Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] La permission d’interjeter appel à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 22 mai 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») a établi que le demandeur n’avait droit à aucune pension d’invalidité. À la date de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2009, ou avant cette date, le demandeur n’était pas atteint d’une invalidité mentale ou physique « grave et prolongée », au sens donné à cette expression dans le Régime de pensions du Canada (le « RPC »). Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (la « demande ») auprès de la division d’appel du Tribunal.

Motifs de la demande

[3] L’avocate du demandeur a soutenu en son nom que la décision de la division générale violait le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») étant donné qu’elle violait certains principes de justice naturelle et qu’elle comportait des erreurs de droit et des conclusions de fait erronées que la division générale a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit établir si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] La permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel.Note de bas de page 1 Pour accorder sa permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.  La Cour d’appel fédérale a jugé que la chance raisonnable de succès équivalait à une cause défendable : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] Les moyens d’appel sont énoncés à l’article 58 de la LoiNote de bas de page 2. Ce sont les seuls moyens d’appel qu’un demandeur peut utiliser pour en appeler d’une décision de la division générale. Pour les motifs suivants, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

[7] La décision de la division générale dit essentiellement que même si le demandeur souffre, dans les faits, de plusieurs affections, à la date de la PMA ou avant celle-ci, ces affections ne correspondent pas à la définition d’invalidité grave et prolongée.

Violation alléguée du principe de justice naturelle

[8] L’avocate du demandeur a soutenu que la division générale a violé le principe de justice naturelle en rendant sa décision près de quatre mois après l’audience. De l’avis de cette avocate, ce délai a réduit [traduction] « l’effet des observations et d’un témoignage vital ». Le Tribunal rejette cette observation. Bien que l’on puisse s’attendre à ce que le Tribunal mène ses procédures dès que les circonstances et les considérations en matière d’équité et de justice naturelle le permettent et qu’il soit tenu de communiquer les motifs de sa décision, aucune limite de temps ne lui est expressément imposée pour rendre sa décision. Quoi qu’il en soit, le Tribunal est d’avis que le délai écoulé avant qu’il ne rende sa décision n’est pas inhabituel. L’audience a eu lieu le 4 février 2015. La division générale a rendu sa décision le 22 mai 2015, soit dans un délai de trois mois et demi. Le Tribunal n’est pas persuadé que [traduction] « l’effet des observations et d’un témoignage vital » pourrait avoir été atténué pendant cette période au point de créer un désavantage pour le demandeur et de soutenir la thèse selon laquelle une violation du principe de justice naturelle a eu lieu. Cette allégation ne fait pas partie des moyens d’appel.

[9] L’avocate a soutenu également que le principe de justice naturelle a été violé étant donné que la division générale, même si elle a cité l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 C.F. 130, 2001 CAF 248, elle a omis d’appliquer adéquatement l’approche globale, en refusant de ce fait au demandeur l’application uniforme des principes énoncés dans l’arrêt Villani.

[10] Le Tribunal rejette cette observation. De l’avis du Tribunal, l’analyse que le membre de la division générale a effectuée, en particulier les articles 35 et 36 et aussi les articles 48 et 49, dément cette allégation. En l’occurrence, le Tribunal conclut que la division générale n’a pas violé le principe de justice naturelle.

Erreurs de droit alléguées

[11] L’avocate du demandeur a allégué que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’accorder une pondération appropriée, eu égard à la prépondérance des probabilités, à la preuve selon laquelle le demandeur est atteint d’une invalidité grave. Cette observation ne révèle aucun moyen d’appel. La prépondérance des probabilités est une norme établissant le fardeau de la preuve dans les causes civiles, donc non criminelles. La question de la pondération ne se pose pas à l’égard de la norme elle-même, mais plutôt à l’égard de la preuve qu’une partie présente.

[12] L’avocate du demandeur a indiqué de nouveau ce qu’elle considère comme une omission de la division générale, qui n’aurait pas appliqué le critère de l’approche globale de la personne dont il est question dans Villani. Comme il est indiqué ci-dessus, le Tribunal réfute que cette observation donne naissance à un moyen d’appel. L’analyse et l’application du jugement Villani par le membre commencent aux paragraphes 35 et 36. Il poursuit son analyse aux paragraphes 48 et 49. Dans ces deux paragraphes, le membre aborde expressément l’âge, la formation et l’expérience de travail du demandeur afin d’établir si celui-ci souffre d’affections graves et prolongées.

