Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 5 février 2015. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada parce que lorsque sa période minimale d’admissibilité (PMA) avait pris fin, le 31 décembre 2011, elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave ». La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler le 11 mai 2015. Pour que sa demande soit accueillie, elle doit maintenant démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] La demanderesse s’appuie sur deux moyens d’appel dans le cadre de sa demande de permission : selon elle, la division générale n’aurait pas observé un principe de justice naturelle ou aurait autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence et elle aurait également fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] La demanderesse soutient que la décision ne tient pas compte du témoignage offert au cours de l’audience par téléconférence le 6 janvier 2015. Elle soutient que la plupart des éléments pour lesquels des écarts ont été constatés sont énoncés correctement dans les lettres des médecins, les tests ou les observations présentées auparavant. Elle donne trois exemples précis :

  1. (i) Elle a reçu une série d’injections au dos en plus de subir une chirurgie, et aucune de ces mesures n’a atténué la douleur de façon satisfaisante;
  2. (ii) Elle a reçu une série d’injections pour ses deux épaules, qui ne lui ont pas apporté de soulagement important;
  3. (iii) Elle a également reçu des injections pour son genou droit et consultera un autre médecin, le 10 juin, pour recevoir deux injections supplémentaires.

[5] La demanderesse affirme que la seule façon pour elle de se sentir [traduction] « presque confortable » consiste à s’installer dans un fauteuil inclinable avec un oreiller sous chaque aisselle et un oreiller sous les genoux.

[6] L’intimé n’a déposé aucune observation écrite.

Droit applicable

[7] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[8] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »), il est indiqué que les seuls motifs d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demanderesse doit me convaincre que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès pour que je puisse lui accorder la permission d’en appeler. 

Analyse

(a) Justice naturelle

[10] Même si la demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, elle ne donne pas de détails expliquant comment la division générale a commis cette erreur. Un demandeur doit à tout le moins établir certains fondements dans ses observations plutôt que de contenter d’affirmer de façon générale que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, afin que la division d’appel n’ait pas à deviner la nature des erreurs reprochées. La demande présente des lacunes à cet égard, et je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

(b) Conclusion de fait erronée

[11] Le paragraphe 58(1) de la Loi n’exige pas que la conclusion de fait erronée soit à la fois tirée de façon arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il faudrait en ce cas que la division générale fasse les deux à la fois, alors que la loi exige simplement que la conclusion de fait erronée ait été faite de l’une ou l’autre des manières indiquées.

[12] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle mentionne trois exemples précis, qui portent tous sur des injections qu’elle a reçues dans diverses parties du corps et qui ne sont pas arrivées à soulager ses symptômes de façon appréciable ou marquée. Elle n’a toutefois pas formulé d’allégations précises quant aux conclusions de fait erronées que la division générale aurait pu tirer.

[13] La demanderesse affirme également que les conclusions de fait tirées dans la décision ne tiennent pas compte de la preuve qu’elle a présentée à l’audience, mais elle n’a pas fourni d’élément de preuve pour étayer ces allégations. Elle aurait pu, par exemple, faire référence à certains éléments précis dans l’enregistrement de l’audience, mais elle ne l’a pas fait.

[14] En l’espèce, la demanderesse laisse entendre que la division générale a commis une erreur dans ses conclusions au sujet des injections qu’elle a reçues. Il est uniquement question des injections aux paragraphes 24, 26, 27, 55, 57 et 61 de la décision de la division générale.

[15] Au paragraphe 24 de la décision, la division générale a indiqué que l’attente pour recevoir une injection dans une articulation peut atteindre un an.

[16] Au paragraphe 26 de la décision, la division générale a indiqué que le Dr Boyd avait écrit qu’il ne croyait pas que d’autres chirurgies au dos étaient indiquées pour la demanderesse et qu’elle devrait continuer de recevoir des injections.

[17] Au paragraphe 27 de la décision, la division générale a indiqué que le Dr Kwee avait fait à la demanderesse des injections dans l’épaule et qu’il croyait qu’elle devrait faire remplacer son épaule gauche.

[18] Au paragraphe 55, la division générale a indiqué que le Dr Christian Di Paola a indiqué qu’il serait raisonnable pour la demanderesse de recevoir une injection sélective à proximité de la racine nerveuse L5, du côté droit, et que si cela ne la soulageait pas, il croyait que la meilleure solution serait de procéder à une décompression restreinte de la sténose L3/L4 sans fusion.

