Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 4 février 2015. Le 3 février 2015, la division générale a tenu une audience par vidéoconférence à l’issue de laquelle elle a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, ayant conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

[2] Le 10 avril 2015, l’avocat de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel accompagnée d’un bref rapport médical du Dr B. Tazkarji daté du 17 septembre 2014 et d’un rapport médical du Dr Zohair Syed daté du 11 novembre 2014. La permission d’en appeler est sollicitée sur de nombreux moyens. Pour pouvoir accéder à cette demande, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[3] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Observations

[4] Le représentant de la demanderesse plaide que la division générale (DG) a commis les erreurs suivantes :

  1. a) La DG ne s’est pas assurée que les rapports médicaux des Drs Syed et Tazkarji avaient été reçus par le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») malgré le fait que ces médecins auraient transmis leurs rapports respectifs au Tribunal avant l’audition de l’appel.
  2. b) La DG a omis de déposer en preuve les copies des rapports médicaux des Drs Syed et Tazkarji malgré le fait que ces médecins auraient transmis lesdits rapports au Tribunal.
  3. c) La DG a poursuivi l’instruction de l’appel au lieu d’ajourner l’audience malgré le fait que les rapports médicaux des Drs Syed et Tazkarji ne faisaient apparemment pas partie du dossier d’audience dont elle était saisie.
  4. d) La DG n’a pas correctement tenu compte de l’historique des affections psychologiques dont la demanderesse souffrait toujours, y compris le syndrome de stress post-traumatique, l’agoraphobie, le trouble dépressif majeur et le trouble anxieux généralisé. Les Drs Syed et Tazkarji ont émis des opinions au sujet de la gravité des affections psychologiques dont la demanderesse souffrait toujours. Bien que la DG ne disposât pas des opinions médicales des Drs Syed et Tazkarji, elle était au courant de l’existence de leurs rapports respectifs.
  5. e) La DG a imputé au harcèlement la réticence de la demanderesse à travailler sans tenir compte du fait que la demanderesse, en raison du harcèlement en milieu de travail dont elle était victime, a développé des problèmes psychologiques qui l’ont rendue médicalement inapte au travail.
  6. f) La DG a omis de tenir compte du fait que le Dr Tazkarji était d’avis que la demanderesse n’était pas apte à travailler et du fait que le Dr Syed a déclaré que la demanderesse avait des [traduction] « problèmes psychiques permanents, récurrents et substantiels ».
  7. g) La DG n’a pas donné à la demanderesse une possibilité entière et équitable d’être entendue. La demanderesse n’était pas représentée à l’audience.

[5] Le 23 avril 2015, le Tribunal a envoyé à l’avocat de la demanderesse une lettre lui demandant de poser les questions suivantes à sa cliente :

[Traduction]

  1. La demanderesse a‑t‑elle une quelconque preuve de la date à laquelle elle a soumis les rapports médicaux du Dr Zohair Syed et du Dr B. Tazkarji, respectivement datés du 11 novembre 2014 et du 17 septembre 2014? Dans l’affirmative, veuillez produire une copie de ces éventuels éléments de preuve.
  2. Nonobstant les observations faites par l’avocat dans la demande de permission d’en appeler à la division d’appel, en quoi chacun des rapports aurait été utile pour trancher la question de la capacité de travailler de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2012, alors que, dans le cas du Dr Syed, celui‑ci a écrit [traduction] « Mon rapport fait état de ses déficiences et limitations en date du 16 septembre 2014 » et, dans le cas du Dr Tazkarji, il a écrit [traduction] « Je crois qu’actuellement, en raison du traumatisme et des traitements subis pour corriger ce problème, elle n’est pas employable. » [C’est moi qui souligne.]
  3. Veuillez indiquer avec précision la ou les parties du témoignage de la demanderesse qui ont été ou étaient mal interprétées. (Une copie de l’enregistrement de l’audience est jointe. Bien qu’une transcription de l’audience serait utile, il suffira à l’avocat de préciser le ou les moments de l’enregistrement lors desquels il y aurait eu mauvaise interprétation.)
  4. Comment la demanderesse et son avocat arrivent-ils à concilier l’admission faite devant la division générale selon laquelle la demanderesse a [traduction] « admis qu’elle est capable d’occuper un emploi et qu’elle se cherche un emploi correspondant à sa capacité de travailler » et qu’elle [traduction] « a cherché et continue de chercher un emploi » (aux paragraphes 31 et 33)? L’avocat allègue‑t‑il qu’il s’agit là d’une erreur de droit? Dans l’affirmative, veuillez citer ou fournir copie de tout fondement juridique étayant cette allégation.

