Dans une lettre datée du 25 juillet 2011 (p. GT1-39), le Dr Griffiths a indiqué que l’appelant prenait de l’Arthrotec et se sentait bien. Il se plaignait d’une légère raideur, mais avait toujours une douleur dorsale mécanique. Ses mouvements étaient encore limités, son extension latérale étant limitée à environ cinq degrés et sa flexion avant étant de deux centimètres. Il n’y avait aucune atteinte à l’articulation de la racine. L’amplitude de sa colonne cervicale était assez bien maintenue. Il n’y avait pas d’œdème. Bien que l’appelant ait des antécédents de spondylarthrite, le Dr Griffiths était d’avis qu’il n’y avait [traduction] « pas grand-chose de vraiment actif pour le moment ». Ses symptômes étaient plutôt de nature mécanique qu’inflammatoire. Le Dr Griffiths lui a conseillé de continuer à prendre de l’Arthrotec et l’a encouragé à s’abstenir de consommer de l’alcool en raison de son diagnostic d’hépatite C. Il n’a indiqué aucun traitement biologique.

[15] Un tomodensitogramme de la colonne lombaire réalisé le 17 janvier 2011 (p. GT1-44) a révélé un bombement discal minimal au niveau L3-S1. Une sacro-iliite bilatérale accompagnée de modifications a été observée au niveau de la colonne lombaire. Le principal diagnostic différentiel était une spondylarthrite ankylosante. Il y avait aussi des signes de polyarthrite psoriasique, du syndrome Reiter ou de modifications associées à une maladie inflammatoire de l’intestin.

[16] Une radiographie de la colonne lombaire datée du 6 janvier 2011 (p. GT1-46) montre un alignement normal et des espaces intervertébraux en bon état. On a observé une formation d’ostéophytes antéro-latéraux au niveau L4-5, ainsi qu’une modification dégénérative dans la région lombaire postérieure. Aucune modification aiguë n’a été observée. Il y avait une calcification de l’aorte. Aucun anévrisme n’a été décelé. Il semblait y avoir une ostéite condensante de l’os iliaque dans la région des deux articulations sacro-iliaques, plus prononcée du côté gauche que du droit.

[17] Dans une lettre datée du 22 mai 2012 (p. GT2-8), le Dr Ibrahim a écrit que l’appelant était asymptomatique pour le moment. Son examen physique a donné des résultats plutôt normaux.

[18] Dans une lettre rédigée pour appuyer la demande de l’appelant au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées et datée du 21 septembre 2012 (p. GT2-12), M.P. Ravindran, médecin généraliste, a écrit que l’appelant avait reçu un diagnostic d’hépatite C chronique, qui était active depuis juin 2011, ainsi que de spondylarthrite ankylosante lui causant une douleur lombaire chronique. Il présentait également des symptômes de nausée et de fatigue. Le pronostic allait de sombre à réservé.

[19] Dans une lettre datée du 7 janvier 2013 (p. GT2-5), le Dr Ibrahim a écrit que la fibroscopie de l’appelant a donné un résultat de F0-F1 seulement, ce qui n’était pas suffisant pour le rendre admissible à la trithérapie. Il a rejeté l’option de la biopsie du foie et ne semblait pas souhaiter poursuivre le traitement de son hépatite C.

[20] Dans une lettre datée du 31 octobre 2013 (p. GT2-3), le Dr Ibrahim a indiqué que de nouvelles analyses sanguines pour l’hépatite C ont révélé que le taux de ferritine de l’appelant était de 360. Sa fibroscopie précédente avait donné un résultat de F0-Fl seulement, et il présentait un faible risque de progression.

[21] Dans une lettre datée du 9 décembre 2013 (p. GT2-17), le Dr Griffiths a écrit que les symptômes de l’appelant étaient en général de nature mécanique. Il ne ressentait pas de douleur la nuit ni de raideur le matin. Du point de vue clinique, il semblait aller bien. Le Dr Griffiths avait l’impression que l’appelant souffrait d’une spondylarthrite stable et que l’activité de la maladie était minimale. Il lui a conseillé de continuer à prendre de l’Arthrotec.

[22] Dans une lettre datée du 30 avril 2014 (p. GT5-15), le Dr Ibrahim a écrit que l’appelant était toujours asymptomatique à l’égard de l’hépatite C.

[23] Dans une lettre datée du 23 juin 2014 (p. GT5-9), le Dr Griffiths a indiqué qu’il n’observait aucun signe de progression de la spondylarthrite de l’appelant.