[19] Au paragraphe 57, la division générale a indiqué que la demanderesse a reçu une injection de stéroïdes à proximité de la racine nerveuse L5. Il est indiqué que la demanderesse a affirmé que cette intervention avait réduit de façon marquée sa douleur au genou et qu’elle constatait de l’amélioration.

[20] Au paragraphe 61, la division générale a indiqué que la demanderesse venait de recevoir une injection de cortisone et il a été souligné que l’articulation acromio-claviculaire était également touchée par de l’arthrite.

[21] Chacun de ces paragraphes constituait une partie de la preuve et ne constituait pas à lui seul une conclusion de fait au sens strict du terme. Si nous présumions, uniquement pour les besoins de la présente demande de permission, que ces paragraphes constituaient bel et bien des conclusions de fait, nous conclurions que les faits énoncés par la division générale font en grande partie écho à ceux énoncés par la demanderesse dans sa demande de permission, à part peut-être en ce qui concerne le paragraphe 57. Aux paragraphes 24, 26, 27, 55 et 61, la division générale a fait référence aux injections qu’a reçues la demanderesse, mais rien dans la décision n’indique que les injections ont à elles seules entraîné une amélioration marquée des symptômes de cette dernière.

[22] Il semble exister certains écarts entre ce que la division générale a écrit au paragraphe 57 et les observations de la demanderesse. Au paragraphe 57, la division générale a laissé entendre que les injections avaient entraîné une certaine amélioration en ce qui concerne le genou droit de la demanderesse, alors que la demanderesse soutient qu’elle continue d’avoir des symptômes et nie toute amélioration de l’état de son genou.  Toutefois, il ressort de l’examen des dossiers médicaux qu’un rapport de consultation daté du 4 novembre 2009 et préparé par le Dr Peter J. O’Brien, un chirurgien orthopédiste (document GT1, page 134) indique que la demanderesse avait subi une injection de stéroïdes près de la racine nerveuse à L5 environ un mois plus tôt. La demanderesse aurait indiqué que cette injection avait diminué de façon marquée la douleur qu’elle ressentait au genou et que la situation s’améliorait depuis. Je ne suis donc pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

(c) Commotion cérébrale

[23] Si, dans le cadre de cette demande de permission, je me limitais à examiner les moyens d’appel invoqués par la demanderesse, je rejetterais sa demande d’emblée, car elle ne m’a pas convaincue qu’un appel fondé sur ces moyens d’appels avait une chance raisonnable de succès. Toutefois, cela ne clôt pas la question, puisque je pourrais conclure que la division générale a erré en droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[24] Dans le questionnaire qui accompagnait la demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada présentée par la demanderesse, cette dernière faisait état d’un certain nombre de maladies ou de déficiences qui l’empêchaient de travailler. Elle a indiqué qu’elle souffrait du syndrome post‑commotion cérébrale (elle a souffert de cinq commotions cérébrales en sept ans), entre autres choses (document GT1, pages 44 à 50).  Dans le rapport médical en pièce jointe, daté du 29 décembre 2008, le Dr J. Lorne (un remplaçant du médecin de famille, comme il est indiqué à la page 207) s’est dit d’avis que la demanderesse était [traduction] « lourdement limitée par son problème de dos et son syndrome post‑commotion cérébrale ».  Le dossier d’appel présenté à la division générale comprenait également un rapport de la Fraser Health Concussion Clinic daté du 17 novembre 2008 et rédigé par un ergothérapeute (document GT1, pages 101 à 106).

[25] Dans une lettre datée du 4 janvier 2010, dans laquelle elle a interjeté appel à l’encontre de la décision initiale de rejeter la décision du ministre, elle a indiqué que le principal fondement de son appel était qu’elle souffrait toujours du syndrome post‑commotion cérébrale (document GT1, page 27).