[6] Le Tribunal a demandé à ce que la demanderesse fournisse des réponses à ces questions au plus tard le 29 mai 2015. À cette date, l’avocat n’avait pas fourni de réponses au nom de sa cliente. Le Tribunal a communiqué avec l’avocat et lui a demandé si des réponses arrivaient bientôt. L’avocat a déclaré qu’il avait une nouvelle adresse et qu’il n’avait pas reçu la lettre du Tribunal datée du 23 avril 2015. Le Tribunal a envoyé de nouveau la lettre à l’avocat, par courriel. L’avocat a accusé réception de la lettre et indiqué qu’il tenterait d’y répondre d’ici le 8 juillet 2015.

[7] The Tribunal a également envoyé à l’avocat, le 5 juin 2015, une lettre par la poste reproduisant la lettre du 23 avril 2015. Le Tribunal a également confirmé qu’il s’attendait à recevoir des réponses à ses questions d’ici le 8 juillet 2015.

[8] Le 7 juillet 2015, l’avocat a écrit au Tribunal pour l’informer du fait qu’il n’avait pas été disponible et qu’il demandait par conséquent un délai supplémentaire, jusqu’à « la fin de ce mois ». Le 8 juillet 2015, le Tribunal a communiqué par écrit avec l’avocat, par la poste et par courriel, pour l’informer que le membre de la division d’appel était prêt à lui accorder une prorogation de délai jusqu’au 27 juillet 2015, mais qu’il ne prolongerait pas davantage le délai, sauf pour des raisons convaincantes.

[9] Malgré cette prorogation du délai jusqu’au 27 juillet 2015, l’avocat n’avait toujours pas présenté d’autres observations le 12 août 2015 et n’avait pas sollicité de délai supplémentaire.

Analyse

[10] Pour qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[11] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Avant que je puisse accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

a) Audience équitable

[13] L’avocat plaide que la division générale n’a pas donné à la demanderesse, qui n’était alors pas représentée, une occasion de défendre pleinement sa cause. L’avocat plaide que cela équivaut à un manquement à la justice naturelle. L’avocat plaide que la demanderesse [traduction] « n’a pas eu le sentiment que le membre chargé de tenir l’audience était disposé à tenir compte de sa position ou à lui donner une possibilité pleine et entière de faire valoir son point de vue. » Au‑delà de ces déclarations d’ordre général, l’avocat ou sa cliente doit préciser en quoi on a pu priver la demanderesse d’une audience équitable et, puisqu’il existe un enregistrement de l’audience, indiquer où cela s’est produit. Par exemple, la division générale a‑t‑elle refusé d’entendre des éléments de preuve ou a‑t‑elle interrompu la demanderesse, et où cela apparaît‑il dans l’enregistrement? Bien que des allégations de cette nature n’aient pas besoin d’être prouvées au stade de la demande de permission, il faut qu’elles soient étayées dans une certaine mesure.

[14] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

b) Rapports médicaux des Drs Syed et Tarkarji

[15] L’avocat soutient que la division générale a omis de s’assurer que les rapports médicaux des Drs Syed et Tarkarji étaient versés au dossier d’audience. L’avocat affirme que cela aussi équivaut à un manquement à la justice naturelle.

