Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • T. D. : Appelante
  • Kaityln MacDonell : avocate
  • S. W. : Observatrice (mère)
  • G. C. : Observateur (beau-père)
  • C. N. : Observatrice (assistante sociale)
  • Jatinder Bhullar : Observateur – (Membre du Tribunal de la sécurité sociale)

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 28 février 2012 (GT1-29).

[2] La demande de l'appelante a été refusée au stade initial. L'appelante a présenté une demande de révision de la décision et, le 12 décembre 2012, l'intimé a approuvé sa demande de pension d'invalidité. Il a été déterminé que la date du début de l'invalidité était novembre 2010, la date la plus antérieure possible compte tenu de la date de réception de la demande de l'appelant. Conformément au Régime, le versement des prestations a commencé en mars 2011.

[3] En raison de son incapacité, l'appelante a demandé que la date de début de l'invalidité soit fixée, rétroactivement, au 23 juillet 2003. Sa demande a été refusée au stade de la révision et la demande. L'appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). Cet appel a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale du Canada en avril 2013.

[4] L'audience du présent appel a été tenue en personne pour les raisons suivantes :

  • Le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[5] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[6] Aux termes de l'alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité.

[7] Selon l’article 69 du Régime de pensions du Canada, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date réputée du début de l’invalidité.

[8] Les paragraphes 60(8), (9), (10) et (11) traitent de la question de l’« incapacité » et se lisent comme suit :

60 (8) Dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur ou en son nom, que celui-ci n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite, le ministre peut réputer cette demande de prestation avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé.

60(9) Le ministre peut réputer une demande de prestation avoir été faite le mois qui précède le premier mois au cours duquel une prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon lui, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé, s’il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur  :

  1. (a) aque le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite;
  2. (b) que le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite;
  3. (c) que la demande a été faite, selon le cas :
  4. (d) au cours de la période — égale au nombre de jours de la période d’incapacité, mais ne pouvant dépasser douze mois — débutant à la date où la période d’incapacité du demandeur a cessé,
  5. (e) si la période décrite au sous-alinéa
  6. (f) est inférieure à trente jours, au cours du mois qui suit celui au cours duquel la période d’incapacité du demandeur a cessé.

60 (10) Pour l’application des paragraphes (8) et (9), une période d’incapacité doit être continue.

60 (11) Les paragraphes (8) à (10) ne s’appliquent qu’aux personnes incapables le 1er janvier 1991 dont la période d’incapacité commence à compter de cette date.

Question préliminaire

[9] L'avis d'audience du Tribunal a confirmé que des documents complémentaires pouvaient être déposés jusqu'au 13 juin 2015. À l'audience, l'avocat de l'appelant a demandé qu'un document complémentaire soit admis en preuve. Le membre a demandé que le document soit envoyé directement au Tribunal et a différé après l'audience sa décision quant à l'admissibilité en preuve du document.

[10] Il s'agit d'une lettre d'opinion du 12 juin 2015, préparée par le Dr Lynn Lightfoot.

[11] Bien que ce document ait été déposé après la date limite de dépôt, le Tribunal a décidé de l'admettre en preuve étant donné que son caractère probant outrepassait le préjudice que son admission pourrait causer à l'intimé.

[12] Dès réception du dossier, le Tribunal en a transmis une copie à l'intimé.

Question en litige

[13] La question en litige porte sur la date du début de l’invalidité de l’appelante. Cette dernière demande que la date du début de son invalidité soit ajustée rétroactivement et passe de novembre 2010 au 23 juillet 2003.

[14] Afin que la demande soit accordée, l'appelante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation avant le 28 février 2012, date à laquelle une demande de prestation a été présentée.

[15] Elle doit aussi établir que l'incapacité était continue entre le 23 juillet 2003 et février 2012.

Preuve

[16] L'appelante a déclaré à l'audience que juste avant son accident d'auto, le 23 juillet 2003, elle étudiait en troisième année de soins infirmiers à l'Université X. Elle était alors âgée de 22 ans. Elle patinait pour le Canada et était en très grande forme. Avant l'accident, elle était une jeune femme intelligente, physiquement active et extravertie qui pouvait aisément gérer ses finances et tous les autres aspects de sa vie quotidienne.

[17] Le 23 juillet 2003, l'appelante a percuté, à une vitesse de 100 km/h, l'arrière d'un camion de transport stationné. Immédiatement après l'accident, elle était dans le coma et on l'a maintenue en vie pendant trois jours (GT1-96). Elle a subi de multiples blessures graves.

