Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’interjeter appel auprès de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est accordée.

Introduction

[2] Le 10 mars 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) a rendu une décision en vertu de laquelle elle a rejeté l’appel du demandeur à l’encontre de la décision par laquelle elle avait rejeté sa demande de pension d’invalidité que le demandeur avait présentée en application du Régime de pensions du Canada (RPC). Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de cette décision. L’avocate du demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte d’éléments de preuve qui démontraient que :

  1. a) le demandeur souffrait d’un trouble de personnalité;
  2. b) le demandeur était dépressif;
  3. c) le demandeur avait des ennuis de santé (que la division générale n’a pas pris en considération lorsqu’elle a évalué les efforts qu’il a faits pour se trouver un emploi);
  4. d) et la division générale a aussi commis une erreur de droit lorsqu’elle a effectué son analyse sans se conformer aux principes énoncés dans l’arrêt Villani.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit établir si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Les dispositions législatives applicables figurent aux articles 56 à 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Les paragraphes 56(1) et 58(3) régissent l’octroi de la permission d’en appeler. Ils prévoient qu’il « ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Pour qu’elle accorde une permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès, ce qui équivaut à une cause défendable : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63. Les moyens d’appel sont énoncés à l’article 58 de la Loi sur le MEDS.Note de bas de page 1

Observations

[5] L’avocate du demandeur a fait plusieurs observations relativement aux erreurs que la division générale aurait commises. La première de ces observations veut que la division générale ait décidé de tenir une conférence téléphonique pour juger l’affaire en cause plutôt que de demander aux parties d’être présentes, tel que l’avait demandé le demandeur. Deuxièmement, il n’y a pas d’enregistrement audio de l’audience.

[6] En ce qui concerne les erreurs qui, selon le demandeur, ont été commises par la division générale, l’avocate dudit demandeur a déclaré que la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve qui démontraient que :

  1. a) le demandeur souffrait d’un trouble de personnalité;
  2. b) le demandeur était dépressif;
  3. c) le demandeur avait des ennuis de santé (que la division générale n’a pas pris en considération lorsqu’elle a évalué les efforts qu’il a faits pour se trouver un emploi);
  4. d) et la division générale a aussi effectué son analyse sans se conformer aux principes énoncés dans l’arrêt Villani.

Analyse

[7] La demande de permission d’en appeler est la première étape du processus d’appel. Le critère minimum est moins rigoureux que celui qui s’applique à l’audience d’un appel sur le fond. Pour obtenir la permission d’en appeler, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines) [1999] A.C.F. no 1252 (CF).

[8] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les motifs présentés à l’appui de la demande recoupent un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte d’éléments de preuve qui démontraient que le demandeur souffrait d’un trouble de personnalité?

[9] L’avocate du demandeur affirme qu’une abondante documentation médicale présentée à la division générale permettait d’établir que le demandeur souffrait d’un trouble de personnalité et de dépression, et que ces deux problèmes de santé étaient graves. Elle a affirmé que la division générale n’a mentionné le trouble de personnalité du demandeur qu’une seule fois, soit au paragraphe 13, dans lequel elle résume les observations de ce même demandeur. L’avocate du demandeur indique aussi que des preuves abondantes avaient été présentées à la division générale en ce qui concerne le trouble de personnalité dont souffre le demandeur, [traduction] « y compris des rapports du médecin de famille que consulte l’appelant depuis dix ans et de trois psychiatres ». Elle précise que le docteur Nemtean a déclaré dans son rapport du 6 février 2013 que le trouble de personnalité dont souffrait le demandeur l’empêcherait de réintégrer le marché du travail, et elle a soutenu que la division générale n’avait pas tenu compte du témoignage fait par le demandeur au sujet de ses problèmes d’humeur et qu’elle avait donc commis une erreur de droit.

[10] Même s’il est vrai que la division générale n’a pas tiré de conclusions précises à propos du trouble de personnalité du demandeur, le Tribunal arrive difficilement à cerner une erreur de droit. Le membre de la division générale a quant à lui constaté que le demandeur avait déclaré lors de son témoignage que sa santé mentale s’était améliorée et qu’il prenait un antidépresseur. Compte tenu de cette conclusion, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès s’il s’appuyait sur ce moyen-là.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte d’un élément de preuve se rapportant à la dépression du demandeur?

