Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • D. W.: l'appelant

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 8 décembre 2011. L’intimé a rejeté sa demande, dans sa décision initiale et lors de la révision. L’appelante a interjeté appel de la décision de révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR), et son appel a été transféré au Tribunal en avril 2013.

[2] Cet appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante est la seule partie assistant à l’audience;
  2. Les questions en litige sont complexes.

Droit applicable

[3] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit que les appels qui ont été déposés auprès du BCTR avant le 1er avril 2013, mais qui n’ont pas été instruits par le BCTR, sont réputés avoir été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[4] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[6] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Questions en litige

[7] Le Tribunal estime que, compte tenu des contributions de l’appelante au RPC, qui figurent sur son relevé d’emplois, et des dispositions applicables de la clause d’exclusion pour élever des enfants (CEEE), la PMA prend fin le 31 décembre 2019.

[8] Puisque cette date se situe dans l’avenir, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date.

Documents relatifs à la demande

[9] Dans son questionnaire sur les prestations d’invalidité du RPC, signé le 11 novembre 2013, l’appelante a indiqué qu’elle a une 12e année et est une tutrice qualifiée pour les enfants ayant des troubles d’apprentissage. Elle a précisé qu’elle a travaillé pour la dernière fois en tant que représentante du service à la clientèle chez Bell Mobilité du 4 février 2008 au 18 août 2011; elle a affirmé qu’elle a arrêté de travailler en raison d’anxiété généralisée, d’une dépression et d’une incapacité de fonctionner. Elle a ajouté qu’elle a été propriétaire/exploitante d’une entreprise de tutorat privé à temps partiel pour les enfants ayant des troubles d’apprentissage du 1er octobre 2003 au 30 juin 2006; elle a cessé d’exploiter cette entreprise parce que le tutorat privé était devenu trop exigeant pendant qu’elle travaillait dans une école. Elle a affirmé qu’elle est invalide depuis le 18 août 2011 et que les maladies et les invalidités l’empêchant de travailler incluent ce qui suit : anxiété généralisée, dépression, état de stress post-traumatique (ESPT) et insomnie. Elle a mentionné aussi qu’elle a beaucoup de difficulté à partir de la maison en raison de l’anxiété et qu’elle peut rester seulement tout près de sa maison lorsqu’elle est seule.

[10] Un rapport daté 20 novembre 2011 du Dr Lebl, le médecin de famille de l’appelante, était joint à la demande de prestations du RPC. Dans le rapport, on lui diagnostique une anxiété grave, une dépression et un ESPT consécutif à des abus au cours de l’enfance. Il est établi dans le rapport que l’appelante souffre de symptômes d’anxiété perturbatrice au point où elle est incapable de travailler et qu’elle a manqué des périodes de travail depuis octobre 2006; en outre, elle a eu besoin de beaucoup de séances de thérapie. Les conclusions incluent ce qui suit : troubles du sommeil, de la mémoire et de concentration et capacité médiocre d’exécuter des tâches. Le pronostic est bon, avec une thérapie. La conclusion du rapport établit que l’appelante est motivée à travailler et qu’elle ne fait pas semblant d’avoir des difficultés; en outre, elle a un fardeau psychologique légitime consécutif à des abus lorsqu’elle était enfant, et c’est la raison pour laquelle elle demande de l’aide psychologique.

Témoignage oral

[11] L’appelante a 37 ans et a 2 enfants : une fille, qui est née en juin 2009, et un fils, qui est né en février 2012. Elle vit avec ses enfants et son mari, qui est invalide depuis peu (situation lié à une réclamation à la Commission des accidents du travail).

[12] Elle a une 12e année, a suivi un cours spécialisé pour offrir du tutorat à des enfants ayant des incapacités et a terminé récemment un cours en ligne Best Beginnings pour des programmes de garderies en milieu familial. Elle a décrit en détail ses antécédents d’emploi, qui remontent à un emploi à temps partiel lorsqu’elle était en 8e année et au secondaire. En 8e année, elle a changé des enseignes pour un centre communautaire et, de la 8e année à la 10e année, elle a travaillé pour des programmes de sport pour enfants. Elle était monitrice de nage synchronisée et de water-polo. Elle a également travaillé comme réceptionniste dans un restaurant, responsable des ventes dans des boutiques de vêtements et de téléphones cellulaires, tutrice pour enfants ayant des troubles d’apprentissage dans deux écoles privées et tutrice à son compte à temps partiel. Elle a été congédiée à la deuxième école privée où elle a travaillé parce qu’elle n’était pas capable de faire le travail en raison de son anxiété. Elle a travaillé pour la dernière fois comme représentante du service à la clientèle chez Bell.