[24] Dans une lettre datée du 23 juin 2014 (p. GT5-10), le Dr Griffiths a écrit qu’il n’avait constaté aucune progression de la maladie inflammatoire des articulations. [Traduction] « Nous avons affaire à une douleur dorsale mécanique ».

[25] Dans une lettre adressée à la représentante de l’appelant le 9 mars 2015 (p. GT5-11), le Dr Griffiths a indiqué que l’appelant souffrait d’une douleur continue qui l’empêchait de travailler. Dans l’ensemble, ses symptômes étaient principalement ceux d’une douleur dorsale mécanique chronique qui l’empêcherait de faire un travail exigeant de se pencher, de soulever des objets, de faire des torsions de façon répétée et de garder la colonne dans la même position pendant de longues périodes. Le problème le plus préoccupant était son hépatite C active qui pouvait bien nécessiter un traitement antiviral plus définitif. Il arrivait à un âge où le recyclage complet serait un projet important.

[26] Dans un affidavit daté du 31 mars 2015 (p. GT5-2), l’appelant a déclaré que son dernier emploi remontait à 2007 comme membre du syndicat des peintres de la Saskatchewan, où il a peint des éoliennes et ensuite des poutres en acier dans les mines de potasse. Il a travaillé avec une douleur au dos pendant les dix années précédentes. Il n’a jamais consulté de médecin, mais il buvait pour atténuer la douleur. Il buvait avant le travail, pendant qu’il était au travail et après le travail. Il buvait au moins une caisse de 24 bières par jour. De plus, il fumait de la marijuana tous les jours pour atténuer sa douleur. Après avoir été mis à pied en 2007, il a passé trois ans à boire dans sa remorque avant de retourner chez lui en Ontario pour y mourir. Après avoir arrêté de boire, il a ressenti une douleur aiguë et a finalement pris rendez-vous avec le Dr Belgasum, qui l’a envoyé passer un test IRM et un tomodensitogramme, qui ont indiqué une spondylarthrite ankylosante. Le Dr Griffiths a ensuite confirmé le diagnostic. Puis, comme il s’inquiétait de sa consommation de drogue dans le passé et de ses tatouages, le Dr Belgasum l’a dirigé vers un spécialiste du foie, qui lui a diagnostiqué une hépatite C. Ses analyses sanguines étaient variables. Il existe deux types de traitements pour le type d’hépatite C dont il est atteint : l’Interféron, qui est administré pendant neuf mois et dont le taux d’efficacité est de 60 pour cent, et ce qu’on appelle la [traduction] « trithérapie », un traitement de trois mois seulement, dont le taux d’efficacité est de 80 pour cent et qui cause moins d’effets secondaires. Il a décidé d’attendre de recevoir le deuxième traitement. Les deux traitements sont très dispendieux et l’obligeraient à présenter une faire une demande de financement. Il ne voulait pas suivre le premier traitement et, en cas d’échec, devoir essayer à nouveau d’obtenir du financement pour le deuxième traitement.

[27] Dans un affidavit daté du 31 mars 2015 (p. GT5-6), D. C., conseillère en toxicomanie, a écrit qu’elle connaissait l’appelant depuis qu’elle avait 16 ans et qu’ils s’étaient fréquentés pendant plusieurs années. Elle ne l’a pas vu pendant environ 30 ans jusqu’à ce qu’il revienne en ville en 2010. Lorsqu’ils ont renoué leur amitié, elle a constaté qu’il avait un grave problème d’alcool et peut-être des problèmes de santé mentale.

Témoignages

[28] L’appelant a dit au Tribunal qu’il avait obtenu un certificat dans la finition de carrosserie et la réparation de carrosserie du Fanshawe College dans les années 1980. Il a fait ce genre de travail depuis ce temps et a surtout travaillé comme peintre industriel au cours des trois ou cinq dernières années de sa carrière dans les mines de potasse de la Saskatchewan. Il s’agissait d’un travail physique, qui exigeait qu’il manipule des pistolets à peinture industriels pour vaporiser des poutres en I sur de hauts échafaudages.