[13] À cet égard, le membre a souligné la jeunesse relative du demandeur, le fait que celui-ci parle couramment l’anglais et que malgré sa faible scolarité et ses difficultés d’apprentissage, il a de l’expérience de gestion. Après avoir effectué une évaluation « globale de la personne », le membre a conclu que l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le demandeur puisse suivre une nouvelle formation et trouver un emploi convenant à ses limites, à la condition qu’il suive le traitement recommandé. Par conséquent, le Tribunal conclut que la division générale n’a commis aucune erreur dans le cadre de son évaluation du demandeur au moyen des critères énoncés dans l’arrêt Villani.

[14] L’avocate du demandeur a fait valoir également que la division générale s’est fiée indûment à des extraits de divers rapports médicaux indiquant que le demandeur ne pouvait pas effectuer du travail exigeant de la force physique. Elle a allégué que le membre a présumé, en se fondant sur ces rapports, que le demandeur pouvait effectuer du travail léger.

[15] Le Tribunal conclut que la division générale ne s’est pas fiée indûment à des extraits de rapports médicaux pour conclure que le demandeur pouvait effectuer du travail léger. De l’avis du Tribunal, comme les médecins qui ont examiné le demandeur ont conclu que celui-ci ne pouvait pas accomplir des tâches exigeant de la force physique sans toutefois conclure qu’il ne pouvait pas effectuer de travail léger ou sédentaire, la division générale a agi raisonnablement en présumant que le demandeur pouvait effectuer un tel travail. De l’avis du Tribunal, il est raisonnable de présumer qu’une conclusion selon laquelle un demandeur ne peut pas effectuer un travail exigeant de la force physique n’exclut pas que ce demandeur puisse effectuer un travail léger ou sédentaire. De plus, la Cour suprême du Canada a établi ce qui suit : « Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision ». Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, paragraphes 14 à 16, 18, 20 et suivants. 22.

[16] Par conséquent, le Tribunal conclut que la division générale n’a commis aucune erreur de droit, contrairement à ce qu’affirme l’avocate du demandeur.

Conclusions de fait erronées alléguées

[17] L’avocate du demandeur a également allégué également que la division générale est parvenue à des conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle a soutenu que le membre de la division générale s’est fié à des extraits de rapports médicaux qui ont été présentés uniquement aux fins de l’évaluation de l’invalidité du demandeur causée par les problèmes de dos de celui-ci. Dans son observation, l’avocate a affirmé que le membre de la division générale a choisi d’interpréter ces évaluations médicales, qu’elle décrit comme étant des évaluations provenant, pour la plupart, de « médecins de transition (non traitants) », comme s’il s’agissait d’une preuve selon laquelle le demandeur était en mesure d’effectuer du travail léger, sans tenir compte de la personne dans son ensemble.

[18] Cette observation pose problème au Tribunal. La preuve médicale a été fournie afin de soutenir l’allégation du demandeur selon laquelle il était atteint d’invalidité. Par conséquent, la division générale a le droit de se fier à cette preuve. La direction générale ne peut rejeter la preuve du simple fait qu’elle émane d’un médecin qui n’était pas le médecin habituel du demandeur; ce serait commettre une erreur de droit. De plus, en l’absence d’une erreur, la division générale, en qualité de juge des faits, a le droit d’accorder une pondération différente à chaque élément de preuve. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il s’agit ici d’un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[19] L’avocate du demandeur s’est objecté également au fait que le membre ait souligné, sans en tenir compte, l’effet des médicaments sur la capacité du demandeur de travailler, de fournir un bon rendement et d’être fiable aux yeux d’un employeur éventuel. Cette observation n’a pas persuadé le Tribunal. Au paragraphe 37, le membre de la division générale a expressément tenu compte de l’effet des médicaments du demandeur sur sa capacité de fonctionnement globale. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il s’agit ici d’un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[20] De même, le Tribunal n’est pas convaincu par l’observation selon laquelle la division générale a erré en omettant de tenir compte adéquatement du témoignage du demandeur à propos de la nature véritable de son travail à titre de superviseur de la construction. Le membre de la division générale a souligné l’expérience du demandeur à titre de superviseur dans le cadre de l’évaluation des facteurs contenus dans l’arrêt Villani et des chances que le demandeur se trouve un autre emploi. Si une erreur s’était effectivement glissée dans l’analyse de la division générale, ce que le Tribunal réfute, le Tribunal est d’avis qu’une telle erreur aurait eu peu d’influence sur la décision.

