Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • P. S. : Appelant
  • Rajinder Johal : Représentant de l’appelant

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité présentée par l’appelant au titre du Régime de pensions du Canada a été estampillée par l’intimé le 12 juillet 2012. Ce dernier a rejeté la demande lors de la présentation initiale et après réexamen. L’appelant a interjeté appel de la décision du réexamen auprès du Tribunal le 15 avril 2013.

[2] L’audience du présent appel a eu lieu par vidéoconférence pour les motifs suivants :

  1. Ce mode d’audience est celui qui convient le mieux lorsqu’il y a plusieurs participants;
  2. Les questions qui font l’objet du présent appel sont complexes;
  3. Il y a des lacunes dans les renseignements qui figurent au dossier, et/ou certaines précisions doivent être apportées;
  4. Ce mode d’audience respecte l’exigence prévue par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui:

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Questions en litige

[6] Le Tribunal est d’avis que la date marquant la fin de la PMA est le 31 décembre 2011.

[7] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant ait été atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date à laquelle sa PMA a pris fin ou avant cette date.

Contexte

[8] L’appelant avait 39 ans le 31 décembre 2011, date marquant la fin de sa PMA; il a maintenant 43 ans. Il est né au Guyana et a déménagé au Canada à l’âge de quatre ans. Il est titulaire d’un diplôme d’études secondaires et a suivi une formation de technicien en climatisation au collège George Brown pendant deux ans. Il est entré sur le marché du travail avant d’avoir terminé ses cours au collège et a travaillé pendant environ cinq ans comme technicien en climatisation. Il a ensuite effectué un travail qui consiste à installer des pièces électroniques dans des véhicules. Il a commencé à travailler en tant que conducteur de grand routier en 2002. En juillet 2009, il s’est blessé au dos.

[9] L’historique de sa blessure est présenté dans un rapport du centre d’évaluation régional de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents de travail (CSPAAT), daté du 11 septembre 2009. Voici l’historique :

[Traduction]
M. S. a 37 ans et est droitier. Il est conducteur de camion et a subi un accident de travail. Il a indiqué que sa douleur a commencé le 20 avril 2009, alors qu’il revenait chez lui, après un long voyage. Il ressentait une douleur le long de la partie postérieure de ses jambes et a consulté son médecin de famille. Ce dernier lui a prescrit des relaxants musculaires et un examen par IRM. Bien que sa douleur n’ait pas disparu, il a continué à travailler et passait environ de huit à quatorze heures au volant. M. S. indique que, un mois plus tard, sa douleur a commencé à se manifester de façon intermittente, surtout en marchant, et qu’il la ressentait moins lorsqu’il était assis.

Par la suite, le 8 juillet 2009, alors qu’il se trouvait à Winnipeg, il a ressenti une douleur insupportable au bas du dos et à la jambe gauche. Son co‑chauffeur a appelé une ambulance qui l’a emmené au service d’urgence de la région. M. S. a reçu une injection d’analgésique, mais en vain. Sa femme est partie de Toronto pour se rendre à Winnipeg, et ils retournés chez eux ensemble en avion le 20 juillet 2009.

[10] En décembre 2011, l’appelant s’est blessé de nouveau en sortant du lit, après avoir commencé à ressentir une crampe à la jambe. Une fois debout, il s’est effondré sur le plancher, inconscient, et son corps tout entier s’est écroulé sur son genou droit. Il s’est déchiré le ménisque médial de ce genou et a subi une arthroscopie en juin 2012.

[11] L’appelant n’est pas retourné au travail depuis juillet 2009. Au début, il touchait des prestations de la CSPAAT, mais celles-ci ont pris fin en 2011. Dans sa preuve testimoniale, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas interjeté appel de la décision de la CSPAAT, et qu’il ne touche aucune prestation pour l’instant.

