Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision que la division générale a rendue le 15 mars 2015. La division générale a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai dont dispose le demandeur pour déposer un avis d’appel, étant donné qu’elle en est arrivée à la conclusion qu’il avait omis de fournir une explication raisonnable pour justifier le dépôt tardif de l’avis d’appel et qu’il n’avait pas démontré d’intention persistante de poursuivre son appel. Le 15 juin 2015, le demandeur a déposé une demande incomplète par l’entremise de laquelle il demandait une permission d’en appeler auprès du Tribunal de la sécurité sociale, et il a présenté une demande complète le 24 juin 2015. Pour qu’une demande de permission d’en appeler soit accueillie, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Historique des procédures

[3] L’appelant a demandé une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté la demande au départ ainsi qu’à l’étape du réexamen, dans ce dernier cas au moyen d’une lettre datée du 16 septembre 2013.

[4] Le demandeur en a appelé de la décision sur le réexamen en déposant un avis d’appel le 17 janvier 2014. Il n’a pas indiqué à quel moment il aurait vraisemblablement reçu la décision sur le réexamen, mais il a expliqué qu’il n’avait pas respecté le délai d’appel de 90 jours parce qu’il [traduction] « avait égaré les formulaires ».

[5] Le Tribunal de la sécurité sociale a communiqué avec le demandeur par téléphone le 4 mars 2014, et l’a avisé qu’il n’avait pas encore fourni d’exemplaire de la décision sur le réexamen. Le représentant du Tribunal a conseillé au demandeur de demander un exemplaire de la décision sur le réexamen à Service Canada et d’en fournir aussi un exemplaire au Tribunal après avoir reçu le sien.

[6] Le demandeur a fourni un exemplaire de la décision sur le réexamen (ainsi que le dossier d’audience) le ou vers le 24 mars 2014. Le 25 mars 2014, il a communiqué avec le Tribunal de la sécurité sociale dans le but de déterminer si ledit Tribunal avait reçu cette décision. Un représentant du Tribunal a communiqué avec le demandeur le 26 mars 2014 et lui a confirmé que l’on avait reçu la décision sur le réexamen et que le dossier d’appel était de ce fait considéré comme complet. Les notes figurant au dossier révèlent que les [traduction] « prochaines étapes et le processus d’appel » ont été expliqués verbalement au demandeur.

[7] Le 15 avril 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit ce qui suit au demandeur :

[Traduction] La présente lettre vise à confirmer que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a reçu votre avis d’appel. Cet avis semble avoir été déposé plus de 90 jours après la date à laquelle vous avez reçu la décision sur le réexamen rendue par Emploi et Développement social Canada.
Le Tribunal a le pouvoir de prolonger la période d’appel dans certaines circonstances, mais il ne peut en aucun cas accorder une prorogation si plus d’une année s’est écoulée depuis que la décision sur le réexamen a été reçue. Un membre de la division générale du Tribunal examinera le dossier afin de déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai.

[8] Dans sa lettre datée du 15 avril 2014, le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas indiqué à quel moment il a considéré que l’avis d’appel avait été reçu. Il n’a pas indiqué non plus comment il avait déterminé que l’avis d’appel semblait avoir été déposé plus de 90 jours après que le demandeur eut reçu la décision sur le réexamen.

[9] Habituellement, lorsque l’appel semble avoir été déposé en retard, le Tribunal de la sécurité sociale vérifie auprès du demandeur :

  1. (a) si ce dernier a démontré une intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. (b) si la cause est défendable;
  3. (c) si le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. (d) si la prorogation du délai causerait un préjudice à d’autres parties.

[10] Le Tribunal de la sécurité sociale n’a documenté aucune demande qui visait à inviter le demandeur à se prononcer sur ces quatre facteurs, mais ce dernier a néanmoins écrit au Tribunal de la sécurité sociale le 23 avril 2014. Il a reconnu que son avis d’appel avait été déposé en retard, et a expliqué qu’il avait dû égarer les documents.

[11] Le 7 août 2014, l’intimé a déposé des observations. Celles-ci ne traitaient pas de la question du dépôt tardif de l’avis d’appel.

[12] Le 5 décembre 2015, le député de Hamilton Mountain a communiqué avec le Tribunal de la sécurité sociale au nom du demandeur, dans le but de faire le point sur la situation. Cette demande de renseignements comprenait une lettre du demandeur dans lequel il disait souhaiter [traduction] « confronter ceux qui avaient violé leur serment », même si l’on ne sait pas exactement ce qu’il entendait par là.

