Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • Appelant : D. H.
  • Témoin : C. H.

[1] Le 1er avril 2011, l’intimé a annulé la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant à compter du 31 mars 2011. L’intimé a maintenu cette décision lors du réexamen. L’appelant a interjeté appel de la décision de réexamen auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) le 15 mai 2012.

[2] Aux termes de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, tout appel interjeté auprès du BCTR avant le 1er avril 2013, mais qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal. Le présent appel a donc été transféré au Tribunal en avril 2013.

[3] Le présent appel a été instruit en personne pour les motifs suivants :

  • les audiences ne peuvent pas être tenues par vidéoconférence dans la région où réside l’appelant;
  • le mode d’audience est le plus approprié pour clarifier des éléments de preuve contradictoires.

Questions préliminaires

[4] L’appelant a apporté à l’audience des rapports médicaux datés du 24 octobre 2014, du 6 mars 2015 et du 31 mars 2015. Il a indiqué qu’il avait obtenu ces documents de son médecin la veille. Le Tribunal a décidé d’admettre les documents en preuve étant donné qu’ils étaient récents et pouvaient être pertinents à la décision. Après avoir entendu le témoignage de l’appelant et les observations, l’audience a été ajournée pour permettre à l’intimé d’examiner les documents et de présenter des observations à leur sujet. L’intimé a produit d’autres observations le 8 juin 2015, et l’audience a été achevée.

Droit applicable

[5]  Le paragraphe 70(1) du RPC prévoit qu’une pension d’invalidité cesse d’être payable le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide.

[6] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est déclarée atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[7] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si, selon toute vraisemblance, l’appelant avait cessé d’être invalide le 31 mars 2011.

Preuve

[8] L’appelant est né en 1960. Il vit à X sur l’île de Vancouver. En avril 1989, il a demandé une pension d’invalidité du RPC en raison d’une douleur lombaire et de migraines causées par des accidents de courses d’autos-série et des chutes survenues à la maison. Une pension d’invalidité a été approuvée en avril 1990, la date de début de l’invalidité ayant été fixée à novembre 1988. L’invalidité de l’appelant a fait l’objet d’un examen en juillet 1995 en raison de renseignements selon lesquels il avait touché un revenu d’une autre source. Il a informé l’intimé qu’il était retourné au travail et sa pension d’invalidité du RPC avait cessé à compter de décembre 1995 en attendant un examen plus approfondi de la question.

[9] Pour des raisons que nous comprenons mal, l’examen a duré plusieurs années. Au cours de cette période, l’intimé a obtenu les renseignements suivants de l’appelant et d’autres parties :

