Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’interjeter appel à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est accordée.

Introduction

[2] Le 16 mars 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) a publié une décision ayant pour effet de rejeter la demande de prestations d’invalidité faite par le demandeur aux termes du Régime de pensions du Canada (le RPC). Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (la demande) de cette décision.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Les appels à l’encontre de décisions de la division générale sont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le LMEDS). Les paragraphes 56(1) et 58(3) régissent l’octroi de la permission d’en appeler. Ils prévoient qu’il « ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Les moyens d’appel sont énoncés au paragraphe 58(1). Ils comprennent l’inobservation d’un principe de justice naturelle ainsi que les erreurs de droit et les erreurs de fait.Note de bas de page 1  Il s’agit des seuls moyens d’appel offerts.

Observations

[6] Au nom du demandeur, son avocat a affirmé que la division générale a commis plusieurs erreurs de droit et a aussi rendu sa décision sans tenir compte de la documentation lui ayant été présentée.

Analyse

[7] La demande de permission d’en appeler est la première étape du processus d’appel. Le critère minimum est moins rigoureux que celui qui s’applique à l’audience d’un appel sur le fond. Or, pour se voir accorder la permission d’en appeler, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement), [1999] A.C.F. no 1252 (C.F.).

[8] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63. Le Tribunal doit donc d’abord déterminer si les motifs présentés à l’appui de la demande recoupent un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

Erreurs de droit alléguées

[9] L’avocat du demandeur a cité plusieurs éléments de la décision de la division générale qui, selon lui, constituent des erreurs de droit. Premièrement, il mentionne que même si la division générale avait discuté de la question de savoir si le demandeur souffrait d’une invalidité grave, elle ne s’est pas demandé si cette invalidité s’était prolongée. L’avocat du demandeur a affirmé que cette omission équivalait à un défaut de prendre en considération de la documentation qui se trouvait devant elle et qu’il s’agissait d’une atteinte à la justice naturelle. En raison de la nature cumulative des exigences découlant de la définition de la notion d’invalidité (soit une invalidité « grave et prolongée »), le Tribunal rejette cet argument. Ceci est la position défendue par la Cour d’appel fédérale dans Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33. Dans cette décision, laCommission d’appel des pensions s’était concentrée sur le mot « grave » dans la formulation du critère et n’avait tiré aucune conclusion au sujet du mot « prolongée ». En appel, la Cour d’appel fédérale a clarifié sa position en déclarant que « les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du RPC sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait pas à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du RPC sera rejetée ».

[10] L’avocat du demandeur a aussi avancé que la division générale a commis une erreur dans la mesure où elle n’a pas tenu compte de l’employabilité du demandeur dans un contexte réaliste. Selon lui, lorsque la division générale a analysé la question de savoir si le demandeur souffrait d’une invalidité prolongée, elle ne s’est aucunement intéressée à ses capacités fonctionnelles, ses troubles psychologiques, ses antécédents et ses compétences limitées en informatique.

[11] Cette observation soulève la question de savoir si la division générale commet une erreur lorsqu’elle omet d’examiner la question de l’employabilité dans un contexte réaliste. Le Tribunal estime que le fait de ne pas évaluer une question dans un contexte réaliste ne constitue pas toujours une erreur. Dans VillaniNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a formulé des directives claires quant à l’obligation d’effectuer une telle analyse. Il appert donc, en principe, que l’absence d’une analyse axée sur la « réalité » entraînerait nécessairement une erreur de droit. Quoi qu’il en soit, dans une décision rendue ultérieurement dans l’affaire GiannarosNote de bas de page 3, la Cour d’appel fédérale a statué qu’une telle omission ne compromettait pas nécessairement toute possibilité de décision favorable. Aucune erreur ne serait constatée si on a conclu antérieurement qu’un demandeur a conservé sa capacité de travailler. Cela est le cas du demandeur et c’est pourquoi le Tribunal juge que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

[12] La troisième observation de l’avocat du demandeur veut que la division générale ait mal appliqué les conclusions de Villani lorsqu’elle a examiné la situation du demandeur et sa capacité de trouver un autre emploi. L’avocat a affirmé que même si la division générale en était arrivée à la conclusion qu’il avait été démontré qu’une certaine forme de capacité de travail subsistait pour un emploi saisonnier ou à temps partiel en date du 31 décembre 2012 durant la PMA, dans un contexte réaliste, le demandeur de 57 ans n’était pas employable. L’avocat a déterminé que le demandeur ne serait pas en mesure de trouver un emploi saisonnier ou à temps partiel étant donné que des compétences en informatique ou une capacité d’accomplir du travail physique étaient habituellement exigées pour un tel emploi, car il avait des problèmes de mobilité visibles (il utilisait une canne), il était incapable de soulever des objets, il souffrait de douleurs chroniques, il détenait un certificat collégial en préparation d’aliments, il avait des compétences en informatique très limitées et il avait travaillé comme chef pendant 18 ans.