Documents relatifs à la demande

[12] Dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC, estampillé par l’intimé le 12 juillet 2012, l’appelant a indiqué qu’il était titulaire d’un diplôme d’études secondaires et qu’il comptait une année d’études postsecondaires. Il a précisé que le dernier emploi qu’il avait occupé était celui de chauffeur de camion qu’il a exercé du 19 juillet 2007 au 17 juillet 2009, et qu’il avait cessé de travailler à cause d’un accident de travail. Il a expliqué qu’il était invalide depuis le 17 juillet 2009 et que les maladies ou troubles qui l’empêchaient de travailler étaient notamment une douleur au bas du dos et à la jambe gauche, une sténose du canal rachidien, une hernie discale, une dépression et un déconditionnement des muscles du rachis lombaire. Il a ajouté qu’il ne pouvait pas marcher en raison d’engourdissements à la fesse gauche et d’une faiblesse à la jambe et au pied gauches, qu’une douleur irradiait dans sa jambe droite et qu’il était incapable de s’asseoir et de soulever ou de porter des charges.

[13] Il a décrit en quoi consistaient les difficultés qu’il éprouvait et ses limitations fonctionnelles : il ne peut rester assis ou debout pendant plus de 10 à 15 minutes; il a besoin d’aide et de soutien pour marcher; il ne peut soulever, porter ou atteindre aucune charge; il a de la difficulté à s’habiller et ressent de la douleur lorsqu’il le fait; uriner et aller à la selle lui prennent beaucoup de temps; il est incapable d’accomplir toute tâche ménagère; sa mémoire est défaillante et il manque de concentration; son sommeil est perturbé et il a l’impression de suffoquer la nuit; et il a beaucoup de difficulté à conduire sa voiture pendant de longues périodes.

[14] La demande de prestations du RPC est accompagnée d’un rapport daté du 25 avril 2012 et rédigé par le Dr Bariana, médecin de famille de l’appelant. Dans son rapport, le Dr Bariana indique qu’il a diagnostiqué une douleur chronique au bas du dos, un taux de lipides élevé, de l’hypothyroïdie, de l’arthrose et une douleur chronique secondaire. Il y indique aussi que l’appelant a consulté un spécialiste de la douleur, des rhumatologues et des chirurgiens orthopédistes pour qu’ils examinent ses troubles, et qu’un rendez‑vous a été fixé en vue d’une intervention orthopédique. Il précise également que le traitement n’a apporté aucun changement ni aucune amélioration. Le pronostic était favorable.

Preuve testimoniale

[15] Dans la preuve testimoniale qu’il a présentée lors de l’audience, l’appelant a parlé de ses études et de ses antécédents professionnels. Il a aussi décrit les circonstances entourant la blessure au dos qu’il a subie en juillet 2009 et sa blessure au genou droit qui date de décembre 2011. Il a suivi des traitements de physiothérapie pendant environ les trois années qui ont suivi sa blessure au dos; au début, il assistait à cinq séances par semaine et chaque séance durait de quatre à cinq heures. Au bout de deux ans, le nombre de séances a été réduit à trois par semaine. Il a déclaré que ces traitements visaient à lui faire réapprendre à exécuter des mouvements quotidiens, comme marcher et ramasser des objets, et à lui montrer comment atténuer quelque peu la douleur, notamment en se couchant sur le sol et en plaçant une jambe au‑dessus du genou pour réaligner son dos.

[16] Il a déclaré qu’il ressentait toujours une douleur et que seuls les mouvements des muscles s’étaient améliorés; par contre, le fait de pouvoir exécuter un plus grand nombre de mouvements entraînait des douleurs intenses aux muscles et aux articulations. Ses mouvements sont encore très limités et l’appelant est incapable de se pencher pour mettre des bas ou lacer ses souliers. Il continue de faire ses exercices à la maison, mais la seule façon d’atténuer la douleur est de prendre du repos. En mai 2010, le Dr Izukawa, chirurgien orthopédiste, a dit à l’appelant qu’il n’avait pas à subir une opération. Trois semaines auparavant, l’appelant avait consulté le Dr Mehdi, un autre chirurgien orthopédiste, qui lui avait fortement recommandé de se faire opérer au dos. Il en a discuté avec son médecin de famille et a conclu qu’il allait probablement se faire opérer.

