Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur demande la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale du 22 mai 2015. La division générale a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à des prestations d’invalidité, ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » au sens du Régime de pensions du Canada, à la date de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2007 ou préalablement à cette date. Le représentant du demandeur, un parajuriste, a déposé une demande de permission d’interjeter le 27 mai 2015 au nom du demandeur. Pour que la présente demande soit accueillie, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Le représentant du demandeur allègue que la division générale a commis les erreurs suivantes, à savoir :

  1. (a) a commis une erreur de droit en assimilant la participation à un programme de recyclage à la capacité de travailler, notamment parce que ces efforts pour suivre une nouvelle formation ou une réadaptation professionnelle avaient échoué; et
  2. (b) a commis une erreur en concluant que la dépression du demandeur préalablement à la période minimale d’admissibilité ne pouvait être grave, malgré le fait que le diagnostic ait été posé subséquemment.

[4] L’intimé n’a déposé aucune observation écrite.

Droit applicable

[5] La demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c.Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. n° 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a établi que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) énonce que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs de l’appel relèvent de l’un des moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

(a) Recyclage

[8] Le représentant allègue que le fait de prendre part à un programme de recyclage n’indique pas une capacité de travailler. Il allègue que le stage ou l’emploi offert avait été éventuellement refusé par le demandeur en raison de ses limites médicales et à cause de la gravité de ses problèmes médicaux. Le représentant fait valoir que la preuve démontre que le demandeur a fait des efforts pour obtenir un autre emploi en participant au programme de réintégration au marché du travail (RMT) de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario. Le représentant allègue que le demandeur a tenté de suivre un programme de réadaptation professionnelle, mais qu’il y avait échoué. Ces mêmes arguments ont été présentés à la division générale (GT2-3 à GT2-4).

[9] La preuve concernant la participation du demandeur au programme de RMT figure au paragraphe 10 de la décision de la division générale et se lit comme suit :

[Le demandeur] a terminé une 10e année en Russie, mais grâce à un programme de RMT de la CSPAAT, qui a pris fin en juillet 2008, il a terminé avec succès 35 semaines d’étude de l’anglais langue seconde (ALS). Il s’est blessé au bas du dos en soulevant des boîtes, le19 septembre 2006, alors qu’il travaillait comme assistant-boucher, et n’a pas travaillé depuis, à l’exception d’un stage du 2 juin au 26 juillet 2008 à titre de voiturier auprès d’une résidence pour personnes âgées, stage qu’il avait obtenu dans le cadre de son programme de RMT. Les renseignements versés au dossier indiquent qu’on lui a offert ce poste permanent à temps partiel, mais qu’il ne l’a pas accepté parce qu’il prenait alors des vacances de trois semaines. Il était considéré « apte à l’emploi » à la fin du programme de la CSPAAT le 30 juillet 2008.

[10] De plus, aux paragraphes 19, 20 et 21de ses motifs, la division générale a écrit :

[Traduction] [19] De septembre 2007 à juillet 2008, l’appelant a participé à un programme de RMT parrainé par la CSPAAT, au terme duquel il a été considéré apte à l’emploi avec de strictes contraintes de ne pas soulever de lourdes charges et d’éviter tout dur labeur. Le rapport de la CSPAAT indiquait, en effet, également que l’appelant s’était fait offrir un emploi à temps partiel à la suite d’un stage réussi à titre de voiturier pour une résidence de personnes âgées. . .

[20] L’appelant a terminé avec succès un programme de RMT moins d’un an après sa blessure, lequel programme a mené à une offre de travail. Il a eu droit avec ce programme à trente-cinq semaines de cours d’ALS. . .

[21] Si des éléments de preuve laissent entendre que le demandeur est apte à travailler, ce dernier doit prouver que les efforts qu’il a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 1177). Il incombe à l’appelant de rechercher du travail dans les limites de ses restrictions si la preuve de capacité de travailler est évidente. Le fait que l’appelant ait terminé un programme complet de recyclage et qu’il se soit fait offrir un emploi indique qu’il avait une capacité résiduelle de travailler et qu’il aurait dû se chercher un emploi dans les limites de sa capacité. Il a refusé l’emploi pour des motifs non reliés à son état de santé et il n’y a aucune preuve qu’il ait fait des efforts pour obtenir un autre emploi. (C’est moi qui souligne)

[11] Les observations du représentant sur la preuve ne semblent pas s’appuyer sur la preuve énoncée par la division générale. Le représentant allègue que le demandeur a tenté de suivre un programme de réadaptation professionnelle et que le programme de RMT a éventuellement été infructueux. Si tel avait été le cas, le représentant aurait dû me montrer où dans le dossier d’audience se trouve la preuve démontrant que le programme de RMT avait été infructueux. Pourtant, la division générale a conclu que, non seulement le demandeur avait terminé avec succès le programme de RMT de septembre 2007 à juillet 2008, mais qu’on lui avait également offert un emploi à temps partiel consistant à conduire les résidents d’une résidence pour personnes âgées à des rendez-vous ou à des événements et à effectuer des livraisons et des cueillettes. La division générale a également souligné que le demandeur avait refusé l’offre d’emploi à temps partiel pour des motifs non reliés à son état de santé.

[12] Le dossier d’audience révèle que, d’après les notes de la CSPAAT relatives à une téléconférence avec son épouse, même si le demandeur a d’abord refusé de ne considérer aucune offre d’emploi jusqu’à ce qu’il reçoive trois semaines de vacances, il a éventuellement accepté une offre d’emploi à temps partiel comme voiturier à raison de trois heures par jour (GT1-106 à GT1-108). Il est possible que la division générale ait commis une erreur en concluant que le demandeur avait refusé un emploi à temps partiel (GT1-249 à GT1-250), mais il peut aussi s’agir d’un cas où le demandeur a accepté une offre d’emploi, mais y a éventuellement renoncé pour quelque motif que ce soit. De toute façon, cela ne signifie pas que le programme de RMT ait lui-même été infructueux.