[13] S’appuyant sur Villani, l’avocat a soutenu que la division générale avait négligé de tenir compte de la situation du demandeur et qu’elle avait donc commis une erreur de droit.

[14] Le Tribunal juge que cet argument est lié à l’argument précédent voulant qu’au moment où la division générale avait analysé la question de savoir si le demandeur souffrait d’une invalidité prolongée, elle ait omis de s’intéresser à ses capacités fonctionnelles, à ses troubles psychologiques, à ses antécédents de travail et à ses compétences limitées en informatique. Le Tribunal applique la même analyse à cet argument. La demande de permission d’en appeler ne peut être accueillie sur la foi de cette observation.

[15] L’avocat du demandeur a poursuivi en affirmant qu’au moment où la division générale avait analysé la question de savoir si le demandeur souffrait d’une invalidité grave, elle n’a pas pris son état psychologique en considération dans la mesure où elle s’est bornée à tenir compte de son principal trouble invalidant plutôt que de l’ensemble de son état. L’avocat s’est appuyé sur la décision E.J.B. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, lorsqu’il a affirmé que cette omission était une erreur de droit.

[16] Citant la décision Taylor c. MDRH (4 juillet 1997), CP 4436, qui remonte à une époque lointaine, la Commission d’appel des pensions a déclaré que dans le cas où plusieurs problèmes médicaux sont cités, l’état physique du demandeur doit être pris en considération dans son ensemble. Le médecin de famille du demandeur a cité la [traduction] « dépression majeure » parmi les troubles qu’il a diagnostiqués. De même, dans un rapport daté du 28 février 2011 et destiné au Dr A. Somogyi, le Dr S.W. Joseph Wong posait un diagnostic selon lequel le demandeur souffrait d’un [traduction] « trouble d’adaptation s’accompagnant d’une combinaison d’anxiété, d’humeur déprimée et de phobie ». Un élément de preuve concernant l’état psychologique du demandeur avait donc été déposé devant la division générale. La décision ne fait aucunement mention de cet élément de preuve. Le Tribunal juge, suivant les conclusions de Taylor, que la division générale avait l’obligation de tenir compte de cette preuve et qu’elle ne devait pas se contenter d’en prendre note. La division générale a donc commis une erreur dans la mesure où elle n’a pas tenu compte du témoignage relatif à l’état psychologique du demandeur lorsqu’elle a évalué la gravité de son invalidité.

[17] Enfin, l’avocat du demandeur a affirmé que la division générale avait commis une erreur de droit lorsqu’elle avait omis d’évaluer et de prendre en considération la preuve de nature médicale qui lui a été soumise. Elle a résumé cette preuve, mais la décision semble porter essentiellement sur le fait que le demandeur n’a pas obtenu ni tenté d’obtenir un autre emploi, ce qui a mené à la conclusion selon laquelle il avait conservé sa capacité de travailler. Comme plusieurs des rapports médicaux cités par l’avocat du demandeur traitent directement de la question de l’employabilité du demandeur, le Tribunal estime qu’une cause défendable a été présentée.

Conclusion

[18] L’avocat du demandeur a présenté plusieurs arguments qui, selon lui, justifient la décision d’accueillir cette demande. En ce qui concerne ces arguments, le Tribunal en est arrivé à la conclusion que l’on avait soutenu à bon droit que la division générale n’avait pas pris en considération l’ensemble des troubles de santé du demandeur et que l’on n’avait pas non plus tenu compte de certains rapports médicaux. Cela corrobore la position du demandeur. Pour que sa demande de permission d’en appeler soit accueillie, il suffit au demandeur de défendre avec succès un seul moyen d’appel. Et il l’a fait.

[19] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

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