[17] En raison de l’inflammation observée, le Dr Bariana a aiguillé l’appelant vers le Dr Pinto. Ce dernier a dit à l’appelant que la seule chose qu’il pouvait faire pour lui était de lui prescrire des médicaments; l’appelant a vu le Dr Pinto trois ou quatre fois, et ce dernier lui a prescrit sept médicaments différents. Pendant deux ans, l’appelant a également eu recours aux services offerts dans un centre de gestion de la douleur, le Greenspon Pain Management Centre, où il a reçu des injections au dos deux fois par semaine. Il trouvait que sa douleur était pire après les injections et, lorsqu’il en a informé le médecin, celui‑ci a dit qu’il lui ferait essayer d’autres traitements. L’appelant a arrêté d’aller à ses séances de physiothérapie et au centre de gestion de la douleur lorsque la CSPAAT a cessé d’assumer les frais associés aux traitements.

[18] En 2011, l’appelant a participé à une étude sur le sommeil dans le cadre de laquelle on lui a recommandé d’utiliser un appareil de ventilation spontanée en pression positive continue (VSPPC). Il a déclaré qu’il ne s’était pas procuré cet appareil parce qu’il n’en avait pas les moyens. Il a consulté le Dr Dhaliwal, psychiatre, pour la première fois en septembre 2012. Le Dr Bariana avait aiguillé l’appelant vers le Dr Dhaliwal parce qu’il souffrait d’un trouble dépressif majeur. L’appelant a assisté à environ cinq ou six séances avec le Dr Dhaliwal; ils ont discuté principalement de gestion de la douleur. L’appelant n’a pas pris les antidépresseurs que lui avait prescrits le Dr Dhaliwal parce qu’il craignait qu’ils le rendent suicidaire. Il a évoqué un incident au cours duquel une des camarades de classe de sa fille s’était jetée en bas d’un balcon après avoir commencé à prendre des antidépresseurs. Il n’a pas revu le Dr Dhaliwal depuis février 2012; il ne reçoit aucun traitement pour sa dépression – il essaie de s’en sortir par lui‑même. Il a également précisé qu’il ne prenait pas d’antidépresseurs parce qu’il n’en avait pas les moyens. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait fait part de ses préoccupations au Dr Dhaliwal ou s’il s’était renseigné auprès de la CSPAAT pour savoir si celle‑ci pouvait assumer les frais des antidépresseurs, l’appelant a indiqué qu’il n’y avait jamais pensé. Par ailleurs, lorsqu’on lui a demandé s’il avait communiqué avec la CSPAAT pour savoir si elle pouvait couvrir le coût de l’appareil de VSPPC, il a répété qu’il n’avait jamais pensé à cela.

[19] L’appelant a déclaré qu’il ressent maintenant des douleurs dans tout le corps, notamment aux articulations, aux poignets, aux coudes, aux épaules, aux hanches, au dos et aux genoux. Il ressent aussi des engourdissements et ne peut rester debout plus de deux ou trois minutes. Depuis l’arthroscopie, il peut déplier la jambe droite un peu plus, mais ses genoux sont encore douloureux. Il est incapable de se concentrer, car il ne fait que penser à sa douleur.

[20] Il se réveille habituellement vers 10 h ou 11 h. Vers 6 h 30, il commence à remuer dans son lit, mais il reste couché afin de se reposer suffisamment, ce qui l’aide à ressentir moins de douleur le reste de la journée. Il a de la difficulté à aller à la toilette et ressent des crampes lorsqu’il s’essuie. Il est incapable de se pencher, et son fils doit l’aider à mettre ses chaussettes. Il vit dans une maison de deux étages et a de la difficulté à monter et à descendre l’escalier – il doit s’appuyer sur la rampe avec ses mains et monter lentement, une marche à la fois, car ses genoux ne peuvent supporter tout son poids. Une fois qu’il a descendu l’escalier, il reste au rez‑de‑chaussée toute la journée. Après le déjeuner, il se repose dans le fauteuil au salon; il regarde la télévision et le petit chien de ses enfants lui tient compagnie. Lorsque son dos est très douloureux, il s’étend sur le plancher et fait des exercices afin d’essayer de replacer son dos – il ressent constamment une douleur au dos. Il n’utilise pas d’ordinateur, car ses doigts lui font mal lorsqu’il tape sur le clavier. Il ne peut faire aucune tâche ménagère et ne sort pas.

