Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 13 mai 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») a rendu une décision aux termes de laquelle elle rejetait l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre d’une décision lui refusant le versement d’une pension d’invalidité du Régime des pensions du Canada (RPC). Le membre de la division générale a déterminé que les problèmes de santé du demandeur n’étaient pas graves et prolongés à la date où la période minimale d’admissibilité (PMA) de ce dernier a pris fin, soit le 31 décembre 2013.

[3] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de cette décision (la « demande »).

Question en litige

[4] Pour accorder la permission, le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Les dispositions législatives applicables figurent aux articles 56 à 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »). Les paragraphes 56(1) et 58(3) régissent l’autorisation d’interjeter appel et prévoient qu’« [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Pour accorder la permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès, ce qui équivaut à avoir une cause défendable : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63.Les moyens d’appel sont énoncés à l’article 58 de la LoiNote de bas de page 1.

Observations

[6] L’avocat du demandeur a, au nom de son client, fait valoir que la division générale avait commis une erreur en décidant que celui-ci n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC. Il soutient que la décision renfermait des erreurs de droit et des erreurs de fait en plus de contrevenir à un principe de justice naturelle. Les observations de l’avocat peuvent facilement être réparties en quatre catégories : défaut de tenir compte des rapports médicaux ou d’en tenir compte correctement, défaut de tenir compte du témoignage oral du demandeur et de son témoin ou d’en tenir compte correctement, défaut d’appliquer correctement le critère juridique établi dans la décision Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248 et défaut d’évaluer correctement la crédibilité du demandeur et de son témoin.

[7] L’intimé n’a présenté aucune observation à l’égard de cette demande.

Analyse

[8] La demande de permission d’en appeler représente la première étape du processus d’appel. Le seuil à atteindre est cependant inférieur à celui qui doit être atteint à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour que la permission lui soit accordée, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Lorsqu’un membre doit déterminer si la cause est défendable, il n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé de l’affaire. Il doit cependant tenir compte du droit applicable ainsi que des éléments de preuve sur lesquels l’affaire se fonde.

La division générale a-t-elle négligé de tenir compte des rapports médicaux ou d’en tenir compte correctement?

[9] L’avocat du demandeur fait valoir que la division générale a négligé de tenir compte de certains rapports médicaux ou d’en tenir compte correctement, alors que ces rapports, selon lui, démontrent que le demandeur est atteint d’une invalidité grave au sens de l’alinéa 42(2) a) du RPC. Or, le membre de la division générale fait directement référence aux rapports médicaux en question et les résume au paragraphe 12 ainsi qu’aux paragraphes 14 à 22 de sa décision. De plus, le membre consacre plusieurs paragraphes de son analyse aux rapports médicaux, aux résultats de l’évaluation des capacités fonctionnelles ainsi qu’au témoignage oral du demandeur et de son témoin, lequel est résumé aux paragraphes 35 à 38.

[10] Le Tribunal estime que la façon dont la division générale a traité les rapports médicaux et l’évaluation des capacités fonctionnelles ne comporte aucune erreur. Le membre a analysé ces rapports en prêtant attention aux renseignements qu’ils renfermaient au sujet du niveau de fonctionnement du demandeur et de ses pronostics de rétablissement. De toute évidence, le demandeur conteste les conclusions que le membre a tirées après avoir examiné la preuve. Le Tribunal croit que le demandeur lui demande essentiellement de soupeser à nouveau la preuve. C’est là quelque chose que le Tribunal ne peut pas faire. Le Tribunal s’appuie sur la déclaration de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Dossal c. Canada (Commission d’appel des pensions) 2005 CAF 387 : « [La CAP n’est pas tenue de mentionner chacun des rapports, parfois très nombreux, dont elle est saisie]. De plus, elle est autorisée à donner préséance à certaines preuves sur d’autres, tant que la preuve n’a pas une force si probante que le défaut d’y référer impliquerait que la Commission ne s’acquitte pas de sa principale obligation d’engager une analyse valable de la preuve. […] Il n’appartient pas à la Cour de réévaluer la preuve et d’instruire un nouveau procès ».