[16] La division générale n’a pas cité les rapports médicaux des Drs Syed et Tarkarji dans sa décision. Les deux médecins auraient transmis leurs rapports médicaux respectifs directement au Tribunal.

[17] Je ne suis saisie d’aucune preuve indiquant la date à laquelle ces deux médecins auraient transmis des copies de leurs rapports au Tribunal. La demanderesse n’a pas produit de copies de ces rapports ni n’a apporté avec elle de copies de ces rapports à l’audience, malgré le fait qu’ils ne faisaient pas partie de [traduction] « l’ancien dossier » que le Bureau du commissaire des tribunaux de révision avait transféré au Tribunal. Il serait souhaitable que toute partie à une audience apporte avec elle des copies supplémentaires de tout rapport ou dossier à l’audience, y compris une copie pour elle-même.

[18] On ne sait pas au juste si la demanderesse a effectivement cherché à savoir si la division générale disposait de ces deux rapports et, au cas où la DG ne disposait pas desdits rapports, si la demanderesse a présenté d’éventuelles observations sur leur contenu, voire demandé un ajournement de l’audience. En l’absence de quelques éléments de preuve indiquant quelles observations ont été faites au sujet de l’existence et de la nature de ces deux rapports médicaux, de même que sur leur degré d’importance quant aux points en litige dans l’appel, je ne puis nécessairement en déduire que la division générale a commis une erreur en ne s’assurant pas qu’elle en possédait des copies ou que les rapports étaient nécessairement déposés en preuve.

[19] Toutefois, bien qu’il eût certainement été idéal d’avoir un historique médical complet, cela ne signifie aucunement que l’inclusion de ces deux rapports pouvait ou aurait nécessairement modifié l’issue de la procédure.

[20] Le rapport médical du Dr Syed est daté du 11 novembre 2014. Le médecin indique que son rapport fait état des déficiences et limitations de la demanderesse « en date du 16 septembre 2014 ». Le rapport médical du Dr Tazkarji est daté du 17 septembre 2014. Bien que je n’évacuerais pas d’emblée la prise en compte de toute preuve médicale ayant été préparée longtemps après l’expiration de la période minimale d’admissibilité, je constate, dans cette affaire, que ni l’un ni l’autre de ces deux médecins n’a lié ses éventuelles opinions à la date du 31 décembre 2012. De fait, le Dr Syed n’était pas en mesure d’émettre une opinion au sujet de l’état de santé de la demanderesse à la fin de sa période minimale d’admissibilité, puisque la demanderesse n’était devenue une de ses patientes que récemment. Bien que la demanderesse ait produit un historique indiquant que ses symptômes avaient été récurrents pendant de nombreuses années, cela n’aborde pas la question centrale de la gravité de ces symptômes à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

[21] De la même façon, le Dr Tazkarji n’a pas abordé l’invalidité de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. Bien que l’avocat plaide que le Dr Tazkarji a écrit que la demanderesse n’est pas apte à travailler, ce médecin n’a pas non plus abordé la question centrale de la gravité des invalidités de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. En fait, le Dr Tazkarji a écrit [traduction] « Je crois qu’actuellement, en raison du traumatisme et des traitements subis pour corriger ce problème, elle n’est pas employable. » [C’est moi qui souligne.]

[22] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

c) Historique psychologique

[23] L’avocat plaide que la division générale n’a pas correctement tenu compte de l’historique des affections psychologiques dont la demanderesse souffrait encore, y compris le syndrome de stress post-traumatique, l’agoraphobie, le trouble dépressif majeur et le trouble anxieux généralisé. L’avocat ne précise pas quels aspects des antécédents médicaux de la demanderesse la division générale a omis de prendre en considération, ni à quel endroit on peut trouver mention de ces affections psychologiques particulières dans le témoignage ou dans la preuve documentaire.

