Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

V. M., l’appelante

Steven Sacco, le représentant légal de l’appelante

J. M., le fils de l’appelante (observateur)

Introduction

[1] La demande de l’appelante pour une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) a été estampillée par l’intimé le 29 septembre 2011. L’intimé a rejeté la demande lors de sa présentation initiale puis après révision. L’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) à l’encontre de la décision découlant de la révision, et cet appel a été transféré au Tribunal en avril 2013.

[2] L’audience de cet appel a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. le matériel nécessaire à une vidéoconférence est disponible dans la région où réside l’appelante;
  2. il y a des lacunes dans les renseignements qui figurent au dossier, et/ou certaines précisions doivent être apportées;
  3. le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant :

  1. a) qui n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) à qui aucune pension de retraite n’est payable;
  3. c) qui est invalide;
  4. d) qui a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[6] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle est susceptible de durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou d’entraîner le décès.

Question en litige

[7] La date de la PMA n’est pas contestée puisque les parties conviennent que la période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2013 et que le Tribunal conclut en ce sens.

[8] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que le contraire que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date à laquelle a pris fin la PMA ou avant cette date.

Preuve

Preuve documentaire

[9] Dans le questionnaire du RPC daté du 20 août 2011, l’appelante a déclaré avoir une scolarité de 12e année et avoir complété le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada en 1999. Elle a obtenu son accréditation en fonds commun de placement. Elle a travaillé du 1er septembre 1978 au 28 octobre 2009 comme gestionnaire chez la CIBC. Elle a cessé de travailler en raison d’antécédents d’accidents ischémiques transitoires (AIT). En juillet 2009, elle a modifié ses tâches de travail pour réduire son niveau de stress, et est passée de directrice de succursale à gestionnaire du service à la clientèle. Toutefois, ce changement n’a pas suffi, et elle a souffert d’un autre AIT en octobre 2009. Elle est vulnérable aux AIT et a vécu son premier épisode en mai 2007, son deuxième en octobre 2008 et son troisième en octobre 2009. Elle a subi une récidive en janvier 2010 en raison de son niveau de stress élevé. Des migraines avec aura lui provoquent des AIT. Elle a vécu un autre épisode le 17 juin 2011 et a été admise à l’hôpital général d’Etobicoke. Elle fait un travail très stressant. Les médicaments pris pour prévenir un véritable accident vasculaire cérébral ont gravement affecté sa mémoire, son discours et la clarté de ses pensées. Ces effets lui causent un niveau de stress écrasant, de sorte qu’elle est incapable de prendre des décisions et de fonctionner au travail. Elle a aussi décrit des problèmes de dos, de dépression, un trouble d’élocution, une difficulté à s’exprimer et des troubles de mémoire et de concentration. Elle doit écrire des notes et a des troubles de mémoire à court et à long terme. Elle ne peut pas rester concentrée, elle se sent débordée avec l’information et elle est incapable de se concentrer. Elle a aussi de la difficulté à dormir. Elle peut conduire, mais ressent souvent ne pas être concentrée.

[10] Le 3 août 2011, Dre Gideon a rempli le rapport médical du RPC. Elle a indiqué connaître l’appelante depuis 1998. Elle a établi les diagnostics suivants : 1) antécédents d’AIT débutant par des migraines accompagnées de troubles d’élocution et de confusion; 2) hypertension; 3) hypercholestérolémie; 4) apnée obstructive du sommeil modérée et ronflement; 5) psoriasis accentué par le niveau de stress; 6) dépression et anxiété secondaires à l’invalidité. Dre Gideon a décrit le psoriasis accentué qui touche les bras, l’abdomen, le dos et les jambes, le bégaiement et le discours lent. Elle a écrit [traduction] : « définitivement moins vive mentalement qu’auparavant » et « se fatigue facilement et a pris du poids en raison de la dépression et du manque de mobilité. » Elle a affirmé que le pronostic était réservé, et qu’il n’existe pas de diagnostic/traitement définitif.

Épisode de mai 2007

[11] Le 30 mai 2007, Dr Dhanani a vu l’appelante lors d’une consultation neurologique concernant l’apparition soudaine de troubles d’élocution. D’après le Dr Dhanani, l’appelante s’est soudainement sentie confuse à son bureau au travail. Elle avait de la difficulté à écrire, à se concentrer et était incapable de parler. Elle s’est rendue aux urgences avec un discours bégayant. Dr Dhanani a soulevé des antécédents de perturbation du discours, deux années plus tôt. Il a affirmé ne pas pouvoir écarter complètement un événement ischémique et a proposé un examen par IRM et une évaluation vasculaire cérébrale.

[12] Le résultat d’un tomodensitogramme crânien du 30 mai 2007 n’a rien montré d’anormal.

[13] Un examen de routine MC doppler a révélé certaines irrégularités de flux dans l’artère vertébrale droite intracrânienne, possiblement en raison d’hypoplasie/de sténose des vaisseaux. Son importance clinique n’était pas claire. Aucune sténose carotidienne n’a été notée. Le résultat d’une IRM de la tête du 1er juin 2007 était négatif.

[14] Le 14 septembre 2007, Dr Dhanani a rapporté à l’admission de l’appelante au Centre de santé Trillium (CST) entre le 30 mai et le 1er juin 2007, un trouble d’élocution passager de cause inexpliquée. Il a mentionné qu’elle allait généralement bien depuis sa sortie. Les résultats d’une IRM, d’une ARM, d’un doppler carotide et vertébral, d’un échocardiogramme 2D et d’un ECG étaient tous normaux. L’appelante s’est plainte de fatigue, et elle escomptait retourner au travail dans un futur proche. Dr Dhanani a affirmé que son discours bégayant serait très inhabituel comme symptôme d’une migraine. Il a affirmé qu’elle ne pouvait pas identifier d’autres stresseurs au travail ou à la maison qui pourraient lui causer sa symptomatologie. Il a indiqué qu’elle se portait bien et que la cause exacte de son discours bégayant ne lui était pas complètement claire. Il a douté que la cause soit une ischémie, et a affirmé qu’il était raisonnable pour l’appelante de retourner au travail. Il a exprimé sa surprise d’apprendre qu’elle n’y était toujours pas retournée. Il a indiqué que les causes personnelles et sociales pour l’ensemble de ses symptômes devraient être explorées.

