Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 5 février 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») a accueilli l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre d’une décision lui refusant le versement d’une pension d’invalidité du Régime des pensions du Canada (RPC). Le membre de la division générale a établi que le demandeur était devenu invalide en avril 2011, de sorte que des prestations seraient versées à partir d’août 2011.

[3] Le demandeur demande la permission de porter cette décision en appel. Par l’intermédiaire de son avocat, il fait valoir qu’en déterminant que son invalidité avait commencé en avril 2011, la division générale avait commis une erreur :

  • en contrevenant à un principe de justice naturelle, puisqu’elle n’avait pas donné les raisons pour lesquelles elle avait choisi comme date de début une date postérieure à la date où la blessure est survenue;
  • en s’appuyant sur un critère qui n’est pas envisagé par le RPC;
  • en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[4] Le Tribunal formule ainsi les questions dont il est saisi :

  1. (a) la division générale a-t-elle commis une erreur de droit en déterminant la date à laquelle le demandeur est devenu admissible à des prestations d’invalidité du RPC?
  2. (b) L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[5] De nombreuses dispositions législatives régissent cette demande. Tout d’abord, les dispositions qui régissent l’octroi de l’autorisation d’interjeter appel ainsi que les moyens d’appel s’appliquent en l’espèceNote de bas de page 1. Les appels interjetés à l’encontre d’une décision de la division générale sont régis par les articles 56 à 59 de laLoi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »). Les paragraphes 56(1) et 58(3) régissent l’autorisation d’interjeter appel et prévoient qu’« [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Pour accorder la permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès, ce qui équivaut à avoir une cause défendable.

[6] La disposition juridique régissant le moment où la personne qui demande des prestations d’invalidité du RPC peut être considérée comme invalide s’applique également en l’espèce. Cette disposition est énoncée à l’alinéa 42(2)b) du RPC et est ainsi formulée :

  1. b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d’être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne — notamment le cotisant visé au sous-alinéa 44(1)b)(ii) — n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été faite. (L.C. 1992, ch. 1, art. 23; 2009, ch. 32, art. 31.)

Observations

[7] L’avocat du demandeur soutient que la division générale aurait dû fournir les raisons pour lesquelles elle a choisi le 12 avril 2011 comme date de début de l’invalidité. L’avocat fait également valoir qu’en rendant sa décision, la division générale s’est fondée sur une norme de « rétablissement maximal », qui n’est pas une norme énoncée par le RPC. De plus, l’avocat du demandeur allègue que le choix de la date de début de l’invalidité a été fait de façon arbitraire, sans tenir compte des rapports médicaux qui appuyaient une date de début antérieure.

Analyse

[8] La demande de permission d’en appeler représente la première étape du processus d’appel. Le seuil à atteindre est cependant inférieur à celui qui doit être atteint à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour que la permission lui soit accordée, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF).

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les motifs de la demande correspondent à un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle négligé de fournir les raisons qui ont motivé le choix de la date de début de l’invalidité?

[10] L’avocat du demandeur soutient que la division générale n’a pas fourni les raisons pour lesquelles elle a choisi le 12 avril 2011 comme date de début de l’invalidité. D’après les observations de l’avocat, cette omission constitue à la fois un manquement à la justice naturelle et une indication que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. L’avocat fait référence au paragraphe 57 de la décision, dans lequel la division générale énonce ses conclusions au sujet de la date de début de l’invalidité. Toutefois, l’avocat estime que la justification donnée au paragraphe 58 n’explique pas suffisamment le processus décisionnel de la division générale. Le Tribunal n’est pas convaincu de la position de l’avocat pour les raisons qui suivent.

[11] Il est bien établi que pour prouver l’invalidité, il faut présenter des éléments de preuve objectifs de nature médicaleNote de bas de page 2. Toutefois, la porte est toujours ouverte aux éléments de preuve subjectifs et crédibles du demandeur. En l’espèce, le membre de la division générale a déterminé que le demandeur avait fourni un témoignage crédible. Parallèlement à ce témoignage, le membre de la division générale avait à sa disposition plusieurs rapports médicaux auxquels il s’est fié.Note de bas de page 3 Il ressort clairement de l’analyse que le membre a examiné en profondeur ces rapports médicaux, qu’il désigne comme les rapports clés, avant de parvenir à la conclusion qu’il a présentée au paragraphe 58.