[21] Il a participé au programme de réintégration au marché du travail (RMT) de la CSPAAT et cette dernière lui a trouvé un emploi de répartiteur chez son ancien employeur. L’appelant n’a pas pu se présenter au travail la première journée en raison de la douleur intolérable qu’il ressent et, lorsqu’il a appelé la CSPAAT pour l’informer qu’il ne pourrait pas aller travailler, elle a mis fin à ses prestations. Il ne reçoit plus de prestations de la CSPAAT et n’a pas interjeté appel de la décision de cette dernière de mettre fin à ses prestations. Il voit le Dr Bariana une fois par mois, mais ne consulte aucun autre spécialiste, à l’exception du Dr Mehdi qu’il avait vu trois semaines auparavant, et ne suit aucun traitement. Il prend seulement du Synthroid pour traiter une affection à sa thyroïde, et du naproxen, un anti‑inflammatoire.

Preuve médicale

[22] Le Tribunal a examiné attentivement tous les éléments de preuve médicale versés au dossier d’audience. Les extraits que le Tribunal juge les plus pertinents sont présentés ci‑après.

[23] Un examen par IRM de la colonne, réalisé le 5 juillet 2009, a révélé une hernie discale médiale modérée à L5‑S1, ainsi que des fragments discaux près des deux racines nerveuses à S1, dans le récessus latéral.

[24] Le 20 juillet 2009, le Dr Andruka, du Trillium Health Centre, a indiqué que l’appelant avait été examiné au service d’urgence où il avait reçu un diagnostic de hernie discale modérée et de sciatique évidente. Il a ajouté qu’il fallait alléger davantage la douleur de l’appelant au moyen de médicaments et que des traitements conventionnels, comme la physiothérapie et l’administration de stéroïdes par voie péridurale, devraient être essayés.

[25] Un examen par IRM du genou droit réalisé le 27 juillet 2009 a révélé une dégénérescence localisée centralement.

[26] Le 1er septembre 2009, le Dr Bariana a indiqué qu’il avait vu l’appelant le 20 juillet 2009 et que les symptômes de ce dernier consistaient en une incapacité de marcher, des évanouissements et des engourdissements à la jambe gauche. Il a noté que l’appelant s’était rendu au service d’urgence et que, après avoir vu un neurochirurgien, il avait reçu son congé et qu’on lui avait prescrit de faire de la physiothérapie et de prendre des analgésiques (Percocet et du naproxen); qu’il avait été aiguillé vers un centre de gestion de la douleur afin qu’il subisse des anesthésies tronculaires; et que l’examen par IRM montrait une hernie discale à L5-S1 ainsi qu’une compression nerveuse à S1. Le rapport conclut que, si l’état de l’appelant ne s’améliorait pas, ce dernier devra subir une intervention chirurgicale et revoir le spécialiste de la douleur pour une consultation de suivi.

[27] Le 11 septembre 2009, une évaluation réalisée par le centre d’évaluation régional de la CSPAAT a révélé une radiculopathie au niveau L5‑S1 de la jambe gauche causée par une hernie discale, ainsi qu’un élément de réaction émotionnelle. L’évaluation révèle que l’appelant s’est rétabli partiellement et qu’il devrait se remettre complètement d’ici trois à quatre mois.

[28] Le 14 septembre 2009, le Dr Leibovitz, spécialiste de la gestion de la douleur, a indiqué dans son rapport que l’appelant souffrait de douleurs au bas du dos et aux jambes depuis environ avril 2009. Il a diagnostiqué une irritation des facettes des vertèbres lombaires gauches ainsi qu’une douleur projetée au membre inférieur gauche.

[29] Dans une évaluation des capacités fonctionnelles réalisée le 22 janvier 2010, Mike Postic, physiothérapeute agréé, a indiqué que l’appelant pouvait occuper un emploi dont le travail est considéré de sédentaire à moyen et qui permet de changer de position fréquemment, de travailler à son propre rythme et de ne soulever que peu de charges.

[30] Le 14 mai 2010, le Dr Izukawa, chirurgien orthopédiste, a indiqué que l’appelant s’était amélioré graduellement grâce aux traitements conventionnels prescrits lesquels se traduisaient par des séances de physiothérapie comprenant entre autres un programme de réadaptation du dos et un programme d’exercices pour la région lombaire basse. Il a précisé que l’examen par IRM a confirmé une spondylose à L5‑S1 ainsi qu’une hernie discale médiale qui semble chronique et des ostéophytes connexes. Bien qu’il ait constaté une corrélation entre les images prises et les signes cliniques observés, le Dr Izukawa n’a recommandé aucune intervention chirurgicale pour la colonne lombaire. Il a conclu que l’appelant devait adhérer à un programme rigoureux d’exercices pour la région lombaire basse qu’il devra suivre assidûment et en permanence pour soulager la douleur.

