Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 23 mars 2012. L’intimé a rejeté la demande au stade initial ainsi qu’à l’étape du réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et l’appel a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale (TSS) en avril 2013.

[2] Le présent appel a été instruit en personne pour les raisons suivantes :

  • Les audiences ne peuvent pas être tenues par vidéoconférence là où réside l’appelante.
  • Les questions faisant l’objet de l’appel ne sont pas complexes.
  • Il y avait de l’information manquante ou il était nécessaire d’obtenir des précisions.
  • Le mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’audience doit se dérouler de la manière la plus informelle et la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[3] L’avis d’audience a été envoyé à l’appelante par messager et a été retourné au TSS avec la mention « non réclamé » le 5 mars 2015. Il a été envoyé à nouveau à l’appelante le 6 mars 2015 par courrier ordinaire et n’a pas été retourné au TSS.

[4] Comme le précise l’avis d’audience, en cas d’absence d’une partie, le Tribunal peut tenir l’audience s’il est d’avis que la partie a été avisée de sa tenue. Comme le numéro de téléphone de l’appelante n’était pas inscrit, il n’y avait aucun moyen de confirmer sa participation par ce moyen de communication. L’appelante ne s’est pas présentée à l’audience. La membre du Tribunal a attendu pendant 40 minutes sur les lieux de l’audience et a communiqué avec le personnel du TSS pour vérifier si l’appelante avait laissé un message.

[5] La membre du Tribunal est convaincue en l’espèce que l’avis d’audience a été reçu et tiendra l’audience en l’absence de la partie.

Droit applicable

[6] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, tout appel interjeté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal.

[7] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[8] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[9] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[10] Le Tribunal conclut que la date à laquelle a pris fin la PMA est le 31 décembre 2011.

[11] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si, selon toute vraisemblance, l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date à laquelle a pris fin la PMA ou avant cette date.

Preuve

[12] L’appelante était âgée de 56 ans à la fin de la PMA. L’appelante a indiqué dans le questionnaire qu’elle avait terminé sa 11e année.

[13] L’appelante a occupé son dernier emploi de janvier 2005 à septembre 2008 à titre de caissière et de technicienne en photographie chez Zehrs. Son registre des gains fait état de gains d’au moins 50 % de ce qu’elle a gagné au cours des années antérieures. Le montant des gains a varié entre 9 683 $ et 14 148 $ au cours de son emploi chez Zehrs.

[14] Le Dr DaBreo, interniste, a indiqué que l’appelante souffrait d’hypertension artérielle essentielle. Il a aussi mentionné la perte de poids et un traitement agressif de son cholestérol. Il lui a demandé de réduire sa consommation de sel (GT1-69).

[15] Un échocardiogramme réalisé par le Dr DaBreo en octobre 2010 révélait des signes de dysfonctionnement diastolique ventriculaire gauche. Il a indiqué qu’il y voyait une légère ischémie réversible. Il lui a prescrit une faible dose de bétabloquants (GT1-70).

[16] Lorsque l’appelante a consulté à nouveau le Dr DaBreo en mai 2011, elle n’avait pas pris le médicament prescrit parce qu’elle éprouvait des difficultés financières. Il lui a donné quelques échantillons. Il lui a à nouveau recommandé de perdre du poids et de maintenir une diète faible en lipides et en sel. Il a souligné que l’appelante présentait d’importants facteurs de risques cardiovasculaires (GT1-72). La situation de l’appelante était la même lors d’une autre consultation en novembre 2011.

[17] En février 2012, le Dr Leslie, médecin de famille, a posé le diagnostic suivant :

  • douleur dorsale chronique – entorse myofasciale
  • hypertension artérielle
  • légère coronaropathie
  • obésité
  • isolement social
  • hyperlipidémie
  • hypothyroïdie
  • hépatomégalie non spécifique
  • fibromes utérins
  • cholélithiase

[18] Le Dr Leslie a indiqué que les conclusions physiques montraient des limitations au niveau de la flexion et de l’extension de son dos en raison de la douleur. Il a ajouté que l’appelante avait une démarche lente, prudente et inconfortable. Il a indiqué que l’appelante avait une mobilité limitée en raison de sa douleur dorsale chronique et de son obésité. Il a aussi souligné que sa douleur dorsale myofasciale chronique, son obésité, un contrôle non durable de son hypertension artérielle, une légère angine de poitrine et l’isolement social sont des facteurs qui contribuent à son opinion, selon laquelle l’appelante était inapte au travail de façon permanente. Il a aussi formulé des commentaires au sujet de ses ressources financières limitées et de l’absence de régime d’assurance-médicaments (GT1-62).

