Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse présente une demande de permission d’en appeler de la décision que la division générale a rendue le 12 mars 2015. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, ayant conclu qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité « grave » en date de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2012. Le représentant de la demanderesse, qui est technicien juridique, a déposé une demande de permission d’en appeler le 9 juin 2015. Pour que la présente demande soit accueillie, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Le représentant a examiné la preuve médicale soumise à la division générale. Il affirme qu’en réalité, l’ensemble de la preuve médicale permet d’établir et de confirmer qu’un état de santé grave et prolongé avait cours vers la période minimale d’admissibilité, et n’a pas changé. Le représentant avance que la division générale [traduction] « a fondé sa décision sans tenir compte de la documentation qui se trouvait devant elle » et qu’il existe un [traduction] « fondement concret grâce auquel il pourrait y avoir une chance raisonnable de succès. »

[4] Le représentant a cité diverses décisions ayant fait jurisprudence, y compris MDRH c. Bennett (10 juillet 1977), CP 4757 (CAP); Barata c. MDRH (17 janvier 2010) CP150058 (CAP); et Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, mais il n’a pas laissé entendre que la division générale avait omis de s’aligner sur les conclusions qui y figurent.

[5] Même si le représentant n’a pas expressément énoncé les erreurs qu’aurait commises la division générale, je crois savoir en quoi elles consistent, à savoir que la division générale a erré lorsqu’elle a :

  1. (a) omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve médicale, dans la mesure où elle n’a pas pris en considération l’état du genou gauche de la demanderesse, tel que décrit au paragraphe 17 de sa décision;
  2. (b) tiré une conclusion de fait erronée au paragraphe 17 de sa décision en affirmant que les symptômes de la demanderesse s’étaient atténués de façon marquée, alors que cette remarque ne concernait que son genou gauche et que, par ailleurs, de la douleur subsistait dans son genou droit;

[6] L’intimé n’a déposé aucune observation écrite.

Droit applicable

[7] Certains moyens défendables pouvant faire en sorte que l’appel ait du succès sont requis pour que la permission d’en appeler soit accordée : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (C.F.). La Cour d’appel fédérale a établi que des questions défendables en droit reviennent à établir si, sur le plan juridique, un appel a une chance raisonnable de succès : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[8] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs de l’appel relèvent de l’un des moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

(a) L’ensemble de la preuve

[10] Le représentant soutient que la division générale a erré lorsqu’elle a omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve médicale, dans la mesure où elle n’a pas pris en considération l’état du genou gauche de la demanderesse, tel que décrit au paragraphe 17 de sa décision.

[11] La division générale a résumé la preuve médicale dans la section de sa décision traitant de la preuve, et elle a noté que la demanderesse éprouvait de la douleur dans les deux genoux, qu’elle ressentait aussi de la douleur au niveau du dos et des hanches, et qu’elle souffrait de dépression. La division générale a aussi noté qu’on avait dû opérer la demanderesse pour lui enlever une tumeur à la tête et qu’elle avait subi trois autres interventions chirurgicales pour des calculs rénaux, ainsi qu’une cholécystectomie et une parathyroïdectomie. Le représentant de la demanderesse a présenté des observations à la division générale, à savoir que la demanderesse était admissible au bénéfice des prestations d’invalidité étant donné qu’elle souffre de douleurs chroniques aux genoux, au dos et aux hanches et aussi de dépression, et qu’elle a subi plusieurs interventions chirurgicales.

[12] La division générale a examiné les antécédents médicaux de la demanderesse au paragraphe 17 de sa décision, dans la section consacrée à l’analyse. Elle y fait mention de la blessure au genou gauche et de l’état dépressif de la demanderesse, qui était lié à son état physique. Mais aucune mention ne figurait dans la section de l’analyse relativement à toute autre douleur (concernant le genou gauche de la demanderesse, par exemple) qui serait apparue au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité.