Épisode d’octobre 2008

[15] Le 23 octobre 2008, Dr Temple a vu l’appelante aux urgences à propos d’un possible accident vasculaire cérébral. Il a mentionné qu’elle avait précédemment été admise au CST le 30 mai 2007 et qu’elle avait été évaluée par le Dr Dhanani. À ce moment, elle s’était plainte de vision légèrement embrouillée et de discours bégayant. Le résultat du tomodensitogramme crânien ne montrait rien d’anormal; le résultat d’une IRM cérébrale était aussi normal. Au moment que le Dr Temple a vu l’appelante, elle se plaignait d’une aura visuelle typique de ses migraines habituelles, suivie d’une difficulté d’élocution. Le trouble d’élocution a persisté, et son discours était bégayant et non fluide. Le Dr Temple soupçonnait plutôt qu’il s’agissait d’une migraine avec aura. Il a noté qu’elle n’avait pas de déficits moteurs significatifs et que sa compréhension était bonne. Si son discours était non fluide et bégayant, il était tout de même fonctionnel. Il a prévu une autre IRM cérébrale.

[16] Le résultat d’un examen de routine MC Doppler du 24 octobre 2008 ne comportait rien de remarquable. Le résultat d’une IRM de la tête du 25 octobre 2008 était négatif.

[17] Le 27 octobre 2008, Dr Dhanani a rapporté qu’à l’admission au CST le 23 octobre 2008, l’appelante s’était plainte de problèmes d’élocution. Elle a connu une aura visuelle suivie d’un léger mal de tête qui s’est développé en un trouble d’élocution marqué par un discours bégayant. Elle avait aussi de la difficulté à écrire. Elle a subi un examen cérébral par IRM, lequel n’a montré aucun signe particulier d’accident vasculaire cérébral. Le résultat a révélé des changements non spécifiques à la matière blanche, probablement en raison de la migraine. Dr Dhanani a soulevé que l’appelante avait déjà été admise pour des symptômes similaires. Elle a subi une évaluation vasculaire cérébrale complète pour éliminer tout risque d’accident vasculaire cérébral. Rien de remarquable n’était ressorti de ses enquêtes, dont un autre doppler carotide et vertébral. L’appelante a indiqué qu’elle souffrait de maux de tête au moins deux fois par mois. Dr Dhanani a donné congé à l’appelante le 27 octobre 2008 avec les diagnostics suivants : 1. migraine compliquée avec aura visuelle et trouble d’élocution, 2. Hypertension, 3. hyperlipidémie et 4. psoriasis.

[18] Le 4 novembre 2008, Dr Rodriguez, pneumologie et médecine du sommeil, a rapporté sur l’étude du sommeil de l’appelante. Il a indiqué qu’elle souffrait d’une apnée obstructive du sommeil modérée avec ronflement, d’agitation élevée et de fragmentation du sommeil. Le 6 novembre 2008, Dr Rodriguez a rapporté qu’il serait fortement recommandé d’utiliser un appareil nasal CPAP.

[19] Le 17 décembre 2008, Dr Temple a vu l’appelante au CST. Il a soulevé i) une précédente admission en mai 2007 lors d’un événement où elle était confuse, avait de la difficulté à se concentrer et à parler; et ii) une nouvelle admission le 23 octobre 2008, marquée d’un épisode de symptômes visuels associés à un sentiment de confusion, à une difficulté d’élocution et d’écriture. Les résultats d’un tomodensitogramme crânien et d’une IRM cérébrale n’ont pas montré la preuve d’un infarctus ou d’une autre anormalité. L’on pensait que cet épisode était causé par une migraine compliquée. Elle a eu son congé de l’hôpital et n’a pas vécu d’autres épisodes neurologiques. Selon le Dr Temple, le discours de l’appelante était normal et le résultat de ses autres examens neurologiques détaillés était demeuré inchangé. Dr Temple a exprimé l’impression que l’appelante avait de longs antécédents d’épisodes régulièrement marqués de migraines compliquées avec aura visuelle et trouble d’élocution. Il a recommandé qu’elle prenne du Nadolol quotidiennement pour prévenir les migraines.

Octobre 2009/janvier 2010

[20] Le 29 octobre 2009, Dr Cuthbert, service de médecine interne, a rapporté avoir vu l’appelante à la suite d’un AIT. Il a soulevé qu’elle a cessé de prendre ses médicaments six semaines plus tôt, sans en informer son neurologue. Il a indiqué que le résultat de son tomodensitogramme crânien était négatif. Aucune arythmie n’a été détectée par le moniteur cardiaque. Il lui a recommandé de recommencer son traitement.

[21] Le 24 juin 2010, Dr Boulios, physiatre, a évalué l’appelante. Il a performé un court examen de l’état mental, et l’appelante a obtenu un résultat de 29/30. Il a indiqué que son discours était fluide et sa compréhension intacte. Elle ne montrait pas de signes d’anomie. Toutefois, elle est devenue légèrement [traduction] « agitée » en faisant la soustraction par intervalles de 7 à partir de 100. Son discours est presque devenu bégayant, mais [traduction] « pas à ce point complètement ». Il a énoncé ne pas être certain de l’interprétation à faire de ses symptômes et il l’a envoyée consulter un orthophoniste.

