Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 21 avril 2015. La division générale a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin d’accorder à la demanderesse un délai supplémentaire pour le dépôt d’un avis d’appel, parce qu’elle a jugé que sa cause n’était pas défendable.  La demanderesse a préparé une lettre datée du 8 mai 2015 et l’a présentée au Tribunal de la sécurité sociale le 11 mai 2015. Le Tribunal de la sécurité sociale accepte sa lettre en tant que demande de permission d’en appeler à la division d’appel. Pour accorder cette permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Contexte et historique de l’instance

[2] La demanderesse a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) pour la première fois le 2 juin 1992. Selon une note d’information de l’intimé, la demanderesse a en fait touché une pension d’invalidité du RPC de juillet 1991 jusqu’à février 1998, après quoi elle a recommencé à travailler (document GD7, page 46).

[3] La demanderesse a de nouveau présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 27 avril 2011 (document GD7, pages 42 à 45), et l’intimé a rejeté cette demande le 11 mai 2011. L’intimé a noté que la demanderesse touchait une pension de retraite du RPC depuis mai 2006 (N.B. : la note d’information indique que la demanderesse touchait une pension de retraite du RPC depuis mars 2006). L’intimé a informé la demanderesse que le Régime de pensions du Canada ne permet pas à une personne de recevoir en même temps une pension d’invalidité du RPC et une pension de retraite du RPC. L’intimé a expliqué qu’une pension de retraite du RPC pouvait être annulée et remplacée par une pension d’invalidité du RPC seulement si le demandeur était réputé être devenu invalide avant le début de la pension de retraite du RPC. L’intimé a dit que dans cette affaire, toutefois, puisque la demanderesse avait demandé des prestations d’invalidité du RPC en avril 2011, elle ne pouvait pas être réputée invalide avant janvier 2010, ce qui était bien après la date où elle avait commencé à toucher une pension de retraite (document GD7, page 26). La demanderesse n’a pas demandé une révision de la décision de l’intimé.

[4] La demanderesse a demandé une pension d’invalidité du RPC une troisième fois le 10 juin 2013, à l’âge de 68 ans (document GD7, pages 21 à 24). Elle touchait déjà une pension de retraite du RPC. La demanderesse demande la permission d’en appeler relativement à sa troisième demande de pension d’invalidité du RPC.

[5] Dans le questionnaire accompagnant la troisième demande de pension d’invalidité, la demanderesse a déclaré qu’elle avait été atteinte d’un cancer en avril 2008 et que, depuis, elle était incapable de travailler en tant que commis comptable et avait réussi à se faire embaucher une seule fois. Elle a précisé que son dernier emploi avait été à titre de démonstratrice professionnelle dans un entrepôt, de mai 2012 à janvier 2013. Elle a indiqué qu’elle avait arrêté de travailler pour cause de maladie. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait plus travailler depuis avril 2008, alors qu’elle avait presque 63 ans. Elle a énuméré de nombreuses difficultés et limitations fonctionnelles dans le questionnaire (document GD7, pages 97 à 103).

[6] Le relevé des gains touchés par la demanderesse jusqu’en 2013 indique des gains et des cotisations au Régime de pensions du Canada de 1967 à 2012, sauf pour les années 1971, 1973 à 1976, 1984, 1991 à 1998, 2003, 2005 et 2006.  Bien que la division générale n’ait pas tenu compte de cet élément, j’ai calculé quelle était la période minimale d’admissibilité de la demanderesse, et elle devait être considérée invalide au plus tard le 31 décembre 2005.

[7] L’intimé a refusé la troisième demande de pension d’invalidité pour la première fois le 19 juin 2013. L’intimé a expliqué que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences du Régime de pensions du Canada, puisqu’elle avait eu 65 ans bien avant la date réputée de l’invalidité, soit mars 2012, selon ce qui avait été calculé en application du Régime de pensions du Canada (document GD7, page 14).

[8] Dans une lettre du 24 juin 2013 envoyée à l’intimé, la demanderesse a dit qu’en fait, elle était invalide en avril 2008, à l’âge de 63 ans. Elle a précisé qu’elle avait été opérée à cette période et qu’elle avait ensuite eu un traitement intensif (document GD7, page 13).

