Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

M. Z., appelant;

T. Z., épouse et témoin de l’appelant;

Lesley Tough, représentante de l’appelant.

Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) conclut qu’une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l’appelant.

Introduction

[2] La demande soumise par l’appelant pour une pension d’invalidité du RPC a été estampillée par l’intimé le 15 juillet 2010. L’intimé a rejeté la demande initiale et après réexamen. L’appelant a porté en appel le réexamen de la décision au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et une audience a été tenue le 28 février 2013. Dans une décision rendue le 5 mars 2013, un comité formé de trois personnes a rejeté l’appel.

[3] En avril 2013, tous les dossiers en suspens que détenait le BCTR ont été transférés au Tribunal. Le 15 mai 2013, l’appelant demande la permission d’en appeler de la décision du BCTR à la division d’appel du Tribunal au motif que le tribunal de révision précédent n’a pas observé les principes de justice naturelle et a tiré des conclusions de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] La division d’appel a accordé la permission et a entendu l’appel le 26 juin 2014. Dans une décision rendue en date du 29 août 2014, la division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’une audience soit tenue de novo. Le mode d’audience a été laissé à la discrétion de la division générale du Tribunal.

[5] Comme l’indiquait l’avis d’audience daté du 19 mars 2015, cet appel a été entendu par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  • l’appelant allait être la seule partie à participer à l’audience;
  • le mode d’audience prévu en fonction des mesures d’adaptation requises pour les parties;
  • la vidéoconférence était disponible dans la région où réside l’appelant;
  • la complexité des questions en litige;
  • l’existence de lacunes dans les données au dossier ou le besoin d’obtenir des clarifications à leur sujet;
  • le mode d’audience convenait le mieux afin d’aborder les incohérences dans la preuve;
  • le mode d’audience était conforme à l’exigence, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[6] Il s’agit de la seconde demande de prestations d’invalidité du RPC faite par l’appelant. Sa première demande, soumise en mai 1988, avait été approuvée à la suite d’un diagnostic de carcinome des cellules embryonnaires. La prestation a été annulée en mars 1989 quand l’appelant a recommencé à travailler après ses traitements.

Droit applicable

[7] Selon l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (2012), les appels déposésauprès du BCTR avant le 1er avril 2013, mais qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont réputés avoir été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[8] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité. Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le demandeur doit 

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[9] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date de sa PMA ou avant cette date.

[10] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Questions en litige

[11] Le Tribunal doit déterminer si :

  1. les cotisations versées par l’appelant durant la période cotisable ont établi une PMA;
  2. l’appelant est atteint d’une invalidité « grave et prolongée » qui l’empêche d’exercer régulièrement tout type d’occupation véritablement rémunératrice.

Preuve

Documents

[12] Dans son questionnaire de prestations d’invalidité du RPC daté du (p. AD2-138), l’appelant a révélé avoir reçu de multiples diagnostics de problèmes de santé, notamment l’arthrose inflammatoire, l’hypothyroïdie, le prédiabète et la perte auditive, lesquels, il prétend, l’empêchent d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. Il a indiqué boiter et devoir utiliser une canne pour se déplacer sur une distance de 50 verges ou plus en raison de ces problèmes. Il était capable de demeurer assis pendant une heure, au plus, et ne pouvait pas conduire pour de longues périodes. Il n’était pas capable de soulever de lourdes charges, ni de bien agripper ou tenir des objets dans ses mains. Il ressentait de la douleur en s’étirant vers l’avant, et avait de la difficulté à plier ses genoux et à s’agenouiller. Il pouvait s’habiller seul, mais avait de la difficulté à enfiler ses chaussettes et ses souliers. La douleur constante l’empêchait de dormir la nuit et il était fatigué. Il avait reçu un diagnostic d’apnée du sommeil et avait recours à un appareil à pression positive continue. Il avait aussi été muni de prothèses auditives.

[13] Il était né en juillet 1954 et était allé à l’école jusqu’en 10e année. Il avait travaillé pendant plus de 30 ans au Manitoba Department of Infrastructure and Transportation comme conducteur de niveleuse et de chasse-neige. Il a quitté cet emploi le 20 novembre 2009, une retraite anticipée qu’il a prise en raison d’une douleur sévère. Parmi les médicaments qu’il a indiqué prendre, on retrouve l’Eltroxin (pour l’hypothyroïdie), le clonazépam (un anticonvulsant pour traiter l’anxiété) et l’hydroxychloroquine (un médicament antipaludique parfois utilisé pour traiter les maladies auto-immunes). En mai 2007, il a subi une chirurgie arthroscopique au genou droit, suite à laquelle il a fait de la physiothérapie. Il utilise parfois une canne.

[14] Dans le questionnaire médical initial du RPC daté du 29 juin 2010 (p. AD2-129), Michael Gerges, médecin de famille, a indiqué que l’appelant a reçu un diagnostic d’arthrose dans ses deux hanches, ses genoux, ses épaules et ses mains. Cette condition limitait grandement l’amplitude des mouvements de ces articulations. Il a également fait de la physiothérapie pour préserver sa flexibilité articulaire. Le pronostic était inconnu à ce moment-là; il devait prendre des médicaments et utiliser une aide à la marche.