[22] Le 5 juillet 2010, Dr Dhanani a évalué l’appelante. Il a soulevé qu’elle ne travaillait plus depuis octobre 2009. Il a mentionné à nouveau qu’elle avait été vue au CST en mai 2007, quand elle s’est présentée avec un discours bégayant anormal. La possibilité d’accidents ischémiques transitoires (AIT) a été soulevée. Aucune anormalité importante n’a été identifiée lors des tests. Des changements non spécifiques à la matière blanche ont été identifiés par IRM et ont été associés à la migraine, mais n’ont pas été identifiés comme l’indication d’un accident vasculaire cérébral. Elle a été vue à nouveau en octobre 2008 avec des troubles d’élocution et certains symptômes visuels. Un diagnostic de migraine semblait être le plus probable. L’appelante a rapporté avoir eu d’autres symptômes en octobre 2009, quand elle s’est présentée de nouveau avec un discours bégayant. Rien de remarquable n’était ressorti de son tomodensitogramme cérébral. Elle a observé d’autres symptômes en janvier 2010. Sa principale préoccupation concernait son discours et ses pensées qui semblaient ralentis. Elle était donc incapable de retourner au travail. Elle voyait aussi une aura étrange lui brouillant la vue dans l’œil gauche. Dr Dhanani soupçonnait qu’un nombre considérable de symptômes étaient associés au stress et à une possible dépression. Il a signalé que ses symptômes actuels ne suggéraient pas un accident vasculaire cérébral. Il a indiqué qu’elle pouvait avoir des migraines, mais elle ne souffrait pas fréquemment de maux de tête à ce moment. Il a affirmé ne pas croire qu’une migraine était la cause de sa symptomatologie du moment impliquant le ralentissement du discours ou des pensées. Il a aussi ajouté que le résultat de l’examen neurologique était normal, précisant que les résultats précédents d’imagerie et de tests approfondis n’avaient pas révélé d’autres anormalités significatives. Il a indiqué qu’elle pourrait bénéficier des services d’un psychiatre. Il a aussi recommandé un rajustement de sa médication si elle lui causait certains effets secondaires.

[23] Le 5 octobre 2010, M. Thacker, orthophoniste, a évalué l’appelante pour ses troubles d’élocution. Il a indiqué que plusieurs troubles de son discours étaient caractéristiques de ceux entendus dans le discours d’individus touchés de bégaiement neurogène. Elle a démontré d’importants troubles pendant l’évaluation d’élocution. Elle a aussi présenté de nombreux résultats reconnus parfois pour coexister chez les personnes touchées de bégaiement neurogène : certains troubles liés au langage, dont une compréhension du discours perturbée, une déficience à la lecture, une anomie et une difficulté à imiter des séquences allongées de rythme par claquements de mains. M. Thacker a énoncé les recommandations suivantes : une évaluation approfondie du trouble de l’appelante par un orthophoniste, à être organisée par le médecin de famille; que le médecin de famille demande à un pharmacien d’exclure toute relation entre ses médicaments et les médicaments qui sont associés au bégaiement, à une capacité affaiblie orale, de lecture ou à trouver les mots, et suivre un cours de réadaptation en communication.

[24] Le 26 avril 2011, Dre Chilly, psychologue agréée, a évalué l’appelante. Elle a indiqué, selon la présentation de l’appelante et les antécédents rapportés, que l’appelante souffrait d’un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive. D’après sa propre déclaration, l’appelante peinait à faire face à de multiples stresseurs. Elle vivait de l’anxiété et de la frustration par rapport à ses limitations, à son dysfonctionnement d’élocution et de cognition, ce qui lui a causé une boucle de rétroaction négative accentuant ses difficultés fonctionnelles. Elle semblait éprouver une grande détresse, de la peur et de l’anxiété anticipatoire concernant la possibilité de subir un autre AIT ou un accident vasculaire cérébral. Dre Chilly a détecté que le principal problème clinique de l’appelante concernait son profond sentiment de perte entourant son travail. Ses symptômes dépressifs étaient sensibles à sa perte de routine, d’identité et d’objectif, éléments trouvés au travail. Dre Chilly a écrit que [traduction] : (l’appelante) semble faire le deuil de cette perte, à un point tel qu’elle a précédemment 'négocié' pour un retour en cessant de prendre sa médication nécessaire sur le plan médical ». Dre Chilly a indiqué qu’elle continuerait à fournir des sessions individuelles de psychothérapie.

[25] Le 7 juillet 2011, Dr Rodriguez a vu l’appelante pour un suivi. Il a indiqué qu’elle n’avait pas subi une évaluation par CPAP et préférait attendre. Il a affirmé qu’elle avait vécu d’autres épisodes d’AIT, dont l’une lui a provoqué une dysphasie pendant plusieurs mois. Il a demandé s’il s’agissait d’un véritable accident vasculaire cérébral. Il a affirmé qu’elle souffre de migraines, dort de quatre à cinq heures et ressent un manque d’énergie. Il a indiqué croire reconnaître un aspect de dépression importante et a noté à l’examen que l’appelante semblait un peu dépressive. Il a indiqué une forte recommandation pour un traitement avec appareil CPAP.