  1. Dans un rapport établi le 7 mai 1996, le Dr K. E. McPherson, psychiatre, a indiqué que, pendant que l’appelant travaillait comme secouriste pour une entreprise d'abattage, il a été témoin d’accidents graves, notamment de décès, et qu’il était maintenant trop stressé pour envisager de reprendre le même genre de travail. Il ne souhaitait pas occuper un autre emploi dans son domaine et a obtenu l’autorisation de la compagnie d’assurance pour se recycler comme conseiller, ce qui, selon ce qu’il a compris, lui prendrait de six à huit ans, étant donné qu’il possédait une 9e année. L’appelant a indiqué que, pendant de nombreuses années, il a vu un conseiller de temps à autre. Il n’a pas signalé de symptômes végétatifs de dépression, mais il avait de la difficulté à dormir et prenait de la morphine à l’occasion pour une douleur au dos liée à des fractures vertébrales subies pendant des courses d’autos-série. Le Dr McPherson a souligné que l’appelant avait des chicanes constantes avec des personnes importantes de son entourage et qu’il dégageait une forte odeur d’alcool lorsqu’il s’était présenté à une entrevue, même s’il a insisté sur le fait qu’il n’avait pas de problème d’alcool. Il n’a montré aucun signe de perturbation de la pensée, de déformation perceptive ou de trouble cognitif particulier, bien que son dossier scolaire remette en question ses chances de réussir son projet de recyclage scolaire .
  2. D’après le Dr McPherson, il était peu probable que l’appelant souffre de dépression et était réticent à lui prescrire des antidépresseurs. Il a souligné qu’il était difficile pour une personne qui a travaillé dans un domaine à risque élevé et a été témoin d’événements tragiques de retourner au travail en toute sérénité, et qu’il n’existait pas de thérapie pour cette situation. Il a encouragé l’appelant à continuer de travailler avec son conseiller et a indiqué qu’à moment l’appelant ne démontrait pas de signe évident de trouble psychiatrique grave.
  3. Une radiographie de la colonne lombaire de l’appelant réalisée le 9 juillet 1996 a révélé ce qui suit : [traduction] « Les corps vertébraux ne présentent rien de particulier. Les espaces intervertébraux sont maintenus. Les pédicules, et les apophyses épineuses et transverses ne présentent rien de particulier. On n’observe aucune anomalie. »
  4. Les rapports du Dr B.G. Woodruff, chirurgien orthopédiste, datés du 17 juillet 1996 et du 6 novembre 1996, indiquent que l’appelant avait souffert de douleurs lombaires occasionnelles après avoir subi des chirurgies en 1984 et 1989, mais que, vers le milieu de 1996, il avait commencé à ressentir une douleur au bas du dos qui irradiait dans la jambe gauche et descendait jusqu’au pied, en plus de ressentir des picotements dans le pied. Il prenait du Toradol et du Fiorinal, lesquels n’avaient pas un grand effet. Les radiographies de la colonne lombaire semblaient normales. Avant novembre, l’appelant avait reçu deux injections épidurales sans que change la douleur qu’il ressentait. Le Dr Woodruff a souligné que l’examen du dos de l’appelant a révélé une amplitude de mouvement très limitée dans tous les sens. Il ressentait de la douleur à l’élévation de la jambe tendue et une faiblesse au niveau de la flexion plantaire et de la flexion dorsale du côté gauche. Il a noté [traduction] « je crois qu’il y a beaucoup d’enrobage fonctionnel ». Il a suggéré à l’appelant d’améliorer sa flexibilité et ses muscles abdominaux, et l’a dirigé vers la physiothérapie à cette fin. Il a ajouté que si l’appelant était incapable de retourner à son emploi habituel dans trois mois [traduction] « il lui faudrait donc penser à se trouver un emploi qui lui convenait ».
  5. L’appelant a présenté une nouvelle demande de pension d’invalidité du RPC en décembre 1996. Dans le questionnaire qui accompagnait la demande, il a indiqué qu’il avait travaillé comme surveillant de bûcherons pour la société MacMillan Bloedel à Port Alberni, en Colombie-Britannique, de novembre 1978 au 31 octobre 1995, date à laquelle il avait cessé de travailler en raison du stress, de l’anxiété, d’une grave douleur chronique au bas du dos et d’une douleur à la jambe gauche, d’engourdissement au pied gauche et de migraines. Il a expliqué qu’à certains moments il était incapable de marcher, ou qu’il devait garder le lit et ramper pour se rendre aux toilettes. Il a décrit son incapacité à rester assis, à se tenir debout et à marcher pendant plus de cinq à dix minutes, ses limitations fonctionnelles pour soulever, atteindre et transporter des objets, ses problèmes quant à ses besoins personnels, les tâches domestiques et le sommeil ainsi que son incapacité à conduire en raison de ses douleurs aux jambes et au dos. Il prenait du Tylenol 3 toutes les quatre à six heures et des Rhovane (zopiclone) au coucher. Il se servait de béquilles, d’une canne et d’un fauteuil roulant.
  6. Dans son rapport médical du 5 décembre 1996 qui a été produit avec la demande de pension d’invalidité de 1996 de l’appelant, le Dr Wagenaar, le médecin de famille de l’appelant, indique qu’il le connaissait depuis août 1991 et le traitait pour une douleur lombaire de nature mécanique et une douleur qui irradiait dans sa jambe gauche depuis juillet 1996. Il a ajouté que l’appelant avait déjà subi deux chirurgies pour une hernie discale au bas du dos. Il lui a prescrit de la physiothérapie et des analgésiques à l’occasion.
  7. Dans un questionnaire rempli par MacMillan Bloedel le 7 février 1997, l’employeur a indiqué que l’appelant était en congé de maladie depuis le 31 octobre 1995. Avant cette date, il travaillait à temps plein comme surveillant de bûcherons et [traduction] « selon les rapports médicaux, il est en congé pour cause de stress ».
  8. Le rapport sommaire de réévaluation indique qu’un employé de l’intimé avait téléphoné au coordonnateur des relations avec les employés chez MacMillan Bloedel le 30 septembre 1997 et avait appris que l’appelant ne touchait pas de prestations d’invalidité de longue durée parce qu’il avait refusé de suivre un programme de réadaptation et avait plutôt pris un congé. On l’avait rappelé pour qu’il retourne au travail, mais il avait répondu que son dos le dérangeait.
  9. Une radiographie de la colonne lombaire de l’appelant datant du 7 novembre 1997 montrait une diminution de l’espace intervertébral au niveau L5-S1 qui n’était pas présent dans l’étude précédente du 9 juillet 1996. La diminution de l’espace était attribuée à l’intervention chirurgicale ou à une dégénérescence discale. Un tomodensitogramme de la colonne lombaire réalisé le 23 décembre 1997 montrait une discopathie dégénérative grave sans hernie discale, et un bombement discal minimal causant probablement une légère compression de la racine au niveau S1.
  10. Dans un rapport daté du 12 novembre 1997, le Dr P. Burton, chirurgien orthopédiste, a indiqué que l’appelant souffrait d’une douleur lombaire chronique débilitante attribuable à des symptômes radiculaires. Le Dr Burton a indiqué que [traduction] « [v]u qu’il est en arrêt de travail depuis si longtemps et qu’il souffre d’une telle douleur chronique, je suis d’avis qu’il est peu probable que la chirurgie lui procure un soulagement constant ».
  11. Le 27 novembre 1998, le Dr Wagenaar a indiqué à l’intimé qu’il connaissait bien l’appelant depuis sept ans. Il lui a fourni l’historique des consultations de l’appelant depuis le 31 octobre 1995 pour de nombreux problèmes, notamment le stress, l’anxiété, des maux de tête, une fracture de l’os du carpe de la main droite, une douleur dorsale et des problèmes de sommeil. Il a indiqué ce qui suit :

    [traduction]

    En conclusion, M. D. H. présente des problèmes émotionnels, une dysthymie qui n’était pas considérée comme étant une dépression manifeste (pas au point de le maintenir en congé d’invalidité de longue durée, selon le Dr McPherson). Il a quelques problèmes sociaux en ce qui concerne son ex-conjointe et sa fille et a aussi des problèmes relationnels qu’il semble ne pas pouvoir régler. Il souffre de douleur constante au dos, la douleur irradiant dans la jambe gauche, d’engourdissements intermittents dans la jambe gauche et de paresthésie. De toute évidence, il souffre d’une douleur lombaire mécanique, la discopathie n’atteint pas un niveau qui justifie une intervention, et le Dr Woodruff et le Dr Burton recommandent tous deux d’éviter toute chirurgie dans son dos. Toutefois, il se plaint de douleur constante et semble ne pas être en mesure de maintenir un programme d’exercices ou de conserver son emploi ou d’en trouver un. À mon avis, le pronostic est prudent dans la mesure où il ne peut pas faire face à son environnement et à son milieu de travail sur le plan émotif. Je ne sais pas quel type de travail lui conviendrait. Une évaluation professionnelle et le recyclage pourraient lui être bénéfiques. Nous n’avons arrêté aucun plan de traitements ou d’examens dans l’avenir et nous le traiterons probablement en fonction de l’apparition des symptômes.

