Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Parties présentes

  • Appelant : B. K.
  • Représentant de l’intimé : Bradley Roote, stagiaire en droit
  • Observatrice : A. M. K.
  • Observateur : Michael Stevenson
  • Observatrice : Marie-Eve Morel
  • Observatrice : Audrey Levesque

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il soutient être invalide en raison de douleur au dos, d’obésité, d’apnée du sommeil et de dépression. Il est également atteint de diabète. L’intimé a rejeté sa demande, initialement et après réexamen. L’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Le 1er avril 2013, l’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, aux termes de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence puis a rejeté l’appel.

[2] Le 23 février 2015, l’appelant s’est vu accorder la permission d’en appeler pour deux motifs : la division générale aurait commis une erreur en ne tenant pas compte, individuellement et cumulativement, de tous les problèmes médicaux de l’appelant, et en appliquant le mauvais critère juridique pour déterminer si l’invalidité de l’appelant est grave au sens du Régime de pensions du Canada. J’étais par ailleurs disposée à entendre d’autres arguments sur la question de savoir si, en l’espèce, la division générale avait correctement tenu compte des facteurs énoncés dans la décision Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248.

[3] Cet appel a été instruit par vidéoconférence, compte tenu des facteurs suivants :

  1. a) la nature des arguments présentés en appel par les deux parties;
  2. b) le fait que la crédibilité n’allait pas être au nombre des questions principales à l’audience;
  3. c) le fait que la vidéoconférence était disponible dans la région où réside l’appelant.

Analyse

[4] Dans leurs observations écrites, les deux parties ont fait valoir que la norme de contrôle à appliquer aux erreurs de droit est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle pour les erreurs mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable. Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick 2008 CSC 9 constitue l’arrêt de principe en la matière. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a conclu que, lorsqu’un tribunal examine une décision concernant une question de fait, de droit ou mixte de fait et de droit se rapportant à sa propre loi constitutive, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable; c’est-à-dire qu’il faut déterminer si la décision du tribunal fait partie des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Les autres erreurs de droit, de compétence et de justice naturelle doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte. Ce raisonnement a été adopté par la Cour d’appel fédérale dans Atkinson c. Canada (Procureur général) 2014 CAF 187, qui était une affaire traitant d’une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[5] Je suis convaincue que l’une des questions à trancher dans cet appel est celle de savoir si la division générale a commis une erreur mixte de fait et de droit concernant sa prise en compte de l’ensemble des affections invalidantes de l’appelant. Par conséquent, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. La question de savoir si le bon critère juridique a été appliqué pour déterminer le caractère grave de l’invalidité est une question de droit. Bien que les deux parties soutiennent que la norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte, après examen de la jurisprudence, je ne suis pas certaine que ce soit le cas. Étant donné que la définition d’une invalidité grave se trouve dans Régime de pensions du Canada, qui est la « loi constitutive » de ce Tribunal, la norme de contrôle pourrait être celle de la décision raisonnable. Pour les motifs que j’explique plus loin, cela n’est toutefois pas un aspect fondamental de ma décision dans cette affaire.

Prise en compte de tous les problèmes médicaux

[6] Le premier motif d’appel à examiner est la question de savoir si la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte, individuellement et cumulativement, de tous les problèmes médicaux de l’appelant. L’appelant a fait valoir, dans ses observations écrites, que la division générale se devrait de prendre en considération tous ses problèmes médicaux et leur impact cumulatif sur sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’intimé ne le conteste pas. L’intimé fait toutefois valoir que la division générale l’a fait et il mentionne les paragraphes précis de la décision de la division générale où des éléments de preuve ont été fournis concernant chacun des problèmes médicaux de l’appelant.

[7] Le simple fait que la décision de la division générale résumait les éléments de preuve concernant chacun des problèmes médicaux ne suffit pas comme tel. Il faut que cette preuve soit évaluée et que l’impact cumulatif de tous les problèmes médicaux soit pris en considération et qu’une conclusion soit tirée. Dans l’affaire qui nous occupe, lors de l’audience, l’avocat de l’appelant a informé le membre de la division générale que le cas de l’appelant soulignerait sa douleur au dos et au genou, et sa dépression. La décision de la division générale comprend un résumé de la preuve testimoniale et documentaire concernant chacun de ces problèmes médicaux, et quel traitement chacun de ces problèmes recevait. Dans sa décision, le membre a analysé cette preuve et tiré la conclusion que, malgré la pléthore de problèmes médicaux dont il souffre, l’appelant conserve une capacité fonctionnelle.