[9] Dans une lettre du 18 avril 2014, la demanderesse a indiqué qu’elle avait touché une pension d’invalidité du RPC après un accident survenu en octobre 1989. Elle demandait pourquoi l’intimé, qui aurait eu accès à son dossier, ne lui avait pas signalé qu’elle avait déjà touché une pension d’invalidité du RPC par le passé, lorsqu’elle avait demandé une pension de retraite du RPC (document GD7, page 8).

[10] Dans une décision de révision datée du 2 mai 2014, l’intimé a rejeté la demande de pension d’invalidité de la demanderesse, en soulignant de nouveau qu’elle avait atteint l’âge de 65 ans lorsqu’elle avait demandé une pension d’invalidité du RPC le 10 juin 2013 (document GD7, page 6).

[11] Le 13 mai 2014, la demanderesse a tenté d’interjeter appel de la décision de révision auprès de l’intimé, mais a été informée par ce dernier, dans une lettre datée du 23 juin 2014, que l’appel devait être interjeté en bonne et due forme devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (document GD7, page 4).

[12] La demanderesse a interjeté appel de la décision de révision devant la division générale le 7 juillet 2014 (« l’avis d’appel »). Elle a déclaré qu’elle était atteinte d’une invalidité depuis le 10 octobre 1989, lorsqu’elle avait eu un accident, et que depuis, elle avait dû composer avec [traduction] « des événements très traumatisants qui avaient changé sa vie », notamment le diagnostic d’un cancer du sein bilatéral avancé en avril 2008 (document GD1).

[13] Dans son avis d’appel, la demanderesse a indiqué quand elle avait reçu la décision de révision, mais la date est pour ainsi dire illisible. Étant donné qu’elle avait tenté d’interjeter appel auprès de l’intimé le 13 mai 2014, elle aurait reçu la décision de révision entre le 2 et le 13 mai 2014.

[14] Dans une lettre datée du 11 juillet 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a informé la demanderesse que son avis d’appel était incomplet, en indiquant :

[Traduction]

Pour que l’appel puisse être déposé, le Tribunal doit recevoir, sans tarder, les renseignements suivants par écrit :

  • une copie de la décision de révision qui fait l’objet de l’appel (remarque : si vous n’avez pas demandé à Service Canada de rendre une telle décision, vous devez en faire la demande avant d’interjeter appel devant le Tribunal).

Délai pour déposer l’avis d’appel

Un avis d’appel complet doit être reçu dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision de révision du ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada a été communiquée à l’appelant.

Dépôt de l’avis d’appel après le délai prévu

Si vous souhaitez poursuivre votre appel et ne fournissez pas les renseignements requis à l’intérieur du délai mentionné ci-dessus, vous devrez demander, sans tarder, une prolongation du délai pour déposer l’avis d’appel complet. Pour demander une prolongation, vous pouvez fournir une explication écrite ou remplir la section 2B du formulaire d’avis d’appel (ci-joint) en fonction de tous les critères suivants :

  1. a) si vous aviez l’intention constante de poursuivre l’appel;
  2. b) si la cause est défendable;
  3. c) s’il y a une explication raisonnable pour le retard;
  4. d) si le fait de prolonger le délai porterait préjudice aux autres parties.

[15] Le 14 juillet 2014, la demanderesse a soumis au Tribunal de la sécurité sociale une lettre accompagnée d’un certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées qui avait été rempli, d’une lettre de la BC Cancer Agency datée du 14 août 2008, de sa déclaration de revenus de 1992, et d’un dossier de la salle d’urgence du Langley Memorial Hospital.  La demanderesse a modifié l’avis d’appel en présentant ses motifs d’appel de façon plus concise. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas été capable de demander une pension d’invalidité du RPC pendant la période où elle avait entre 60 et 65 ans, puisqu’elle ne savait pas que ces prestations existaient et en raison d’événements graves dans sa vie (document GD2).

[16] Le 11 août 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé une lettre de suivi à la demanderesse pour lui rappeler que l’avis d’appel était incomplet et qu’elle devait fournir une copie de la décision de révision et préciser la date à laquelle cette décision lui avait été communiquée.

[17] Le 15 août 2014, la demanderesse a soumis au Tribunal de la sécurité sociale une copie de la décision de révision rendue par l’intimé (document GD1A).