  12. Le 13 décembre 1999, le Dr Wagenaar a indiqué dans son rapport que, comme dans le rapport précédent de novembre 1998, il n’avait vu l’appelant qu’en avril 1999, et qu’il se plaignait encore de douleur au dos. L’appelant avait consulté le Dr Burton qui lui a dit qu’il avait de l’arthrite dans le dos et qu’il ne recommandait pas la chirurgie. En décembre 1998, l’appelant a reçu une épidurale pour soulager sa douleur au dos. Le 30 août 1999, le Dr Wagenaar a vu de nouveau l’appelant qui se disait stressé. Il a conclu : [traduction] « En somme, son état est encore le même que lorsque je vous ai écrit l’an dernier ».

[10] Le sommaire d’invalidité rédigé le 20 janvier 2000 par un employé de l’intimé indique que, comme l’appelant était retourné au travail en juin 1991, il n’était pas admissible à une pension d’invalidité d’octobre 1991 à octobre 1995 inclusivement. Comme il a cessé de travailler en octobre 1995 [traduction]« encore une fois en raison de son invalidité », il devait avoir droit à des prestations selon une nouvelle date de début. La décision a été confirmée le 20 avril 2000.

[11] En août 2000, la décision ci-dessus a été communiquée à l’appelant. Il a été informé qu’il n’était pas admissible à des prestations d’invalidité après le 30 septembre 1991 parce qu’il était retourné au travail en juin 1991. En raison des retards dans le traitement de son dossier, il n’a pas été obligé de rembourser les prestations qu’il a reçues d’octobre 1991 à juillet 1995. Il a aussi été informé que l’intimé avait déterminé qu’il [traduction] « avait cessé ses périodes d’emploi véritablement rémunérateur » en octobre 1995 et avait donc droit à une deuxième période de prestations d’invalidité à compter de novembre 1995.

[12] En avril 2005, l’appelant a été informé que son dossier faisait l’objet d’un examen pour la période commençant le 1er novembre 1995. Il a fourni un rapport de réévaluation médicale daté du 30 mai 2005 dans lequel le Dr Wagenaar a indiqué que l’appelant souffrait d’une douleur dorsale mécanique. La physiothérapie et les injections épidurales n’ont pas donné de bons résultats et il avait de la douleur dans les deux jambes. Le Dr Wagenaar a indiqué qu’il avait vu l’appelant chaque année et qu’il [traduction] « ne sera pas en mesure de retourner au travail ». L’appelant a indiqué le 27 mai 2005 qu’il avait une douleur dorsale chronique qui, par moments, était assez grave pour le faire tomber. Sa douleur était constante et il avait besoin d’aide pour faire ses tâches ménagères. Par moments, il devait utiliser une canne et un corset lombaire. Il a dit que sa douleur était chronique, aiguë et intense et que [traduction] « par moments, je peux difficilement marcher et ai de la difficulté à m’habiller, des migraines, et le nerf sciatique coincé ». Il prenait du Tylenol 1 et du Tylenol pour arthrite au besoin. Il n’a pas suivi de formation professionnelle ou de programme de réadaptation et n’est pas retourné aux études pendant la période en cause. Il ne savait pas s’il serait un jour capable de retourner au travail vu que [traduction] « le spécialiste ne veut pas signer une autorisation pour que je fasse quelque travail que ce soit – une autre chirurgie du bas du dos est requise ».

[13] Une lettre du capitaine J.D. Murray des Rangers de la Colombie-Britannique, datée du 5 juillet 2005, indiquait que l’appelant était membre en règle du détachement de la Colombie-Britannique des Rangers canadiens et qu’il était bénévole depuis le 5 mars 2002. Ila ajouté que les bénévoles prenaient part à une formation, notamment sur la navigation à l’aide de cartes et d’un compas, le GPS, le fonctionnement et les procédures de la radio ainsi que le leadership. Ils n’étaient pas payés, sauf s’ils participaient à la formation officielle donnée par un instructeur de rangers du détachement, qui était d’une durée moyenne de quatre ou cinq jours par exercice.

[14] D’après une note de C. Morris, datée du 11 juillet 2005, qui était chargée de la réévaluation pour le compte de l’intimé, compte tenu des renseignements ci-dessus, [traduction] « il est probable que le client fasse l’entretien de la pelouse de son immeuble d’habitation ». Elle a recommandé que l’on interroge l’appelant [traduction] « pour confirmer exactement ce qu’il fait ».

[15] Le rapport sommaire de cet examen ne renferme rien qui indique qu’une telle entrevue a eu lieu. En plus de l’information contenue dans les trois paragraphes précédents, le rapport indique seulement que le capitaine Murray a dit lors d’un appel téléphonique qu’il n’y avait aucune exigence relative à la condition physique pour se joindre à l’unité des Rangers. L’intimé a décidé en septembre 2005 que [traduction] « les renseignements médicaux et non médicaux obtenus au cours de cette enquête indiquent que le client demeure admissible à recevoir une pension d’invalidité du RPC ».

[16] En octobre 2006, l’appelant a été informé que son dossier faisait encore l’objet d’un examen pour la période débutant le 6 septembre 2005. Il a rempli le formulaire de réévaluation de l’invalidité daté du 23 novembre 2006, dans lequel il a indiqué que le principal problème médical dont il se plaignait était une [traduction] « douleur lombaire chronique et aiguë et de graves maux de tête – une douleur aiguë et lancinante qui me fait tomber – de la difficulté à se lever et à bouger, et des genoux en mauvais état ». Il a déclaré que son état s’était détérioré légèrement au cours de la période en cause, que la marche était douloureuse et que, parfois, il ne pouvait pas marcher du tout, que son sommeil était interrompu et que sa douleur était constante. De plus, sa vue se détériorait. Il prenait deux Tylenol toutes les deux à quatre heures et une Naproxen. Il consultait le Dr Wagenaar au besoin et l’avait vu pour la dernière fois le 23 novembre 2006 pour obtenir un médicament pour sa douleur dorsale et sa vue. Il n’avait pas suivi de formation professionnelle ni de programme de réadaptation ni n’était retourné aux études pendant la période en cause. Il n’avait occupé aucun emploi ni ne s’attendait à retourner au travail un jour.