[8] En outre, c’est à la division générale qu’il incombe de recevoir les éléments de preuve des parties, de les apprécier et de rendre une décision impartiale fondée sur cette preuve et le droit. Il ne revient pas à la division d’appel du Tribunal d’apprécier à nouveau la preuve et d’arriver à une conclusion autre (voir Simpson c. Canada (Procureur général) 2012 CAF 82). Pour les motifs que je viens d’énoncer, je suis convaincue que la décision de la division générale était raisonnable, en ce que la division générale a examiné et apprécié les problèmes médicaux de l’appelant pour rendre sa décision.

Le critère juridique correct pour déterminer le caractère grave

[9] La permission d’en appeler a également été accordée au motif que la division générale pourrait avoir commis une erreur en appliquant le mauvais critère juridique pour déterminer si l’invalidité de l’appelant est grave au sens du Régime de pensions du Canada. Dans sa décision, la division générale a, lorsqu’elle a pris en considération la dépression de l’appelant, conclu que la preuve était insuffisante pour étayer l’existence d’un problème psychologique « grave ». Dans leurs plaidoiries, les deux parties ont mentionné des décisions de la Cour d’appel fédérale qui ont conclu que ce n’est pas le diagnostic d’une maladie qui doit être pris en compte afin de déterminer si un requérant est invalide, mais l’effet de celle-ci sur la capacité d’un requérant de détenir une occupation véritablement rémunératrice (Klabouch c. Canada (Développement social) 2008 CAF 33). Il s’agit là d’une interprétation juste du droit applicable.

[10] L’appelant soutient que la division générale a commis une erreur en se fondant sur l’absence de diagnostic grave pour déterminer que la dépression n’était pas grave. L’intimé a fait valoir que la décision de la division générale renferme la définition correcte de l’invalidité grave. Dans son analyse, la division générale a examiné l’ensemble de la preuve et a conclu que l’appelant conservait une certaine capacité fonctionnelle et que, par conséquent, il n’était pas atteint d’une invalidité grave aux termes du Régime de pensions du Canada.

[11] Je conviens que la décision de la division générale renferme la définition correcte de l’invalidité grave au paragraphe 7, bien qu’elle soit formulée différemment dans la section de l’analyse de la décision. Je remarque également que la décision fait état que la dépression de l’appelant n’est pas de nature grave et que la division générale a accordé à cet aspect un certain poids lorsqu’elle a rendu sa décision. Cependant, après avoir examiné le texte entier de la décision de la division générale, je suis convaincue que décision n’a pas été fondée uniquement sur le fait que la dépression de l’appelant n’était pas une dépression grave en termes de diagnostic, mais sur un examen de l’ensemble de la preuve concernant l’appelant, de ses limitations et des habiletés fonctionnelles qu’il lui restait. Le texte de la décision fait état des limitations énoncées par l’appelant dans les documents qu’il a présentés conjointement avec sa demande de pension d’invalidité, de ses activités, de ses réalisations en matière de scolarité, et de son expérience de vie et de travail. Je suis, par conséquent, convaincue que la décision de la division générale est raisonnable à cet égard et que la division générale n’a pas appliqué le mauvais critère juridique pour le caractère grave de l’invalidité lorsqu’elle a rendu sa décision.

Application des facteurs dans un contexte réaliste

[12] Lorsque j’ai accordé la permission d’en appeler dans cette affaire, j’étais disposée à entendre d’autres arguments sur la question de savoir si, la division générale avait correctement tenu compte des facteurs énoncés dans la décision Villani, en l’espèce, bien que la permission n’était pas accordée pour ce motif d’appel. L’appelant a présenté des arguments à ce sujet dans ses observations écrites. Par contraste, l’intimé a fait valoir que puisque la permission d’appel n’avait pas été accordée pour ce motif, aucun argument à ce sujet ne pouvait être entendu.

[13] Lors de l’audience de l’appel, l’appelant n’a présenté aucune plaidoirie au sujet de ce motif d’appel. J’en conclus, par conséquent, que l’appelant a abandonné ce motif d’appel particulier et je n’ai donc pas à rendre de décision à ce sujet.

[14] Si je me trompe à ce sujet, je suis également d’avis que la division générale a, de façon raisonnable, tenu compte de la situation personnelle de l’appelant pour rendre sa décision. Le texte de la décision énonce clairement l’âge, le niveau d’instruction, et l’expérience de vie et de travail de l’appelant. Ces éléments de preuve ont été pris en considération par la division générale lorsqu’elle a tranché que l’appelant conservait une certaine capacité fonctionnelle. La décision de la division générale est raisonnable à cet égard.

Conclusion

[15] Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor) 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a conclu que les motifs d’une décision doivent être examinés en corrélation avec le résultat et qu’ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles. Pour les motifs que j’ai énoncés précédemment, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle. La décision fait partie des issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Bien que je sois sensible à la situation de l’appelant, l’appel doit être rejeté pour les motifs susmentionnés.

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