[12] De plus, après avoir examiné les rapports, le membre de la division générale a clairement énoncé que sa conclusion au sujet de son invalidité était fondée sur l’évaluation de l’invalidité qui avait été faite par le Dr Matthews le 12 avril 2011. Il aurait peut-être été préférable que le membre explique son raisonnement plus en détail, mais il ne l’a pas fait. Néanmoins, en appliquant la norme de contrôle du « caractère raisonnable » à la décision, le Tribunal conclut que cette dernière, prise dans son ensemble, appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. De l’avis du Tribunal, il faut lire le paragraphe 58 dans le contexte des paragraphes 44 à 46 et en se reportant à ces derniers. Au paragraphe 44, le membre de la division générale examine le rapport du Dr Mihic, dont ont été tirées de nombreuses citations et dans lequel le médecin en question indique qu’à son avis [traduction] « le demandeur ne sera pas en mesure de reprendre une quelconque forme de travail temporaire ou permanent dans un avenir envisageable ». Le Tribunal estime qu’il ne s’agit pas là d’une déclaration d’invalidité sans équivoque. La première déclaration de ce genre semble être celle du Dr Matthews en avril 2011. Par conséquent, la Division générale n’a pas commis d’erreur en choisissant cet avis pour établir la date de début de l’invalidité. Le Tribunal croit que la décision, prise dans son ensemble, n’appuie pas l’argument de l’avocat du demandeur selon lequel le membre de la division générale aurait commis une erreur de droit ou serait contrevenu à la justice naturelle. Le Tribunal n’est pas convaincu qu’un appel fondé sur ces motifs pourrait avoir une chance de succès.

La division générale a-t-elle appliqué un critère incorrect?

[13] L’avocat du demandeur a fait valoir que la division générale s’était appuyée sur le mauvais critère pour évaluer la gravité de l’invalidité de son client. D’après l’avocat, la division générale a appliqué un critère fondé sur le « rétablissement maximal » et sur « l’invalidité permanente », deux notions qui ne sont pas liées au critère énoncé dans le RPC. En effet, le critère de l’invalidité prolongée est que la personne doit être « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4 ».

[14] Il ressort clairement de l’analyse de la division générale que cette dernière était consciente des exigences du critère, qu’elle a citées au paragraphe 52 de la décision. Il est également clair que lorsque le membre a employé les termes contestés, il s’agissait de citations textuelles des rapports médicaux pertinents. Par exemple, au paragraphe 56, le membre a indiqué qu’il accordait plus de poids au rapport du Dr Bringleson qu’à celui du chirurgien orthopédiste. Le membre a souligné que le Dr Bringleson [traduction]« avait écrit qu’à l’issue de tous les programmes de réhabilitation et de toutes les consultations avec des spécialistes, la conclusion était que le demandeur avait atteint son « rétablissement maximal » et qu’il vivrait désormais avec une « invalidité permanente ». Le membre de la division générale fait une référence similaire aux conclusions du Dr Matthews en avril 2011Note de bas de page 5.

[15] Il ressort encore plus clairement que la division générale n’a pas appliqué le mauvais critère à la lecture à la lumière de l’affirmation suivante : [traduction] « bref, le Tribunal estime que selon la balance des probabilités, le demandeur était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à partir d’avril 2011. » Cette affirmation est tirée du paragraphe 57 de la décision, lequel vient juste après le paragraphe où le membre traite du rapport médical de Bringleson et indique pourquoi il l’a préféré. Le Tribunal estime que la division générale n’a commis aucune erreur, de sorte que la permission d’en appeler ne sera pas accordée sur la foi de ce motif.

Conclusion

[16] L’avocat du demandeur a fait valoir que la division générale avait commis une erreur en appliquant le mauvais critère et en ignorant des éléments de preuve montrant que le demandeur était devenu invalide à la date où il a été blessé. L’avocat a également soutenu que la division générale était contrevenue à la justice naturelle en négligeant de fournir les raisons pour lesquelles elle avait choisi comme date de début de l’invalidité une date postérieure à la date de la blessure. Pour les raisons décrites ci-dessus, le Tribunal conclut que les arguments de l’avocat ne sont pas fondés.

[17] À l’étape de la demande, un demandeur doit seulement arriver à soulever un moyen d’appel. Le Tribunal estime que le demandeur ne l’a pas fait. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès.

[18] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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