[13] Dans sa brève lettre médicale datée du 3 janvier 2014, le médecin de famille de la demanderesse énumère divers ennuis de santé en plus des douleurs aux deux genoux et de la dépression, comme suit (GT3-17) :

  • - Douleur faciale sur le côté droit, imputable à une tumeur de la glande parotide droite (résectionnée par chirurgie en 2007).
  • - Douleurs chroniques aux reins – la demanderesse a continué d’avoir des calculs rénaux, bien qu’elle ait subi une lithotripsie et un moulage.
  • - Douleur chronique au niveau de l’épaule droite, liée au syndrome de la coiffe du rotateur et au syndrome bilatéral du canal carpien, le tout accompagné de douleur chronique et d’engourdissement aux mains.
  • - Hypertension, diabète sucré, hyperthyroïdie, adénome parathyroïde (résectionné en octobre 2011).
  • - Syndrome fibromyalgique accompagné de fatigue et d’insomnie chroniques.
  • - Migraine chronique réagissant peu aux traitements.

[14] Je note aussi qu’une deuxième opinion d’ordre orthopédique donnée par le docteur Roscoe le 30 mars 2011 donnait à penser que la demanderesse est affectée par [traduction] « plus d’un syndrome de douleur régionale et commence à avoir de la difficulté à gérer ces douleurs. »  Le docteur Roscoe estimait également que l’on allait devoir envisager d’envoyer la demanderesse dans une clinique de gestion de la douleur afin que son syndrome de douleur y soit traité (GT6-149).

[15] La demanderesse a consulté divers médecins spécialistes relativement à certains de ces maux, bien qu’elle ait vu plusieurs d’entre eux avant la fin de la période minimale d’admissibilité, qui survenait le 31 décembre 2011. Par exemple, la demanderesse a consulté le docteur Temple, un neurologue, en août et novembre 2009 pour ses migraines. Ces maux de tête ont ensuite été enrayés adéquatement avec du Maxalt. La demanderesse a indiqué au docteur Temple qu’elle souffrait aussi de douleurs au niveau de l’articulation temporomandibulaire et qu’elle avait pris un rendez-vous avec un chirurgien stomatologiste, mais on ne sait pas avec certitude si elle a mené ces démarches à bien et si elle s’est fait examiner relativement à ce problème de santé. La demanderesse ne semble pas avoir revu le docteur Temple après le 20 novembre 2012.

[16] Il se pourrait fort bien qu’avant la fin de la période minimale d’admissibilité, certaines de ces douleurs avaient disparu (par exemple, après que la demanderesse eut subi une parathyroïdectomie en octobre 2011), n’étaient peut-être pas encore apparues ou étaient demeurées sans gravité (durant la PMA ou avant celle-ci), ou encore qu’elles étaient peut-être secondaires au regard des douleurs au genou gauche. Quoi qu’il en soit, je suis convaincue que l’on pourrait défendre le point de vue selon lequel que la division générale n’a peut-être pas pris en considération l’ensemble de la preuve, et en particulier, le fait que la demanderesse se plaignait de douleurs à son genou gauche et, incidemment, d’autres problèmes d’ordre médical, étant donné que personne n’a fait mention d’une analyse qui aurait été effectuée dans le but d’évaluer la gravité de son invalidité. Je suis aussi convaincue que l’on pourrait défendre le point de vue voulant que la division générale n’a peut-être pas tenu compte des répercussions cumulatives de ces douleurs sur la capacité de fonctionner de la demanderesse lors de la période minimale d’admissibilité ou avant cette période-là. Je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

(b) Amélioration de l’état de la demanderesse

[17] Le représentant affirme que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée au paragraphe 17 lorsqu’elle a écrit que les symptômes de la demanderesse s’étaient atténués de façon marquée, alors que cette remarque ne concernait que son genou gauche et que, par ailleurs, de la douleur y subsistait. Je note que ces mêmes observations ont été présentées à la division générale (GT3-8).

[18] Le paragraphe 17 se lit comme suit :

[Traduction] [17] L’appelante s’est blessée au genou gauche au travail, ce qui lui a occasionné de la douleur et de l’enflure pour lesquelles on lui a prescrit des Tylenol 3 et du repos à la maison. Elle a tenté de retourner travailler comme cuisinière à trois reprises durant les sept mois subséquents en se conformant à un horaire réduit et en s’assoyant sur une chaise étant donné que ses symptômes s’étaient beaucoup atténués, tel que l’a indiqué le docteur DiPasquale (sic). Chaque fois, elle a dû renoncer au bout d’environ deux jours jusqu’à ce qu’elle finisse par mentionner que les douleurs qu’elle éprouvait l’obligeaient à prendre de nouveau congé pour récupérer...