[26] Le 27 août 2011, Dre Domitrovic, psychologue certifiée, a fait des observations sur son évaluation neuropsychologique de l’appelante. Elle a décrit l’appelante comme une femme mariée de 51 ans avec la main dominante droite, en possession d’un diplôme d’études secondaires, directrice de succursale à la CIBC, en arrêt de travail depuis octobre 2009 après des séries d’AIT. Elle cherchait à obtenir des prestations d’ILD sur le fondement d’allégations de difficultés cognitives et de problèmes d’élocution qui l’empêchaient de retourner au travail. L’appelante a rapporté avoir souffert de son premier AIT en mai 2007. Elle n’est pas retournée travailler pendant cinq mois et elle a repris ses fonctions à temps plein en octobre 2007. À l’exception d’une augmentation de la fréquence des migraines et de certains éléments de difficulté d’élocution, elle a affirmé être de retour à son statut précédant ses AIT. Elle a souffert de son deuxième AIT au travail en octobre 2008. Elle a indiqué éprouver une difficulté persistante d’élocution, mais elle s’est [traduction] « forcée » à retourner au travail six semaines plus tard. Elle a trouvé l’emploi plus stressant, non seulement en raison des difficultés d’expression verbale, mais aussi en raison des difficultés de concentration, de mémoire et d’un état continuel de [traduction] « brouillard mental ». Elle a continué du mieux qu’elle le pouvait jusqu’au moment où elle a souffert d’un troisième AIT en octobre 2009, ce qui lui a causé une aggravation de ses troubles cognitifs. Elle n’est pas retournée au travail. Elle a apparemment continué à vivre des événements neurologiques épisodiques soupçonnés être des AIT, c.-à-d., en janvier 2010, elle était temporairement incapable de parler. Elle a rapporté que ses symptômes du moment incluaient : 1. difficulté à parler; 2. brouillard mental; 3. problèmes de mémoire; 4. maux de tête ennuyeux, mais chroniques; 5. fatigue constante; 6. tristesse persistante, dépression et problèmes d’humeur avec tendance augmentée à pleurer; 7. vertige intermittent; 8. sommeil non réparateur. L’appelante a rapporté pouvoir s’adonner à toutes les activités de base et les plus quotidiennes de manière indépendante. Elle avait encore son permis de conduire et conduisait parfois sur de courtes distances. Dre Domitrovic a signalé que le processus de réflexion de l’appelante était logique, cohérent et orienté vers un objectif. Son humeur était légèrement dysphorique, l’appelante était émotionnellement labile et pleurait facilement.

[27] Dre Domitrovic a diagnostiqué le bégaiement (acquis-neurogène) et le trouble dépressif, non précisé ailleurs. Elle a affirmé que les tests ont révélé des défis [traduction] « importants » dans le discours d’expression en l’absence d’aphasie avec des caractéristiques plus associées au bégaiement acquis. Le déficit d’élocution de l’appelante était cohérent avec le bégaiement neurogène. Elle a aussi démontré une déficience isolée dans la motricité fine de la main gauche associée à une réduction très légère dans les performances en jugement de distance angulaire. Sauf avis contraire, son profil neurocognitif ne suggérait pas de déficience flagrante. D’un point de vue affectif, sa présentation et son rapport de symptômes étaient cohérents avec un trouble dépressif. Dre Domitrovic a déclaré que la phénoménologie de l’appelante concernant une dysfonction cognitive possédait sûrement plusieurs déterminants. Les individus qui sont dépressifs se plaignent souvent de troubles de concentration, de mémoire et de vitesse de la pensée. Elle a déclaré qu’il est très probable que les problèmes de langage de l’appelante affectent secondairement son efficacité cognitive. La Dre Domitrovic a mentionné que les monographies de la médication indiquaient que les maux de tête pouvaient être un effet secondaire du Aggrenox, et les maux de tête et les étourdissements pouvaient être des effets du Lipitor et de l’Amlodipine, mais elle a aussi mentionné que les plus récentes révisions de bégaiement causé par médication qu’elle a pu trouver n’impliquaient pas les médicaments pris à ce moment par l’appelante. Elle a aussi mentionné que le traitement pharmacologique des problèmes de sommeil de l’appelante et de ses troubles émotifs pouvait accentuer son sentiment de bien-être et diminuer sa phénoménologie d’inefficacité cognitive jusqu’à un certain point.

[28]  Selon Dre Domitrovic, à proprement parler, ni le statut affectif de l’appelante ni son profil neurocognitif général ne contre-indiqueraient nécessairement un retour chez son ancien employeur ou vers un quelconque emploi rémunérateur pour lequel elle est raisonnablement adaptée sur le plan de l’éducation, de la formation et/ou de l’expérience. Toutefois, elle a aussi affirmé [traduction] : « Il s’agit plutôt de son trouble flagrant d’élocution et de son problème à communiquer oralement combinés à plusieurs symptômes qui peuvent secondairement affecter son efficacité cognitive (c.-à-d., maux de tête et vertige constants, fatigue), lesquels constitueront des défis importants pour son retour vers un emploi rémunérateur de tout type ». Dre Domitrovic a écrit [traduction] : « Il sera très difficile pour elle de poursuivre une quelconque activité sans traitement de ses difficultés actuelles d’élocution. À ce sujet, je m’en remets encore aux recommandations de M. Thacker pour qu’elle se soumette à une évaluation plus approfondie et qu’elle suive un cours de réadaptation en communication avec un orthophoniste qui connaît bien le traitement des troubles de bégaiement. »

[29] Pendant une conversation téléphonique du 13 novembre 2012 avec l’intimé, l’appelante a rapporté qu’elle continuait à avoir des migraines [traduction] « hebdomadaires – parfois ». Elles peuvent durer des heures ou une journée. Elle a poursuivi la même médication et prenait du Cipralex 10 mg quotidiennement depuis mai 2012 ou avant. Elle ne pleurait plus autant maintenant. Elle a rapporté que les « auras » affectaient son discours et qu’elle se sentait au ralenti en raison de ses médicaments. Elle utilisait un appareil CPAP pour l’apnée du sommeil, mais trouvait l’utilisation stressante parce que l’appareil ne lui allait pas correctement. Elle essayait l’utilisation de pinces nasales. Elle a indiqué ne pas avoir reçu de traitements d’un orthophoniste, mais elle a continué à avoir du soutien psychologique de façon intermittente. D’après l’intimé, l’appelante a bégayé pendant la conversation, mais était capable de répondre aux questions et de poursuivre la conversation.