[17]  L’intimé a envoyé une demande d’information au Dr Wagenaar, qui a indiqué le 20 décembre 2006 qu’il avait vu l’appelant très rarement. Il l’avait vu en mai 2005 et ne l’avait revu ensuite que le 23 novembre 2006. Il a indiqué que l’appelant avait des problèmes de dos constants depuis 1986 et qu’aucune chirurgie ne lui était recommandée. Il a ajouté que l’appelant prenait des antidouleurs qu’il achetait en vente libre ou qu’il obtenait de cliniques sans rendez-vous. En novembre 2006, le Dr Wagenaar lui a fourni du Naproxen pour trois semaines qu’il pouvait prendre au besoin. Il a revu l’appelant le 12 décembre 2006 et lui a fait subir des analyses sanguines de routine qui ont révélé la présente de la bactérie H. pylori pour laquelle il lui a prescrit des antibiotiques. Par ailleurs, ses analyses sanguines étaient normales. Le Dr Wagenaar a affirmé ce qui suit :

[traduction]

Donc, en conclusion, il s’agit d’un homme qui souffre depuis longtemps de problèmes de dos et les dernières fois qu’il s’est présenté à mon bureau, il utilisait une canne. Je crois qu’il continuera certainement à avoir des problèmes de dos en vieillissant. Je n’ai jamais fait une évaluation du patient pour vérifier quelle est sa capacité fonctionnelle réelle et pendant combien de temps cela continuera.

[18] Le rapport sommaire de l’examen de 2006 renferme les renseignements mentionnés aux deux paragraphes précédents et souligne qu’il a été mené à la suite de la plainte d’un tiers semblable à celle qui a été faite en 2005. Le rapport renferme une note selon laquelle la plainte avait fait l’objet d’une enquête en 2005 et que l’appelant avait nié faire de petits travaux, et aucune preuve ne démontrait qu’il travaillait. Il indique ce qui suit : [traduction] « selon les renseignements actuels, la situation ou l’état de santé du client n’a pas changé ou s’est légèrement détériorée (selon le client) depuis 2005. Aucun autre renseignement objectif ne montre que l’état du client s’est amélioré au point où il pourrait reprendre régulièrement un emploi véritablement rémunérateur ». Il a été recommandé que l’on maintienne ses prestations.

[19] Une troisième évaluation a été entreprise en août 2009. Le rapport sommaire indique qu’un tiers s’était plaint que l’appelant travaillait à réparer des voitures et recevait de l’argent de la Force de réserve des Forces canadiennes. Le rapport renfermait des renseignements fiscaux portant sur les années 2005 à 2007 qui révélaient que, selon les T4 de l’appelant, il avait un revenu de 975 $ en 2006, de 1 522 $ en 2006 et de 3 193 $ en 2007. Ce revenu figurait aussi dans le registre d’exemptions du RPC, de même que des montants pour 2004 (517 $) et 2008 (6 498 $). L’auteur du rapport a souligné qu’il avait été conclu que les allégations antérieures d’activités professionnelles étaient sans fondement et qu’on savait déjà que l’appelant travaillait avec les Rangers et [traduction] « touchait une légère indemnité pour sa participation ». Il indiquait qu’aucune autre preuve médicale n’était requise parce que [traduction] « la nature du problème du client semble être telle que des visites régulières chez le médecin ne sont pas nécessaires ». La décision de maintenir le versement des prestations d’invalidité a été prise le 30 octobre 2009.

[20] L’intimé a effectué une autre réévaluation de l’appelant en septembre 2010 pour la période commençant le 30 octobre 2009. Le rapport sommaire indique que, depuis que la pension d’invalidité de l’appelant avait été rétablie en 1995, il avait été réévalué trois fois à la suite de la réception de plaintes de tiers. Il a été souligné que les allégations ne pouvaient pas être prouvées et l’appelant avait continué à toucher ses prestations. L’actuelle réévaluation avait été déclenchée par la déclaration d’un revenu rémunérateur en 2009. Le rapport sommaire renfermait les renseignements suivants fondés sur des documents figurant dans le dossier d’audience :

[traduction]

  1. Le questionnaire de réévaluation de l’invalidité de l’appelant daté du 22 décembre 2010 indiquant qu’il se plaint principalement des problèmes médicaux suivants : douleur lombaire chronique, fasciite plantaire, problèmes au genou gauche, à la hanche et à l’épaule gauche ainsi que perte d’équilibre. Il a indiqué qu’il faisait de l’hypertension, avait des étourdissements, des migraines et une vision trouble pendant un mal de tête. Il prenait du Tylenol au besoin, du Coversyl et une faible dose d’aspirine. Il voyait le Dr  Wagenaar au besoin. Il n’a pas suivi de programme de recyclage ou de réadaptation, ni n’est retourné aux études. Il a affirmé qu’il avait travaillé comme bénévole pour les Rangers. Il a indiqué que sa date de retour au travail était inconnue étant donné qu’il était atteint d’une invalidité permanente et qu’il ne serait jamais en mesure de reprendre un travail à temps plein.
  2. Le rapport de retour au travail de l’appelant daté du 22 décembre 2010 indiquant qu’il était employé par les Rangers, sans aucune mention du nombre d’heures de travail par jour ou par semaine. Il n’a pas fourni d’information concernant son taux de rémunération ou sa rémunération totale. Il a dit qu’il avait participé [traduction] « sur demande » et qu’il avait travaillé à temps partiel comme c’était tout ce que son état de santé lui permettait de faire. Dans la section [traduction] « mesures d’accommodement spéciales », il a indiqué qu’il ne soulevait pas de lourdes charges. Il a dit qu’il ne tolère pas les exigences de l’emploi en raison de ses douleurs au dos, aux jambes et aux genoux.
  3. La lettre du 5 juillet 2005 du capitaine J. Murray, mentionnée ci-dessus, indiquant que les membres étaient non rémunérés, sauf lorsqu’un instructeur rend visite à une patrouille et donne une formation officielle. L’auteur du rapport sommaire a précisé ce qui suit :

    [traduction]

    Par conséquent, l’observation est que le revenu du client pour 2009 au montant de 14 490 $, à titre de Ranger, porterait à croire qu’il a participé activement à titre de formateur rémunéré pendant cette année-là. Il semblerait que son niveau de participation avec les Rangers est plus qu’un simple rôle sans rémunération. Le montant du revenu a aussi augmenté considérablement par rapport aux années de service précédentes.