[31] Le 20 janvier 2011, le rapport final de l’équipe multidisciplinaire de la CSPAAT a conclu ce qui suit :

[Traduction]
Compte tenu des résultats obtenus dans le cadre du programme, M. S. est en mesure de commencer un programme de réintégration au marché du travail afin qu’il puisse trouver un emploi lui permettant d’accomplir un travail léger. Il est recommandé qu’il évite de se pencher, de faire toute rotation impliquant le bas du dos et de s’exposer aux vibrations. Il devra changer de positions de façon intermittente, et sa capacité de marcher et de se tenir debout est encore limitée, mais celle‑ci devrait s’améliorer graduellement, au fil du temps, si l’appelant continue de suivre son programme d’exercices à la maison et de mettre en pratique ses stratégies de gestion de la douleur. Aucune affection psychologique importante n’empêche M. S. de réintégrer le marché du travail ou de reprendre un emploi rémunérateur, lequel sera déterminé une fois qu’il aura terminé son programme.

[32] La preuve médicale comprend entre autres les rapports rédigés par le Dr Harrington, chirurgien orthopédiste, entre le 1er mai 2009 et le 20 juin 2012. Dans son rapport du 1er mai 2009, le Dr Harrington a indiqué que, bien que l’appelant l’ait consulté pour ses problèmes aux genoux, il croit que ses maux de dos sont bien plus graves. Lors de l’examen, il n’a rien relevé de particulier et les deux genoux étaient stables. Le Dr Harrington a envoyé l’appelant subir un examen par IRM. Le 25 septembre 2009, il a noté que l’examen par IRM montrait une dégénérescence du ménisque, mais aucune déchirure distincte du ménisque. L’appelant ressentait une douleur péri‑patellaire dans les deux genoux, qui augmentait lorsqu’il montait et descendait des escaliers, mais ses genoux ne bloquaient pas et ne cédaient pas. Le Dr Harrington a recommandé de la physiothérapie.

[33] Le 9 mars 2012, le Dr Harrington a vu l’appelant et examiné son genou droit. Ce dernier a déclaré que, juste avant Noël 2011, il avait subi un incident au cours duquel sa jambe gauche avait cédé, probablement en raison de ses problèmes de dos, et qu’il s’était tordu le genou droit. Il a ressenti immédiatement une douleur et un inconfort au genou et, depuis cet incident, il n’a pas été capable de déplier entièrement sa jambe. Un examen par IRM réalisé en janvier montre une déchirure du ménisque médial. Au moment de l’examen, le genou droit était bloqué et le Dr Harrington était d’avis qu’une arthroscopie était nécessaire. Le 7 juin 2012, le Dr Harrington a réalisé l’arthroscopie du genou droit au cours de laquelle il a procédé au débridement de plusieurs compartiments et à la méniscectomie partielle du ménisque médial, et coupé le ménisque latéral. Le diagnostic préopératoire et postopératoire fait état d’un dérangement interne du genou droit. Le 20 juin 2012, le Dr Harrington a indiqué dans un rapport que le genou montrait encore des signes d’enflure et que l’appelant marchait en boitant. Il a recommandé d’autres séances de physiothérapie et traitements aux anti-inflammatoires. Il a indiqué que des injections pourraient être administrées ultérieurement.

[34] Le 29 mai 2012, le Dr Joshi, rhumatologue, a communiqué avec le Dr Bariana qui lui avait demandé une seconde opinion concernant la douleur au bas du dos de l’appelant. Le Dr Joshi a indiqué qu’il n’avait observé qu’une seule des seize zones sensibles et que l’appelant ressentait une forte douleur au bas du dos. Il a également indiqué que l’appelant manifestait une composante inflammatoire de spondylite. Il a précisé qu’il allait réaliser d’autres examens et qu’il avait prescrit du Celebrex. Le 28 juin 2012, le Dr Joshi a indiqué que l’appelant venait de subir une arthroscopie du genou droit et qu’il était retourné chez lui en souffrant d’une boiterie antalgique. Le rachis lombaire inférieur de l’appelant était un peu sensible, mais cette douleur était tolérable. Le 24 septembre 2012, le Dr Joshi a indiqué qu’il avait relevé 15 zones sensibles sur 18 chez l’appelant.