[30] Le 11 septembre 2013, Dre Chilly, psychologue agréée, a rapporté avoir rencontré l’appelante pour la première fois le 11 avril 2011. Elle a indiqué, selon la présentation de l’appelante et les antécédents rapportés, que l’appelante souffrait d’un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive. Elle a décrit ses conclusions dans son rapport antérieur et a indiqué avoir continué à rencontrer l’appelante deux fois par semaine pour des sessions individuelles de psychothérapie. Elles ont « suspendu » leur travail en décembre 2011 au moment où l’appelante a rapporté et a présenté une certaine amélioration de l’humeur, une atténuation de l’anxiété et de l’inquiétude, une compétence personnelle améliorée et une meilleure gestion de ses troubles médicaux de même que de sa transition hors du marché du travail. À ce moment, Dre Chilly a informé l’appelante que son dossier demeurerait ouvert. D’après Dre Chilly, l’appelante a communiqué avec elle en juillet 2013 en exprimant son désir de reprendre leur travail. Elles se sont rencontrées en août 2013, moment où l’appelante a exprimé être dévastée par la mort soudaine de frère cadet. Son deuil s’est manifesté par des pensées dominées par la perte et des crises de larmes. Elle a admis avoir des changements d’appétit, de poids, de sommeil et voir d’autres signes de dépression depuis la perte. D’après Dre Chilly, sur le plan diagnostic, le deuil de l’appelante était maintenant de nature, de gravité et de durée pour suggérer un épisode dépressif dans le contexte d’un trouble dépressif majeur. Sa série de pertes incluant sa santé, son travail et la mort de son frère a contribué à sa dépression. Dre Chilly a écrit [traduction] : « Ses symptômes ont compromis son humeur, son fonctionnement cognitif, ses relations interpersonnelles et son adaptation aux stresseurs. De manière tout aussi inquiétante, les efforts (de l’appelante) pour les soins personnels avaient diminué : prise de poids, diminution d’exercice, sommeil perturbé, tous des facteurs de risque pour une aggravation des troubles médicaux (de l’appelante). » Dre Chilly a affirmé qu’elle fournirait soutien et traitement. La psychothérapie serait axée sur le fait d’aider l’appelante à entamer un processus sain pour le deuil sur la perte. Des objectifs de traitement spécifiques ont aussi été établis pour un retour aux soins indépendants, pour retrouver des relations constantes et pour s’engager à nouveau dans la vie.

Témoignage oral

[31] Elle a 55 ans.

[32] Elle est née en Italie.

[33] Elle est arrivée au Canada en 1967.

[34] Elle a fait sa 12e année en 1978.

[35] La CIBC l’a embauchée en 1978. Elle a découvert sa « passion » d’interagir avec les gens et est demeurée à la CIBC toute sa vie.

[36] Elle a su monter les échelons, de caissière à agente des prêts, à chef de service en 1986, et enfin à directrice de succursale en 1990.

[37] Elle a reçu de la formation en cours d’emploi et était aussi représentante en fonds commun de placement.

[38] Comme directrice de succursale, elle était responsable du succès en général de la succursale. Il s’agissait d’un poste très stressant.

[39] En 2007, elle a vécu son premier épisode. Elle vivait une semaine stressante. Vers la fin de la journée, elle s’est soudainement sentie étrange, elle ne pouvait pas écrire son nom ni parler, et ressentait un sentiment de confusion. Elle a pris congé du travail sous les soins de son médecin. Elle s’est « empressée » de retourner au travail après 5 mois. Elle sentait qu’elle avait besoin de retourner à la gestion de la succursale. Elle éprouvait toujours des difficultés. Elle a demandé à son employeur de lui offrir du soutien, ce qui a été fait.

[40] En 2008, elle a vécu un épisode semblable au premier. Elle a pris congé du travail pendant deux mois. Elle est retournée au travail, malgré les contre-indications de son médecin. Elle croyait que si elle s’absentait du travail plus longtemps, il serait plus difficile d’y retourner en raison de la charge de travail et des problèmes qu’elle aurait eus à gérer à son retour.

[41] Elle a vécu un autre épisode en 2009. Elle prenait tellement de médicaments différents, que cela influençait son raisonnement. Elle se sentait dans un [traduction] « brouillard ». Elle ne dormait pas bien et se sentait dépressive. Elle a compris qu’elle ne pouvait pas fonctionner et a suggéré à son employeur d’occuper un autre poste moins stressant. Elle a été transférée dans un poste de représentante au service à la clientèle (RSC), mais elle éprouvait encore des difficultés. Elle a cessé de prendre la médication qui la maintenait dans un « brouillard ». Cet acte a provoqué un autre épisode.

[42] Elle demandait sans cesse à la Dre Gideon quand elle pourrait retourner au travail. Dre Gideon l’a avisée qu’elle n’était pas prête à retourner au travail et d’arrêter de lui demander quand elle le pourrait.

[43] Elle n’a pas travaillé depuis octobre 2009.

[44] La CIBC ne l’a pas contactée pour lui offrir un autre travail.

[45] Elle ne souffre plus d’AIT. Les accidents sont contrôlés par la médication, bien qu’elle ait vécu quelques épisodes après 2009. Elle prend sa médication et se sent correcte en termes d’épisodes, mais elle a encore des maux de tête et des migraines avec aura. Il arrive que son discours soit affecté. Elle peine à dormir et à se lever le matin. Elle a aussi de la difficulté avec l’appareil CPAP. Elle utilise des pompes nasales. Elle sent qu’elle dort moins avec l’appareil CPAP que si elle ne l’utilise pas. Elle ressent moins de stress maintenant comparativement au temps où elle travaillait, mais trouve qu’elle vit des difficultés [traduction] « à l’intérieur » d’elle-même. Son travail lui manque, et elle considère ne plus avoir de but. Elle trouve que toute sa vie a été perturbée. Elle se sent encore déprimée et anxieuse.

[46] On lui a récemment prescrit du Methotrexate pour de l’arthrite psoriasique qui affecte ses articulations et ses genoux. La condition a été diagnostiquée en 2013. Quand elle prend le médicament, elle souffre de maux de tête pendant environ deux jours et de ballonnements pendant trois jours. Elle a pris du poids. Elle a aussi souffert de psoriasis toute sa vie. Le stress aggrave cette condition.

[47] On lui a aussi récemment diagnostiqué une hypothyroïdie. Elle a récemment commencé à suivre une nouvelle prescription.