[18] Le 18 août 2014, la demanderesse a soumis une autre lettre au Tribunal de la sécurité sociale. Elle voulait clarifier certains points. Elle a dit que, lorsqu’elle avait eu un accident en octobre 1989, qui avait entraîné des déficiences permanentes, quelqu’un lui avait recommandé de demander des prestations d’invalidité du RPC. Elle avait compris qu’il s’agissait d’un programme de soutien temporaire seulement et pensait que, puisque cela réduirait sa pension de retraite du RPC, elle devait cesser de toucher ces prestations le plus tôt possible. Elle a par la suite obtenu du travail chez un employeur qui a pris des mesures d’adaptation en milieu de travail à son intention (document GD3).

[19] Le 10 octobre 2014, la demanderesse a soumis une autre lettre, datée du 13 juillet 2014. Elle a de nouveau déclaré que personne ne lui avait dit qu’elle pouvait demander une pension d’invalidité du RPC (document GD4).

[20] Le 14 novembre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à la demanderesse pour lui dire que, puisque son avis d’appel semblait être en retard, elle pouvait demander une prolongation du délai pour le déposer en fournissant une explication écrite ou en remplissant la section  2B du formulaire d’avis d’appel, où elle devait préciser si elle avait eu l’intention constante de poursuivre l’appel, si la cause était défendable, s’il existait une explication raisonnable pour le retard, et si la prolongation du délai pour déposer l’avis d’appel porterait préjudice aux autres parties.

[21] Le 28 novembre 2014, la demanderesse a envoyé une autre lettre où elle répondait aux questions énoncées dans la lettre du Tribunal de la sécurité sociale datée du 14 novembre 2014 (document GD5).

[22] Le 15 décembre 2014, la demanderesse a soumis une autre lettre au Tribunal de la sécurité sociale. Elle y répétait que, si elle avait connu l’existence d’une pension d’invalidité du RPC, elle aurait demandé cette pension en même temps que la pension de retraite du RPC. Elle a déclaré que, après son accident en 1989, elle avait touché une pension d’invalidité du RPC, mais que puisqu’elle croyait que cette pension diminuerait la pension de retraite du RPC, elle avait trouvé un travail sédentaire dès qu’elle avait pu. La pension d’invalidité du RPC a été interrompue lorsque la demanderesse a recommencé à travailler (document GD6).

[23] Le 21 avril 2015, la division générale a rendu sa décision, où figuraient les conclusions suivantes :

  • Compte tenu d’un délai raisonnable d’acheminement par la poste, la demanderesse a reçu la décision de révision le 12 mai 2014.
  • La demanderesse n’a pas complété son avis d’appel avant le 28 novembre 2014, lorsqu’elle a expliqué pourquoi l’appel avait été déposé en retard.

[24] Finalement, la division générale n’a pas prolongé le délai pour le dépôt de l’avis d’appel puisqu’elle a conclu que la cause de la demanderesse n’était pas défendable. La demanderesse avait 68 ans lorsqu’elle a demandé des prestations d’invalidité du RPC le 10 juin 2013, et la division générale a établi qu’un demandeur pouvait toucher une pension d’invalidité seulement jusqu’à l’âge de 65 ans.

[25] Si j’accepte que l’avis d’appel a été complété le 28 novembre 2014, cela signifie que l’appel a été déposé près de 120 jours en retard.

[26] La demanderesse a immédiatement présenté une demande de permission d’appeler de la décision de la division générale, le 11 mai 2015.

[27] L’intimé n’a pas présenté d’observations écrites.

Observations

[28] La demanderesse appelle de la décision de la division générale, au motif qu’elle a été rendue dans un processus injuste du RPC concernant l’invalidité.

[29] La demanderesse allègue que le gouvernement du Canada aurait dû l’informer qu’une pension d’invalidité était disponible lorsqu’elle a demandé une pension de retraite du RPC et qu’il ne devrait pas imposer aux particuliers le fardeau de s’informer à propos de ces prestations. La demanderesse souligne que les Services sociaux l’ont catégorisée comme étant une personne handicapée. Elle mentionne aussi que l’un des formulaires d’impôt de l’Agence du revenu du Canada permet d’indiquer l’invalidité, de sorte qu’elle a pu recevoir des renseignements sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées.

[30] La demanderesse dit avoir appris l’existence de la pension d’invalidité du RPC en mai 2011, alors qu’elle était encore malade à cause des traitements contre le cancer et de leurs répercussions. Elle était aussi aux prises avec une dépression.

[31] En résumé, la demanderesse soutient que la pension de retraite qu’elle touche depuis 2006 devrait être annulée et remplacée par une pension d’invalidité payable à compter d’avril 2008, date où elle est devenue incapable de travailler selon ses dires, jusqu’en mai 2010, le mois où elle a eu 65 ans.