[29] Il avait de la douleur au dos depuis plus de dix ans. Il a géré sa douleur en buvant – le matin, l’après-midi et le soir. Il buvait une pleine caisse de bière jusqu’à ce qu’il tombe ivre mort. S’il ne buvait pas, il ne pouvait pas bouger. Il se présentait souvent en retard au travail et prenait des congés. Il est certain que ses patrons s’en sont aperçus, mais il n’a jamais reçu de réprimande officielle. À la fin de 2006, il a été mis à pied parce que l’hiver approchait et qu’il n’y avait pas assez de travail. Il s’attendait à être rappelé au printemps, mais ne l’a pas été. Selon lui, il est possible que son rendement au travail soit lié au fait qu’il n’a pas été réembauché. Si on l’avait rappelé au travail, il y serait retourné et aurait continué à s’automédicamenter avec l’alcool. Quand on lui a demandé s’il croyait qu’il aurait pu occuper un autre emploi à ce moment-là, il a répondu que cela n’aurait pas été possible parce qu’il était tout le temps ivre.

[30] Pendant ce temps, il n’a jamais envisagé de demander une aide médicale. Il n’a jamais pris d’analgésiques, mais s’en est seulement remis à l’alcool et, à l’occasion, à la marijuana. Il a vu un médecin pour la dernière fois quand il travaillait dans une mine d’uranium à Key Lake. Pour pouvoir obtenir l’emploi, il a dû subir un examen physique fait par le médecin de la compagnie. C’était en 2005 environ.

[31] Après que l'appelant a été mis à pied, sa consommation d’alcool a augmenté. Il a bu tous les jours pendant trois ou quatre ans. Il a vendu tout ce qu’il possédait, y compris sa voiture, sa motocyclette et ses outils. En 2010, il est retourné vivre dans sa ville natale en Ontario et a commencé à recevoir des prestations d’aide sociale. Il a repris sa relation avec D., qui l’a encouragé à consulter des médecins. En tant que bénéficiaire du programme Ontario au travail, on l’a encouragé à chercher du travail, mais il en était incapable en raison de sa douleur dorsale aiguë. D., qui est aussi conseillère en toxicomanie, l’a aidé à réduire sa consommation d’alcool, mais il consommait toujours de la marijuana. Il a commencé à prendre de l’Arthrotec, ce qui l’a aidé.

[32] En 2007, lorsqu’il a été admissible pour la dernière fois à des prestations d’invalidité, il ne pouvait pas rester debout pendant plus de cinq minutes, ni ne pouvait soulever quoi que ce soit. Encore aujourd’hui, toute tâche simple lui demande deux jours de récupération. Il doit se coucher. Il n’a jamais cherché d’emploi parce qu’il ne pouvait pas le faire; le Dr Belgasem convient qu’il n’est pas apte à travailler. L’Arthrotec n’est pas aussi efficace qu’il l’a été, mais sans cela, il ne pourrait rien faire. S’il augmente la dose, il commence à avoir des hallucinations. Il a essayé le Naproxen et le Celebrex, mais a constaté qu’ils ne l’aidaient pas. Il a essayé la physiothérapie, mais les exercices aggravaient sa douleur au dos.

[33] Il a reçu un diagnostic d’hépatite C. Il a des tatouages et a consommé de la drogue par voie intraveineuse il y a plus de 20 ans. Il présente des symptômes de la maladie — il dort constamment et n’a ni énergie ni ambition. On a interrogé l’appelant au sujet du rapport du Dr Ibrahim du 30 avril 2014, dans lequel il a été décrit comme étant [traduction] « asymptomatique ». L’appelant a répondu qu’il ne savait pas pourquoi le Dr Ibrahim avait fait une telle affirmation, parce qu’il lui dit qu’il était toujours fatigué. De plus, il ne lui a jamais dit (ou au Dr Griffiths) qu’il n’avait pas de douleur la nuit. Il souligne cependant que, pendant ses consultations, le Dr Ibrahim lui demande rarement comme il va. D’habitude, il voit le Dr Ibrahim tous les six mois environ. Il a l’intention de suivre la [traduction] « trithérapie », qui aurait un taux de succès de 80 pour cent, mais qui est dispendieux. Il examine ses options de financement.

[34] Son nouveau médecin de famille, le Dr Ravindran, lui a suggéré de consulter un psychiatre, mais il croit qu’il serait difficile pour lui de parler de ses problèmes personnels.