[15] Une scintigraphie datée du 28 novembre 2006 (p. AD2-137) a montré des modifications dégénératives dans de multiples articulations, dont les hanches, les genoux, l’épaule gauche et l’articulation acromio-claviculaire droite.

[16] Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du genou droit datée du 23 février 2007 (p. AD2-136) a montré de l’arthrose compartimentale féméro-patellaire et fémoro-tibiale. Les cornes postérieures et les corps de deux ménisques montraient d’importantes lésions dégénératives complexes, et on pouvait aussi voir un petit kyste méniscal découlant de l’anomalie du ménisque interne.

[17] Des rayons X de la colonne cervicale datés du 25 mars 2009 (p. AD2-135) ont montré de petits ostéophytes marginaux à plusieurs endroits. En dépit de ceux-ci, l’espace discal était intact et les facettes des vertèbres lombaires et les apophyses épineuses n’avaient rien d’anormal. On a remarqué des modifications dégénératives pluriétagées dans la colonne lombaire, ainsi qu’un petit espace discal dû à l’ostéophyte marginal qui rétrécit à plusieurs étages discaux, surtout aux segments suivants L2-3 et L4-5.

[18] Des rayons X des deux mains datés du 18 février 2010 (p. AD2-123) montrent la présence d’un corps étranger métallique le long de la base de la phalange distale du pouce gauche. Les rayons X n’ont révélé aucune autre anomalie.

[19] Des rayons X de la colonne cervicale datés du 6 mai 2010 (p. AD2-134) ont montré une dégénérescence mineure des disques de C4 à C7 inclusivement, ainsi qu’un rétrécissement dégénératif mineur touchant la partie postérieure des facettes des vertèbres lombaires C2 et C3.

[20] Dans une lettre datée du 8 juin 2010 (p. AD2-121), le rhumatologue Tim McCarthy a indiqué qu’il avait examiné l’appelant, conducteur de niveleuse retraité se consacrant désormais à l’agriculture, parce que celui-ci se plaignait d’une douleur musculosquelettique généralisée touchant principalement les petites articulations de ses mains, ainsi que ses épaules, son cou, ses hanches et ses genoux. Il a fait l’essai de différents anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui l’ont soulagé de différentes façons. Il a subi une libération du canal carpien de la main droite en 2005 et de la main gauche en 2006, et une arthroscopie du genou droit en 2007. À l’examen, il se servait d’une canne pour marche. Il présentait des nodosités d’Herbeden aux articulations interphalangiennes distales ainsi qu’un gonflement et une sensibilité au niveau des troisièmes articulations métacarpophalangiennes, et ce aux deux mains. Il ne pouvait former que 85 pour cent d’un poing avec l’une ou l’autre de ses mains. Les coudes présentaient un déficit d’extension de cinq pour cent. L’abduction des deux épaules se limitait à 120 degrés et la flexion à 130 degrés. Le docteur McCarthy croyait avoir affaire à de l’arthrose généralisée, potentiellement accompagnée d’une composante inflammatoire qui touche particulièrement les petites articulations des mains. Du Plaquenil a été prescrit à l’appelant et des injections intramusculaires lui avaient été offertes, mais il s’est dit préoccupé des effets secondaires et a alors souhaité s’en passer.

[21] Des rayons X de la hanche droite datés du 28 juin 2010 (p. AD2-133) ont révélé des espaces articulaires en bon état, montrant seulement des modifications dégénératives mineures.

[22] Dans un questionnaire sur le travail indépendant daté du 6 avril 2011 (p. AD2-95), l’appelant a décrit son entreprise de trappe. Depuis 1964, il exploite cette entreprise saisonnière de novembre à avril. Depuis 1976, il travaillait en partenariat avec son épouse. Aucune activité de trappe ne prenait lieu hors saison ou s’il n’y avait aucun animal à trapper. Il évaluait travailler 10 heures par semaine. Il plaçait les trappes et les vérifiait, puis il écorchait et liégeait les peaux. Depuis novembre 2009, sa partenaire devait cependant l’aider dans ces activités en raison des douleurs qu’il ressentait à la main et aux pieds. Son état nuisait à sa capacité d’exploiter son entreprise, et il a dû acheter de l’équipement spécial pour l’installation et la vérification des trappes. De mai à juillet, il faisait également du contrôle de la vermine pour le gouvernement, travail dans le cadre duquel il trappait et abattait des castors et pour lequel il touchait des primes. Il possédait un canoë dont il se servait pour récupérer les carcasses, mais il avait maintenant besoin de l’aide de son épouse pour le décharger.