[48] Elle a cessé de vivre sa vie.

[49] Elle se sent moins bien aujourd’hui qu’auparavant et elle n’a plus de but.

[50] Au cours d’une journée type, elle peine à sortir du lit. Elle ne socialise plus autant qu’elle le faisait déjà. Elle tente de se sauver d’événement, et elle sent qu’elle affecte sa famille et son mariage. Son fils va la reconduire s’il se trouve à la maison. Son époux travaille souvent à l’extérieur. Elle peut conduire jusqu’au centre commercial près de la maison. Elle ne peut plus conduire sur de longues distances en raison de son manque de concentration. Elle peine à détartrer la machine à café, mais a de la difficulté à suivre quatre simples instructions. Sa médication a modifié sa pensée.

[51] Lorsqu’elle a cessé de prendre ses médicaments, elle devait se prouver que [traduction] « ce n’était pas elle ». Elle sait maintenant qu’elle doit prendre ses médicaments.

[52] Elle peut préparer ses propres repas et faire un peu de lessive. Il y a certains jours où elle veut seulement rester couchée et voir et ne rien entendre. Il arrive parfois qu’elle se pousse et tente de faire quelque chose.

[53] Elle a eu un problème au genou en 2011 en raison de son arthrite psoriasique. Cette condition a touché ses chevilles, ses genoux et ses poignets. Elle prend du Methotrexate depuis presque deux ans. Elle voit Dre Gladman au Toronto Western, et elles discuteront d’un changement possible de médication lors d’un rendez-vous en août 2015.

[54] Elle ne croit pas avoir pu occuper un quelconque poste à la CIBC en 2013 en raison de ses pensées constamment embrouillées. Elle ne peut pas rester concentrée. Elle doit être claire lorsqu’elle s’occupe de finances, de chiffres et de clients. Si son médecin lui disait qu’elle peut retourner au travail, elle croit que la CIBC aurait un poste pour elle.

[55]  Elle a consulté Dre Chilly à nouveau en 2013. Son traitement a été payé par la CIBC jusqu’à concurrence de 500 $. La balance est payée de sa poche.

[56] Elle a su gérer sa dépression et son anxiété. Elle prend des médicaments. Elle a pris du Ciprolex. Elle a tenté de déterminer la raison pour laquelle elle se sent ainsi et elle croit que la cause est la perte de son emploi et de son frère.

[57] En réponse aux questions du Tribunal, l’appelante a clarifié être passée du poste de directrice de succursale à celui de RSC en juillet 2009. Elle a cessé de prendre ses médicaments peu de temps après avoir commencé à travailler comme RSC puisqu’elle ne pouvait pas se concentrer. Au cours des 5-6 semaines suivant l’arrêt de la médication, elle s’est sentie elle-même à nouveau. Quelque temps après, elle a vécu un autre épisode.

[58] Elle utilise présentement des pinces nasales pour le CPAP. Elle a essayé différents masques et trouve que les pinces nasales sont les plus intrusives. Il y a certains jours où elle tente d’utiliser les pinces, et d’autres où elle les arrache au milieu de la nuit. Elle n’est pas retournée voir le Dr Rodriguez au cours de la dernière année. Sa fille lui a suggéré d’aller le voir pour déterminer s’il peut lui offrir une alternative nouvelle ou moins intrusive. Elle planifie vérifier quelque temps.

[59] Après avoir vu Dr Thacker en octobre 2010, elle n’a pas fait de suivi avec un autre orthophoniste. Son discours s’est amélioré, et c’est beaucoup mieux maintenant. Son discours se mélange quand elle vit un épisode. Son discours n’est pas au niveau qu’il était avant les épisodes. Elle a encore de la difficulté à dire certains mots. Elle ignore pourquoi. Ses médicaments influencent aussi la manière dont son discours est influencé. Son médecin de famille ne lui a jamais recommandé d’aller voir un orthophoniste en particulier. Elle aurait lu le rapport de l’orthophoniste au moment où il a été fait.

[60] En août 2013, elle est retournée voir la Dre Chilly. Elle l’a vue aux deux semaines jusqu’à ce que la protection de son employeur de 500 $ soit atteinte. Elle a consulté Dre Chilly pour environ quatre mois. Elle communique avec elle de façon intermittente, quand elle ressent le besoin qu’on l’écoute. Elle a communiqué avec Dre Chilly pour la dernière fois en novembre 2014, ou près de cette date. Sa protection d’employée est de 500 $ par année. Elle ne sait pas pourquoi elle n’a pas repris le traitement avec Dre Chilly en 2014 et en 2015.

[61] Elle peut conduire sur une courte distance pour environ 10 minutes. Sa concentration ne se trouve pas là. Elle a peur de conduire sur une plus longue distance. Elle peut conduire deux fois et parfois trois fois par semaine.

