Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’interjeter appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 26 janvier 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) a rendu une décision aux termes de laquelle elle a rejeté l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre d’une décision qui lui refusait des prestations d’invalidité du Régime des pensions du Canada (RPC). Le demandeur demande la permission d’interjeter appel à l’encontre de cette décision (la demande) parce que la division générale aurait mal calculé la date de sa période minimale d’admissibilité (PMA), aurait commis une erreur de droit en rendant sa décision et aurait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès. Les questions à trancher sont les suivantes :

  1. 1) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en déterminant que la date de fin de la PMA du demandeur était 31 décembre 1997?
  2. 2) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées selon lesquelles le demandeur 1) était toujours capable de travailler 2) voyait son état de santé s’améliorer de façon importante sans traitement?

Droit applicable

[4] Les dispositions législatives applicables figurent aux articles 56 à 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »). Les paragraphes 56(1) et 58(3) régissent l’autorisation d’interjeter appel et prévoient qu’« [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Les moyens d’appel, qui constituent les seuls moyens d’appel, sont énumérés à l’article 58 de la LoiNote de bas de page 1.

Observations

[5] Le demandeur soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. a) Elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision, lorsqu’elle a conclut que la période minimale d’admissibilité (PMA) du demandeur avait pris fin le 31 décembre 1997 plutôt que le 31 janvier 2004;
  2. b) Elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision, en ne concluant pas que le demandeur était atteint d’une invalidité à la fois grave et prolongée aux termes du Régime de pensions du Canada;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le demandeur avait la capacité de travailler sans tenir compte de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance;
  4. d) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle l’état de santé du demandeur s’améliorait de façon marquée avec le traitement, sans tenir compte de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance;
  5. e) D’autres moyens pouvant être invoqués en cours de route.

Analyse

[6] La demande de permission d’en appeler représente la première étape du processus d’appel. Le seuil à atteindre est cependant inférieur à celui qui doit être atteint à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour que la permission lui soit accordée, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Il a été établi qu’avoir une [traduction] « cause défendable » équivalait à avoir une [traduction] « chance raisonnable de succès » : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63. Dans cette optique, le Tribunal doit d’abord déterminer si les raisons de la demande correspondent à un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ce qui concerne la PMA de la demande?

[7] Au cours de l’audience, la date de fin de la PMA a été l’une des questions litigieuses. Elle demeure une question litigieuse dans le cadre de la demande. Le demandeur soutient que la date de fin de la PMA aurait dû être le 31 janvier 2004. En son nom, son avocat a fait valoir qu’au départ, l’intimé avait accepté de fixer la date de fin de la PMA au 31 janvier 2004 et qu’il était donc lié par cette date. L’avocat du demandeur est d’avis que l’intimé n’a pas établi que le revenu de son client en 2004 représentait, en tout ou en partie, un revenu tiré d’un travail indépendant, et il a également fait valoir que tout revenu tiré d’un travail indépendant était susceptible de faire l’objet d’un calcul proportionnel d’après les dispositions du RPC, ce qui fait que 2004 constitue une année de contribution valide pour le demandeur. Par conséquent, la division générale a commis une erreur en concluant que la date de fin de la PMA était le 31 décembre 1997.

[8] L’intimé affirme que le 31 décembre 1997 représente bel et bien la date correcte de fin de la PMA. L’avocat de l’intimé soutient que sur les 426 $ que le demandeur a déclarés à titre de rémunération en janvier 2004, 200 $ provenaient d’un emploi indépendant. L’intimé a fait valoir que lorsque la formule énoncée au paragraphe 13(1) du RPC est appliquée à la rémunération touchée par l’appelant en janvier 2004, les cotisations de ce dernier sont inférieures à l’exemption de base proportionnelle pour 2004. Par conséquent, 2004 n’est pas une année de cotisation valide pour le demandeur.

[9] Chacune des parties s’appuie sur les dispositions législatives du paragraphe 13(1) du RPC ainsi que sur la jurisprudence pour appuyer son point de vue. Le demandeur s’appuie sur la décision Fletcher c. R. 2007 CCI 414 ainsi que sur la décision Reid c. R. 2008 CCI 421, tandis que l’intimé s’appuie sur la décision Ministre du Développement social c. Sauvé, 14 juin 2007, CP 23192 (CAP).