[23] Dans un questionnaire sur le travail indépendant daté du 6 avril 2011 (p. AD2-99), l’appelant a parlé de ses activités agricoles. Il a repris la ferme familiale en 1975, cultive des céréales et du foin et élève de la volaille. L’appelant, en partenariat avec son épouse, gère tous les aspects de la ferme, dont l’entretien des bâtiments, de la propriété et des machines, et l’achat et la vente de produits agricoles, d’aliments pour animaux et de produits chimiques. Elle l’aide aussi à commander et à ramasser du matériel. Son épouse est entièrement responsable de l’élevage et de la vente des 125 poulets qu’ils possèdent. Elle s’occupe aussi de la tenue de livres. Un comptable s’occupe de faire leurs impôts. Leur fils les aide avec la ferme et il manœuvre parfois les machines. Ils engagent des professionnels pour pulvériser les mauvaises herbes, mais l’appelant et son épouse s’occupent ensemble de la récolte, du ratissage et du pressage du foin. En 2010, l’appelant déclarait être un fermier à temps plein étant donné qu’il habitait sur la ferme. Cela dit, il était incapable de calculer ses heures travaillées puisqu’il lui faut désormais beaucoup plus de temps pour s’acquitter des mêmes tâches en raison de la douleur. Il doit trouver différentes façons de procéder ou attendre qu’on puisse l’aider. En 2009, ils ont loué 110 acres de leur terre cultivable, mais n’ont pas pu le faire en 2010 vue l’humidité excessive. Cette année-là, ils ont ensemencé 72 acres de foin mais n’en ont récolté que 40 acres, encore une fois en raison de l’humidité. La ferme ne sera pas vendue et sera plutôt transmise à leurs enfants.

[24] Une IRM du genou gauche datée du 15 juillet 2011 (p. AD2-4) a révélé une chondromalacie sévère affectant les condyles fémoral et rotulien. Le ménisque interne présentait une lésion dégénérative complexe avec une composante radiale dans sa partie postérieure. Le ménisque latéral présentait aussi une lésion et le ligament croisé antérieur montrait une déchirure partielle importante.

[25] Dans une lettre datée du 8 décembre 2011 (p. AD2-252), le docteur Gerges a écrit que l’appelant avait eu un infarctus du myocarde sans sus décalage du segment ST (crise cardiaque) en octobre 2011, suite auquel deux endoprothèses avaient été insérées. Il se « portait bien » depuis.

[26] Dans une lettre datée du 16 janvier 2012 (p. AD2-248), le cardiologue Peiman Malek-Marzban a indiqué que l’appelant avait eu un infarctus du myocarde sans sus décalage du segment ST en novembre et s’était retrouvé à l’urgence. Il se portait bien, ne ressentait pas d’inconfort à la poitrine ni d’essoufflement lorsqu’il effectuait de l’activité physique ordinaire.

[27] Dans une lettre datée du 5 juin 2012 (p. AD2-246), le docteur Malek-Marzban a indiqué que l’appelant était un cas avéré de syndrome métabolique et qu’il avait souffert d’un événement coronarien aigu en octobre 2011, suite auquel un angiogramme avait été effectué et des endoprothèses avaient été insérées. Les ventricules ne montraient pas de dommages importants, mais l’appelant souffrait d’inconfort à la poitrine à l’effort, dont la resténose générée par l’insertion des endoprothèses pourrait être la cause. Il était limité à ses activités physiques quotidiennes ainsi qu’à la marche ordinaire et au jogging léger. S’il était toujours en attente d’une scintigraphie myocardique de perfusion, il devait quand même « prêter une attention toute particulière » à bien s’alimenter, à faire l’exercice et à adopter un mode de vie sain.

[28] Dans une lettre à la représentante de l’appelant datée du 11 juillet 2012 (p. AD2-245), le docteur Gerges a indiqué que l’appelant était atteint depuis longtemps d’une douleur musculosquelettique généralisée touchant principalement les petites articulations de ses mains, ainsi que son épaule, son cou, ses hanches, ses genoux et le bas de son dos. Il souffrait aussi d’hypothyroïdie, de prédiabète et de diverticulite. Il avait récemment développé une maladie coronarienne, suite à laquelle deux endoprothèses ont été insérées en octobre 2011. Selon le docteur Gerges, l’appelant était admissible à une pension d’invalidité.

[29] Un tomodensitogramme de la colonne lombaire daté du 28 juillet 2012 (p. AD2-241) a montré des modifications dégénératives engendrant le rétrécissement des foramina bilatéraux de L3-4, L4-5 et L5-S1. Il y avait aussi une irritation potentielle d’une racine nerveuse à L4-S1.

[30] Dans une lettre datée du 13 juillet 2012 (p. AD2-236), Robert Glacken, omnipraticien à la clinique Pan Am, a indiqué que l’appelant avait été examiné pour une douleur au dos qui avait duré quatre mois. À l’examen, il avait montré une sensibilité localisée à L5. L’amplitude de ses mouvements lui permettait de toucher ses tibias à mi-hauteur avec le bout de ses doigts, et l’extension était de cinq pouces. Il pouvait monter sa jambe droite en position droite à 70 degrés, et sa jambe gauche à 80 degrés. L’amplitude des mouvements des hanches avait diminué. Le docteur Glacken a noté un diagnostic de syndrome des facettes lombaires, de hernie discale lombaire de L5 à S1 et de spondylose.

[31] Des rayons X de la colonne lombaire datés du 13 juillet 2012 (p. AD2-237) ont montré une scoliose peu prononcée à droite, de même que le rétrécissement pluriétagé de l’espace du disque accompagné d’un ostéophyte.