[35] Le 26 septembre 2012, le Dr Dhaliwal, psychiatre, a diagnostiqué un trouble dépressif majeur, une douleur et une dépression attribuable à la douleur. Il a indiqué que l’appelant souffrait d’une douleur aiguë, d’insomnie, d’anxiété et d’une dépression qui s’était transformée en trouble dépressif majeur caractérisé. Il a attribué au patient un score de 40 sur l’échelle d’évaluation globale de fonctionnement (EGF). Le 20 novembre 2012, le Dr Dhaliwal a indiqué que l’appelant n’avait pas commencé à prendre le Cymbalta et le Seroquel parce que ses analyses de sang avaient révélé des taux élevés d’AST et d’ALT. Il a prescrit à l’appelant de l’Effexor, de l’Abilify et de l’Ativan, et lui a recommandé de suivre une thérapie de soutien, une thérapie cognitive et une thérapie fondée sur la pleine conscience. Le 4 février 2013, le Dr Dhaliwal a indiqué que l’appelant n’a pas pris les médicaments Effexor et Abilify parce qu’il craignait d’avoir des effets secondaires. L’appelant voulait essayer les herbes médicinales, la naturopathie, le yoga, la méditation et la massothérapie, et le Dr Dhaliwal l’encourageait à le faire. L’appelant ne voulait pas poursuivre le traitement et la thérapie habituels axés sur les antidépresseurs. Le rapport conclut ainsi : [traduction] « Je verrai l’appelant, si on me demande de nouveau de le voir en consultation et s’il change d’avis. Il peut revenir me voir, s’il en ressent le besoin. »

[36] Le 24 novembre 2014, le Dr Attar, rhumatologue, a examiné l’appelant afin d’exclure toute possibilité de maladie auto‑immune. Il est d’avis que la douleur de l’appelant s’est amplifiée, ce qui explique les douleurs corporelles généralisées, et estime qu’une consultation chez un spécialiste de la douleur pourrait lui être profitable.

[37] Le 8 mai 2015, le Dr Bariana a indiqué dans son diagnostic que l’appelant souffrait d’hyperlipidémie, de douleur chronique, d’hypothyroïdie, d’arthrose et de dépression. Le pronostic était mauvais, car l’appelant éprouvait de la douleur depuis maintenant cinq ans. L’affection de l’appelant s’aggravera s’il n’est pas pris en charge par un spécialiste de la douleur et qu’il ne suit pas un plan de traitement. La probabilité de retour au travail de l’appelant était inconnue, et le Dr Bariana a indiqué que l’appelant devait s’informer auprès des spécialistes qui le traitaient afin d’obtenir des précisions à cet égard.

Observations

[38] M. Johal soutient que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. L’appelant doit composer avec de nombreuses limitations lorsqu’il s’assoit, se tient debout, marche, soulève des charges et exécute des mouvements impliquant des torsions. De plus, il souffre d’affections multiples, comme des douleurs chroniques au dos et aux genoux, une douleur chronique généralisée, un sommeil perturbé et des maux de tête;
  2. L’appelant a suivi de nombreux traitements et consulté plusieurs spécialistes, et il n’a pas les moyens de payer des traitements comme un appareil de VSPPC et des antidépresseurs;
  3. Compte tenu de ses multiples limitations et affections, il est incapable d’occuper un emploi rémunérateur.

[39] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Les limitations de l’appelant ne l’empêchent pas d’accomplir aucun type de travail;
  2. L’appelant a participé à un programme intégré de rétablissement fonctionnel offert par la CSPAAT et, en janvier 2011, il a été établi, compte tenu des résultats obtenus, qu’il était capable de commencer un programme de RMT afin qu’il puisse trouver un emploi lui permettant d’accomplir un travail léger dont certaines tâches seraient assujetties à des restrictions. Il a également été établi que l’appelant n’avait aucune barrière psychologique importante à surmonter.
  3. Aucun rapport psychiatrique n’a été produit après celui du Dr Dhaliwal daté de février 2013. Il est donc raisonnable de penser que, grâce à un soutien continu et à une optimisation du traitement administré, l’appelant sera capable de trouver un emploi convenable.
  4. L’appelant est jeune et a reçu une éducation raisonnable, mais rien ne démontre qu’il a tenté de trouver un autre emploi qui tient compte de ses limitations.