[18] Selon le Dr Kreder, du Sunnybrook and Women's College Health Sciences Centre, elle a subi les blessures suivantes (GT1-96) :

  1. fracture ouverte du corps du fémur droit entraînant un raccourcissement de la jambe;
  2. fracture du condyle fémoral intra-articulaire latéral droit;
  3. fracture ouverte du coude droit avec luxation;
  4. lacérations multiples au bas de la jambe droite;
  5. lacérations multiples au visage et fractures multiples aux os du visage;
  6. fractures transversales C7-T1;
  7. blessure au ligament de la cheville droite;
  8. fracture du calcanéum droit;
  9. rupture du ligament latéral ulnaire des articulations interphalangiennes du pouce gauche et luxation des articulations interphalangiennes

[19] Elle a aussi subi un traumatisme crânien modérément grave (GT7-1). En raison de sa formation d'infirmière, elle était très à en apprendre davantage au sujet de cette blessure.

[20] Pendant son séjour à l'hôpital et par la suite, elle a dû subir de nombreuses interventions chirurgicales reconstructrices. Elle aussi dû se soumettre à de nombreux traitements, notamment en physiothérapie, en orthophonie et ergothérapie. Elle attribue le succès de ces traitements au fait qu’elle était en forme physiquement. Elle a affirmé qu'elle avait abordé sa réadaptation avec la même détermination que celle dont elle faisait preuve à l'entraînement en vue des compétitions de patin.

[21] À l'audience, l'appelante a affirmé qu'en raison de la gravité de ses blessures, elle avait dû réapprendre à marcher, à parler et à manger. Elle a ressenti de la douleur chronique et a souffert de dépression et d'anxiété. Elle ne pouvait rien faire sans l’assistance des autres, particulièrement sa mère et les membres de l’équipe de réadaptation.

[22] Après avoir obtenu son congé de l'hôpital, elle est allée vivre chez sa mère à X. Au début, elle était limitée à un lit d’hôpital. Elle s'est déplacée en fauteuil roulant pendant 18 mois avant de pouvoir marcher de nouveau.

[23] Lorsque le Tribunal lui a demandé si elle avait retenu les services d'un avocat, elle a affirmé que sa mère en avait contacté un immédiatement après l'accident. Elle était peu au courant de la situation, mais elle savait que le cabinet retenu était Howie, Sacks and Henry, et que sept ou huit personnes étaient poursuivies relativement à son accident d'auto. Elle a déclaré qu'elle avait probablement signé certains documents, mais qu'elle ne s'en souvenait pas.

[24] Après avoir habité avec sa mère, elle a emménagé dans un appartement avec son conjoint, Ivan, avec qui elle a habité pendant un an. À ce moment, elle vivait complètement séparée de sa mère. La séparation a duré environ huit ans et s’est terminée il y a environ deux ans. Depuis, sa relation avec sa mère s’est grandement améliorée.

[25] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi sa relation avec Ivan avait pris fin, elle a affirmé qu’elle lui avait dit qu’elle avait besoin de savoir s’il serait là pour elle. Il lui a répondu qu’il avait besoin de temps pour lui. Elle a donc pris la décision de mettre fin à la relation et lui a demandé de quitter l’appartement. Elle a demeurée dans le même appartement et a continué de vivre de façon autonome à X pendant trois ans.

[26] L'appelante a affirmé qu'elle avait de la difficulté à se rappeler les dates de certains événements particuliers.

[27] Après l'accident, l'équipe de réadaptation l'a encouragée à retourner à l'université. Elle a tenté de faire ce que les gens autour d’elle croyaient être bons pour elle. Pour elle, aller à l’école faisait partie de sa thérapie. Elle a rencontré l'infirmière en chef à X. À la suite de cette rencontre, elle a décidé, à l'aide de son conseiller en réadaptation, de présenter une demande d'admission en soins infirmiers à l'Université X. Elle s'est présentée au service des soins infirmiers de l'Université X pour une entrevue, mais elle n'a finalement pas été admise dans le programme.

[28] Elle s'est inscrite à deux cours à l'Université X, un en maladies infectieuses et l'autre en endocrinologie. Elle a terminé chacun des cours avec une note de 59 %. Elle a affirmé que la note de passage était de 60%.