[32] Dans une lettre datée du 12 décembre 2012 (p. AD2-235), Mario Paskvalin, spécialiste en médecine physique et en réhabilitation, a indiqué que l’appelant l’avait consulté pour des douleurs au bas du dos irradiant à l’occasion vers sa jambe droite. La condition était lentement apparue et n’avait été précédée d’aucune blessure. L’activité physique aggravait la douleur tandis que le repos l’atténuait. La physiothérapie ne soulageait que partiellement la douleur. À l’examen, l’amplitude des mouvements était limitée, la force était normale et la sensation était légèrement réduite dans une région. Le docteur Paskvalin avait le sentiment que la douleur était principalement causée par l’arthrose, mais il n’excluait pas la possibilité de l’irritation d’une racine nerveuse. Le docteur a recommandé des injections de stéroïdes épidurales, des étirements légers et une perte de poids. Il a également recommandé l’essai de la gabapentine si la douleur mentionnée dans la jambe persistait.

[33] Dans une lettre datée du 1er février 2013 (p. AD2-5), Hillel M. Sommer, spécialiste en médecine physique et en réhabilitation, a indiqué que l’appelant avait atteint un indice de masse corporelle morbide, mais que, pour le reste, il semblait bien se porter. L’amplitude des mouvements de sa colonne lombaire inférieure, dans toutes les directions, se trouvait dans les limites normales et ne causait pas de douleur. La lordose lombaire s’était résorbée. En position assise, il était incapable de lever l’une ou l’autre de ses jambes tendues. Il y avait une absence de réflexes aux ligaments rotuliens et aux tendons d’Achille des deux côtés. Un bilan musculaire manuel a révélé un mouvement bilatéral de 5/5. L’examen sensoriel a révélé des inclinaisons proximale et distale des deux membres inférieurs et une sensibilité à la plante des deux pieds. Le docteur Sommer a conclu que l’appelant avait une longue histoire de douleur vertébrale non spécifique. Il présentait aussi une neuropathie diabétique sous-jacente et pourrait être atteint d’un acrosyndrome oculaire. Aucun traitement n’a été prescrit pour la colonne vertébrale.

[34] La Feuille sommaire du T1 de la déclaration de revenus de l’appelant pour 2009 (p. AD2-117) a montré un revenu d’emploi de 48 339 $, un revenu agricole brut de 4 231 $ et une perte agricole de 7 755 $. En 2010 (p. AD2-110), l’appelant n’a fait rapport d’aucun revenu d’emploi, mais d’un revenu agricole de 18 767 $ et d’une perte agricole de 5 587 $. Le revenu brut pour les autres entreprises totalisait 3 350 $ (une annotation indiquait que ces revenus provenaient de ses activités de contrôle des castors).

[35] La Feuille sommaire du T1 de la déclaration de revenus de l’appelant pour 2011 (p. AD2-6) indiquait un revenu brut d’entreprise de 1 750 $, un revenu agricole brut de 18 920 $ et une perte agricole de 4 664 $. Une analyse comparative sur cinq ans précisant les revenus et les dépenses de la ferme de 2007 à 2011 était également incluse.

Témoignage

[36] L’appelant a indiqué au Tribunal qu’il a vécu sur la ferme familiale toute sa vie. Il est allé à l’école jusqu’en 10e année, puis il s’est consacré à l’agriculture à temps plein de 1975 à 1979. Cependant, il n’a pas été capable de gagner sa vie strictement de cette façon et a accepté un emploi auprès du gouvernement du Manitoba dans le domaine de l’entretien routier. Après quelques années, il avait obtenu la certification nécessaire pour manœuvre de l’équipement lourd et, durant les 30 années qui suivirent, il avait nivelé les routes rurales en été et les avait déneigées en hiver.

[37] Il avait toujours aimé son travail. Il travaillait à temps plein et faisait beaucoup d’heures supplémentaires. Il travaillait souvent sur appel. Vers 2006, il a commencé à ressentir de la douleur dans son genou droit. Il soupçonne son arthrite d’avoir été causée par le traitement de chimiothérapie qu’il avait reçu à la fin des années 1980. En mai 2007, le docteur Hubert, chirurgien orthopédiste, avait effectué une réparation arthroscopique à son genou droit. Il a ensuite fait de la physiothérapie et n’a pas travaillé durant 10 semaines. La chirurgie ne lui a pas permis de se rétablir à 100 pour cent, mais elle a atténué la douleur et il avait recommencé à travailler.

[38] À ce moment-là, il s’était mis à avoir mal au dos. Son travail l’obligeait à demeurer assis toute la journée dans une cabine alors qu’il conduisait de l’équipement lourd sur des routes en mauvais état. Il y avait beaucoup de rebonds. Il devait parfois conduire 40 ou 50 miles juste pour se rendre à son lieu de travail. Il a commencé à avoir mal aux hanches, et a recommencé à avoir mal aux genoux. Il s’est mis à prendre des analgésiques, mais ceux-ci lui causaient de la somnolence. Il ne pouvait pas dormir la nuit et se levait fatigué. Il a continué à travailler en dépit de la douleur, mais en novembre 2009, il n’en pouvait plus. Il avait voulu tenir le coup le plus longtemps possible, puis il s’était dit : [traduction] « À quoi bon souffrir pour un chèque de paye? » Il a alors pris sa pension, qui totalise maintenant environ 13 000 $ par année. Depuis, il n’a pas occupé d’emploi et n’a pas cherché à en obtenir un non plus.