[13] Sa dernière séance de thérapie avec la Dre Goldstein date d’il y a environ un an; elle a cessé de suivre ces séances parce qu’elle n’en avait plus les moyens et qu’aucun autre financement ne lui était offert. Elle consulte régulièrement son médecin de famille, lequel n’a pas fait d’autre recommandation de traitement. Il lui a prescrit des médicaments, qui incluent du Celexa (40 mg par jour), du trazodone (100 mg par jour) et de l’Ativan (1 mg, au besoin). Elle ne souffre pas d’effets secondaires liés à ces médicaments autres qu’un gain de poids possible. Elle ne suit pas de traitement autre que les médicaments.

[14] Elle a reçu au début des prestations de maladie de l’assurance-emploi, mais n’a reçu aucune autre prestation depuis que ces prestations ne lui sont plus versées. Même si elle était en congé de maladie pendant qu’elle travaillait pour Bell, elle ne recevait pas de prestations. Elle a été évaluée par le Dr Buchanan en janvier 2014 parce qu’elle voulait rester en congé de maladie pendant qu’elle était à l’emploi de Bell afin de pouvoir retourner travailler si son état s’améliorait; elle n’a pas pu rester en congé de maladie en raison de sa garderie en milieu familial. Elle hésitait à prendre les médicaments recommandés par le Dr Buchanan pour traiter son agoraphobie parce qu’elle ne voulait pas essayer de médicaments qui la rendraient « zombie ». La nouvelle thérapie qu’il lui avait recommandée coûte 250 $ de l’heure et elle n’avait pas les moyens de se l’offrir. Elle a déclaré qu’elle avait augmenté son dosage de trazodone et a été en mesure d’organiser sa vie afin que ses affections n’aient pas trop de répercussions sur elle; elle connaît ses limites et elle les respecte. Elle a récemment dû repousser ses limites un peu plus en raison de l’invalidité de son mari. Elle a précisé qu’elle fait maintenant une partie de l’épicerie parce que son mari n’est pas capable de s’en occuper, mais les jours où elle ne peut pas le faire, c’est sa mère ou un voisin qui l’aide.

[15] Elle planifie les activités de ses enfants pour qu’elle puisse rester dans ce qu’elle appelle une « bulle heureuse ». Elle marche ou conduit sa voiture habituellement dans un secteur correspondant à deux pâtés de maison par sept pâtés de maison aux alentours de sa maison. La maison de sa mère est à 10 minutes de la sienne, et la piscine où elle emmène les enfants se trouve aussi à 10 minutes. L’école des enfants et un centre d’achats se trouvent dans cette « bulle heureuse ». Si elle rencontre quelqu’un qui a l’odeur ou l’allure de son cousin, elle a une attaque de panique et doit quitter l’endroit. Elle doit maintenant conduire un peu plus sa voiture en raison de l’invalidité de son mari. Normalement, elle se sent bien si elle reste dans sa « bulle heureuse ».

[16] En septembre 2012, elle a ouvert sa garderie en milieu familial. Son mari et elles avaient des problèmes financiers, et elle a créé une situation dans laquelle elle peut au moins faire un peu d’argent en dépit de ses problèmes. Elle a décrit ainsi les enfants qui fréquent actuellement sa garderie : un garçon de 2 ans dont elle s’occupe une fois par semaine, de 7 h à 17 h; un garçon de 3 ans dont elle s’occupe de 5 h 45 à 19 h 30, entre 3 et 7 jours par mois, selon les quarts de travail de la mère, et un autre enfant dont elle s’occupe avant et après l’école et maintenant toute la journée au cours de l’été. Elle fait le trajet entre la maison et l’école le matin et en fin de journée avec sa fille, et son fils est avec elle toute la journée. Elle touche un salaire d’environ 1160 $ par mois pour la garderie en milieu familiale, et son comptable déduit des dépenses liées à la maison et d’autres dépenses lorsqu’il prépare sa déclaration de revenus. Elle a affirmé qu’elle ne pense pas être capable de continuer comme cela parce que c’est épuisant sur le plan émotif émotionnellement et c’est beaucoup de travail pour le salaire qu’elle touche.