Analyse

[40] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2011 ou avant cette date.

Invalidité grave

[41] Les exigences législatives appuyant une demande de prestations d’invalidité sont décrites au paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada. Ce paragraphe explique essentiellement que, pour être déclarée invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité qui est « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse s’adonner. Une invalidité n’est « prolongée » que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[42] Les décisions citées ci-après ont guidé le Tribunal et l’ont aidé à trancher les questions soulevées dans le présent appel.

[43] Il incombe à l’appelant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de la décision ou avant cette date, il était invalide au sens de la Loi. Le critère de la gravité doit être évalué dans un « contexte réaliste » : (Villani c. Canada [Procureur général], 2001 CAF 248). Au moment de déterminer « l’employabilité » d’une personne à l’égard de son invalidité, le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie.

[44] Par contre, cela ne signifie pas que toute personne qui souffre d’un problème de santé et qui a de la difficulté à trouver et à garder un emploi est admissible à une pension d’invalidité. Un demandeur doit malgré cela être en mesure de démontrer qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée qui le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[45] L’appelant doit non seulement prouver qu’il a un grave problème de santé, mais lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général) 2003 CAF 117. Cependant, dans le cas où il y a incapacité de travailler, il n’y a aucune obligation de démontrer les efforts fournis pour trouver un emploi. L’incapacité peut être démontrée de différentes façons. Par exemple, elle peut être établie en démontrant que l’appelant aurait été incapable de mener toute activité liée à un emploi : C.D c. MRHDC (18 septembre 2012) CP27862 (CAP).

[46] L’appelant doit se montrer prêt, en toute bonne foi, à suivre les conseils médicaux appropriés et à s’inscrire à des programmes de formation ou de recyclage lui permettant de trouver un autre emploi lorsqu’il apparaît évident que son ancien emploi n’est plus approprié : Lombardo c. MDRH, (23 juillet 2001), CP 12731 (CAP).

[47] Le terme « invalidité prolongée » implique un élément d’autodiscipline ou de responsabilité personnelle raisonnable. Le fait de suivre des recommandations médicales comme faire de l’exercice, suivre un régime, prendre des médicaments, éviter l’alcool et le tabac et suivre d’autres traitements raisonnables et conservateurs est un comportement attendu d’une personne s’il peut améliorer une affection possiblement invalidante. Une personne qui persiste à souffrir d’une affection qui peut raisonnablement être évitée ou améliorée en adoptant des mesures disponibles, ne peut être considérée comme souffrant d’une invalidité prolongée ou d’une durée indéterminée : Smith c. MDRH (29 mai 1998) CP 5068 (CAP).

Application des principes directeurs

[48] Le Tribunal a établi que l’appelant n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave, conformément aux critères énoncés dans le Régime de pensions du Canada.

[49] La preuve montre que l’appelant n’est pas capable de reprendre son ancien emploi comme conducteur de grand routier. Elle a aussi établi qu’il souffre depuis longtemps d’une douleur chronique et de dépression. Les principales questions que doit trancher le Tribunal consistent à déterminer si l’appelant a la capacité d’occuper un autre emploi rémunérateur et s’il a suivi les recommandations raisonnables de traitement. Lorsqu’il examine ces questions, le Tribunal doit tenir compte du fait que le fardeau de la preuve incombe à l’appelant et que la date à laquelle la PMA a pris fin est le 31 décembre 2011.