[39] Depuis 2009, ils louaient une partie de leur ferme, quoique l’humidité excessive dans le sol n’a pas rendu cette activité possible dans les dernières années. Ils cultivent aussi sur 50 acres du foin qu’ils gardent pour eux. C’est un travail saisonnier. En automne, il consacre deux semaines à la récolte et au pressage du foin en vue de la vente. Pour réaliser ces activités, il conduit une presse à fourrage et obtient l’aide de son épouse. Durant le reste de l’année, il effectue de nombreux petits travaux sur la ferme. Il répare notamment l’équipement, qui est vétuste en grande partie. Auparavant, ils élevaient des poulets, principalement destinés à leur propre consommation, mais ils avaient abandonné cette activité qui était devenue trop prenante pour son épouse.

[40] En 2009, ils ont fait rapport d’une perte agricole de 7 755 $. En 2010, 2011 et 2012, ils ont déclaré des pertes analogues de 5 578 $, 4 460 $ et 8 640 $ respectivement. Quand on leur a demandé pourquoi ils continuaient leurs activités agricoles alors que celles-ci n’entraînaient que des pertes, l’appelant a répondu qu’il devait s’occuper. Il compte léguer la propriété à ses enfants, et il se sent responsable de l’entretenir.

[41] En plus de l’agriculture, son épouse et lui entretiennent des lignes de trappe. Durant l’été, ils trappent des castors pour le gouvernement et obtiennent des primes. De septembre à mai, ils trappent des martres et des pékans et vendent leur fourrure, mais il y a peu d’action en plein hiver. Ils exploitent un territoire autorisé par le gouvernement et en entretiennent les limites avec une motoneige. En 2013, la trappe privée leur a permis de gagner 2 800 $ de revenu brut, et 895 $ en 2014. Ces chiffres ont été déclarés comme étant une composante de leur revenu agricole brute.

[42] L’appelant gagne aussi de l’argent en tondant la pelouse d’un pavillon de chasse non loin de leur ferme. Il conduit une tondeuse à siège et gagne 65 $ chaque fois qu’il offre ce service, soit environ quatre fois chaque été.

[43] La chimiothérapie a réduit sa tolérance aux médicaments, notamment aux analgésiques et à la metformine, qu’il prend pour son état diabétique. Les médicaments font réagir son estomac.

[44] Il utilise une canne pour marcher sur de courtes distances et porte un corset lombaire. Il a de l’arthrite dans les mains et a recours à des appareils spéciaux pour ouvrier et fermer ses trappes. Il est capable de conduire, mais il ne le fait que sur de courtes distances. Il utilise des prothèses auditives depuis 10 ans.

[45] Il a subi une crise cardiaque en 2011. Deux endoprothèses ont été insérées, mais une s’est affaissée en juillet 2013 et a été remplacée depuis. Il ressent de l’essoufflement et parfois une douleur à la poitrine. On lui a indiqué que sa capacité cardiaque n’est que de 65 pour cent. Il n’a jamais suivi une réhabilitation cardiaque, car un tel programme n’est pas offert dans sa région.

[46] Il a fait de la physiothérapie pour la dernière fois en 2012, mais celle-ci avait en fait aggravé sa douleur au dos. Le docteur Barron, chirurgien orthopédiste, lui a dit qu’une chirurgie arthroscopique ne pourrait davantage améliorer l’état de son genou. Ils ont discuté d’une possible arthroplastie du genou, mais le docteur Barron voulait qu’il perde d’abord du poids. Après avoir changé son alimentation, il a perdu 25 livres et pèse maintenant 288 livres. On lui administre des injections épidurales tous les deux à trois mois.

[47] Il ressent une douleur constante dans son dos et ses genoux, quoique ces derniers posent plus problème. Il essaie de faire de l’exercice et marche dans sa cour. Il passe habituellement quelques heures à l’extérieur chaque jour, que ce soit pour faire des réparations ou pour amener le chien faire une promenade à pied ou en auto. On lui a demandé s’il pouvait s’imaginer occuper un emploi à temps partiel. Il a indiqué que cela dépendrait du type d’emploi [traduction] « mais qu’il en doutait ». S’il avait à se tenir debout derrière un comptoir, ses genoux et son dos lui feraient mal. De plus, il n’avait pas été à l’école longtemps et n’avait jamais travaillé à un bureau ou utilisé un ordinateur.

[48] L’épouse de l’appelant a dit quelques mots en son nom. Elle a indiqué qu’il souffre et qu’il a consulté de nombreux docteurs au fil des ans. Elle s’occupe de la gestion et de toute l’administration de la ferme. Cependant, elle connaît très bien l’agriculture et elle l’aide avec tous les aspects de l’entreprise.