  4. Les dossiers médicaux fournis par le Dr Wagenaar, incluant une lettre du 14 février 2011 indiquant qu’il avait vu l’appelant très rarement au fil des ans et que l’appelant avait une douleur constante au dos et aurait eu une chirurgie du dos en 1986. Une autre chirurgie du dos n’était pas recommandée. Il prenait des analgésiques en vente libre et en avait aussi obtenu de cliniques sans rendez-vous. Il a vu l’appelant en août 2010 pour des teignes aux deux pieds. Une radiographie réalisée en août 2010 n’a révélé aucun ostéophyte au pied; l’appelant avait probablement une fasciite plantaire. En février 2011, il a été envoyé faire de nouvelles radiographies lombaires et de l’articulation sacro-iliaque, qui ont révélé une sténose, une sclérose et une dégénérescence au niveau L5/S1. Les autres résultats étaient normaux. Il avait utilisé une canne lors de ses dernières visites chez le médecin et continuerait certainement à avoir des problèmes de dos en vieillissant. Une consultation ophtalmologique en mars 2007 a révélé que l’examen était sans particularité, si ce n’est un décollement du vitré postérieur à l’œil droit pouvant résulter d’une ancienne blessure. Le 9 février 2011, l’appelant a signalé qu’il avait encore des étourdissements et la vision trouble, mais le tomodensitogramme du cerveau réalisé en novembre 2010 était normal. En décembre 2008, des formulaires ont été remplis pour permettre à l’appelant de participer à un voyage en motoneige au Manitoba avec les Rangers. L’appelant a été déclaré apte à y participer.
  5. Un questionnaire de l’employeur rempli le 2 mars 2011 par l’adjudant E. Peeters des Rangers indiquant que les tâches comprenaient les déplacements, le camping, la rédaction de rapports et des compétences de base en plein air. L’emploi était à temps partiel et fondé sur la disponibilité. L’appelant serait embauché à nouveau la saison prochaine. Les Rangers n’avaient aucun dossier indiquant que l’appelant n’était pas disponible pour des raisons médicales, et aucun équipement spécial ni aucune mesure d’adaptation n’avait été demandé pour lui.

[21] Les détails concernant les revenus de l’appelant indiquent qu’en 2008, 2009, 2010 et 2011 il avait des revenus d’emploi du gouvernement du Canada de 6 948,00 $, de 14 490,00 $; de 7 825,00 $ et de 2 368,00 $ respectivement.

[22] L’appelant a été informé dans une lettre datée du 10 mars 2011 que ses prestations d’invalidité cesseraient après le paiement de février 2011.

[23] En septembre 2011, l’appelant a demandé une révision de la décision. La demande a été faite après l’expiration du délai de 90 jours établi dans le RPC, mais la demande tardive a été acceptée. L’appelant a donc fourni une liste des médecins qu’il avait consultés entre 1988 et 1996, et des notes cliniques du Dr Wagenaar indiquant qu’en 2011 il l’avait vu aux dates suivantes : les 1er mars et 18 mars pour de l’hypertension essentielle; le 21 avril pour des palpitations à l’effort, et il a été souligné qu’il était stressé par la cessation de sa pension d’invalidité et avait besoin d’une nouvelle évaluation d’un chirurgien; le 3 octobre pour des médicaments et pour faire remplir des formulaires de bien-être social; le 22 novembre pour des douleurs, une blancheur à la main gauche et des problèmes de sommeil. Il ne prenait aucun médicament sur ordonnance pendant cette période, à l’exception du Coversyl pour son hypertension et du Restoril pour le sommeil. Ses diagnostics étaient les suivants : hypertension essentielle et [traduction] « arthrose et troubles connexes ».

[24] La décision de maintenir l’annulation des prestations après révision a été rendue le 6 mars 2012. Les motifs de la décision étaient les suivants :

[traduction]

Les renseignements figurant dans votre dossier révèlent que, depuis 2008, vous êtes membre de la patrouille des Rangers canadiens et que, bien que la nature du travail ne soit pas régulière et véritablement rémunératrice, les renseignements médicaux révèlent que vous êtes en mesure d’accomplir certaines tâches. Étant donné que vous devez remplir les fonctions d’un patrouilleur des Rangers, il ressort clairement que vous êtes capable de détenir régulièrement des tâches légères ou un travail sédentaire véritablement rémunérateurs.

[25] L’appelant a présenté une nouvelle demande de prestations d’invalidité en mai 2013, accompagnée de rapports médicaux déjà au dossier ainsi que d’un nouveau questionnaire relatif aux prestations d’invalidité et d’un nouveau rapport médical du Dr Wagenaar.

[26]  Dans son rapport daté du 29 avril 2013, le Dr Wagenaar a indiqué que l’appelant souffre d’hypertension et de douleur lombaire mécanique. La chirurgie qu’il a subie il y a de nombreuses années n’a pas réussi. Il a été déterminé qu’une autre chirurgie ne lui serait pas utile et qu’il avait épuisé toutes les modalités de traitement. La seule solution serait de le diriger vers une clinique de la douleur.

[27] L’appelant a rempli son Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité le 14 mars 2013. Il a indiqué qu’il avait travaillé comme [traduction] « chauffeur – service général – transport » de juin 1999 à septembre 2011, date à laquelle il a arrêté en raison de [traduction] « problèmes plus graves au dos et d’hypertension artérielle ». Il a travaillé comme concierge dans un Dairy Queen pendant deux heures par jour, sept jours par semaine d’août à novembre 2012, mais a dû arrêter en raison de douleurs aiguës au dos et au cou, de stress et d’hypertension artérielle.