[29] Selon un rapport préparé par le Dr S. Shapiro, en mai 2005, l'appelante a informé le Dr Finkel, psychiatre, qu'elle avait recommencé à conduire neuf mois après l'accident. Elle a conduit d'avril 2004 à novembre 2004, au moment où elle a été impliquée dans un quasi-accident avec un autre conducteur qui avait brûlé un feu rouge. Elle a mentionné que, pour des raisons financières (coût élevé des primes d'assurance), elle avait cessé de conduire (GT1-200). L'appelante a reconnu à l'audience qu'elle avait conduit après l'accident. Elle a aussi affirmé qu'elle ne pouvait conduire pendant près de huit heures en raison de craintes et de troubles neurocognitifs.

[30] En 2006, l'appelante s'est rendue à Naples, en Floride, pour assister au mariage d'une amie de longue date. Tout le voyage a été organisé en conséquence pour elle. Elle marchait à l’aide de béquilles à ce moment.

[31] Aussi, en 2006, elle a développé une dépendance au Percocet et à l'OxyContin. Cette dépendance l'a d'ailleurs menée au service de psychiatrie de l'hôpital X, où elle a été admise aux termes d’un Formulaire no 1. Alors qu’elle était à l’hôpital, elle avait un comportement imprévisible. Elle a tenté une fois de s'échapper en faisant sonner l'avertisseur d'incendie. Lorsque le Tribunal l'a interrogée sur sa libération, elle a affirmé qu'elle savait comment « jouer le jeu » et qu'elle pouvait obtenir une libération sur simple promesse de comparaître. D'après les dossiers de Galit Liffshiz, ergothérapeute, l'appelante est restée à l'hôpital pendant deux semaines (GT1-98).

[32] Elle a été admise de nouveau au service de psychiatrie en 2007 parce qu'elle avait cessé de prendre ses médicaments et était devenue pratiquement catatonique. Selon le Dr Asti, psychiatre, l'appelante est restée à l'hôpital pendant six jours. Elle a pris congé de l'hôpital contre l'avis du médecin et a refusé de prendre ses médicaments (GT1-273).

[33] Après sa relation avec Ivan, elle a commencé une relation avec John, qui habitait à X. Au début de leur relation, elle prenait parfois l'autobus de X's à X. Elle n'a pas emménagé tout de suite avec John parce qu'il avait deux enfants et ils devaient s'habituer à elle.

[34] Les notes de Galit Liffshiz confirment que l'appelante a emménagé avec John en 2008 (GT1- 98).

[35] L'appelante a déclaré dans son témoignage que lorsqu'elle avait emménagé avec John, ce dernier lui avait parlé d’un recours collectif contre une société pharmaceutique mettant en cause l'OxyContin. Après qu'il l'eut informée, elle a contacté le cabinet de son avocat, Howie Sachs and Henry. On lui a dit qu'on pouvait la représenter, mais qu'il serait préférable qu'elle prenne un autre avocat, pour éviter les risques de conflit. Elle a communiqué avec un avocat d'X dont elle a retenu les services pour la représenter dans le cadre du recours collectif. Lorsque le Tribunal lui a demandé pourquoi elle avait engagé un avocat d'X plutôt qu'un avocat du cabinet Howie Sacks and Henry, elle a affirmé qu'elle avait de la famille en X, et parce qu'elle estimait que ce serait bien de « mêler un peu les affaires ».

[36] Elle a aussi confirmé le gouvernement avait renoncé au remboursement de son prêt étudiant. Lorsque le Tribunal lui a demandé si elle en avait fait la demande, elle a répondu que sa mère s'était chargée de tout. Elle a probablement signé des documents, sans plus.

[37] Une lettre du 14 juillet 2009 du Programme canadien de prêts aux étudiants confirme que la demande de l'appelante, afin qu'elle n'ait pas à rembourser son prêt étudiant en raison d'une invalidité permanente, a été approuvée. Ladite lettre était adressée à l'appelante et lui a été envoyée à son adresse de X (GT1-90).

[38] Après avoir déménagé à X, elle s'est inscrite à l'Université X où elle a suivi des cours. Elle a finalement changé de domaine d’études, passant des soins infirmiers à la psychologie. Lorsqu’on lui a demandé combien de cours elle avait suivis à X, elle ne s’en souvenait pas. Elle sait cependant qu'elle doit suivre sept autres cours pour obtenir son baccalauréat. Elle a exprimé le souhait de travailler dans le domaine de la consultation en matière de toxicomanie.