Observations

[49] L’appelant alléguait qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Il souffre de nombreux problèmes de santé importants, particulièrement d’arthrose et d’une douleur au bas du dos de type mécanique, de lésions méniscales aux deux genoux et d’un ensemble de conditions liées au mode de vie qu’on appelle souvent le « syndrome métabolique ».
  2. En raison de ces conditions, il ressent constamment une douleur grave, surtout dans son dos et ses genoux, qui le rend incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pour laquelle il est qualifié selon son expérience et sa formation.
  3. Il a fourni des efforts sincères pour conserver un emploi rémunérateur, en entretenant ses lignes de trappe et en cultivant sa terre ancestrale, mais aucune de ces activités n’a permis de générer des revenus importants.
  4. Il a fait l’essai de nombreux traitements et a notamment eu recours à des chirurgies, à la physiothérapie, à des accessoires fonctionnels et à des analgésiques sur ordonnance, mais aucune de ces options ne lui a offert un soulagement considérable et à long terme.

[50] L’intimé n’était pas présent à l’audience, mais dans des observations antérieures datées du 18 janvier 2013 (p. AD2-268) et du 7 février 2013 (p. AD2-270), il avait fait valoir que l’appelant n’était pas admissible à des prestations d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Les radiographies de ses articulations au dossier ne montraient aucune pathologie sévère.
  2. Quoique ses douleurs au dos et aux genoux puissent l’empêcher de faire certains types d’activités, il a toutefois participé à des activités physiques et rémunératrices qui, même avec l’aide de son épouse, demandent un effort important.
  3. Il a été avisé de procéder à des changements dans son mode de vie, notamment de faire de l’exercice régulier et de manger sainement, mais il n’existe aucune preuve qu’une ou l’autre de ces recommandations ait été suivie.

Analyse

[51] L’appelant est tenu de faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa PMA ou avant cette date.

PMA et cotisations

[52] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit avoir versé assez de cotisations valides pendant sa période cotisable pour établir une PMA. Pour établir une PMA après 1998, le RPC exige qu’un demandeur qui possède au moins 25 années de gains ait versé des cotisations valides pendant au moins trois années sur une période de six ans. Dans ses observations écrites, l’intimé a proposé que la PMA applicable dans ce cas-ci se termine le 31 décembre 2012, puisque les dernières cotisations valides versées par l’appelant sur une période de six années étaient pendant les années 2007 à 2009 inclusivement (voir le relevé d’emploi, p. AD2-70). Le Tribunal a fait la même analyse, qui a été comprise et acceptée par l’appelant. Afin d’être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la preuve doit indiquer que l’appelant est devenu invalide à la fin de 2012 et qu’il l’est resté depuis.

Caractère grave

[53] Le critère de gravité doit être analysé selon une approche réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour évaluer la capacité de travailler d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[54] Lorsqu’il y existe une preuve d’aptitude au travail, une personne doit montrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117).

[55] Dans le cas présent, la prépondérance de la preuve indique que l’appelant souffre effectivement d’une invalidité grave. Le Tribunal a commencé son analyse en cherchant la preuve d’une condition physiologique objective expliquant les symptômes de la douleur de l’appelant. Le Tribunal a constaté que ses allégations étaient cohérentes en grande partie avec les changements observés sur les rapports d’imagerie médicale disponibles. Une IRM du genou droit effectuée en février 2007 a révélé la présence d’arthrose et d’importantes lésions dégénératives complexes dans les deux ménisques. Ces résultats ont amené l’appelant à subir une chirurgie arthroscopique plus tard la même année. Conformément à l’appelant, cette procédure n’a été efficace qu’en partie, et il a fini par ressentir à nouveau de la douleur dans son genou gauche, possiblement parce qu’il s’en servait pour compenser le genou droit. Une chondromalacie (inflammation) sévère et des déchirures dans le ménisque et le ligament croisé antérieur du genou gauche ont été montrés par une IRM effectuée en juillet 2011. À ce moment-là, l’appelant a aussi commencé à ressentir de la douleur au bas du dos, et de multiples rayons X, IRM et tomodensitogrammes de la région lombaire ont confirmé des modifications dégénératives pluriétagées, mais surtout le rétrécissement de la colonne vertébrale touchant aussi les racines nerveuses adjacentes à L4-S1.

[56] Si ces changements témoignaient de l’existence de pathologies associées aux symptômes de douleur dont se plaignait l’appelant, celui-ci a également été examiné et traité dans les dernières années par plusieurs médecins spécialistes (ceux-ci n’étaient pas tous représentés par les rapports contenus dans le dossier pour l’audience) qui n’ont jamais remis en question sa crédibilité. Le docteur McCarthy, rhumatologue, a décelé des signes d’arthrite généralisée, surtout dans les régions des mains, des épaules, des hanches et des genoux, dont l’amplitude des mouvements était affectée. L’appelant avait aussi été examiné par deux physiatres. Si le docteur Sommer avait constaté une bonne force et une bonne amplitude des mouvements dans la colonne lombaire, le docteur Paskvalin avait pour sa part décelé des limitations sur les quatre plans et attribuait la douleur subjective ressentie par l’appelant à l’arthrose et à l’irritation secondaire d’une racine nerveuse. En 2012, l’appelant avait été examiné à la clinique Pan Am par le docteur Glacken, qui avait aussi noté des limitations fonctionnelles. L’appelant a indiqué lors de son témoignage qu’il avait également consulté un chirurgien orthopédiste à la même clinique, docteure Laurie Barron, pour discuter de la possibilité d’une arthroplastie du genou. Aux yeux du Tribunal, le fait que l’appelant ait envisagé cette option montre encore une fois la sévérité de l’état de son genou. S’il est vrai qu’aucune arthroplastie du genou n’ait été effectuée ou même prévue, il est déraisonnable de croire que des genoux artificiels permettraient à l’appelant, un homme d’âge moyen déconditionné, d’être remis sur pied d’une façon qui s’apparente à une condition physique optimale. Même dans le meilleur des cas, le Tribunal constate une improbabilité frappante qu’il soit un jour capable d’occuper à nouveau un emploi actif comme il l’avait fait durant toute sa vie active.