[19] L’appelante a écrit à Service Canada le 6 juillet 2012 en indiquant qu’elle n’avait pas travaillé depuis 2008 en raison de douleurs et de crampes constantes. Elle a énuméré les limitations suivantes : difficulté à rester assise, à se tenir debout ou à marcher pendant de longues périodes. Elle est incapable de conduire, devien essouflée à l’effort et a des palpitations. Elle indique qu’elle a besoin d’aide pour ses activités quotidiennes, et se sert d’une canne et d’un déambulateur (GT1-17).

[20] L’appelante a aussi indiqué dans son Questionnaire relatif au RPC qu’elle a des problèmes de mémoire et de concentration. Des amis l’aident à faire l’épicerie et elle mange souvent des aliments en conserve. Elle indique également qu’elle a cessé de conduire. Elle s’est décrite comme étant pratiquement recluse en raison de ses limitations fonctionnelles.

[21] En novembre 2012, l’appelante a indiqué qu’elle avait reçu un diagnostic de paralysie du diaphragme de sorte qu’elle ne doit pas trop se fatiguer et que ce problème contribuait aussi à sa léthargie chronique. Elle a ajouté que ce trouble s’ajoutait à sa dépression. Elle a indiqué que son médecin continue de dire qu’elle est atteinte d’une invalidité permanente (GT1-52).

Observations

[22] L’appelante a soutenu dans une lettre envoyée à l’intimé qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle répond à la définition d’invalidité grave et prolongée, ce qu’a indiqué son médecin dans son rapport, qui affirme qu’elle est atteinte d’une invalidité permanente.
  2. Elle ressent une douleur constante et ne peut marcher sur quelque distance que ce soit, rester assise ou se tenir debout pendant une longue période. Elle a dû recourir à de la nourriture en conserve, parce qu’elle ne peut pas rester debout assez longtemps pour cuisiner. Elle a de la difficulté à dormir et avec certains de ses soins personnels.
  3. Son trouble de l’humeur la porte à pleurer et elle est déprimée la plupart du temps.

[23] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Bon nombre des troubles dont souffre l’appelante pourraient être contrôlés à l’aide de médicaments si elle les prenait régulièrement. Il est reconnu que des problèmes financiers l’empêchent de prendre les médicaments, mais rien ne démontre qu’elle a présenté des demandes auprès des programmes qui pourraient lui fournir les médicaments dont elle a besoin.
  2. L’appelante n’a présenté aucun résultat d’examen pour appuyer le diagnostic de paralysie du diaphragme ou de dépression. Aucun traitement n’a été prescrit pour l’un ou l’autre des problèmes de santé.
  3. Bien que le médecin indique que l’appelante n’est pas apte à travailler, il reste que la preuve médicale objective montre qu’elle est capable de faire un certain type de travail léger ou sédentaire.

Analyse

[24] L’appelante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2011 ou avant cette date.

Invalidité grave

[25] L’appelante n’a pas assisté à l’audience pour témoigner, mais a écrit plusieurs lettres dans lesquelles elle explique son état de santé et ses difficultés fonctionnelles vers la fin de la PMA. Le Tribunal n’a aucune raison de ne pas tenir cette information pour avérée et serait d’avis de la traiter de la même façon qu’un témoignage de vive voix. Cette supposition du Tribunal est appuyée par le fait que le rapport médical du RPC établi par son médecin et d’autres rapports de médecins appuient bon nombre des prétentions de l’appelante dans ses lettres ainsi que de nombreux autres diagnostics.

[26] L’intimé fait valoir que la preuve médicale objective indique que l’appelante est capable de faire un certain travail léger ou sédentaire.

[27] Le Tribunal se fonde sur la décision G.B. c. MRHDS, (27 mai 2010) CP 26475 (CAP) dans laquelle on peut lire ce qui suit :

La douleur chronique ne peut être démontrée par la preuve matérielle. Aucun test médical ne peut mesurer ni photographier la douleur. La preuve principale sur laquelle doit se fonder la Commission d’appel des pensions est la preuve subjective ou la description verbale que fait l’appelant de sa douleur. […] Le critère légal n'exige pas de démonstration de la preuve médicale matérielle.

[28] Le médecin de famille a décrit les nombreux diagnostics de l’appelante et s’est dit d’avis que la combinaison de tous ceux-ci la rendait inapte à travailler de façon permanente. Il a aussi décrit les conclusions physiques de son examen. L’appelante a fourni des renseignements précis au sujet de ce qu’elle peut faire et ne pas faire.