[28] Dans un rapport daté du 6 mars 2015, le Dr C. Matwijecky, neurochirurgien, reprend l’historique des procédures et des symptômes de l’appelant. Le Dr Matwijecky signale que l’appelant prend du sulfate de morphine en plus de médicaments pour son hypertension artérielle. Après avoir fait un examen physique et neurologique, le Dr Matwijecky a conclu que l’appelant souffrait d’une douleur dorsale mécanique chronique apparentée à discopathie dégénérative de la colonne et à une arthropathie facettaire. Il n’y avait aucun signe de lésion causée par la compression des racines nerveuses. Il devait avoir de nouvelles scintigraphies osseuses et une IRM de la colonne lombaire. Le Dr Matwijecky a parlé avec l’appelant du maintien d’une bonne posture et de la bonne mécanique du dos et l’a encouragé à voir s’il pouvait trouver un type de travail qu’il pouvait faire à domicile à l’ordinateur ou par téléphone, même s’il [traduction] « est incapable d’effectuer un travail moyennement ou très exigeant sur le plan physique ».

[29] L’appelant et son épouse, C. H., ont témoigné sous serment à l’audience.

[30] L’appelant a témoigné qu’il avait appris que l’intimé ne pouvait pas cesser de verser une pension d’invalidité une fois qu’elle avait été accordée.

[31] L’appelant a déclaré que vers 1999 il avait joint les Rangers officieusement parce que son père y participait et qu’il n’aimait pas que son père fasse seul des aller-retour à X, où la patrouille était établie. Au début, sa participation se limitait au tir à la cible une fois par mois, et à du camping pendant [traduction] « quelques jours ». Cette participation était volontaire. Après un certain temps, les participants se sont fait rembourser leur kilométrage et leurs repas par le gouvernement du Canada et ils ont aussi commencé à être rémunérés pour une partie de leur temps. L’appelant s’est inscrit avec d’autres personnes. Le processus consistait à remplir des formulaires. Aucun certificat ou examen médical n’était requis.

[32] L’appelant a déclaré qu’il avait alors été classifié comme chauffeur avec fonctions générales. De façon générale, il devait conduire jusqu’au centre d’entraînement d’X, près de X, à partir de sa résidence à X, et ensuite transportait des participants de leur logement sur la base jusqu’au champ de tir situé à environ un demi-mille de là. Il exécutait d’autres tâches, notamment la prise en charge de passagers à l’aéroport, l’établissement de salles de classe, et l’approvisionnement des formateurs en fournitures. Il a déclaré qu’il passait beaucoup de temps assis dans son camion près du champ de tir ou dans la base, à attendre de prendre la route. Il était rémunéré depuis le moment où il quittait la maison jusqu’à son retour, qu’il fasse quelque chose ou non. Il a déclaré qu’il travaillait quand on l’appelait, soit environ deux fois par année à titre de chauffeur et une fois par année pour aider à mettre en place la formation. Par moment, il était incapable d’y aller parce qu’il était trop occupé avec d’autres choses, comme ses rendez-vous médicaux. Il a refusé quelques fois parce qu’il avait mal au dos. Il a témoigné qu’il ne pensait pas qu’il aurait pu s’y rendre plus souvent si on l’avait appelé. Il croit qu’il avait dépassé ses limites et en avait peut-être trop fait parce qu’il pouvait sentir la douleur dans son dos comme des coups de poignard.

[33] L’appelant a déclaré que, pendant le voyage de motoneige pour lequel il avait reçu l’autorisation du médecin en décembre 2008, il n’avait jamais monté sur une motoneige et n’avait aucune intention de le faire. Son travail consistait à rester dans un fourgon grand volume d’une tonne et ensuite dans un camion de marchandises qui accompagnait les motoneigistes pendant leur voyage, pour leur distribuer du matériel. L’appelant avait accepté de faire la partie du voyage qui se déroulait en Colombie-Britannique. Il était passager dans la fourgonnette qui s’est rendue de X à X, s’est rendu sur le continent en traversier et a ensuite rencontré les motoneigistes à Terrace. Il avait ensuite été passager dans le camion de marchandises jusqu’à ce que le groupe atteigne X, après quoi l’appelant est rentré chez lui. Il a témoigné qu’il n’avait pas l’intention d’aller plus loin que la Colombie-Britannique et que, de toute façon, son arthrite le faisait souffrir en raison du froid extrême.

[34] L’appelant a déclaré qu’au cours de l’été 2009 il avait travaillé dans le cadre de compétitions et d’exercices qui ont eu lieu à X, en Alberta, et à X. Il a passé environ un mois à X, est retourné à la maison pendant environ deux jours, s’est rendu à X pour aider à l’entraînement et s’est ensuite rendu à X pour travailler dans le cadre d’une compétition de deux semaines. Il a évalué qu’il a été soit à X, à X ou à X pendant environ sept à huit semaines.

[35] Pendant qu’il était à X, l’appelant vivait dans un logement qui lui était fourni. Il travaillait avec trois autres personnes dans la salle des fournitures, à distribuer des articles comme des vestes, des sacs de couchage et des boîtes-repas à de jeunes Rangers. Il a ajouté qu’il avait pu exécuter ce travail parce qu’il y avait beaucoup de temps morts pendant lesquels il pouvait s’allonger dans sa chambre ou s’asseoir et lire. Il a déclaré qu’il était probablement allé s’étendre trois ou quatre fois par jour.

[36] Après son retour en Colombie-Britannique depuis X, l’appelant s’est rendu presque immédiatement à X où il est resté une semaine pour y conduire les compétiteurs de leur logement au champ de tir qui se trouvait à dix ou douze milles de là et à les ramener. Il faisait ce trajet une fois par jour et, pendant qu’il attendait au champ de tir, il [traduction] « restait aux alentours » ou servait de sentinelle, c’est-à-dire qu’il devait marcher ou s’asseoir dans un camion en s’assurant que les gens restaient à l’extérieur du champ de tir. Il a dit qu’il y avait très peu de gens sur place et que son travail n’était pas trop exigeant.

[37] L’appelant a déclaré qu’il avait ensuite pris l’avion jusqu’à X pour travailler pendant une compétition au champ de tir Connaught. Il a travaillé à nouveau comme chauffeur général, pour amener les concurrents des casernes jusqu’au champ de tir qui était à environ un demi-mille de là. Il faisait deux aller-retour par jour. Pendant les temps morts, il [traduction] « s’assoyait ou se promenait » et regardait les compétitions.