Observations

[62] L’appelante a fait valoir qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle a une 12e année et a travaillé comme gérante d’une banque. Elle a cessé de travailler le 28 octobre 2009 en raison d’antécédents d’AIT. On lui a diagnostiqué des AIT en raison de migraines, de troubles d’élocution, de confusion, d’hypertension, d’hypercholestérolémie, d’apnée obstructive du sommeil modérée, de psoriasis et de dépression et d’anxiété. Elle se fatigue facilement et prend du poids en raison de son manque de mobilité.
  2. Sa médication aide à réduire sa dépression. Toutefois, il lui arrive de limiter sa médication en raison d’effets secondaires déplaisants. Elle a remarqué une certaine amélioration dans son humeur, mais expérience encore des épisodes de dépression de longueur variée. Elle a suivi une psychothérapie.
  3. Son invalidité est de longue durée et indéfinie. Elle n’est plus au travail depuis octobre 2009. Elle fait face à des défis importants quant au discours expressif, lesquels se sont accentués au fil du temps. Ses problèmes d’élocution influencent sa capacité à être compétitive sur le marché du travail. Le processus de réponse au traitement pour la dépression est lent. Il a progressivement empiré au fil du temps. Elle souffre d’une mauvaise concentration, d’insomnie, d’un manque de motivation et d’irritabilité.
  4. Ses problèmes d’élocution et sa déficience mentale sont si sévères qu’elle ne peut pas accomplir un quelconque type de travail. Elle ne peut pas interagir avec le public. Elle est sensible à toute réaction et est devenue dépendante en raison de ses problèmes d’élocution. Elle a découvert que sa dépression lui rend difficile de mener des activités sédentaires. Il s’agit d’un obstacle majeur pour obtenir un emploi quelconque. Lorsqu’elle vit des épisodes de dépression grave, elle manque de motivation, ne peut pas se concentrer ou interagir avec autrui.
  5. Elle ne peut pas se recycler. Le mauvais pronostic de son médecin de famille confirme qu’elle est inapte à tout emploi ou à se recycler.
  6. Sur le fondement de son témoignage et du dossier médical, l’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée qui a débuté avant la fin de la PMA. Elle est atteinte de multiples conditions médicales qui l’empêchent de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Son état a empiré quand elle a tenté d’occuper un poste moins stressant. Ses médecins traitants lui ont conseillé de ne pas retourner au travail. Il n’est pas réaliste pour elle de retourner dans son ancien environnement de travail stressant. Le rapport médical du RPC du médecin de famille mentionne plusieurs problèmes médicaux (six) significatifs. Si on les considère de façon combinée, elle ne peut pas fonctionner. Les AIT sont contrôlées avec la médication. L’apnée du sommeil est contrôlée à un certain point. Elle souffre de limitations fonctionnelles importantes, de bégaiement, de faculté mentale lente (effets secondaires des médicaments), de fatigue rapide, de manque de mobilité en raison de problèmes d’articulation et de prise de poids. Le pronostic est réservé. Elle a souffert de dépression et d’anxiété. Elle consulte encore une psychologue (voir le rapport de 2013 de la Dre Chilly). L’objectif du traitement à ce moment était de recommencer à s’occuper de soi et de s’engager à nouveau dans la vie. Il n’y avait pas de mention d’une réintégration au travail. Elle n’a pas reçu d’offre de prolongation de son milieu de travail et ne peut pas être réhabilitée pour retourner au travail.

[63] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle a terminé sa 12e année. Elle a travaillé comme gérante d’une banque jusqu’au moment où elle a cessé de travailler en octobre 2009 en raison d’antécédents d’AIT. Après sa deuxième hospitalisation, on lui a diagnostiqué des migraines, lesquelles sont traitées par médication. Selon le neurologue, ses maux de tête ne sont pas fréquents et ne semblent pas être la cause de ses symptômes. Son neurologue traitant soupçonnait qu’un nombre considérable de symptômes étaient associés au stress et à une possible dépression. Il ne croyait pas que ses symptômes suggéraient un accident vasculaire cérébral et il a rapporté que le résultat de l’examen neurologique était normal. Il ne l’a pas empêchée de travailler.
  2. L’appelante rapporte des problèmes d’élocution et de réflexion lente. Une consultation et un traitement avec un orthophoniste ont été recommandés. Elle n’a pas participé à ce traitement.
  3. Des problèmes psychologiques de dépression et d’anxiété ont été soupçonnés comme une cause possible de certains de ses symptômes. Il est noté qu’elle reçoit de façon intermittente un soutien psychologique et qu’on lui a prescrit une faible dose d’antidépresseurs. Aucune indication ne mentionne son besoin de soins psychiatriques intensifs ou de suivi.
  4. Certes, il se peut qu’elle ne soit pas capable de retourner dans son ancienne position puisque les niveaux de stress qui y sont associés sont importants, mais aucune information ou conclusion d’évaluation mentale présentée n’indique son incapacité à occuper tout type d’emploi pouvant lui convenir.
  5. Dre Chilly, psychologue, a mentionné avoir vu l’appelante pour la première fois en avril 2011. Elle soupçonnait un trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive. Elle lui a offert des sessions de psychothérapie deux fois par semaine, lesquelles ont pris fin en octobre 2011. Elle a communiqué que l’appelante avait appris à gérer ses problèmes médicaux et sa transition à l’extérieur de la population active. Elle a affirmé avoir été approchée par l’appelante en août 2013. Dre Chilly a diagnostiqué un trouble dépressif majeur. Elle a indiqué que la psychothérapie serait axée sur le fait d’aider l’appelante à entamer un processus sain pour le deuil. Aucun rapport subséquent n’a été remis, malgré le fait que Dre Chilly a mentionné que l’appelante devait suivre une psychothérapie. Elle réagissait au traitement par le passé. Elle a cessé le traitement en octobre 2011 et n’y est pas retournée avant août 2013. Il est raisonnable de croire qu’elle répondra au traitement de manière favorable, comme elle l’a déjà fait.

Analyse

[64] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de la PMA ou avant cette date.

Grave

[65] Le Tribunal n’est pas convaincu que l’invalidité de l’appelante était grave à la date de fin de la PMA ou avant.

[66] Même si l’appelante a témoigné qu’il arrive que son discours soit dérangé et n’est plus comme avant les épisodes, le Tribunal mentionne que l’appelante n’a jamais fait de suivi concernant la recommandation de M. Thacker d’octobre 2010 pour une évaluation par un orthophoniste. Cette recommandation avait été appuyée par Dre Domitrovic en août 2011, pour qu’on la dirige vers le Dr Kroll, un orthophoniste, par l’entremise de son médecin de famille, pour une évaluation approfondie de ses troubles d’élocution.

[67] Bien que l’appelante a témoigné ne jamais avoir reçu de suggestion pour un orthophoniste en particulier de la part de son médecin de famille, l’appelante a témoigné qu’elle aurait lu le rapport de l’orthophoniste au moment où il a été écrit. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’appelante a pris les mesures nécessaires pour tenter d’atténuer ses circonstances et poursuivre le traitement recommandé par M. Thacker puisqu’elle n’a pas fait un suivi de l’affaire avec son médecin de famille.