[39] Les notes de suivi du 1er décembre 2010 de Galit Liffshiz, confirment que la rééducation de l'appelante portait sur les éléments suivants :

  1. des séances d'orthophonie bihebdomadaires chez SL Hunter & Associates;
  2. des séances de counselling bimensuelles avec le Dr L Cudmore, psychologue;
  3. participer à des conférences à l'Université X, les mercredis de 13 h à 15 h.
  4. des séances hebdomadaires de massothérapie;
  5. séances bimensuelles de thérapie de la main;
  6. séances de thérapie aquatique, deux à trois fois par semaine;
  7. traitements d'ergothérapie, au besoin (GT1-328)

[40] Dans une lettre du 2 décembre 2010, le Dr Cudmore, psychologue, déclare que les symptômes d'anxiété de l'appelante se sont aggravés en raison des multiples facteurs de stress, incluant la gestion des cours, les problèmes juridiques et les autres obligations. Elle confirme que l'actuelle lutte psychologique que livre l'appelante peut la forcer à prendre du retard dans ses travaux et demande qu'on en tienne compte (GT1-82).

[41] L'appelante a affirmé qu'en décembre 2011 elle a réglé sa réclamation d'assurance et a reçu une somme d'argent importante. La société d'assurance estimait qu'elle n’était pas en mesure de bien gérer son argent. La somme qui lui est due fait donc l'objet de versements échelonnés. Après avoir assisté à des séances de médiation avec son avocat, quelqu'un est venu la rencontrer chez elle afin qu'elle choisisse parmi quatre types de versements échelonnés. John était présent à la rencontre, mais ne sachant pas quoi faire, il a laissé l'appelante décider. Elle a fait son choix. Plus tard, sa mère lui a dit qu’elle n’avait pas choisi la meilleure option.

[42] Dans une lettre du 13 août 2013, Gemma Bailey, orthophoniste, confirme que depuis 2008, l'appelante a fait des progrès : elle suit maintenant deux cours par trimestre dans un autre programme à l'Université X (GT1-67).

[43] Quand on lui a demandé ce qui l'avait incitée à présenter une demande de pension d’invalidité du RPC en février 2012, elle a affirmé que c'était son amie Ava qui lui en avait parlé. Elle a consulté Internet, a imprimé la demande, mais son amie Ava l'a aidée à la remplir. Elle a admis qu'à ce moment elle était plutôt stable mentalement.

[44] Elle a confirmé que sa vie avait changé radicalement depuis l'accident d'auto. Elle a essayé différents médicaments et a vécu plusieurs et a passé par une série de hauts et de bas. Au fil des ans, elle est devenue dépendante aux médicaments contre la douleur et a passé de courts séjours au service de psychiatrie d’un hôpital. Lorsque son avocat lui en a paré, elle a admis ne pas avoir pris dans le passé les meilleures décisions pour elle. Elle a affirmé qu'elle avait pris ses décisions à l'aide des gens autour d'elle.

[45] En 2012 ou 2013, l'appelante a quitté la maison de John à la suite d'une altercation au sujet de son ancienne femme.

[46] Dans un certificat d'invalidité du 23 février 2012, le Dr Kathleen Swayze, médecin de famille, a déclaré que, il y a à peine 6 mois, l'appelante était incapable de gérer ses finances personnelles (GT1-17).

[47] D'après une lettre de l'appelante, datée du 29 août 2012, elle se serait inscrite à une formation sur la désensibilisation en matière de conduite et aurait recommencé à conduire en février 2012 (GT1-21).

[48] Dans une déclaration d’incapacité datée du 28 juin 2013, le Dr Swayze a déclaré que l'incapacité de l'appelante avait commencé le 23 juillet 2003 et avait cessé à l'automne 2011 (GT1-370-371).

[49] L'appelante a affirmé qu'elle avait vécu deux dépressions, une en 2013, l'autre en 2014. Elle a dépensé tout son argent en vêtements et en bijoux, et a fini par passer de brefs séjours dans des refuges pour sans-abri. Elle a aussi été hospitalisée à X.

[50] Le rapport du 12 juin 2015 du Dr Lynn Lightfoot confirme que l'appelante habite maintenant dans son propre appartement à X (GT-9).

Observations

[51] L'appelante soutient qu'elle a subi des blessures désastreuses lors de son accident d'automobile du 23 juillet 2003, et qu'elle a été incapable, jusqu'en février 2011, de former l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[52] L'intimé a fait valoir que l'appelante a participé à plusieurs activités, ce qui démontre qu'elle était encore capable d'exprimer ou de former l'intention de présenter une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en son propre nom, et de le faire plus tôt qu'elle ne l'a réellement fait.

Analyse

[53] Selon le Tribunal, le critère de la "capacité" est un critère très difficile à satisfaire.

[54] Les principes qui régissent ce critère sont énoncés clairement dans les décisions de la Cour d'appel fédérale mentionnées ci-dessous.

