Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’interjeter appel à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 12 mai 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) a rendu une décision en vertu de laquelle elle a refusé de proroger le délai applicable au dépôt d’un appel à l’encontre de la décision par laquelle l’intimé a rejeté la demande de pension d’invalidité présentée par le demandeur en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a décrit ce retard comme suit :

[Traduction] [7] Le Tribunal en est arrivé à la conclusion que l’appel a été déposé après le délai de 90 jours. La décision sur le réexamen de l’intimé était datée du 18 juillet 2013. L’appelant a indiqué qu’il a reçu la lettre le 25 juillet 2013. Le délai de 90 jours aurait expiré le 23 octobre 2013. L’avis d’appel a été enregistré comme ayant été reçu par le Tribunal le 4 juin 2014. L’appelant prétend qu’un avis d’appel a été présenté en mars 2014. Dans un cas comme dans l’autre, le délai de 90 jours n’aurait pas été respecté.

[3] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de cette décision.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit établir si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] La permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appelNote de bas de page 1. Pour accorder sa permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale a jugé qu’une chance raisonnable de succès équivalait à une cause défendable. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63.

[6] Les moyens d’appel sont énoncés à l’article 58 de la LoiNote de bas de page 2. Ce sont les seuls moyens d’appel qu’un demandeur peut utiliser pour en appeler d’une décision de la division générale.

Observations

[7] L’avocat du demandeur a affirmé que la division générale a commis une erreur en rendant sa décision, car elle s’est appuyée sur une conclusion de fait erronée. Cet avocat a aussi soutenu qu’à son bureau, on a appris l’existence de la nouvelle loi seulement en janvier 2014, et que le demandeur avait toujours eu l’intention de poursuivre l’appel. Dans la demande, l’avocat déclare que cette intention persistante avait été démontrée dans une lettre envoyée au Tribunal le 25 juillet 2013 et qui n’avait pas été prise en considération ni mentionnée par la division générale. Voici les observations faites par l’avocat à ce sujet :

[Traduction] À nos bureaux, c’est seulement en janvier 2014 que l’on a appris que des modifications avaient été apportées au processus d’appel (ces modifications sont entrées en vigueur en avril 2013); cela dit, notre lettre du 25 juillet 2013 révèle clairement notre intention d’en appeler de la décision rendue le 18 juillet 2013. La lettre du TSS qui nous indiquait que notre propre lettre n’était pas conforme au nouveau processus d’appel ne nous est parvenue que le x (date).

De plus, le fait que Phillip Paglino, l’avocat affecté au dossier, a cessé de travailler pour nous entre juillet 2013 et janvier 2014, a entraîné des contraintes de brève durée relativement à la représentation de notre client, et ce, à un moment crucial alors que nous allions apprendre que le processus d’appel avait été modifié en avril 2013. Notre client subirait un grave préjudice si son appel n’était pas accueilli (la demande a été faite dans notre lettre du 25 juillet 2013), étant donné qu’il continue de souffrir d’une invalidité grave et prolongée. Le demandeur a déposé une demande d’appel dans le délai prescrit de 90 jours subséquemment à la décision rendue le 18 juillet 2013, et ce, au moyen d’une lettre datée du 25 juillet de la même année (soit tout juste trois mois après que le nouveau processus d’appel a été mis en œuvre, et alors que les gens de notre cabinet n’ont été informés de l’existence de ce processus qu’en janvier 2014). Le demandeur ne devrait pas être pénalisé à cause de ces modifications, puisqu’il a suivi l’ancienne procédure et que son appel a été déposé dans le délai prévu.

Notre intention d’en appeler de la décision de refuser d’accorder des prestations d’invalidité à Monsieur H. J. aux termes du RPC a toujours été très claire et elle est bien documentée. Monsieur H. J. continue de souffrir d’une  invalidité grave et prolongée qui l’empêche de s’adonner à nouveau à toute forme d’occupation rémunératrice. La décision ne fait pas mention de notre lettre du 25 juillet 2013, laquelle révélait clairement une intention de déposer un appel.

Analyse

[8] La première question liée à la présente demande de permission d’en appeler est celle de savoir si la division générale a appliqué les critères appropriés lorsqu’elle a évalué la demande faite par le demandeur pour que l’on proroge le délai applicable au dépôt de son appel. La division générale est habilitée à proroger ce délai aux termes de l’alinéa 52a) de la Loi sur le MEDS. Cette loi n’établit pas les critères en fonction desquels une prorogation peut être accordée et c’est donc la division générale qui rend, à sa discrétion, toute décision à ce sujet. On retrouve dans la jurisprudence certains critères devant servir à l’évaluation des demandes. Le jugement de principe est la décision GattellaroNote de bas de page 3. Dans la décision Gattellaro, la Cour fédérale a recensé les critères suivants (communément appelés les critères découlant de la décision Gatellaro) :

  1. a) l’appelant a démontré une intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[9] La Cour fédérale a clairement établi que la façon dont les critères découlant de la décision Gattellaro sont pondérés varie d’un cas à l’autre. De plus, il ne faut pas aller aux extrêmes car dans certains cas, divers critères peuvent être pertinents, mais l’intérêt de la justice naturelle peut avoir préséance sur tout le resteNote de bas de page 4.