[38] L’appelant a déclaré que presque tous ses revenus de 14 490 $ en 2009 provenaient de son travail à X, X et X. Il a témoigné qu’il touchait 120 $ par jour, et que son kilométrage, ses frais de repas et d’hébergement (le cas échéant) étaient remboursés. Il n'a pas déclaré ce travail à l’intimé parce qu’il ne savait pas combien il avait gagné.

[39] Madame C. H. est aussi membre des Rangers. L’appelant et elle ont été catégoriques sur le fait que tout l’argent qu’ils ont reçu du gouvernement – que ce soit à titre de rémunération ou de remboursement de frais – était considéré comme un revenu et que tous les montants indiqués comme revenu pour l’appelant dans les Précisions concernant les gains comprenaient ces remboursements.

[40] L’appelant a déclaré que ses gains de 2010 étaient inférieurs parce qu’il n’avait pas participé à de grands événements comme il l’avait fait l’année précédente. Ils étaient encore moins élevés en 2011 parce qu’il n’était plus appelé aussi souvent pour travailler à cette époque et que, de toute façon, son dos et ses genoux [traduction] « le lâchaient » et qu’il commençait à avoir de l’arthrite aux mains. Il ne sait pas s’il aurait refusé de travailler davantage si on l’avait appelé plus souvent en 2011. Le dernier travail qu’il a fait pour les Rangers était de vérifier les numéros de série sur des armes à X en septembre 2011. Il a obtenu une libération volontaire des Rangers parce qu’il n’était plus appelé pour travailler et qu’il croyait en avoir trop fait dans le passé.

[41] L’appelant a déclaré qu’il avait commencé à travailler comme concierge dans un Dairy Queen en août 2012. Il s’agissait d’un petit établissement dont le nettoyage prenait seulement deux heures. Il n’accomplissait que de légers travaux et trouvait difficile de faire tout mouvement de torsion. Il prenait du Tylenol 3 ou de la morphine pour maîtriser sa douleur pendant qu’il occupait cet emploi. Il a témoigné que, lorsqu’il a consulté le Dr Matwijecky, il lui a dit de ne pas faire de travail de nettoyage. En novembre 2012, il ne se sentait plus capable de faire ce travail et a démissionné. Il n’a occupé aucun autre emploi depuis.

[42] L’appelant a témoigné qu’il était incapable de faire quelque travail sédentaire que ce soit à l’ordinateur ou autrement. Il a dit qu’il ne s’y connaissait pas particulièrement bien en matière d’ordinateur et que, de toute façon, il ne pouvait rester assis ou se tenir debout pendant de longues périodes sans avoir besoin de s’allonger. Il ne croit pas qu’il serait capable de travailler pendant des périodes régulières ou rémunératrices.

[43] L’appelant a nié avoir fait des réparations automobiles de nature générale après les années 1970, et a dit qu’il était incapable de travailler sur son propre véhicule depuis deux ou trois ans. Il ne fait pas de camping ou d’autres activités de plein air depuis de nombreuses années. Il n’a jamais tondu la pelouse dans un immeuble d’habitation et, en fait, ne peut même pas tondre la pelouse de ses parents. Il n’a jamais été responsable d’un immeuble d’habitation. Madame C. H. et lui ont déclaré que leurs faibles revenus aujourd’hui et dans le passé ont limité la capacité de l’appelant de se procurer des médicaments d’ordonnance, de se déplacer pour obtenir des soins de santé et de suivre une formation pour un nouvel emploi. Lorsqu’il n’a pas assez de médicaments, il les rationne. Il passe du temps dans une cuve thermale et, sinon, ne fait pas grand-chose.

Observations

[44] L’appelant a fait valoir que, puisqu’il avait obtenu une pension d’invalidité dans le passé, l’intimé ne devrait pas être en mesure de l’annuler et que, de toute façon, il continue d’être invalide depuis novembre 1995.

[45] L’intimé a soutenu que l’appelant avait cessé d’être invalide en mars 2011 pour les raisons suivantes :

  1. même s’il ne pouvait pas continuer à travailler pour son ancien employeur en raison de ses problèmes de dos, rien n’indique qu’il a essayé un autre type de travail plus léger qui était mieux adapté à ses limitations;
  2. il été membre actif des Rangers et a reçu une rémunération à ce titre de 2008 à 2011, et cette activité démontre qu’il est régulièrement capable de détenir un certain type d’emploi véritablement rémunérateur;
  3. il a peu souvent consulté les médecins pour faire évaluer son problème de dos ou obtenir un traitement continu pour celui-ci, et a indiqué n’avoir vu aucun spécialiste depuis les années 1990.

Analyse

[46] L’appelant a fait valoir que l’intimé ne pouvait cesser le paiement de prestations d’invalidité après les avoir accordées. S’il a bel et bien obtenu ce renseignement, celui-ci était inexact. L’alinéa 70(1)a) du RPC prévoit expressément qu’une pension d’invalidité cesse d’être payable avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide.

[47] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est déclarée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

[48] Je m’explique mal pourquoi l’appelant a été déclaré comme étant atteint d’une invalidité grave et prolongée en novembre 1995. Il existait peu d’éléments de preuve objectifs appuyant la prétention selon laquelle il était invalide à cette date, même dans les comptes rendus rétrospectifs obtenus par l’intimé au cours des cinq années qu’il a fallu pour prendre la décision. En outre, l’appelant n’avait que 35 ans, aurait refusé de suivre un programme de réadaptation et semble n’avoir fait aucun effort pour se recycler ou trouver un emploi sédentaire jusqu’à la date où a été prise la décision en 2000.

[49] Néanmoins, après plusieurs années d’enquête, l’intimé a déterminé que l’appelant était invalide depuis novembre 1995 et, au cours des trois révisions subséquentes, a maintenu sa décision. Ces décisions doivent être traitées comme ayant été correctes, jusqu’à la dernière décision de maintenir les prestations qui a été prise le 30 octobre 2009 (Kinney c. Canada (Procureur général) 2009 CAF 158).