Analyse

[32] La demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF)). Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[33] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[34] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent à au moins un des moyens d’appel prévus et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[35] La demanderesse n’a pas soulevé de motif correspondant aux moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi. Elle affirme que le processus relatif à l’invalidité est injuste, mais elle n’allègue pas que la division générale a enfreint un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, que la division générale a commis une erreur de droit ou qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Au moins une erreur susceptible de contrôle doit avoir été commise par la division générale, de sorte que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

[36] Bien que la demanderesse n’ait soulevé aucun moyen d’appel prévu, le paragraphe 58(1) de la Loi permet à la division d’appel de déterminer si une erreur de droit a été commise, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[37] Selon le paragraphe 52(1) de la Loi, l’appel d’une décision doit être interjeté devant la division générale selon les modalités prévues par règlement et dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision. Dans ce cas‑ci, le délai de 90 jours prenait fin le 10 août 2014. La division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas complété son avis d’appel avant le 28 novembre 2014, lorsqu’elle a fourni des raisons pour expliquer pourquoi elle déposait son appel en retard.

[38] Le paragraphe 24(1) du Règlement précise la manière dont un appel doit être présenté. L’appel doit être présenté selon la forme prévue par le Tribunal de la sécurité sociale sur son site Web et contenir les renseignements prévus dans le paragraphe en question. Ce paragraphe ne prévoit pas que le demandeur doit donner les raisons pour lesquelles la division générale devrait prolonger le délai pour le dépôt de l’appel.

[39] Même si la demanderesse ne l’a pas souligné, son avis d’appel semble avoir été complété le 15 août 2014, quelques jours après qu’elle ait reçu une lettre du Tribunal de la sécurité sociale lui rappelant qu’elle n’avait pas envoyé la décision de révision. La demanderesse a soumis une copie de la décision de révision le 15 août 2014. Bien que l’avis d’appel puisse avoir été complété considérablement plus tôt que ce qui a été déterminé par la division générale, il a été soumis avec cinq jours de retard.

[40] La division générale aurait donc nécessairement pris en considération la demande de prolongation du délai faite par la demanderesse aux termes du paragraphe 52(2) de la Loi. Selon le paragraphe 52(2), la division générale peut proroger le délai pour interjeter appel d’au plus un an après la date où la décision est communiquée à la partie. La décision concernant la prolongation du délai est de nature discrétionnaire.

[41] La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que, pour qu’une ordonnance discrétionnaire soit annulée, l’appelant doit prouver que le décideur a commis une erreur manifeste et dominante (Imperial Manufacturing Group Inc. et Home Depot du Canada inc. c. Decor Grates Incorporated, 2015 CAF 100; Horseman c. Twinn, fonctionnaire électoral de la Horse Lake First Nation, 2015 CAF 122; Budlakoti c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 139.

[42] Dans l’arrêt Budlakoti, la Cour d’appel fédérale a fait référence à l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 (CanLII), 431 N.R. 286, dans lequel le juge Stratas a défini l’erreur manifeste et dominante comme étant un critère exigeant :

Par erreur «  manifeste  », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante  », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[43] La division générale n’en est pas arrivée à sa décision de manière arbitraire ou à sa guise. Elle a examiné et pesé les critères suivants :

  1. (i) si l’intention de poursuivre l’appel était constante;
  2. (ii) si la cause était défendable;
  3. (iii) s’il existait une explication raisonnable pour le retard;
  4. (iv) si le fait de prolonger le délai pour le dépôt de l’avis d’appel porterait préjudice aux autres parties.

[44] La division générale a conclu qu’il serait acceptable de prolonger le délai pour le dépôt de l’avis d’appel selon trois de ces quatre critères, mais qu’une analyse en fonction du critère de la cause défendable était largement défavorable à la prolongation.  Voici ce que la division générale a écrit en examinant ce critère :

[Traduction]

[12] Le Tribunal note que l’appelante a demandé des prestations d’invalidité du RPC le 10 juin 2013. Elle avait alors 68 ans. Les prestations d’invalidité peuvent être versées à un demandeur seulement jusqu’à l’âge de 65 ans.