[13] La preuve donne à penser que le demandeur n’a pas tenté de travailler à temps partiel à titre de voiturier après le 1er août 2008. Les rapports médicaux de son médecin de famille du 20 novembre 2010 et du 2 février 2011 indiquent que le demandeur n’a pas travaillé depuis son accident de travail en septembre 2006 (GT1-420 à GT1-423) et, dans le questionnaire accompagnant sa demande de pension d’invalidité, le demandeur a indiqué qu’il avait été placé dans un programme de RMT, [traduction] « mais [que ce programme] ne m’a pas aidé à trouver un nouvel emploi » (GT1- 458). Les observations finales du représentant indiquent également que le demandeur n’a pas accepté un stage à temps partiel et qu’il n’est jamais retourné au travail (GT2-3).

[14] Il semble qu’à un certain point, l’état de santé du demandeur se soit détérioré, puisqu’il était devenu incapable de rester assis pendant plus de 15 minutes ou de conduire pendant plus de 20 minutes à la fois. C’est ce que révèle la note du 24 avril 2009 du médecin (GT1-82). La détérioration de l’état de santé du demandeur peut expliquer pourquoi il n’a pas poursuivi de démarches en vue d’obtenir le poste à temps partiel de voiturier. Ces limites auraient vraisemblablement eu des répercussions sur sa capacité de continuer à travailler à titre de voiturier, même si ce travail n’était qu’à temps partiel. Il n’est pas clair quand la détérioration se serait produite, mais je souligne que le demandeur a été en mesure, après la période minimale d’admissibilité, de suivre le programme de RMT, qui comprenait 35 semaines d’étude de l’anglais langue seconde et huit semaines de stage approprié comme voiturier à raison de trois à quatre heures par jour et ce, jusqu’en juillet 2008. Le dossier d’audience indique que le demandeur était en mesure de fréquenter l’école seulement quatre heures – et parfois seulement trois heures – par jour à cause de son dos.

[15] Autrement dit, cette détérioration qui empêchait le demandeur de rester assis pendant plus de 15 minutes se serait produite longtemps après sa période minimale d’admissibilité. En évaluant la gravité de l’invalidité du demandeur, la division générale devait déterminer si elle pouvait conclure que le demandeur était invalide à la date de sa période minimale d’admissibilité ou préalablement à cette date, et non simplement à quelque date que ce soit après la période minimale d’admissibilité.

[16] Quant aux observations du représentant d’après qui la division générale considérait que le programme de recyclage ou de réadaptation professionnelle démontrait une capacité de travailler, son argument ne tient pas compte des conclusions de la division générale à ce sujet. Ce n’est pas simplement le fait que le demandeur ait participé à un programme de recyclage qui a fait conclure à la division générale que le demandeur avait une capacité résiduelle de travailler. La division générale a, en fait, tiré des conclusions sur la durée du programme de recyclage, les exigences physiques qui pouvaient être imposées au demandeur, la nature du programme lui-même, le rendement du demandeur à la fin du programme, la possibilité que d’éventuels employeurs le jugent apte à effectuer le travail qu’il avait effectué durant le programme, ainsi que la possibilité qu’il reçoive des offres d’emplois après avoir terminé ce programme.

[17] En fin de compte, la division générale exigeait que le demandeur prouve qu’il avait été incapable de trouver et conserver un emploi et que ses efforts à cet égard avaient été infructueux en raison de son état de santé. La preuve qu’un poste à temps partiel avait été offert au demandeur n’a pas été contestée. Le demandeur n’a toutefois pas fait d’effort pour obtenir cet emploi à temps partiel qui lui a été offert, comme il devait le faire (Inclima c. Canada (P. G.), 2003 CAF 117), et c’est pour cette raison que la division générale a conclu que le demandeur n’avait pas satisfait au critère d’invalidité grave du Régime de pensions du Canada.

[18] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

(b) Dépression

[19] Le représentant allègue que la division générale a commis une erreur en concluant que la dépression du demandeur préalablement à la période minimale d’admissibilité ne pouvait être grave, malgré le fait que le diagnostic ait été posé subséquemment et malgré le fait que le médecin de famille du demandeur ait été d’avis que la dépression était un élément précurseur (GT2-12 à GT2-15).

[20] En fait, la division générale était au courant de l’opinion du médecin de famille selon qui la dépression était un élément précurseur; elle a fait allusion à cette opinion au paragraphe 19 de sa décision. Et un diagnostic ne peut déterminer à lui seul la gravité d’une invalidité. Ce que le représentant demande, en somme, est de réévaluer la preuve se rapportant à la dépression du demandeur et de parvenir à une conclusion différente de celle de la division générale. Je ne pourrais pas intervenir dans l’évaluation effectuée par le juge des faits, puisqu’il était le mieux placé pour évaluer la preuve qui lui avait été soumise. Quoi qu’il en soit, une réévaluation déborde le cadre d’une demande de permission d’en appeler. Tout moyen d’appel doit d’abord et avant tout se rapporter à l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La Loi sur le MEDS exige qu’il y ait au moins une erreur susceptible de révision qui recoupe l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, mais également que l’appel ait une chance raisonnable de succès. La Loi sur le MEDS ne prévoit pas une réévaluation de la preuve soumise à la division générale à l’étape de la demande de permission d’interjeter appel.

Conclusion

[21] La demande de permission d’interjeter appel est rejetée.

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