[21] L’avocate du demandeur a également fait valoir que le membre de la division générale a commis une erreur en déclarant qu’aucun des médecins et des spécialistes n’avait indiqué que le demandeur était incapable d’effectuer quelque type de travail que ce soit. L’avocate renvoie à l’article 14 de la décision, où le membre de la division générale souligne que [traduction] « le 30 avril 2007, le Dr Woolfrey a indiqué que l’IRM avait confirmé une hernie discale L4 L5 du côté droit, qui empiète sur la racine nerveuse 15. Il a noté que le demandeur ne pouvait pas se tenir debout ou marcher pendant très longtemps et qu’il ne pouvait s’asseoir que moins de dix minutes à la fois. Il a conclu que le demandeur était inapte au travail (à ce moment-là) et qu’il était incapable d’accomplir des tâches sédentaires qui l’obligeraient à lever un objet, à faire une torsion du dos ou à se tenir debout pendant une période prolongée. Il a recommandé une réadaptation et de la physiothérapie ».

[22] L’avocate du demandeur se fie sur cette affirmation pour soutenir son observation selon laquelle la division générale a commis une erreur. Le Tribunal rejette cette observation. Le membre de la division générale indique clairement qu’en avril 2007, l’opinion du Dr Woolfrey ne concernait que cette période. Le Tribunal abonde dans le même sens. En fait, en avril 2007, le Dr Woolfrey faisait écho à une conclusion à laquelle il était parvenu le moins précédent. Par conséquent, cette observation ne peut constituer un moyen d’appel.

[23] L’avocate du demandeur a fait aussi une observation selon laquelle le membre s’est fié sur des conclusions de fait erronées et a conclu, au paragraphe 39, que [traduction] « aucune preuve au dossier n’atteste que l’invalidité du demandeur est permanente [...] ». L’avocate a souligné que la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) avait évalué le demandeur et conclu qu’il était invalide à 28 % et qu’elle avait accordé l’indemnité correspondante. Le Tribunal est d’avis que la division générale n’a commis aucune erreur. La jurisprudence établit très clairement que puisque chacun des deux régimes met l’accent sur des aspects distincts, une conclusion de la CSPAAT selon laquelle le demandeur est invalide ne se traduit pas nécessairement par une telle conclusion dans le cadre du RPC. Dans l’affaire Michaud c. Michaud c. Ministre du Développement des ressources humaines (juillet 1997), CP 4510, la Commission d’appel des pensions a indiqué que la Commission des accidents du travail met l’accent sur la causalité tandis que le RPC met l’accent sur la capacité. Ce raisonnement a été appliqué dans HalvorsenNote de bas de page 3, où la Cour d’appel fédérale a indiqué que [traduction] « le fait qu’une commission des accidents du travail provinciale conclue que la blessure en question n’ouvrait pas droit à compensation n’est pas pertinent, étant donné que le RPC n’exige pas que l’invalidité trouve sa source dans le travail ». Par conséquent, une décision de la CSPAAT selon laquelle le demandeur est invalide à 28 % n’appuie aucunement une demande présentée dans le cadre du RPC. De plus, une invalidité à 28 % est loin de remplir l’exigence du RPC qu’un demandeur de prestations d’invalidité soit incapable d’accomplir quelque travail que ce soit; de l’avis du Tribunal, ce pourcentage laisse entendre que le demandeur pourrait accomplir certaines tâches.

[24] Enfin, l’avocate du demandeur soutient que le membre de la division générale a omis de tenir compte des éléments de preuve indiquant que le demandeur ne peut pas obtenir et utiliser les compétences requises pour effectuer, à son rythme, un travail léger. Elle allègue que le membre n’a pas tenu compte des invalidités supplémentaires du demandeur, y compris une dépression majeure causée par la douleur, une invalidité touchant ses épaules et ses genoux, sa faible scolarité, son trouble d’apprentissage et les effets des médicaments. Le Tribunal conclut que cette observation est sans fondement. Au paragraphe 43 de sa décision, le membre de la division générale tient expressément compte des efforts du demandeur visant à suivre une nouvelle formation et de l’incidence des limitations indiquées sur sa capacité d’acquérir d’autres compétences et de décrocher un autre emploi. Pour ce motif, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[25] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale, qui lui refuse une demande de prestations d’invalidité dans le cadre du Régime de pensions du Canada. L’avocate du demandeur a présenté plusieurs observations alléguant des erreurs de la part de la division générale. En s’appuyant sur l’analyse qui précède, le Tribunal conclut qu’il n’est pas convaincu que les moyens d’appel invoqués ont une chance raisonnable de succès.

[26] La demande est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.