[17] Lorsqu’on lui a demandé si elle a cherché un autre emploi qu’elle pourrait exercer de la maison, elle a affirmé que Bell n’avait pas la technologie afin de l’installer à la maison et que lorsqu’elle en a parlé à l’entreprise Telus, la réponse qu’elle a eue est que cela ne se faisait pas avec les nouveaux employés et qu’il fallait montrer que l’on est un bon employé pour que ce soit possible. Elle a ensuite déclaré qu’elle ne sait pas pourquoi elle n’a pas cherché d’autre emploi à exercer à la maison et qu’elle ne sait pas trop quoi faire pour faire cela – elle a ouvert sa garderie en milieu familial lorsqu’un voisin lui a demandé si elle pouvait l’aider. Elle croit qu’elle serait capable de travailler de la maison pourvu qu’elle ait un employeur compréhensif, qui reconnaît qu’elle aurait besoin d’un peu de temps pour retrouver ses esprits si elle devenait anxieuse après un mauvais appel. Elle a examiné des cours en ligne afin de perfectionner ses compétences, mais elle n’a pas les moyens de retourner à l’école.

Preuve médicale

[18] Le Tribunal a étudié attentivement l’ensemble de la preuve médicale au dossier d’audience. Les extraits que le Tribunal juge les plus pertinents sont présentés ci-dessous.

[19] Un rapport daté du 22 janvier 2009 du Dr Carter, du Reproductive Mental Health Program, indique que l’appelante est en congé de maladie et est enceinte de 19 semaines. L’appelante a décrit une dépression datant d’il y a environ huit ans et d’abus physiques et sexuels passés d’un cousin, qui ont eu des effets négatifs importants sur sa vie. Selon le rapport, elle souffre de dépression majeure, traits de personnalité obsessive légère à modérée, d’un trouble panique possible, d’anxiété généralisée et d’un état de stress post-traumatique.

[20] Le 5 août 2012, la Dre Goldstein, psychologue, a indiqué aux responsables du RPC qu’elle appliquait de façon intermittente un traitement psychologique à l’appelante depuis quelques années. Selon le rapport, l’appelante a affirmé au départ qu’elle était en congé de maladie en raison d’une dépression et d’attaques de panique sévères puis, après d’autres évaluations et après que la confiance fut établie, il est devenu clair que l’appelante souffrait d’un ESPT grave, en raison d’abus physiques et sexuels dans sa petite enfance, qui s’est poursuivi plus tard dans l’adolescence. La Dre Goldstein est d’avis que l’affection psychologique de l’appelante était extrêmement prolongée et grave, ce qui a également créé des barrières à sa productivité au travail. Le rapport contient des détails sur les abus subis par l’appelante au cours de l’enfance à la maison et dans la cour d’école.

[21]  Voici la conclusion du rapport de la Dre Goldstein :

[Traduction]
Pour le moment, même si Mme W. travaille avec diligence en thérapie, elle continue d’avoir des cauchemars et de souffrir de pensées envahissantes, d’hyper-vigilance et d’autres symptômes de l’ESPT, qui nuisent à sa capacité de se concentrer sur son travail. Je crois bien que Mme W. sera capable de détenir une occupation rémunératrice d’ici six à neuf mois; toutefois, c’est à cause de son trouble psychologique grave qu’elle n’est pas en mesure de bien gagner sa vie depuis quelques années.

[22] Le 21 janvier 2014, le Dr Buchanan, psychiatre du travail, a informé Bell Canada de son examen psychiatrique indépendant pratiqué sur l’appelante. Le rapport établit en détail les caractéristiques liées à l’agoraphobie de l’appelante et précise qu’elles se sont aggravées depuis 2009, qu’elles n’ont pas décrût grâce à sa thérapie actuelle. L’appelante a fait remarquer que son médecin avait recommandé qu’elle travaille de la maison, ce qui serait possible à l’aide de la bonne technologie selon elle. Voici les diagnostics de l’axe I du Dr Buchanan : trouble panique avec agoraphobie et ESPT en raison d’abus au cours de l’enfance. Le Dr Buchanan a donné une cote de 45 pour l’évaluation globale de fonctionnement (EGF).