Jurisprudence

Fletcher c. R

[10] Dans la décision Fletcher, une décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant remettait en question le type et le montant des cotisations au RPC à l’égard de son revenu provenant d’un travail indépendant. La question en litige ne portait pas sur le calcul proportionnel et la Cour canadienne de l’impôt n’a pas abordé cette question dans son jugement. Le Tribunal établit donc une distinction entre l’affaire Fletcher et la présente affaire pour cette raison et estime qu’elle ne peut appuyer la cause du demandeur.

Reid c. R

[11] La question du calcul proportionnel des cotisations au RPC a été soulevée clairement dans la décision Reid dans le contexte d’une demande de pension du RPC. La Cour canadienne de l’impôt a été appelée à trancher la question de savoir comment les cotisations sont calculées pour la rémunération tirée d’un travail indépendant pour l’année au cours de laquelle le cotisant atteint l’âge ouvrant droit à pension. Après avoir énoncé l’approche générale adoptée par le RPC à l’égard de la rémunération obtenue après qu’une personne a commencé à toucher une pension de retraite du RPC, le juge Boyle a souligné que la rémunération tirée d’un travail qu’une personne exécute pour son propre compte est traitée d’une façon différente. Il a affirmé qu’aux termes du paragraphe 13(1) du RPC, le revenu tiré du travail qu’une personne exécute pour son propre compte est réparti de façon proportionnelle sur une période de 12 mois. Dans l’affaire de Reid, le juge Boyle a déterminé que le revenu que Reid avait tiré du travail qu’il exécutait à son propre compte faisait l’objet de cotisations au RPC, de façon proportionnelle, même si le revenu avait été gagné après que Reid ait commencé à toucher sa pension de retraite.

[12] Par conséquent, la décision Reid aide uniquement le demandeur en ce qui a trait à la question de savoir s’il était tenu de verser des cotisations au RPC pour la partie de son revenu de 2004 qui découlait de son travail indépendant. Toutefois, la vraie question ne consiste pas à déterminer si le demandeur était tenu de faire des cotisations au RPC pour la partie de son revenu provenant du travail qu’il exécutait pour son propre compte en 2004; il faut plutôt déterminer si cette rémunération, qui a fait l’objet d’un calcul proportionnel pour déterminer les cotisations au RPC, lui a permis de dépasser le seuil de l’exemption de base proportionnelle pour 2004, ce qui ferait de 2004 une année de cotisation valide. Selon les documents fournis par l’intimé, en 2004, l’exemption de base était fixée à 3 500 $, et le montant proportionnel s’appliquant au demandeur était de 291,66 $. Par conséquent, 2004 n’était pas une année de cotisation valide pour le demandeur.

Ministre du Développement social c. Sauvé

[13] L’avocat de l’intimé s’appuie sur la décision Ministre du Développement social c. Sauvé, 14 juin 2007, CP 23192 (CAP) pour étayer sa position. Dans la décision Sauvé, qui s’applique parfaitement à la présente affaire, de l’avis du Tribunal, le CAP a abordé précisément la question qui se pose dans l’affaire du demandeur. Les faits de l’affaire Sauvé sont étonnamment semblables à ceux de la présente affaire. Tout comme le demandeur, M. Sauvé contestait la date de fin de la PMA, car il était convaincu qu’elle était bien postérieure à la date proposée par le ministre.

[14] Le juge Hurley, au nom de la Commission d’appel des pensions, qui était unanime sur la question, a déterminé que le calcul proportionnel n’appuyait pas M. Sauvé puisque sa rémunération calculée de façon proportionnelle était inférieure à l’exemption de base pour la même période. La conclusion du juge Hurley est ainsi formulée :

[8] Les exemptions de base, les gains ouvrant droit à pension non rajustés, les cotisations au Régime de pensions du Canada, les gains d’un travail autonome et l’exemption de base de l’année peuvent faire l’objet d’un calcul proportionnel, à condition, dans le cas des gains d’un travail autonome, que ces gains soient supérieurs à l’exemption de base proportionnelle pour la même partie de l’année; voir l’article 13 et l’alinéa 19(1)b). En 2002, les gains de M. Sauve tirés d’un travail autonome s’établissaient à 2 220 dollars, alors que l’exemption de base de l’année était de 3 900 dollars. Si (pour reprendre l’exemple du ministre) l’invalidité de M. Sauve commençait en juin 2002, ses gains proportionnels d’un travail autonome représentent 1 100 dollars, montant inférieur à l’exemption de base proportionnelle de 1 950 dollars pour la même période. Par conséquent, le calcul proportionnel n’aide pas M. Sauve à respecter les exigences de cotisation.