[26] Dans l’avis d’appel qu’elle a déposé au Bureau du commissaire des tribunaux de révision le 8 octobre 2010 (document GT1, pages 7 et 8), la demanderesse a indiqué que l’une des raisons pour lesquelles elle souhaitait appeler de la décision que le ministre a rendue à l’issue de la révision était la suivante :

[Traduction]
On ne fait mention nulle part, ni dans la décision originale ni dans l’appel, du syndrome post‑commotion cérébrale qui [l’]empêche également de travailler. [Elle éprouve] des problèmes de mémoire, de la difficulté avec les mots et les chiffres ainsi que de la difficulté à comprendre les textes écrits, à suivre les consignes et à effectuer plusieurs tâches en même temps.

[27] La demanderesse a déposé d’autres renseignements auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 3 avril 2014 (document GT3, pages 2 à 5). Dans une lettre ne portant pas de date, la demanderesse a expliqué les répercussions que son syndrome post‑commotion cérébrale avait sur elle. Le conjoint de la demanderesse a également préparé une courte lettre décrivant ses observations (document GT3, page 6). La demanderesse a aussi présenté un Certificat pour le crédit d’impôt pour des personnes handicapées : son médecin, le Dr Eadie, a rempli la partie B du certificat, vraisemblablement au début de 2014. La partie manuscrite est en bonne partie illisible, mais semble indiquer que la demanderesse « a besoin de supervision et de rappels constants… elle n’est pas autonome ». Le Dr Eadie a également mentionné la question de la mémoire de la demanderesse et a posé un diagnostic de lésion cérébrale (document GT3, page 14).

[28] Le 6 juillet 2014, la demanderesse a déposé auprès du Tribunal de la sécurité sociale d’autres renseignements au sujet de l’évolution de son état de santé à la suite de sa commotion cérébrale (document GT5, page 4). En voici un extrait :

[Traduction]
Mon état s’est un peu amélioré à la suite de ma commotion cérébrale (pas beaucoup, par contre). Ma chirurgie a cependant annulé tous ces progrès. Mon mari et ma famille m’ont signalé qu’en ce qui concerne les petits détails, la mémoire et la notion du temps, je semblais aussi confuse que je l’étais tout de suite après l’accident. Mon état s’est un peu amélioré, mais je ne paie toujours pas les factures, je ne cuisine que très peu et je ne surveille pas mes petits-enfants seule. Ma fille ne me les amène que si un autre adulte se trouve sur place, car je suis facilement distraite.

[29] En dépit des observations de la demanderesse au sujet de son syndrome post-commotion cérébrale, de la preuve médicale et du fait que la division générale a abordé la commotion cérébrale dans la section de sa décision consacrée à la preuve, plus précisément aux paragraphes 23, 47, 48 et 63, la division générale n’a pas analysé les effets de la commotion cérébrale de la demanderesse sur sa capacité de fonctionner ou de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, que ce problème soit pris seul ou en combinaison avec ses autres déficiences.

[30] En dépit du fait que la division générale semble avoir autrement réalisé une analyse et un examen exhaustif de la preuve médiale et orale dont elle a été saisie, l’argument selon lequel elle a peut-être omis de tenir compte de l’une des questions ou de l’un des moyens d’appel cruciaux dans cette affaire, à savoir la commotion cérébrale et le syndrome post-commotion cérébrale de la demanderesse, constitue un argument défendable. Je suis convaincue qu’il s’agit d’un moyen d’appel qui fait en sorte que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Appel

[31] Voici un aperçu des questions que les parties pourraient vouloir aborder en appel :

  1. a) Quel est le degré de déférence dont la division d’appel est tenue de faire preuve à l’égard de la division générale?
  2. b) D’après le seul moyen d’appel sur la foi duquel l’appel a été accueilli, la division générale a-t-elle commis une erreur de droit?
  3. c) D’après le moyen d’appel sur la foi duquel l’appel a été accueilli, quelle est la norme de contrôle qui s’applique et quels sont les correctifs appropriés, le cas échéant?

[32] Je dois insister sur le fait que l’audience de l’appel ne constitue pas une audience de novo. Cela signifie que je ne recueillerai pas de témoignages et que je n’entendrai pas de témoins.

[33] J’invite les parties à présenter également des observations quant au mode d’audience (c’est-à-dire préciser si celle-ci devrait être tenue par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses écrites). Si l’une des parties souhaite demander une forme d’audience autre que les questions et réponses écrites, je la prierais de fournir une estimation préliminaire du temps nécessaire pour présenter les observations.

Conclusion

[34] La demande est accueillie.

[35] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.