[10] L’avocat du demandeur est d’avis que la demande de prorogation du délai applicable au dépôt de l’appel devrait être accueillie étant donné que le demandeur n’avait pas d’emprise sur certaines circonstances liées à son cas. Ces circonstances comprennent un changement d’avocat (mais pas de cabinet), une connaissance limitée de la nouvelle procédure d’appel, ainsi que le fait que la division générale ne s’est pas intéressée à la lettre du 25 juillet 2013.

[11] L’explication fournie par le demandeur pour justifier son retard se résumait à ce qui suit : [traduction] « Changement d’avocat. Ne connaît pas la nouvelle procédure – Avis d’appel ». C’est pourquoi il ne faut peut-être pas se surprendre que la division générale a de la cause défendable n’y est pas abordée. De même, le demandeur n’a pas traité la question de savoir si un préjudice a été causé à l’autre partie. La division générale a par ailleurs conclu que l’explication fournie pour justifier le changement d’avocat n’était pas acceptable étant donné que le demandeur s’était fait représenter par le même cabinet d’avocats pendant toute la procédure. En dernier lieu, la division générale n’était pas convaincue que le demandeur avait démontré une intention persistante de poursuivre son appel.

[12] C’est cette dernière conclusion qui s’est révélée la plus litigieuse. Après qu’on l’eut invité à le faire, l’avocat du demandeur a produit un affidavit dans lequel il était indiqué que la lettre du 25 juillet 2013 avait été envoyée au Tribunal par courrier ordinaire et n’avait pas été retournée. Cette lettre ne se trouve pas dans le dossier du Tribunal. Quoi qu’il en soit et même si cette lettre ne figure pas au dossier, le Tribunal n’est pas convaincu que nous avons affaire à une cause défendable en l’espèce, et ce, pour les motifs exposés ci-après.

[13] Dans sa version intégrale, la lettre se lit comme suit :

[Traduction] Soyez avisé que nous agissons pour le compte de Monsieur H. J. en ce qui concerne sa demande de pension d’invalidité faite au titre du RPC. Nous avons reçu une correspondance datée du 18 juillet 2013 et dans laquelle il était indiqué que notre demande de réexamen de la décision de ne pas accorder de prestations d’invalidité à H. J. avait été rejetée. La présente correspondance tient lieu d’avis officiel attestant de l’intention de Monsieur H. J. de contester cette décision.

[14] Le Tribunal reconnaît que cette lettre témoigne assurément d’une intention de poursuivre l’appel, mais même si l’on admet que la lettre du 25 juillet 2013 a été envoyée audit Tribunal sans avoir été présentée, sans que l’on sache pourquoi, à la division générale, le Tribunal en est arrivé à la conclusion qu’elle n’aurait probablement pas influencé la décision. Cette lettre fournit peu d’explications quant à la question de savoir pourquoi il s’est écoulé plus d’un an entre le moment où elle a été rédigée et le moment où l’on a fait une autre tentative de déposer l’avis d’appel. Elle n’explique pas non plus pourquoi certains renseignements exigés ne figuraient pas dans l’avis d’appel déposé.

[15] De plus, le Tribunal n’accepte pas l’explication fournie pour justifier le changement d’avocat. À toutes les étapes importantes du processus, le demandeur s’est fait représenter par le même cabinet d’avocats réputé et c’est pourquoi ce changement d’avocat n’a pas d’importance. Le demandeur est demeuré un client de ce cabinet pendant toute la procédure. Le Tribunal n’accepte pas non plus l’explication donnée pour justifier le fait que personne dans ce cabinet ne savait que des modifications législatives étaient entrées en vigueur le 1er avril 2013. Ces modifications étaient loin de constituer un secret et l’explication fournie ne correspond pas à ce qu’une personne raisonnable s’attendrait à recevoir de la part de praticiens du droit. Le Tribunal estime qu’il est raisonnable de présumer que les avocats qui représentent des clients aux fins d’affaires visées par le RPC ont une bonne connaissance du droit pertinent. C’est pourquoi le Tribunal considère que [traduction] « l’ignorance de la loi » ne constitue pas une explication satisfaisante.

[16] En ce qui concerne la décision de ne pas proroger le délai applicable au dépôt de l’appel, le Tribunal en est arrivé à la conclusion que la division générale n’a pas commis d’erreur en appliquant la jurisprudence ou en déterminant s’il y avait lieu d’accueillir la demande de prorogation du délai applicable au dépôt de l’appel. Le Tribunal n’est pas convaincu qu’une cause défendable a été présentée.

Conclusion

[17] L’avocat du demandeur a affirmé que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a examiné les faits et que le demandeur a toujours eu une intention persistante de poursuivre l’appel. Compte tenu de l’analyse qui précède, le Tribunal n’est pas convaincu que le demandeur a présenté une cause défendable.

[18] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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