[29] La combinaison des conclusions physiques du Dr Leslie et les descriptions faites par l’appelante de ses limitations fonctionnelles ont convaincu le Tribunal que ses limitations fonctionnelles constituent un obstacle important pour qu’elle puisse détenir régulièrement un emploi.

[30] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[31] L’appelante a terminé sa 11e année et était âgée de 56 ans à la fin de la PMA. Le dossier indique que l’appelante a travaillé pendant plus de 25 ans. Le registre des gains indique une baisse et une fluctuation annuelle du montant des gains au cours des dernières années de gains.

[32] Le dernier emploi qu’a occupé l’appelante a été celui de caissière et de technicienne en photographie. Compte tenu du niveau de scolarité l’appelante et des gains qu’elle a déclarés, le Tribunal estime qu’il serait raisonnable de supposer que l’appelante n’a pas occupé de nombreux postes sédentaires bien rémunérés au cours de sa vie.

[33] Le Tribunal a pris en compte les caractéristiques personnelles établies dans l’arrêt Villani et l’employabilité de l’appelante. Pour déterminer si l’appelante répond aux conditions associées au critère de gravité, le Tribunal accorde une importance considérable à l’application des facteurs énumérés dans l’arrêt Villani. Le Tribunal conclut que, compte tenu de sa scolarité combinée à son état de santé à la fin de la PMA, il n’est ni réaliste ni raisonnable de croire que l’appelante pourrait se recycler à son âge. De plus, selon le Tribunal, il est clair que l’appelante ne serait pas apte à effectuer quelque travail que ce soit qui constituerait une occupation véritablement rémunératrice.

[34] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[35] Le Tribunal est persuadé que l’appelante souffre de douleur chronique. D’après l’ensemble de la preuve documentaire produite, il ressort que la douleur a eu d’importantes répercussions négatives sur le fonctionnement de l’appelante. Le Tribunal conclut que l’état de l’appelante était grave.

[36] Le Tribunal souligne l’observation faite par l’intimé selon laquelle ses problèmes de santé pouvaient être contrôlés par des médicaments et que la dépression n’était nullement documentée dans le dossier. Le Tribunal reconnaît qu’une telle documentation n’a pas été produite.

[37] D’après les rapports, le Tribunal estime que les médecins traitants de l’appelante sont d’avis que la principale raison pour laquelle l’appelante n’est pas apte à travailler est la douleur chronique et l’immobilité causée par son obésité. De plus, il est souligné qu’en raison de ces problèmes elle est pratiquement confinée à la maison. Il apparaît clairement au Tribunal que les questions soulevées par l’intimé ne sont pas la principale raison de l’incapacité à travailler de l’appelante. Celles-ci contribuent à son état de santé en général, mais ne sont pas les principales raisons pour lesquelles elle est inapte à travailler. Le Tribunal conclut que la douleur chronique, l’obésité et la combinaison de tous les autres diagnostics de l’appelante l’empêchaient de travailler.

[38] La preuve qui figure au dossier a convaincu le Tribunal que, selon la prépondérance des probabilités, il est plus probable qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada à la date à laquelle a pris fin sa PMA.

Invalidité prolongée

[39] Pour que l’appelante soit admissible à une prestation d’invalidité, le Tribunal doit être convaincu que, non seulement son invalidité physique ou mentale est « grave », mais qu’elle est aussi « prolongée ». Pour en arriver à une telle conclusion, la preuve doit être suffisante pour établir que l’invalidité doit durer « pendant une période longue, continue et indéfinie », ou qu’elle entrainera vraisemblablement le décès.

[40] Le Dr Leslie a rédigé le rapport médical du RPC après la fin de la PMA de l’appelante. Il ne semblait pas espérer que l’état de l’appelante s’améliore. Il a employé les termes [traduction] « inapte à travailler de façon permanente ».

[41] L’appelante indique qu’elle a été limitée encore plus et que son état s’était détérioré en raison de sa paralysie du diaphragme. Bien que sa lettre soit le seul document qui fasse état de ce problème, le Tribunal n’a aucune raison de douter de sa lettre.

[42] Par conséquent, le Tribunal est d’avis qu’il est fort peu probable que l’état de l’appelante s’améliore dans un avenir prévisible et convient que l’invalidité de l’appelante doit durée pendant une période longue, continue et indéfinie.

Conclusion

[43] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2008, date à laquelle elle ne pouvait plus travailler. En ce qui concerne les paiements, une personne ne peut être réputée être invalide plus de quinze mois avant que l’intimé ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en mars 2012; par conséquent, l’appelante est réputée être devenue invalide en décembre 2010. Conformément à l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date réputée d’invalidité. Les paiement commenceront au mois d’avril 2011.

[44] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.