[50] Afin de déterminer si l’appelant a cessé d’être invalide, le Tribunal ne doit pas simplement procéder au genre d’analyse que propose l’intimée dans ses observations. Il incombe à l’intimé de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a cessé d’être invalide parce qu’il ne respectait plus les exigences de l'alinéa 42(2)a) (Atkinson c. Canada (Procureur général) 2014 CAF 187). Pour ce faire, l’intimé doit établir que les problèmes de santé sur lesquels étaient fondés les paiements d’invalidité s’étaient améliorés au point où l’appelant n’était plus admissible (Boudreau c. MDRH, 2000 CP 11626).

[51] Par conséquent, l’intimé doit prouver que l’état de l’appelant a changé d’une façon quelconque après le 30 octobre 2009. Il peut s’agir d’une amélioration au plan médical, d’une amélioration des symptômes et des limitations, ou d’une amélioration de la capacité de travailler.

[52]  L’intimé ne se fonde sur aucune preuve médicale objective pour appuyer sa prétention selon laquelle l’état de l’appelant s’est amélioré. En fait, les radiographies de 1997 et celles qui ont été réalisées par la suite révèlent une dégénérescence de la colonne lombaire depuis 1996. Les notes et les rapports de consultations médicales indiquent que l’appelant a continué de se plaindre de douleur au dos et qu’il avait en plus divers problèmes légers non reliés. Il a rarement vu son médecin. Il n’y a jamais eu d’enquête sérieuse quant à son état psychologique même si l’on a fait référence à l’occasion à un enrobage fonctionnel et à une incapacité émotionnelle de faire face à son environnement et à son milieu de travail, ce qui est le cas depuis novembre 1995. Aucune preuve médicale n’indique une amélioration de l’état de l’appelant après octobre 2009.

[53] En tout temps, l’appelant a décrit des symptômes et des limitations d’une ampleur qui n’a jamais été appuyée par les rapports médicaux objectifs. Ses rapports subjectifs n’indiquent pas d’amélioration de ceux-ci après octobre 2009.

[54] Lorsqu’il existe une preuve de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117). L’intimé fait valoir qu’il n’existe aucune preuve selon laquelle l’appelant a essayé de faire d’autres types de travaux plus légers qui convenaient mieux à ses limitations.

[55] Lorsque la décision d’accorder une pension d’invalidité à compter de novembre 1995 a été prise, la preuve dont disposait l’intimé indiquait que l’appelant n’avait pas tenté d’occuper un emploi même si son médecin en avait évoqué la possibilité. L’intimé a déterminé qu’il était invalide à cette époque, malgré l’absence de preuve objective selon laquelle l’appelant n’avait pas la capacité d’essayer un certain type de travail. L’intimé a pris trois décisions subséquentes selon lesquelles l’appelant était invalide – en 2005, en 2006 et en 2009 – et, bien que cela n’ait pas été précisé, celles-ci doivent avoir été fondées sur la conclusion selon laquelle il n’avait pas la capacité résiduelle de travailler et, donc, qu’il n’était pas obligé de démontrer qu’il avait essayé de trouver un emploi ou de le conserver conformément à la jurisprudence. L’intimé ne peut pas maintenant soutenir que l’appelant aurait dû tenter d’occuper un emploi plus léger après avoir cessé de travailler pour MacMillan Bloedel en 1995. Dans les quatre décisions prises depuis ce temps, il ressort implicitement qu’il était incapable de le faire du moins jusqu’à la date de la dernière décision de maintenir ses prestations, qui a été prise le 30 octobre 2009.

[56] L’intimé doit démontrer que la capacité de travailler de l’appelant s’est améliorée après le 30 octobre 2009. La preuve établit qu’en 2009 et pendant plusieurs années auparavant l’appelant était capable de travailler et de faire du bénévolat auprès des Rangers lorsqu’on le lui demandait. Ses fonctions n’étaient pas particulièrement exigeantes, mais n’étaient pas sédentaires. Il a travaillé à temps plein pendant environ huit semaines en 2009, quoique dans des conditions favorables qui lui permettaient de reposer son dos régulièrement.

[57] Le Tribunal doit tenir compte de cette preuve, qu’elle ait été ou non connue ou prise en compte par l’intimé lorsqu’il a pris sa décision en octobre 2009. L’intimé savait que l’appelant avait tiré un revenu de ses activités avec les Rangers jusqu’en 2008 inclusivement. Le fait qu’il n’ait pas effectué de recherches plus détaillées quant à l’étendue de sa participation ou que l’appelant n’ait pas déclaré ses gains de 2009 à cette époque n’est pas pertinent à la présente décision. Si l’intimé souhaitait revoir le fondement sur lequel avaient été prises ses décisions antérieures, il aurait pu le faire à partir de nouveaux faits comme le prévoit le paragraphe 81(3) du RPC. Il ne peut le faire dans la présente instance.

[58] Aucun élément de preuve n’indique que la capacité de travailler de l’appelant s’est améliorée après le 30 octobre 2009. Il a continué à travailler avec les Rangers, en exécutant des tâches de chauffeur en tout genre lorsqu’on faisait appel à lui. Ses gains en 2010 étaient semblables à ce qu’il avait gagné en 2008. En 2011, ils étaient beaucoup moins élevés. Il a quitté les Rangers pour des raisons de santé après 2011. En 2012, il a travaillé deux heures par jour dans le cadre d’un emploi de nettoyage léger et a dû démissionner trois mois plus tard. Il n’a pas travaillé depuis ce temps.

[59] Le Tribunal conclut qu’il n’existe aucune preuve d’amélioration de l’état de santé de l’appelant, de ses symptômes et de ses limitations, ou de sa capacité de travailler depuis que la dernière décision selon laquelle il était invalide a été prise en octobre 2009.

Conclusion

[60] Le Tribunal conclut que l’intimé n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a cessé d’être invalide aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC) à un moment quelconque après octobre 2009 jusqu’à la date de la présente audience.

[61] L’appel est accueilli.

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