[24] Bien que la division générale ait fait allusion de façon limitée au syndrome de stress post-traumatique, à la dépression et à l’anxiété, elle n’a pas spécifiquement mentionné l’agoraphobie, le trouble dépressif majeur et le trouble anxieux généralisé. Toutefois, l’avocat n’a pas démontré que la division générale était saisie d’une preuve de ces affections psychologiques, que ce soit dans le dossier documentaire ou dans le témoignage de la demanderesse. En examinant brièvement le dossier d’audience, on constate que le rapport médical non daté du Dr L.Y. Chan posait un diagnostic de trouble de l’identité sexuelle / dysphorie de genre, de dépression et d’anxiété (pages AD1-36 à AD1-39). Ce rapport ne mentionnait pas d’autres troubles psychologiques. La division générale était saisie d’une preuve documentaire limitée. L’avocat n’a pas non plus indiqué de parties précises de l’enregistrement de l’audience et je ne peux conclure que la demanderesse a livré témoignage au sujet de ces autres affections psychologiques et de l’impact qu’elles ont pu avoir sur elle.

[25] Bien que je reconnaisse que le Dr Tazkarji ait écrit que la demanderesse souffre d’agoraphobie, manifeste les symptômes du syndrome de stress post-traumatique, s’est vu prescrire des médicaments anxiolytiques et suit actuellement une psychothérapie et que le Dr Syed a discuté du syndrome de stress post-traumatique, du trouble dépressif majeur et du trouble anxieux généralisé de la demanderesse, il demeure que ces deux rapports – s’ils avaient été produits devant la division générale – n’abordent pas la question des invalidités de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. Ces rapports n’indiquent pas le moment d’apparition, la fréquence de réapparition et la durée de chacune de ces affections, ni ne précisent le pronostic de l’évolution de ces affections et l’impact qu’elles ont eu sur la demanderesse. Ces considérations auraient pu être d’une certaine utilité pour mesurer la gravité.

[26] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

d) Harcèlement en milieu de travail

[27] L’avocat plaide que la division générale a mal interprété la preuve concernant le harcèlement en milieu de travail auquel la demanderesse a été soumise. Il plaide que le [traduction] « réel problème est qu’elle a développé, en raison du harcèlement en milieu de travail dont elle était victime, des problèmes psychologiques qui l’ont rendue médicalement inapte au travail. »

[28] En fait, la division générale a reconnu que le harcèlement en milieu de travail pouvait très bien causer un trouble mental. En l’espèce, toutefois, la division générale a estimé qu’il n’y avait pas de preuve étayant une conclusion à l’existence d’un trouble de santé mentale. Au paragraphe 31 de sa décision, la division générale a écrit ceci :

[Traduction]
Je reconnais que le harcèlement ou la discrimination peut donner lieu à la nécessité d’une thérapie et/ou d’un soutien en santé mentale, qui, à son tour, peut résulter en un trouble de santé mentale diagnostiqué. Un tel diagnostic, à lui seul ou conjugué aux autres problèmes de santé et facteurs mentionnés dans l’arrêt Villani, peut faire conclure à l’existence d’une invalidité « grave ». En l’espèce, il n’y avait pas de preuve médicale étayant une conclusion de problème de santé mentale; plutôt, l’appelante a admis qu’elle était capable d’occuper un emploi et qu’elle se cherchait un travail en fonction de sa capacité de travailler. À son avis, l’appelante n’arrive pas à se trouver un emploi en raison de son statut de transgenre et de ses limitations dans l’utilisation de sa main gauche.

[29] À moins que l’avocat ait produit quelque preuve à l’effet du contraire pour laisser entendre que la division générale avait tiré une conclusion de fait erronée, ses observations équivalent essentiellement à demander une réappréciation de la preuve, ce qui sort du cadre d’une demande de permission.

Conclusion

[30] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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