[57] À l’incapacité physique de l’appelant s’ajoute une multitude d’autres problèmes de santé documentés, comme le diabète et une maladie coronarienne, que le cardiologue de l’appelant, docteur Malek-Marzban, a identifié par le terme générique de « syndrome métabolique ». Le docteur Sommer pense qu’au moins une partie des symptômes de douleur de l’appelant est liée à une neuropathie diabétique. En octobre 2011, l’appelant a été victime d’une crise cardiaque qui avait été suffisamment grave pour nécessiter l’insertion immédiate de deux endoprothèses. Quoique son cardiologue ait indiqué qu’il [traduction] « se portait bien » et qu’il ne souffrait pas d’inconfort à la poitrine ou d’essoufflement lorsqu’il s’adonnait à des activités physiques régulières, l’endurance de l’appelant serait inévitablement affectée à la baisse et son profil de risque, à la hausse.

[58] Les éléments de preuve indiquent que l’appelant était un acteur viable du marché du travail durant toute sa vie adulte, et ce, jusqu’à il y environ 10 ans, quand il a commencé à ressentir des symptômes de l’arthrite. Au moment d’atteindre la cinquantaine, son corps, sur lequel il avait toujours pu compter pour son travail, était en effet abîmé. Étant donné la douleur constante ressentie par l’appelant dans ses articulations et son endurance amoindrie, le Tribunal s’est demandé s’il existait un autre type d’occupation véritablement rémunératrice qui aurait sied à ses limitations physiques. L’appelant était allé à l’école jusqu’en 10e année et avait toujours occupé un travail physique, qu’il s’agisse de l’agriculture, du trappage ou de la conduite de machinerie lourde. Il avait 58 ans à la date de la PMA, et il était difficile de l’imaginer en rééducation professionnelle pour obtenir un emploi sédentaire dans les secteurs des services ou du commerce au détail.

[59] Il est clair que la décision de l’intimé, qui avait refusé la demande de l’appelant, avait en partie été fondée sur ses activités continues dans les domaines de l’agriculture et du trappage. Cependant, le Tribunal n’a pas perçu ces activités comme une preuve de fonctionnalité, mais bien comme des efforts louables pour demeurer actif en dépit de ses débilités. Après avoir examiné attentivement les faits pertinents, le Tribunal était d’avis qu’aucune de ces entreprises ne pouvait être raisonnablement caractérisée comme étant « véritablement rémunératrice ». Les observations écrites et le témoignage de l’appelant ont clairement montré que le trappage [traduction] « de la vermine » et le trappage [traduction] « privé » constituent des activités saisonnières, puisque la première activité a lieu en été et la seconde, au début de l’hiver et au printemps. Aucune de ces activités ne l’occupait plus de 10 heures par semaine et, surtout, aucune ne lui permettait de toucher un revenu important. La preuve indique qu’il a gagné 3 350 $ en 2010 pour l’abattement de castors effectué pour le gouvernement, et pas plus de 3 000 $ par année provenait de ses lignes de trappe privées. Ces montants ont été déclarés au sein de ses revenus agricoles bruts.

[60] Dans ses observations, l’intimé a relevé les revenus agricoles bruts de 18 766 $ qu’a déclaré l’appelant pour 2010 et ses dépenses agricoles dépassant 24 000 $, mais il n’a pas soulevé le résultat évident de ces faits, soit que la ferme a essuyé une perte de 5 578 $ cette année-là. En effet, il semble que la ferme a toujours fonctionné en déficit, celle-ci ayant enregistré des pertes respectives de 7 755 $, 4 460 $ et 8 640 $ en 2009, 2011 et 2012. Si l’appelant participe à l’exploitation de la ferme, il ne s’agit aucunement d’une occupation « véritablement rémunératrice ». Un examen des états financiers de la ferme permet d’appuyer cette conclusion : la plupart des années, l’appelant avait demandé entre 5 000 $ et 6 000 $ en déductions pour amortissement (ou dépréciation des immobilisations), ce qui suggère que, même du point de vue de la comptabilité de trésorerie, la ferme générait des sorties nettes de fonds ou, dans le meilleur des cas, des rentrées de fonds négligeables. Tout ce qui précède présume que l’appelant gérait et exploitait la ferme à lui seul, ce qui n’était évidemment pas le cas. Même si l’appelant présente clairement une certaine capacité résiduelle, la preuve montre que son épouse est une partenaire à part entière de la ferme et qu’elle y contribue non seulement sur le plan mental, mais également sur le plan physique. Quoique le Tribunal ait eu de la difficulté à comprendre pourquoi les deux partenaires investissaient autant de temps dans une entreprise qui leur rapportait si peu du point de vue pécuniaire, il a accepté l’explication de l’appelant selon laquelle il souhaitait bien entretenir ses terres agricoles en vue de la passation à ses enfants. En définitive, le Tribunal a conclu que les activités agricoles de l’appelant relèvent davantage d’un passe-temps que d’une occupation véritablement rémunératrice.