[35] Encore aujourd’hui, il ne peut pas marcher plus que quatre pâtés de maisons. D. lui prépare toute sa nourriture et s’occupe de toutes les tâches ménagères. Il peut prendre sa douche et s’habiller seul. Il aimerait retourner à l’école s’il le pouvait, mais il ne peut pas rester assis pendant plus d’une demi-heure. Il peut écrire un peu, mais n’a jamais utilisé l’ordinateur. Il n’a pas officiellement obtenu son diplôme d’études secondaires, mais a suivi des cours d’anglais et de mathématiques de 12e année pour pouvoir aller au collège.

[36] Il ne se voit pas quelque type de travail que ce soit pour le moment.

[37] Mme C. a aussi parlé au nom de l’appelant. Elle est conseillère en toxicomanie depuis 16 ans. Elle le connaissait lorsqu’ils étaient adolescents, mais ne l’a pas vu pendant 30 ans. Lorsqu’ils ont repris contact, elle a été consternée par son apparence. Il était embrouillé, ses dents étaient pourries et il avait l’air beaucoup plus vieux qu’il ne l’était. Il sentait l’alcool. Il vivait dans une autocaravane qui n’était pas chauffée et elle craignait qu’il meure. Après plusieurs tentatives en désintoxication et plusieurs rechutes, il est finalement stable.

[38] Elle n’était pas surprise d’entendre qu’il n’avait jamais consulté de médecin pour son mal de dos. D’après son expérience, les alcooliques se dirigent surtout vers la bouteille. Il a probablement vécudans un état de confusion causé par l’alcool pendant des années. Même si elle ne le connaissait pas à l’époque, elle soupçonne que la consommation excessive d’alcool a joué un grand rôle dans sa mise à pied en 2007. Elle croit également qu’il a des problèmes cognitifs, pouvant résulter d’un traumatisme crânien subi pendant l’enfance ou de nombreuses années d’abus d’alcool. La douleur au dos est ce qui l’a empêché de travailler, mais elle croit que son invalidité est liée à sa consommation d’alcool.

[39] Elle n’a pas été surprise non plus d’entendre dire qu’il ne s’exprime pas quand il voit ses médecins. Il aime plaire aux gens et bien souvent ne dit pas tout; sa présentation à la présente audience démontre qu’il a de la difficulté à s’exprimer. Il ne fournira pas volontairement de renseignements; il faut d’abord lui poser des questions. Avec le recul, elle croit qu’elle aurait dû l’accompagner à ses rendez-vous médicaux.

Observations

[40] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. il a reçu un diagnostic de spondylarthrite ankylosante et d’hépatite C, problèmes qui lui causent une douleur au dos de plus en plus aiguë et de la fatigue, qui le rendent inapte à occuper quelque emploi que ce soit pour lequel il est raisonnablement qualifié;
  2. il souffre d’une douleur dorsale depuis de nombreuses années, mais a pu continuer à travailler parce qu’il se traitait lui-même avec de l’alcool et de la marijuana. Pendant des années, il s’est négligé en abusant de l’alcool et de drogues et n’a vu aucun médecin. Par conséquent, ses nombreux problèmes de santé graves qui datent d’avant la fin de la PMA ne sont pas documentés;
  3. Depuis qu’il a déménagé en Ontario, il a véritablement tenté de se refaire une santé en consultant des médecins spécialistes, en prenant des analgésiques et en réduisant sa consommation d’alcool. Malheureusement, aucune de ces stratégies ne lui a procuré un soulagement important ou à long terme.

[41] L’intimé n’a pas comparu à l’audience, mais dans des lettres précédentes datées du 11 juillet 2013 (p. GT6-1) et du 5 mai 2015 (p. GT6-6), il a soutenu que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2007, mais aucun renseignement n’a été versé à son dossier avant 2011;
  2. les documents médicaux figurant au dossier datent de 2011 à 2015 et ne permettent pas de conclure qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée l’empêchant d’occuper un type d’emploi qui lui convient;
  3. depuis 2011, il semble bien se porter, un médicament anti-inflammatoire ayant diminué ses symptômes au dos et l’hépatite C qu’on lui a récemment diagnostiquée était asymptomatique.

Analyse

[42] L’appelant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la fin de la PMA ou avant cette date.