[23] Le Dr Buchanan était d’avis que l’appelante est totalement incapable de travailler à temps plein, à temps partiel ou selon un horaire modifié en tant que responsable du service à la clientèle. Il a ajouté qu’elle souffre d’agoraphobie et qu’elle n’a pas la capacité d’aller au travail, ni de se déplacer pour le moment, ni au moyen, par exemple, du covoiturage. Voici la conclusion du rapport du Dr Buchanan :

[Traduction]
Selon l’examen que j’ai pratiqué, je crois que Mme W. souffre d’un problème grave d’agoraphobie, et dans mes années de pratique je n’ai vu que quelques patients plus affectés qu’elle. Elle continue à vivre malgré des restrictions importantes relatives à ses déplacements, et il est très probable que si elle commence à sortir de cette zone de sécurité même en suivant d’autres traitements, elle aura davantage de problèmes d’attaques de panique. J’ai confiance que son médecin puisse envisager de changer son médicament pour une faible dose de clonazépam si cela se produit pour l’aider à se sortir de cette situation, laquelle peut devenir une invalidité grave chronique.

Observations

[24]  L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle souffre de graves restrictions et limitations en raison de son ESPT et de son agoraphobie;
  2. Elle veut se sentir mieux et être une bonne employée, mais elle n’a pas la capacité mentale de le faire;
  3. Elle n’a pas la capacité financière de poursuivre sa thérapie, et il serait injuste pour sa famille qu’elle s’endette afin de poursuivre ses études grâce à des cours en ligne.

[25] L’intimé soutient que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante suit un traitement, et on s’attend à ce que son état s’améliore, ce qui lui permettrait de retourner au travail dans un avenir prévisible;
  2. Selon le rapport de novembre 2011 du Dr Lebl, le pronostic de l’appelante est bon si elle suit une thérapie continue et, en août 2012, la Dre Goldstein a indiqué que l’appelante serait capable de détenir une occupation rémunératrice d’ici six à neuf mois;
  3. Les prestations d’invalidité du RPC ne visent pas une invalidité de courte durée, ni une période de maladie fixe, où on s’attend à ce que l’état de l’appelante s’améliore afin qu’elle puisse détenir de nouveau une occupation rémunératrice;
  4. L’appelante a touché une rémunération de 7 025 $ en 2014;
  5. L’appelante ne voulait pas suivre la recommandation de traitement du Dr Buchanan liée au changement de sa médication, ce qui lui aurait peut-être permis d’améliorer son état. Un appelant qui refuse sans motif raisonnable le traitement qui lui est recommandé peut devenir non admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Analyse

[26] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date.

Invalidité grave

[27] Les exigences législatives appuyant une demande de prestations d’invalidité sont énumérées au paragraphe 42(2) de la Loi. Ce paragraphe explique essentiellement que, pour être déclarée invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité qui est « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Non seulement une personne doit être incapable d’occuper son emploi habituel, mais elle doit aussi être incapable de détenir tout emploi qu’il est raisonnable de croire qu’une personne peut détenir. Une invalidité n’est « prolongée » que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[28] Les causes suivantes ont fourni des lignes directrices et de l’aide au Tribunal afin de déterminer les questions à trancher à l’égard du présent appel.

[29] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de l’audience ou avant cette date, elle était invalide conformément à la définition établie. L’exigence concernant la gravité doit être évaluée dans un « contexte réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. Le Tribunal doit prendre en compte des facteurs comme l’âge d’une personne, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie au moment de déterminer « l’employabilité » de cette personne compte tenu de son invalidité.

[30] L’appelant doit non seulement prouver qu’il a un grave problème de santé, mais lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Toutefois, lorsqu’il n’y a pas de capacités de travail, il n’y aucune obligation de démontrer les efforts afin de trouver un emploi. L’incapacité peut être démontrée de nombreuses façons; par exemple, elle peut être établie grâce à la preuve que l’appelant serait incapable de mener toute activité liée à l’emploi : C.D. c. MRHD (18 septembre 2012), CP27862 (CAP).

[31] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si l’appelant souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité « l’empêche de gagner sa vie » : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2001]  1 R.C.S. 703. C’est la capacité de l’appelant de travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu de la Loi : Klabouch c. Canada (Développement social), [2008] CAF 33.