[61] Le Tribunal considère que l’appelant a effectué toutes les démarches raisonnables pour être traité. Au fil des ans, il a consulté de nombreux prestataires de soins de santé; subi de multiples chirurgies, notamment deux libérations du canal carpien, une chirurgie arthroscopique au genou et droit et l’insertion de deux endoprothèses; effectué à plusieurs reprises des séances de physiothérapie; et a fait l’essai de différents analgésiques et d’autres médicaments, même si ceux-ci ne l’ont soulagé qu’en partie. Le Tribunal a accepté l’explication de l’appelant selon laquelle il n’a pas cherché un emploi davantage sédentaire puisqu’il croyait sincèrement que ces recherches auraient été vaines étant donné ses débilités et son manque de compétences.

[62] L’intimé a fait observer que les docteurs Sommer et Paskvalin avaient vivement recommandé à l’appelant de faire de l’exercice et s’alimenter plus sainement, et avait justifié son refus de la demande de l’appelant en soulevant son manquement à effectuer quelque progrès que ce soit relativement à son mode de vie. La représentante de l’appelant a fait référence à Bulger c. ministre du Développement des ressources humaines (30 mars 2006), CP0916 (CAP) pour faire valoir que le fait de ne pas se conformer à des programmes de traitement recommandés n’est pas toujours déraisonnable et qu’il importe de tenir compte des circonstances particulières de l’appelant. De surcroît, même si l’appelant parvenait à perdre du poids, il n’est pas nécessairement logique de présumer qu’il deviendrait plus fonctionnel ou apte au travail. À ce sujet, le Tribunal était enclin à appuyer l’appelant, puisque très peu sont capables de changer considérablement leurs habitudes de vie bien enracinées comme si de rien n’était. En fait, l’appelant avait vraisemblablement fait des progrès à cet égard et avait perdu 25 livres au cours des deux dernières années, probablement en préparation à une arthroplastie du genou.

[63] Le Tribunal a également accordé de l’importance aux antécédents professionnels de l’appelant, notamment à son travail continu sur 30 ans auprès du même employeur. Il existe trois occasions documentées où il est retourné au travail après une maladie ou une blessure, soit en 1989 après la rémission d’un cancer; en 2005-2006 après la libération de canaux carpiens; et en 2007 à la suite de sa première chirurgie arthroscopique au genou droit. On ne peut que présumer qu’une personne ayant faire preuve d’une telle éthique de travail n’aurait pas quitté le marché de l’emploi comme il l’a fait sans raison importante.

[64] Le témoignage de l’appelant, sincère et crédible, a constitué un facteur déterminant en sa faveur. Il s’était exprimé avec un certain stoïcisme et avait su mettre en contexte ses activités de trappage et d’agriculture. Il a admis pouvoir s’acquitter de certaines tâches sur sa ferme, mais a précisé qu’il le faisait en prenant beaucoup de temps et qu’il devait s’arrêter pour récupérer. L’épouse de l’appelant a aussi fait part de précisions utiles concernant l’exploitation de la ferme familiale, ce qui a aidé le Tribunal dans sa prise de décision.

[65] Pour les raisons qui précédent, le Tribunal conclut que les symptômes persistants de douleur au dos et au genou de l’appelant sont « sévères » et le rendent inapte à détenir une occupation rémunératrice. Étant donné la faible instruction de l’appelant et son âge à la date de la PMA, on ne peut sérieusement concevoir qu’il aurait pu conserver un type d’emploi qui soit raisonnablement rémunérateur.

Caractère prolongé

[66] Le témoignage de l’appelant, que corroborent les antécédents documentés dans les rapports médicaux, indique qu’il souffre de plusieurs problèmes de santé chroniques. Il est notamment atteint d’arthrose, d’une douleur lombaire de type mécanique, d’une maladie coronarienne, de diabète au stade initial et d’hypothyroïdie. Les éléments de preuve indiquent qu’il souffrait de douleur au dos et au genou, et que celle-ci était la cause directe de son arrêt de travail dès 2006. Il semble que son état ne se soit que détérioré depuis, et il est difficile de l’imaginer être remis sur pied considérablement, et ce même s’il prenait de nouveaux médicaments, tentait des thérapies alternatives ou subissait d’autres chirurgies. De l’avis du Tribunal, ces circonstances permettent de qualifier l’invalidité de l’appelant comme étant « prolongée ».

Conclusion

[67] Le Tribunal conclut que l’appelant souffrait d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2009, soit le dernier mois complet durant lequel il a travaillé au Manitoba Infrastructure and Transportation. Conformément à l’article 69 du RPC, la pension est payable à compter du quatrième mois qui suit le mois où le demandeur devient invalide. Les prestations seront versées à compter de mars 2010.

[68] L’appel est accueilli.

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