Capacité d’occuper un autre emploi

[50] L’appelant avait seulement 39 ans à la date à laquelle sa PMA a pris fin, soit le 31 décembre 2011; il a reçu une bonne éducation, et ses antécédents professionnels confirment qu’il possède des compétences transférables utiles. L’évaluation des capacités fonctionnelles réalisée en janvier 2010 indique que l’appelant a la capacité d’exécuter un travail moyen. Le rapport de l’équipe multidisciplinaire de la CSPAAT réalisé en janvier 2011 conclut que l’appelant est capable de commencer un programme de RMT afin qu’il puisse trouver un emploi lui permettant d’accomplir un travail léger. Dans son rapport daté d’avril 2012 (soit quatre mois après la date à laquelle la PMA a pris fin), le Dr Bariana a indiqué que le pronostic de l’appelant était raisonnable et, dans le rapport de mai 2015, il a indiqué que les probabilités de retour au travail de l’appelant étaient inconnues et que ce dernier devait s’informer auprès des spécialistes qui le traitaient afin d’obtenir des précisions à cet égard. Ces rapports montrent que l’appelant avait la capacité d’occuper un autre emploi au moment où sa PMA a pris fin.

[51] Dans sa preuve testimoniale, l’appelant a reconnu qu’il n’a fait aucune tentative de retour au travail depuis juillet 2009. Il a participé au programme de RMT dans une certaine mesure, et des mesures ont été prises afin qu’il puisse obtenir un poste de répartiteur chez son ancien employeur. L’appelant a déclaré que, lorsqu’il n’a pas pu se présenter au travail le premier jour parce qu’il ressentait une douleur insupportable, la CSPAAT a mis fin à ses prestations. Pour des raisons inconnues, l’appelant n’a pas interjeté appel de la décision.

[52] Bien que de nombreux documents aient été versés au dossier d’audience, celui‑ci ne contient aucun rapport sur la RMT ni aucun autre rapport ou document portant sur la décision de la CSPAAT de mettre fin aux prestations de l’appelant. De tels documents sont d’une grande pertinence pour le présent appel, et l’appelant aurait pu les obtenir facilement. Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant, et le fait que ce dernier n’a pas inclus ces documents importants au dossier d’audience a été un facteur que le Tribunal a pris en considération pour déterminer si l’appel devait être rejeté.

[53] Le Tribunal est d’avis que, à la date à laquelle la PMA de l’appelant a pris fin, ce dernier avait la capacité d’occuper un autre emploi moins exigeant physiquement et qu’il n’a pas déployé les efforts raisonnables pour le faire. L’appelant ne s’est pas acquitté de ses obligations, telles qu’elles sont exposées dans l’arrêt Inclima précité.

Respect des recommandations raisonnables de traitement

[54] L’appelant a suivi plusieurs types de traitement pour soigner ses affections physiques et a consulté de nombreux spécialistes à cet égard. Cependant, un élément important de sa demande d’invalidité est sa dépression. Bien qu’il ait vu le Dr Dhaliwal, psychiatre, quatre ou cinq fois, il n’a pas suivi la recommandation raisonnable du Dr Dhaliwal, selon laquelle il devait prendre des antidépresseurs. De plus, rien ne démontre que l’appelant a participé de façon importante à une psychothérapie de soutien. La preuve anecdotique concernant le suicide tragique de la fille de l’un de ses amis ne constitue pas un motif raisonnable de ne pas, à tout le moins, suivre ces recommandations. L’appelant a reconnu dans sa preuve testimoniale qu’il ne suivait aucun traitement pour soigner sa dépression.

[55] Le Tribunal a également fait observer que le rapport du Dr Bariana daté de mai 2015 indique que l’affection de l’appelant s’aggravera si ce dernier n’est pas pris en charge par un spécialiste de la douleur et qu’il ne suit pas un plan de traitement. Cet énoncé permet donc de penser que l’appelant n’a pas suivi le traitement contre la douleur recommandé par un spécialiste et qu’il lui aurait été utile de le faire. Le Tribunal constate aussi que l’appelant n’a fait aucun effort pour obtenir un appareil de VSPPC, lequel lui avait été recommandé au terme de sa participation à l’étude sur le sommeil en 2011. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas les moyens de se procurer cet appareil, mais il ne s’est pas renseigné pour savoir si des fonds gouvernementaux étaient disponibles et n’est pas adressé à la CSPAAT pour recevoir du financement.

[56] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas suivi les recommandations médicales raisonnables de traitement. [Voir Lombardo et Smith, précités].

Invalidité prolongée

[57] Puisque le Tribunal a déterminé que l’invalidité n’était pas grave, il n’a pas à se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[58] L’appel est rejeté.

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