[13] L’alinéa 44(1)b) porte que « une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans ». Le libellé de ce paragraphe n’est pas permissif. Il est sans équivoque d’après ce paragraphe qu’un cotisant doit avoir moins de 65 ans pour avoir droit à des prestations d’invalidité. L’appelante avait 68 ans quand elle a demandé les prestations. L’appel est voué à l’échec.

[45] La division générale a considéré l’âge de la demanderesse au moment de la présentation de sa demande de prestations d’invalidité du RCP comme un empêchement absolu à l’admissibilité à ces prestations, sans envisager la possibilité qu’il existe des exceptions à la règle générale.

[46] Les paragraphes 60(8) à 60(11) du Régime de pensions du Canada contiennent les dispositions relatives à l’incapacité. Selon ces dispositions, si un demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite, cette demande peut être réputée avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé.

[47] Selon le paragraphe 60(10), la période d’incapacité doit être continue à moins qu’il n’en soit prescrit autrement. Il est à noter que le paragraphe 60(11) prévoit que les paragraphes 60(8) à 60(10) ne s’appliquent qu’aux personnes incapables le 1er janvier 1991 dont la période d’incapacité commence à compter de cette date.

[48] Autrement dit, si la demanderesse avait une incapacité continue, c’est-à-dire si elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations, à partir de la date où elle a pu devenir incapable après le 1er janvier 1991 jusqu’à la date où elle a présenté sa troisième demande de pension d’invalidité du RPC, elle pourrait encore être admissible à une pension d’invalidité du RPC si elle satisfait à toutes les autres exigences du Régime de pensions du Canada.

[49] Bien qu’en fin de compte, il n’y avait peut-être pas d’éléments de preuve pour étayer une conclusion d’incapacité, ou il n’y en avait peut-être pas suffisamment, la question de savoir si la division générale a commis une erreur manifeste et dominante représente une cause défendable si la division générale n’a pas tenu compte des dispositions sur l’incapacité.

Appel

[50] Les parties pourraient vouloir que les questions suivantes soient soulevées en appel : selon le moyen à partir duquel la permission d’en appeler a été accordée, la division générale a-t-elle commis une erreur de droit? Quelle est la norme de contrôle applicable et quelles sont les mesures correctives possibles, le cas échéant?

[51] J’invite les parties à aborder également la façon dont les éléments de preuve étayent une conclusion d’incapacité après le 1er janvier 1991 jusqu’à la date à laquelle la demanderesse a demandé une pension d’invalidité du RPC en juin 2013, étant donné qu’elle affirme qu’elle était capable de travailler jusqu’en avril 2008, qu’elle avait demandé une pension de retraite en 2006 ou aux environs de 2006 et qu’elle avait aussi déjà demandé une pension d’invalidité du RPC en avril 2011. En quoi le fait que la demanderesse a présenté ces deux demandes en 2006 ou aux environs de 2006 et en avril 2011 montre-t-il qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations d’invalidité du RPC?

[52] Bien que la division générale n’ait pas abordé la question, j’invite les parties à se pencher sur la période minimale d’admissibilité de la demanderesse et la date à laquelle elle doit avoir été déclarée invalide. Si j’ai bien fait le calcul et que la période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2005, comment la demanderesse concilie-t-elle cela et le fait que dans son questionnaire et aussi récemment qu’en juin 2013, elle a déclaré être capable de travailler jusqu’en avril 2008, lorsqu’elle est tombée malade? (Je suis consciente du fait que la demanderesse dit aussi qu’elle est invalide depuis son accident en octobre 1989, mais je rejette catégoriquement cet argument, puisque la demanderesse a eu des gains et a cotisé au RPC de façon constante de 1999 à 2004, sauf en 2003.)

[53] Enfin, j’invite les parties à présenter des observations écrites sur le mode d’audience et à expliquer pourquoi l’appel devrait être tranché autrement que sur la foi du dossier écrit, sous réserve des observations additionnelles que les parties pourraient vouloir formuler, y compris en réponse à cette décision sur la permission d’en appeler.

[54] Je souligne qu’en appel, il ne s’agit pas d’instruire de nouveau l’affaire. Je veux dire par là que je n’entendrai pas la preuve ni des témoins, quoique les parties devraient être prêtes à me dire à quelle date la demanderesse a présenté une demande de pension de retraite du RPC et à préciser quand exactement elle a commencé à toucher une pension de retraite. (Le dossier d’appel contient différentes dates de début de la pension de retraite.)

Conclusion

[55] La demande est accueillie.

[56] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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