[19] Au début, la demanderesse a consulté le docteur Di Pasquale au sujet de son genou droit, puis elle l’a revu en février 2011 alors que cette fois-là, c’est son genou gauche qui la faisait souffrir. Il a préparé trois rapports :

  1. a) 13 octobre 2010 (GT1-50 / GT6-144 et GT6-153)Note de bas de page 1
  2. b) 23 novembre 2010 (GT1-47 / GT6-155 et GT6-179)
  3. c) 13 juin 2011 (GT6-69)

[20] La division générale n’a pas précisé quel rapport elle avait cité lorsqu’elle avait écrit que le docteur Di Pasquale avait déclaré que [traduction] « les symptômes [de la demanderesse] s’étaient beaucoup atténués », mais je présume qu’elle faisait allusion au rapport daté du 13 octobre 2010. On avait recommandé à la demanderesse de consulter le docteur Di Pasquale pour qu’il évalue l’état de son genou gauche. Il ne lui a pas donné de consultation au sujet de tout autre problème d’ordre médical dont elle aurait pu souffrir à l’époque. Le docteur Di Pasquale a écrit dans ce rapport que la demanderesse a souffert de douleurs et de contraintes importantes pendant quelques mois après s’être blessée. Il a aussi écrit qu’elle avait recommencé à travailler en accomplissant des tâches modifiées et que [traduction] « cela avait eu pour effet d’atténuer grandement ses symptômes. »  Il est évident que ce commentaire du docteur Di Pasquale concernait exclusivement le genou gauche de la demanderesse.

[21] Dans le contexte des phrases précédant la mention de la déclaration faite par le docteur Di Pasquale au sujet de l’atténuation des symptômes de demanderesse, il va de soi que la division générale faisait strictement allusion au genou gauche de ladite demanderesse. La division générale n’a pas décrit ni énuméré d’autres blessures ou sources de douleur. Il est tout aussi évident, si l’on s’en fie à la décision, que même si l’état de son genou gauche s’améliorait à l’époque, la demanderesse continuait d’éprouver de la douleur résiduelle dans son genou droit. La division générale n’a pas laissé entendre que ce problème avait disparu avant la fin de la période minimale d’admissibilité.

[22] Compte tenu des moyens d’appel, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

(c) Examen de la preuve médicale

[23] Le représentant a fait des observations exhaustives au sujet de la preuve médicale et a affirmé que cette preuve étaye la conclusion voulant que l’invalidité de la demanderesse est grave et de longue durée. Essentiellement, il demande qu’on réévalue la preuve et me demande de tirer une conclusion autre que celle à laquelle la division générale en est arrivée. Mais ces observations ne recoupent aucun des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Aux fins d’une demande de permission d’en appeler, j’en suis réduite à ne tenir compte que des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Compte tenu des moyens d’appel, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Appel

[24] Les questions litigieuses que les parties pourraient vouloir aborder en appel comprennent les suivantes :

  1. a) Quel degré de déférence la division d’appel doit-elle avoir envers la division générale?
  2. b) Compte tenu des moyens en vertu desquels la permission d’en appeler a été accordée, la division générale a-t-elle commis une erreur de droit?
  3. c) Compte tenu des moyens en vertu desquels la permission d’en appeler a été accordée, quelle est la norme de contrôle applicable et quel est l’éventuel redressement approprié?

[25] J’invite les parties à présenter aussi des observations sur le mode d’audience (c.-à-d. si cela devrait se faire par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses par écrit). Si une partie demande qu’une audience soit tenue par d’autres moyens que des questions et réponses par écrit, je l’invite à m’indiquer le délai éventuel qu’on devrait lui accorder pour lui permettre de présenter des observations.

Conclusion

[26] La demande est accueillie.

[27] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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