[11] Par analogie avec le rôle de la Commission d’appel des pensions, le Tribunal estime que ce n’est pas le rôle de la division d’appel, d’apprécier de nouveau la preuve présentée à la division générale. La possibilité que la preuve dont était saisie la division générale puisse être réévaluée en faveur du demandeur dans le cadre d’un appel ne représente pas une cause défendable et ne démontre pas que l’appel aurait une chance raisonnable de succès, de sorte que cette possibilité ne suffit pas à justifier l’octroi d’une permission d’en appeler. Par conséquent, les observations du demandeur à cet égard ne peuvent servir de fondement à l’appel.

La division générale a-t-elle négligé de tenir compte du témoignage oral ou d’en tenir compte correctement?

[12] Le demandeur a fait valoir que la division générale n’avait pas tenu compte de son témoignage oral ou de celui de son témoin, sa femme, ou qu’il ne l’avait pas fait correctement. Aux paragraphes 10 et 11 de la décision, le membre a consigné la preuve du demandeur tirée du questionnaire qui accompagnait sa demande de prestations d’invalidité du RPC. Le témoignage oral du demandeur est résumé aux paragraphes 23 à 34. Les déclarations du membre aux paragraphes 47 et 48 montrent clairement que la division générale a bel et bien tenu compte à la fois du témoignage oral du demandeur et de celui de son témoin. Une fois de plus, le Tribunal estime que le demandeur lui demande de soupeser à nouveau la preuve, et le Tribunal s’y refuse pour les raisons données précédemment.

[13] De plus, le Tribunal constate que la division générale n’a commis aucune erreur en ce qui concerne le témoignage du demandeur et de sa femme au sujet de la capacité de celui‑ci d’accomplir les activités de la vie quotidienne. Le membre a résumé la preuve et a expliqué pourquoi il avait accordé sa préférence à ces éléments de la preuve du demandeur. Dans les circonstances, le Tribunal estime que la décision de la division générale appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Cette décision était donc raisonnable. Par conséquent, le demandeur n’a pas soulevé une cause défendable à cet égard.

La division générale a-t-elle incorrectement appliqué le critère juridique énoncé dans la décision Villani?

[14] Le demandeur a fait valoir que la division générale avait négligé d’appliquer correctement la gravité de l’invalidité du demandeur dans un contexte réaliste, comme l’exige la décision Villani. Le Tribunal n’est pas convaincu de cette observation. Au paragraphe 50 de la décision, la division générale analyse les effets des critères énoncés dans la décision Villani sur la capacité du demandeur d’obtenir et de conserver une occupation véritablement rémunératrice. Le membre de la division générale a indiqué que l’âge et le niveau de scolarité du demandeur étaient autant de facteurs qui pesaient contre lui, mais il est parvenu à la conclusion que l’absence de difficulté linguistique et le caractère transférable de son expérience en supervision et en vente auraient par contre dû jouer en sa faveur.  

[15] L’avocat du demandeur soutient que la division générale est arrivée à la mauvaise conclusion au sujet de l’employabilité du demandeur. Toutefois, à la lumière de l’analyse que le membre a faite de l’expérience du demandeur sur le marché du travail, le Tribunal estime que la décision appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit et qu’elle était donc raisonnable. La permission ne sera donc pas accordée à cet égard.

Le mode d’audience a-t-il nui à l’évaluation de la crédibilité menée par la division générale?

[16] Le dernier argument important du demandeur est que le mode d’audience choisi, c’est-à-dire la téléconférence, a empêché la division générale d’évaluer correctement sa crédibilité. Cet argument soulève des questions d’équité procédurale, à l’égard desquelles les points litigieux suivants peuvent être formulés :

  1. a) La division générale a-t-elle refusé au demandeur la possibilité de se faire entendre selon le mode d’audience qu’il préférait?
  2. b) Le demandeur est-il en mesure d’invoquer un manquement à l’équité procédurale soulevé pour la première fois en appel?