[13] La division générale a rendu sa décision le 15 mars 2015. Le demandeur avait reconnu dans sa lettre du 23 avril 2014 qu’il avait déposé son avis d’appel en retard, mais il n’y avait rien indiqué quant au moment où il avait reçu la décision en révision. Malgré le fait qu’aucune disposition législative déterminative ne s’applique à la réception de décisions sur le réexamen, la division a quand même décidé de poursuivre son examen afin de déterminer à quel moment le demandeur avait probablement reçu la décision sur le réexamen et à cette fin, elle a appliqué de facto les dispositions de l’alinéa 19(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a présumé qu’il était raisonnable de fixer le délai de livraison postale à dix jours à compter de la date de la décision sur le réexamen, et elle a tenu pour acquis que le demandeur avait reçu cette décision en date du 26 septembre 2013. La division générale a déterminé que le délai de 90 jours prévu à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) avait donc pris fin le 25 décembre 2013.

[14] La division générale en est aussi arrivée à la conclusion que le demandeur n’avait pu déposer un appel qu’après avoir complètement rempli l’avis d’appel le 24 mars 2014, soit plus de 90 jours après le 25 décembre 2013.

[15] La division générale a tenu compte des quatre facteurs énoncés dans la décision Canada (Développement des ressources humaines) c. Gattellaro 2005 CF 883 lorsqu’elle a examiné la question de savoir s’il convenait de proroger le délai applicable au dépôt de l’avis d’appel. Elle a écrit ce qui suit :

[Traduction] [17] L’appelant a une cause défendable, et rien ne démontre que le dépôt tardif d’un appel causerait un préjudice à l’intimé. Mais ces deux critères sont relativement peu élevés et pourraient être satisfaits facilement par nombre de demandeurs n’ayant pas déposé leur appel à temps. La considération primordiale qui doit être faite ici concerne le fait que l’appelant n’a pas démontré d’intention constante de poursuivre ses démarches en appel, et qu’il n’a pas non plus fourni d’explication raisonnable pour justifier le dépôt tardif de cet appel. L’appelant n’a pas présenté de raison impérieuse au Tribunal pour expliquer pourquoi il n’avait pas été en mesure de se conformer au délai clairement énoncé dans le RPC ainsi que dans la correspondance qu’il a reçue.

[16] La division générale a refusé d’accorder une prorogation de délai au demandeur pour le dépôt de son avis d’appel.

Observations

[17] Le demandeur affirme qu’il a déposé son avis d’appel en retard parce que sa famille ne l’a pas aidé à remplir le formulaire de demande. Les motifs qu’il a invoqués pour justifier son appel et la demande de permission d’en appeler sont plutôt incohérents. Il a écrit ce qui suit :

[Traduction] On dit que le Parlement du Canada, affirmant que la nation canadienne est fondée sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu. [...]

En raison de la façon dont ils ont géré les dommages matériels et les préjudices causés.

[18] L’intimé n’a déposé aucune observation écrite.

Droit applicable

[19] Certains moyens défendables pouvant faire en sorte que l’appel ait du succès sont requis pour que la permission d’en appeler soit accordée : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (C.F.). La Cour d’appel fédérale a établi que des questions défendables en droit reviennent à établir si, sur le plan juridique, un appel a une chance raisonnable de succès : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[20] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[21] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs de l’appel relèvent de l’un des moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

[22] Le demandeur n’a présenté aucun moyen d’appel recoupant ceux énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Il n’allègue pas que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle ou qu’elle a autrement outrepassé sa compétence ou refusé de l’exercer, ni qu’elle a erré en droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La division générale doit avoir commis au moins une erreur susceptible pour que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

[23] Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel aux fins de la demande de permission d’en appeler, il doit à tout le moins énoncer quelques détails concernant l’erreur ou le manquement commis par la division générale qui correspond aux moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La demande est insuffisante à cet égard et je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[24] Bien que le demandeur n’ait énoncé aucun moyen d’appel valable, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS permet toutefois à la division d’appel d’établir si une erreur de droit a été commise, peu importe qu’elle ressorte ou non à la lecture du dossier.

[25] En l’espèce, la division générale a déterminé que le demandeur avait déposé son avis d’appel en retard. La division générale a aussi établi que l’avis d’appel devait être complété (par le dépôt d’un exemplaire de la décision sur le réexamen) avant qu’il puisse être réputé avoir été déposé. Elle a examiné la question de savoir si certains facteurs justifiaient qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai applicable au dépôt de l’avis d’appel. Elle a pris en considération et soupesé les quatre facteurs énoncés dans la décision Canada (Développement des Ressources humaines) c. Gattellaro 2005 CF 883, mais a déclaré que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. Même si la division générale en est arrivée à la conclusion qu’il y avait une cause défendable et qu’une prorogation ne causerait pas de préjudice indu aux parties, elle a soutenu qu’en l’espèce, le [traduction] « facteur plus important » à considérer était ce qu’elle percevait comme étant le défaut du demandeur de démontrer une intention constante de poursuivre son appel, et de fournir une explication raisonnable pour justifier le dépôt tardif de l’avis d’appel. La division générale a statué que le demandeur avait omis de fournir un motif concluant pour expliquer pourquoi il n’avait pas été en mesure de se conformer au délai indiqué dans le Régime de pensions du Canada et [traduction] « dans la correspondance qu’il avait reçue ».