[55] [55] Dans l'arrêt Sedrak c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 86, la Cour a déclaré que « la capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent à l'appelante. Le fait que celui-ci n’ait pas l’idée d’exercer une faculté donnée en raison de sa vision du monde ne dénote pas chez lui une absence de capacité ».

[56] Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78, on mentionne que les activités de la personne en cause pendant cette période d’incapacité alléguée « peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur son incapacité permanente de former ou d’exprimer l’intention requise, et devraient donc être examinées. L'article 60 est précis et ciblé. Il n'exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande ».

[57] Le Tribunal s'est aussi inspiré de l'affaire Pedersen c. MDRH ( 1er mai 2001), CP 11660 qui prévoir que le manque de connaissances n'équivaut pas au manque de capacité.

[58] Aucun doute ne persiste dans l'esprit du Tribunal : l'appelante a subi des blessures désastreuses dans un accident de voiture et sa rééducation a été longue et difficile.

[59] Cependant, en participant à différentes activités depuis son accident de voiture, l'appelante a clairement démontré au Tribunal qu'elle était en mesure de prendre une variété de décisions. Parmi elles figurent, entre autres :

  1. commencer un certain nombre de relations personnelles et y mettre fin;
  2. vivre de façon autonome dans un appartement à X's pendant trois ans;
  3. prendre congé de l'hôpital;
  4. suivre différents cours à l'université et changer de cursus, des soins infirmiers à la psychologie;
  5. participer à différentes formes de thérapies, y compris la physiothérapie, le yoga, les massages et la thérapie aquatique.
  6. conduire une voiture en 2004 et prendre les transports en commun toute sans être accompagnée, de X's à X.

Toutes ces activités nécessitent d'être capable de prendre des décisions consciencieuses et de les mettre à exécution. Selon le Tribunal, le fait que l'appelante ait pu avoir reçu l'aide d'autres personnes, y compris des membres de l'équipe de réadaptation, pour prendre ses décisions ne change rien à ce fait.

[60] Le Tribunal est d'accord qu'il puisse y avoir eu de brèves périodes pendant lesquelles l'appelante était incapable de former ou d’exprimer ses intentions. Par exemple, lorsqu'elle a été hospitalisée pendant six jours en 2007. Cependant, selon le Tribunal, le témoignage de l'appelante démontre manifestement que son incapacité ne pouvait aucunement être interprétée comme étant « continue ».

[61] L'appelante a décrit deux événements qui, de l'avis du Tribunal, démontrent clairement et sans équivoque qu'avant de présenter sa demande de prestations d'invalidité, l'appelante était capable de prendre une décision. Elle l'a d'abord démontré vers 2008, lorsqu'elle a emménagé avec John. Selon l'information qu'a fournie ce dernier, l'appelante a, de son propre chef, contacté le cabinet Howie, Sacks and Henry pour savoir si elle pouvait se joindre au recours collectif mettant en cause l'OxyContin. Ultimement, elle a retenu les services d'un avocat d'X dont elle a retenu les services pour la représenter dans le cadre de son recours collectif. Le Tribunal est d'avis que l'appelante a, en toute conscience et délibérément, pris la décision de « mêler un peu les affaires » et de retenir les services d'un cabinet autre que Howie, Sack and Henry. Selon le Tribunal, si elle était en mesure de prendre des décisions aussi complexes, elle avait la capacité de former ou d'exprimer l'intention de présenter une demande de prestations d'invalidité du RPC.

[62] Le deuxième événement s'est produit aux alentours de décembre 2011, lorsque l'appelante a réglé sa réclamation d'assurance et a fait, entièrement seule, un choix parmi les quatre types de versement des indemnités. Selon le Tribunal, ce règlement démontre clairement que l'appelante avait la capacité de prendre une décision au moins un an avant de présenter une demande de prestations d'invalidité du RPC.

[63] Bien que l'appelante puisse avoir pris certaines décisions, qui peuvent avoir été dans son intérêt supérieur ou non, cela ne signifie pas qu'elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension. De plus, le fait qu'elle puisse ne pas avoir été au courant qu'elle pouvait présenter une demande de pension d'invalidité avant février 2012 ne signifie pas qu'elle avait le droit à des prestations rétroactives.

[64] Après avoir examiné et apprécié la preuve testimoniale et la preuve documentaire, le Tribunal n'est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelante était continuellement incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestation d'invalidité aux termes du paragraphe 60(10) du Régime de pensions du Canada.

Conclusion

[65] L’appel est rejeté.

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