Mode d’audience

[17] Les dispositions juridiques applicables en ce qui concerne le mode d’audience figurent à l’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

21.  Avis d’audience – Si le Tribunal fait parvenir un avis d’audience en vertu du présent règlement, le Tribunal peut tenir l’audience selon l’un ou plusieurs des modes suivants :

a) au moyen de questions et réponses écrites;

b) par téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication;

c) par comparution en personne des parties.

[18] La division générale a envoyé au demandeur un avis d’audience l’informant de la date, de l’heure et du mode de l’audience. Cet avis précisait également les raisons pour lesquelles c’était ce mode d’audience qui avait été choisi. La division générale a indiqué que le mode d’audience avait en partie été choisi parce qu’un avocat représentait le demandeur. Le Tribunal estime que si le demandeur entretenait des réticences quant au mode d’audience choisi et à ses répercussions possibles sur sa crédibilité, il aurait probablement exprimé ses inquiétudes au moment où il a reçu l’avis d’audience. Dans les circonstances, le Tribunal est d’avis qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que des préoccupations de ce genre soient soulevées en temps opportun plutôt qu’à l’étape de l’appel.

[19] De plus, le demandeur a été capable de témoigner en personne et de faire entendre un témoin; son avocat semble avoir eu largement l’occasion de défendre les arguments de son client. De plus, rien ne laisse croire que pendant l’audience, des difficultés de nature technique ou autre susceptibles de nuire à l’appréciation de la preuve par le membre sont survenues. À la lumière de ces circonstances, le Tribunal n’est pas convaincu que le demandeur a soulevé une cause raisonnable à cet égard.

Évaluation de la crédibilité

[20] La jurisprudence établit clairement que le Tribunal doit être en mesure d’évaluer la crédibilité du demandeur. C’est pourquoi on insiste beaucoup sur l’importance de faire témoigner les demandeurs en personne; Dinas c. MRHD (25 avril 1997), CP 4024 (CAP). Il arrive que des conclusions défavorables soient tirées quant à la crédibilité d’un demandeur qui refuse de témoigner en personne sans donner d’explication. Dans la décision Di Caro c. MRHD (24 avril 1997), CP 4068 (CAP), la CAP a souligné que [traduction] « le défaut d’un demandeur de se présenter pour témoigner, à moins d’être adéquatement expliqué, pèse lourdement dans la balance quand il s’agit de se prononcer sur l’authenticité de la demande ».

[21] Le demandeur a fait valoir que parce que l’audience avait eu lieu sous forme de téléconférence, la division générale n’était pas en mesure d’évaluer correctement ni sa crédibilité ni celle de son témoin. Cette affirmation suppose qu’une évaluation de la crédibilité ne peut être effectuée correctement que si le décideur est en mesure de voir l’appelant. Or, même si c’était le cas, la crédibilité du demandeur ne semble pas avoir été un enjeu dans le processus de décision du membre. Il a uniquement été question d’une évaluation de la crédibilité en ce qui concerne le témoignage contradictoire du témoin du demandeur au sujet de la capacité du demandeur d’effectuer des tâches ménagères. De l’avis du Tribunal, le membre de la division générale a fourni une explication raisonnable et rationnelle pour expliquer pourquoi il a préféré la déclaration précédente et sans réserve du témoin, selon laquelle le demandeur était régulièrement capable de nettoyer la cuisine et de préparer le souper. 

Conclusion

[22] L’avocat du demandeur soutient que la décision renfermait des erreurs de droit et de fait en plus de contrevenir à un principe de justice naturelle et que la division a fait erreur lorsqu’elle a décidé que le demandeur n’était pas admissible aux prestations d’invalidité du RPC. Il a soulevé un certain nombre d’éléments à l’égard desquels il estime que la division générale a commis des erreurs et qui, à son avis, font en sorte qu’il existe une cause défendable. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, le Tribunal n’est pas convaincu que le demandeur a soulevé une cause défendable.

[23] À l’étape de la demande, un demandeur doit seulement arriver à invoquer un moyen d’appel. Le Tribunal conclut que le demandeur ne l’a pas fait. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès.

[24] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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