[11] L’avocate du demandeur affirme que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve relatifs à la dépression du demandeur lorsqu’elle s’est demandé s’il souffrait d’une invalidité grave. Elle a aussi mentionné que la division générale [traduction] « semble s’appuyer fortement sur l’affirmation de l’appelant selon laquelle "sa santé mentale s’était améliorée et qu’il avait recommencé à consulter un psychiatre en 2013" (paragraphe 12) ». Au nom du demandeur, son avocate a soutenu que cette déclaration révèle que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve qui démontraient que l’état du demandeur était demeuré grave par la suite. Elle a avancé que le fait que le demandeur avait été hospitalisé peu de temps après la fin de sa PMA révèle qu’il souffrait de troubles mentaux graves durant cette PMA.

[12] À part une confirmation du fait que le demandeur souffre de [traduction] « certaines contraintes d’origine mentale même s’il fait des progrès au fil du temps », la décision de la division générale ne renvoie à peu près pas à l’état mental du demandeur dans la section consacrée à l’analyse du cas. L’avocate du demandeur avance que le demandeur a fourni des preuves abondantes au sujet de l’état mental dans lequel il se trouvait après avoir été hospitalisé. Elle souhaite ardemment que l’on fasse la déduction qui s’impose, à savoir qu’en raison du fait que les dates en cause surviennent peu de temps avant la fin de la PMA, les preuves déposées confirment que le demandeur souffrait de troubles mentaux avant la fin de cette PMA. Le Tribunal estime que l’avocate a présenté une cause défendable qui justifie l’octroi de la permission d’en appeler.

[13] Comme ce moyen est recevable, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner les autres moyens d’appel présentés par le demandeur. Cela dit, le Tribunal aimerait commenter les deux autres moyens présentés par le demandeur.

[14] L’avocate du demandeur a affirmé que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’état de santé du demandeur lorsqu’elle a évalué les efforts qu’il avait faits pour trouver un emploi. De l’avis du Tribunal, ce moyen d’appel n’a pas été défendu dans la mesure où même si l’avocate reconnaît que la consommation de drogue et d’alcool figure parmi les facteurs qui ont empêché le demandeur de conserver un emploi, l’affirmation faite par cette même avocate, selon laquelle un trouble de personnalité constituait aussi un facteur à considérer, relève davantage du domaine de la preuve supplémentaire. Il faut noter, à ce propos, que la preuve en question avait été présentée à la division générale, tout comme celle qui démontrait que le demandeur n’avait fait aucun effort pour trouver un autre emploi de quelque type que ce soit. Selon le Tribunal, comme la division générale a jugé que le demandeur était parvenu par le passé à trouver du travail dans son domaine, elle a agi de manière raisonnable lorsqu’elle a conclu, dans le contexte de la preuve qui démontrait que le demandeur souffre de problèmes de santé, que ledit demandeur n’avait pas fourni d’explications satisfaisantes pour justifier le peu d’efforts qu’il avait faits pour se trouver un autre emploi.

[15] L’avocate du demandeur a aussi affirmé que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a omis d’appliquer correctement les principes énoncés dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130 2001 CAF 248, notamment en ne tenant pas compte du fait que le critère de la gravité du problème de santé doit être évalué dans [traduction] « un contexte réaliste ». Elle note que la division générale n’a pas analysé ni pris en considération les critères découlant de l’arrêt Villani dans le contexte des problèmes de santé du demandeur.

[16] L’exposé de la division générale se rapportant aux critères découlant de Villani qui s’appliquent au demandeur est de fait plutôt bref. Le Tribunal estime que l’analyse est déficiente dans la mesure où même si la division générale a indiqué l’âge, le niveau d’instruction, le degré de maîtrise de la langue et les antécédents de travail du demandeur, elle n’a pas démontré que ces facteurs sont à l’origine, dans le cas du demandeur, du défaut de satisfaire le critère de la gravité du problème de santé. C’est pourquoi le Tribunal juge que la division générale a commis une erreur de droit à cet égard. Un second moyen d’appel est donc établi.

Conclusion

[17] L’avocate du demandeur a soutenu que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve qui démontraient que le demandeur souffrait d’un trouble de personnalité et de dépression, et en ne prenant pas son état mental en considération lorsqu’elle a évalué les efforts qu’il avait faits pour trouver un emploi. Elle a aussi affirmé que la division générale n’avait pas appliqué correctement les principes découlant de l’arrêt Villani. Le Tribunal a conclu qu’une cause défendable a été présentée à l’égard des points trois et quatre. La demande de permission d’en appeler est accueillie.

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