PMA et cotisations

[43] Pour être admissible à la pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit avoir versé suffisamment de cotisations valides pendant sa période de cotisation pour établir une PMA. Pour établir une PMA après 1998, le RPC exige que le demandeur démontre qu’il a fait des cotisations valides pendant au moins quatre années sur une période de six ans. Dans ses observations écrites, l’intimé a proposé que la PMA applicable en l’espèce se termine le 31 décembre 2007, étant donné que les dernières cotisations valides versées par l’appelant pendant une période de six ans l’ont été au cours des quatre années suivantes : 2002, 2003, 2006 et 2007 (voir le Registre des gains, p. GT1-20). Le Tribunal a fait la même analyse qui a été comprise et acceptée par l’appelant. Afin que l’appelant soit admissible à une pension d’invalidité du RPC, la preuve doit indiquer qu’il était invalide à la fin de 2007 et qu’il l’est resté depuis cette date.

Invalidité grave

[44] Le critère de la gravité de l’invalidité doit être évalué selon une approche réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la capacité d’une personne à travailler, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[45] Lorsqu’il existe des preuves de la capacité de travailler, la personne doit démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (A.G.), 2003 CAF 117).

[46] Le présent appel a constitué un défi particulier pour le Tribunal vu que l’appelant a été admissible pour la dernière fois à des prestations d’invalidité il y a plus de sept ans et qu’il n’existe aucune preuve médicale datant d’avant janvier 2011. Par conséquent, une grande partie des prétentions de l’appelant reposent sur son témoignage de vive voix. Bien que sa représentante et lui aient présenté les meilleurs arguments possible, au bout du compte, le Tribunal a conclu qu’il ne disposait pas d’une preuve suffisante pour démontrer que l’appelant était incapable d’occuper toute forme d’emploi véritablement rémunérateur en date du 31 décembre 2007.

[47] L’appelant a fait valoir que la douleur dorsale était la principale raison pour laquelle il avait cessé de travailler, mais certains éléments indiquent que son départ des mines de potasse en Saskatchewan à la fin de 2006 avait été causé par des facteurs plus importants. Tout d’abord, il y a le fait qu’il a été mis à pied de son emploi de peintre pour des raisons qui ont moins à faire avec son rendement que le fait que la peinture extérieure ne se fait pas pendant les mois d’hiver. Lorsqu’on lui a demandé à l’audience s’il serait retourné à son emploi s’il avait été rappelé au printemps 2007, l’appelant a répondu un « oui » catégorique, ce qui laisse croire que dans une certaine mesure, il était encore physiquement capable de faire le genre de travail manuel pour lequel il avait été formé.

[48] L’appelant a déclaré qu’il avait des symptômes de douleur dorsale de plus en plus aiguë pendant au moins dix ans avant qu’elle devienne assez intense pour qu’il cesse finalement de travailler. Cependant, ce récit ne correspond pas à l’historique qu’il a fourni au Dr Griffiths, son rhumatologue traitant. Lors de sa première consultation en mai 2011, le Dr Griffiths a indiqué que l’appelant ressentait une [traduction] « raideur » au bas du dos depuis qu’il était dans la vingtaine ou la trentaine, mais qu’il n’avait pas de limitations fonctionnelles. À l’examen, l’amplitude de mouvement de la colonne lombaire de l’appelant était seulement légèrement limitée. En juillet 2011, après avoir pris de l’Arthrotec pendant quelques mois, il se [traduction] « sentait assez bien », et ressentait une raideur minimale, mais une certaine douleur dorsale mécanique. En décembre 2013, l’appelant n’a signalé aucune douleur la nuit ou raideur importante le matin.

[49] Une radiographie et un tomodensitogramme, tous deux réalisés en janvier 2011, ont révélé des signes de spondylarthrite ankylosante, un état caractérisé par une inflammation de la colonne, bien que sa progression varie d’une personne à l’autre. Le Dr Griffiths a déclaré récemment, soit en juin 2014, que l’appelant était principalement asymptomatique et que la maladie n’avait pas progressé. Dans sa lettre de mars 2015, le Dr Griffiths a affirmé que la douleur dorsale de l’appelant était de nature mécanique, qu’elle limitait sa capacité de se pencher, de soulever des objets et de faire des torsions de manière répétitive, ainsi que de garder la même position pendant de longues périodes, mais il se prononçait sur l’état actuel de l’appelantet le Tribunal n’était pas disposé à supposer qu’il faisait l’objet des mêmes restrictions il y a sept ans et demi. Quoi qu’il en soit, ces restrictions n’auraient pas empêché l’appelant d’occuper un emploi relativement sédentaire dans un milieu qui lui permettait de varier ses mouvements et de changer de position.