[32] La détermination de la gravité de l’invalidité de l’appelant ne dépend pas de son incapacité d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité d’exécuter quelque travail que ce soit, c.-à-d. « une occupation véritablement rémunératrice » : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34.

[33] On ne devrait pas automatiquement empêcher des personnes d’avoir droit à une pension d’invalidité pour le simple fait qu’elles continuent à travailler après la fin de leur période minimum d’admissibilité. Les demandeurs ayant des déficiences qui continuent à travailler après la fin de leur période minimum d’admissibilité en vue de rester autonomes sur le plan financier doivent être félicités de l’effort qu’ils font, et non découragés. En définitive, la question à trancher, lorsqu’ils travaillent, est de savoir s’ils ont, en fait, la capacité de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur : Stanziano c. Ministre du Développement des ressources humaines (novembre 2002), CP17926 (CAP).

[34] Le montant correspondant à une occupation véritablement rémunératrice ne peut consister en un montant unique, valable dans toute situation, particulièrement s’il correspond à la prestation de retraite maximale actuelle. Les commentaires décrivant « véritable » comme signifiant « authentique, qui existe réellement, non illusoire, dont l’importance ou la valeur est réelle, pratique », et « rémunérateur » comme signifiant « lucratif, emploi rémunéré » sont d’une certaine utilité pour déterminer à quel montant se chiffre une occupation véritablement rémunératrice, mais cela nécessite ultimement une évaluation appréciative, ce qui pourrait impliquer de tenir compte des niveaux de revenus locaux et du coût de la vie, en plus des autres conditions particulières du demandeur : Ministre du Développement social c. Nicholson (17 avril 2007), CP24143 (CAP).

Application des principes directeurs

[35] Même si le Tribunal reconnaît que l’appelante affronte des épreuves et qu’elle est très limitée en raison de son ESPT et de son agoraphobie, elle n’a pas établi qu’elle est invalide selon les critères de la Loi. Bien que l’appelante ne puisse pas travailler à l’extérieur de la maison, le Tribunal est convaincu qu’elle a encore la capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la maison.

[36] En fait, l’appelante fait cela depuis septembre 2012 puisqu’elle exploite une garderie en milieu familial. Elle a un revenu brut entre 13 000 $ et 14 000 $ par année et s’occupe de trois enfants, en plus de ses deux jeunes enfants. Elle s’occupe aussi des tâches ménagères et a récemment été capable d’accroître ses tâches en raison de l’invalidité de son mari. Le Tribunal est convaincu qu’elle remplit le critère lié à un emploi véritablement rémunérateur figurant dans les décisions Stanziano et Nicholson (précitées).

[37]  L’appelante n’a que 37 ans, a fait des études et possède plusieurs compétences transférables. Selon le Tribunal, c’est une personne intelligente et débrouillarde. Dans l’économie d’aujourd’hui, de nombreux emplois sont exercés à la maison, où l’employé n’a besoin que d’un téléphone et/ou d’un ordinateur et n’a pas à aller régulièrement au bureau. Bien que l’appelante eût reconnu dans son témoignage oral qu’elle serait en mesure de travailler pour un employeur à la maison, elle a fait des efforts minimes pour chercher ce type de travail.
Par conséquent, elle n’a pas satisfait au critère établi dans l’arrêt Inclima (précité).

[38] Le Tribunal a également fait remarquer que la preuve médicale n’appuie pas une invalidité grave. Selon le rapport de novembre 2011 du Dr Lebl, le pronostic est bon, avec une thérapie. La Dre Goldstein a affirmé, en août 2012, que l’appelante était capable de détenir une occupation rémunératrice d’ici six à neuf mois. Bien que le rapport de janvier 2014 du Dr Buchanan indique que l’appelante ne peut pas travailler comme représentante du service à la clientèle, ni se rendre au travail, il n’est pas précisé qu’elle n’est pas capable de travailler de la maison. Selon le rapport du Dr Buchanan, le médecin de l’appelante avait recommandé qu’elle puisse travailler de la maison, ce qui selon l’appelante serait possible à l’aide de la bonne technologie.

[39] L’appelante a le fardeau de la preuve, et le Tribunal a déterminé qu’elle n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est atteinte d’une invalidité grave selon les critères de la Loi.

Invalidité prolongée

[40] Puisque le Tribunal a déterminé que l’invalidité n’était pas grave, il n’a pas à se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion:

[41] L’appel est rejeté.

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