[26] Il semblerait que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a laissé entendre que le Tribunal de la sécurité sociale avait écrit au demandeur et lui avait clairement indiqué qu’il était tenu de fournir des motifs concluants pour expliquer pourquoi il n’avait pas été en mesure de se conformer au délai prévu. Même s’il appert que l’on peut affirmer avec certitude que cette information a été communiquée verbalement au demandeur par le Tribunal de la sécurité sociale, de la manière révélée par les notes relatives à la conférence téléphonique tenue par ce tribunal le 4 mars 2014, et par le fait que le demandeur a fourni des explications le 23 avril 2014, aucun document, que je sache, n’a été fourni au demandeur par le Tribunal de la sécurité sociale dans le but de lui demander de se prononcer sur chacun des quatre facteurs énumérés au paragraphe 9 plus haut, ou de l’informer des conséquences qu’il subirait s’il refusait de donner suite à cette demande.

[27] De plus, la division générale a déduit -- probablement de manière correcte -- que le [traduction] « document égaré » cité par le demandeur dans son explication était nécessairement le formulaire d’avis d’appel. Par conséquent, elle a conclu que le demandeur n’avait démontré aucune intention constante de poursuivre son appel ni fourni d’explication raisonnable pour justifier son retard dans la mesure où il aurait pu facilement obtenir ces formulaires sur le site Web du Tribunal de la sécurité sociale et déposer ensuite l’avis de demande à temps. Selon ce que je suis en mesure d’établir, aucune preuve n’a été présentée à la division générale quant à la question de savoir à quel moment le demandeur aurait pu égarer les formulaires et, le cas échéant, relativement aux mesures qu’il aurait prises pour en obtenir d’autres, et on ne sait pas non plus s’il ne les a pas plutôt tout simplement retrouvés. Aucune preuve ne démontre, du reste, que le demandeur a été en mesure d’obtenir facilement d’autres formulaires. Il a plus ou moins laissé entendre qu’il avait besoin de l’aide d’autres personnes pour remplir ces formulaires (par ex., le formulaire AD1A), mais nul ne peut dire si cela constituait vraiment un facteur dont il a tenu compte. Ces considérations légitimes auraient pu être faites par le demandeur et auraient pu influencer grandement l’examen de la question de savoir si ledit demandeur avait une explication raisonnable pour justifier son retard et s’il avait une intention constante de poursuivre son appel.

[28] Finalement, même si la division générale a cité la décision Larkman, il n’est pas vraiment évident de déterminer si la division générale a tenu compte des conclusions énoncées dans cette décision. Non seulement la Cour d’appel fédérale a soutenu que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi avancé qu’il n’est pas nécessaire que les quatre critères soient satisfaits pour qu’elle puisse exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger un délai en faveur d’un demandeur. Aux paragraphes 61 et 62, la Cour d’appel fédérale écrit ce qui suit :

[61]  Les parties s’entendent pour dire que les questions suivantes sont pertinentes lorsqu’il s’agit pour notre Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur une demande de prorogation de délai :

  1. (1) Le requérant a-t-il manifesté une intention constante de poursuivre sa demande?
  2. (2) La demande a-t-elle un certain fondement?
  3. (3) La Couronne a-t-elle subi un préjudice en raison du retard?
  4. (4) Le requérant a-t-il une explication raisonnable pour justifier le retard?

(Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. (C.A.); Muckenheim c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2008 CAF 249, au paragraphe 8).

[62] Ces principes orientent la Cour et l’aident à déterminer si l’octroi d’une prorogation de délai est dans l’intérêt de la justice (Grewal,ci-dessus, aux pages 277 et 278). L’importance de chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l’espèce. De plus, il n’est pas nécessaire de répondre aux quatre questions en faveur du requérant. Ainsi, « une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante » (Grewal, à la page 282). Dans certains cas, surtout dans ceux qui sortent de l’ordinaire, d’autres questions peuvent s’avérer pertinentes. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (voir, de façon générale, l’arrêt Grewal, aux pages 278 et 279; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 33; Huard c. Canada (Procureur général), 2007 CF 195, 89 Admin LR (4th) 1).

[29] Compte tenu des considérations qui précèdent, notamment la question de savoir s’il était indiqué 1) d’appliquer de facto les dispositions déterminatives de l’alinéa 19(1)a) du Règlementet 2) d’établir que le demandeur n’avait fait sa demande que le 24 mars 2014, je suis convaincue, dans l’ensemble, que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La demande est accordée.

[31] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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