[50] Dans son témoignage, l’appelant a laissé entendre que la consommation excessive d’alcool avait joué un rôle dans le fait qu’il n’avait pas été rappelé au travail. D’après son récit, il buvait le matin, dans la journée et le soir avant sa mise à pied, ce qui faisait en sorte qu’il se présentait en retard au travail ou s’absentait du travail au moins à l’occasion. Le Tribunal ne nie pas que l’alcoolisme peut être débilitant dans certains cas, mais dans la présente instance, aucune preuve médicale n’a été produite pour démontrer qu’il empêchait l’appelant de fonctionner physiquement ou mentalement de façon permanente, malgré les suppositions de Mme C. sur ce dernier point. De plus, des événements ultérieurs ont démontré que l’appelant était effectivement capable de réduire sa consommation d’alcool et de se sortir, du moins en partie, du cercle vicieux dans lequel il était tombé.

[51] L’appelant a aussi déclaré que les symptômes liés à son hépatite C active avaient contribué à son incapacité de travailler avant le 31 décembre 2007, mais il y a peu d’éléments de preuve sur ce point. Après 2010, l’appelant s’est plaint subjectivement à ses fournisseurs de traitements de fatigue et de nausées, mais aucune preuve objective ne permet d’établir qu’il avait été atteint d’une invalidité grave plusieurs années auparavant. Bon nombre des rapports du Dr Ibrahim ont compromis les prétentions de l’appelant : ils ne font état d’aucun symptôme lié à un problème au foie ou d’aucune nausée (novembre 2011), et précisent que les résultats d’une fibroscopie relativement anodins indiquent un faible risque de progression (janvier 2013). Contrairement aux affirmations du Dr Ravindran dans sa lettre de décembre 2013, il y avait peu d’indications que l’hépatite C de l’appelant était devenue active, et le Dr Ibrahim, dans son rapport d’avril 2014, a souligné qu’il était toujours [traduction] « asymptomatique ».

[52] À l’audience, la représentante de l’appelant a tenté de discréditer certaines des preuves défavorables figurant dans les rapports médicaux en laissant entendre qu’ils ne présentaient pas un portrait fidèle des symptômes de l’appelant à l’époque. Se fondant sur le témoignage de l’appelant et celui de son témoin, Mme C., elle a fait valoir que la passivité de l’appelant et son empressement à plaire auraient amené ses fournisseurs de traitement à voir son état de façon beaucoup plus anodine qu’il ne l’était réellement. Le Tribunal a conclu que cela était peu probable, jugeant que les divers rapports du Dr Griffiths et du Dr Ibrahim étaient détaillés, honnêtes et, de toute évidence, fondés sur une enquête active. Pendant plusieurs années, les deux spécialistes se sont exprimés de manière descriptive pour transmettre leurs impressions respectives selon lesquelles la douleur dorsale et l’hépatite C de l’appelant étaient stables et maîtrisés.

[53] Le Tribunal a conclu que l’appelant était sympathique et fondamentalement crédible, son témoignage laissant entendre qu’il croyait sincèrement être invalide. Mme C. a fourni un témoignage convaincant pour le compte de l’appelant. Malgré tout, le Tribunal était réticent à accorder une pension d’invalidité en se fondant principalement sur une preuve subjective et une faible preuve médicale indépendante corroborante, préparée plusieurs années après le fait. Bien qu’il ne soit probablement plus en mesure d’effectuer un travail exigeant, il peut exister d’autres emplois, plus sédentaires, qu’il pourrait occuper et qui risquent moins d’aggraver le bas de son dos, qui est la principale source de douleur et d’inconfort.

[54] Le RPC exige que l’invalidité du demandeur l’empêche d’occuper régulièrement tout type d’occupation rémunératrice, qui correspond à ses antécédents, sa scolarité et sa formation, une norme assez élevée à respecter. L’appelant avait 48 ans en 2007 et, malgré son état à l’époque, il est possible d’imaginer qu’il aurait pu trouver et conserver un autre emploi convenable, peut-être dans le secteur du commerce de détail. En examinant [traduction] « la personne dans son ensemble », le Tribunal s’est vu obligé de conclure qu’il n’existait tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que l’invalidité de cette personne a franchi le seuil du caractère « grave ».

Invalidité prolongée

[55] Comme je l’ai déjà mentionné, la douleur au dos de l’appelant et ses symptômes liés à l’hépatite C n’ont pas atteint la norme applicable au chapitre de la gravité. Il n’est donc pas nécessaire de déterminer si son invalidité peut être qualifiée de « prolongée ».

Conclusion

[56] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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