[15] De la même façon, le Tribunal estime que le calcul proportionnel n’aide pas le demandeur.

[16] L’avocat du demandeur a fait valoir que l’intimé n’a pas établi qu’une quelconque partie de la rémunération du demandeur en 2004 était tirée d’un travail exécuté pour son propre compte. Sur la foi des documents au dossier, le Tribunal estime que selon la prépondérance des probabilités, le demandeur a tiré environ 200 $ d’un travail autonome. Le dossier du Tribunal fait référence à un feuillet T-1 et contient une copie d’un reçu montrant le paiement. Le témoignage du demandeur va également en ce sens.

Le demandeur est-il en droit de se fier à la déclaration antérieure selon laquelle sa PMA prenait fin en janvier2004?

[17]  L’avocat du demandeur a formulé cette observation. Même si cet argument semble éveiller la sympathie, le Tribunal ne peut y souscrire. Comme le précise la décision Fletcher, le fait pour le demandeur de se fier à des renseignements erronés fournis par les agents du RPC ne libère pas le Tribunal de la responsabilité de rendre des décisions conformes aux dispositions du RPC. Le Tribunal se fie aux paragraphes suivants du jugement du juge O’Connor :

[8] Il est regrettable que l’appel ne puisse être reçu simplement parce que l’appelant s’est fié à des renseignements erronés fournis par des agents du RPC. Les calculs doivent s’effectuer en conformité avec le RPC et non sur la foi des renseignements erronés fournis par les agents en question.

[9] Dans Boynton c. Canada [2001] 3 C.T.C. 2320, Hamlyn J.C.I. déclare :

11. Les déclarations de la fonctionnaire de l’ADRC sur lesquelles s’est appuyé l’appelant à son détriment ne font pas obstacle à la nouvelle cotisation. Le droit établi clairement que, le fait pour un employé de Revenu Canada de transmettre des renseignements erronés à un contribuable qui agit conformément à ces renseignements à son détriment, n’empêche pas en lui-même le ministre d’assujettir le contribuable à l’impôt et de lui imposer des intérêts et des pénalités conformément aux dispositions législatives applicables.

[10] Cette remarque incidente porte sur les renseignements erronés fournis par un employé de l’Agence du revenu du Canada, mais s’applique également aux renseignements erronés fournis par un employé du RPC.

[18] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que la division générale n’a pas commis d’erreur en concluant que la date de fin de la PMA du demandeur était le 31 décembre 1997. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel aurait une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées?

[19] L’avocat du demandeur a fait valoir que la division générale avait fondé sa décision sur deux concluions erronées, à savoir que le demandeur conservait la capacité de travailler et que son état de santé s’améliorait de façon importante sans traitement. Comme le Tribunal a conclu que la division générale n’avait pas commis d’erreur en ce qui concerne la date de fin de la PMA, les faits de l’affaire du demandeur font en sorte que ces questions sont pratiquement théoriques. Les faits pertinents montrent que le demandeur a continué de travailler après sa PMA. Le fait qu’il a touché une rémunération valide en 2011, 2002 et 2003 n’est pas contesté. En effet, il s’agit de la raison pour laquelle la date de fin de sa PMA a été contestée aussi énergiquement, puisque s’il avait été établi que la PMA du demandeur était en 2004, celui-ci aurait répondu à l’exigence selon laquelle il lui fallait avoir versé [traduction] « de 4 à 6 ans de cotisations valides ». Par conséquent, le Tribunal estime que la division générale n’a commis aucune erreur en déterminant que le demandeur conservait la capacité de travailler.

[20] Sur la foi de cette conclusion, le Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire qu’il se penche sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur en déterminant que l’état de santé du demandeur s’améliorait sans traitement.

Conclusion

[21] L’avocat du demandeur fait valoir que la demande devrait être accueillie parce que la division générale a commis une erreur de droit en déterminant que la date de fin de la PMA du demandeur était le 31 décembre 1997 plutôt que janvier 2004. L’avocat a également fait valoir que la division générale avait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, à savoir que le demandeur conservait la capacité de travailler et que son état de santé s’améliorait de façon importante sans traitement. Sur la foi de l’analyse précédente, le Tribunal conclut que le demandeur n’a pas soulevé une cause défendable. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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