[68] Par ailleurs, l’appelante a témoigné que ses AIT sont contrôlées avec la médication et que son discours s’est grandement amélioré. Le Tribunal soulève qu’elle a témoigné sans bégayer lors de l’audience et qu’elle était adéquatement capable de s’exprimer.

[69] Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que les troubles d’élocution de l’appelante constituaient une invalidité grave et prolongée à la fin de la PMA.

[70] Bien que l’appelante ait reçu le diagnostic de trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive, et plus récemment de trouble dépressif majeur (voir le rapport de septembre 2013 de la Dre Chilly), le Tribunal n’est pas convaincu que l’appelante a suivi raisonnablement le traitement recommandé et offert par la Dre Chilly. Elle a cessé le traitement à la fin de 2011, au moment où elle rapportait et présentait une certaine amélioration de l’humeur, une atténuation de l’anxiété et de l’inquiétude, des compétences personnelles accrues et une meilleure gestion de ses troubles médicaux et de sa transition à l’extérieur de la population active. Elle n’a pas recommencé le traitement avant août 2013, à la suite de la perte de son frère cadet. Bien qu’elle ait témoigné avoir poursuivi le traitement avec Dre Chilly pour environ quatre mois et lui parler au téléphone à l’occasion, elle ne pouvait pas expliquer pourquoi elle n’a pas suivi un traitement continu avec Dre Chilly en 2014 et en 2015, surtout qu’elle bénéficiait de prestations d’employée de 500 $ par année pour payer la thérapie.

[71] Le représentant légal de l’appelante soutient que le but de la thérapie tel que la Dre Chilly l’avait décrit en septembre 2013 était de se concentrer sur le fait d’entamer un processus sain pour le deuil sur la perte et d’établir des objectifs de traitement pour un retour aux soins indépendants, pour retrouver des relations constantes et pour s’engager à nouveau dans la vie, et non pas de retourner au travail. Ce peut être vrai, mais Dre Chilly a mentionné que les multiples pertes de l’appelante ont contribué à son découragement profond et à sa dépression, et ses symptômes ont miné son humeur, son fonctionnement cognitif, ses relations interpersonnelles et sa capacité à s’adapter aux stresseurs. Le Tribunal conclut qu’en ce qui concerne l’humeur dépressive, le mauvais fonctionnement cognitif et l’incapacité à s’adapter aux stresseurs de l’appelante qui interfèrent avec sa capacité régulière à détenir un emploi véritablement rémunérateur, le traitement offert par Dre Chilly constitue la première étape dans le processus requis pour traiter ces pertes, lesquelles compromettent son fonctionnement et sa possibilité d’emploi.

[72] L’appelante a attribué le brouillard mental important à sa médication. Le Tribunal n’a pas reçu de preuve médicale qui, sur la balance, soutient la conclusion que les effets secondaires de la médication ont causé le brouillard cognitif souvent mentionné par l’appelante dans son témoignage oral. La Dre Domitrovic a mentionné que les monographies de la médication indiquaient que les maux de tête pouvaient être un effet secondaire du Aggrenox, et les maux de tête et les étourdissements pouvaient être des effets du Lipitor et de l’Amlodipine, mais elle a aussi mentionné que les plus récentes révisions de bégaiement causé par médication qu’elle a pu trouver n’impliquaient pas les médicaments pris à ce moment par l’appelante. Elle a aussi mentionné que le traitement pharmacologique des problèmes de sommeil de l’appelante et de ses troubles émotifs pouvait accentuer son sentiment de bien-être et diminuer sa phénoménologie d’inefficacité cognitive jusqu’à un certain point. Le Tribunal mentionne aussi que M. Thacker a recommandé que le médecin de l’appelante demande à un pharmacien d’exclure toute relation entre ses médicaments et les médicaments qui sont associés au bégaiement, à une capacité verbale ou de lecture affaiblie, à une capacité affaiblie à écouter ou à lire ou à trouver les mots. Le Tribunal n’a pas reçu de rapport pharmacologique concernant cette question ou appuyant une quelconque association entre la médication et le bégaiement, le trouble verbal, la capacité à lire, etc. Toujours selon la Dre Chilly, dans son rapport de septembre 2013, le fonctionnement cognitif compromis de l’appelante semble être lié à ses pertes, et le traitement devait aider cette question.

[73] Le dossier médical soutient la conclusion selon laquelle l’appelante fait de l’apnée du sommeil. L’appelante a témoigné avoir eu de la difficulté à s’ajuster aux pompes nasales et aux masques faciaux. Toutefois, le Tribunal n’a pas reçu de rapport à jour du Dr Rodriguez en ce qui concerne les mesures pour régler ces difficultés et sur les bénéfices des pompes nasales quand elles sont utilisées. Le Tribunal n’est pas convaincu sur le fondement du dossier médical existant que l’apnée du sommeil n’est pas bien contrôlée avec le traitement CPAP ou que d’autres ajustements ne seraient pas possibles après un suivi avec le Dr Rodriguez.

[74] Le Tribunal soulève que le dossier médical soutient la conclusion que les troubles du sommeil de l’appelante sont aussi partiellement attribuables à son sentiment de perte. Par exemple, dans son rapport de septembre 2013, Dre Chilly a mentionné que l’appelante a avoué connaître des changements d’appétit, de poids, de sommeil, de même que d’autres signes de dépression depuis la mort de son frère cadet. Comme précédemment expliqué, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appelante ait raisonnablement suivi un traitement avec la Dre Chilly. (souligné par le soussigné).

[75] L’appelante a témoigné être atteinte de psoriasis et avoir récemment reçu un diagnostic d’arthrite psoriasique en 2013, ce qui touche ses articulations et ses genoux. Elle a récemment commencé à prendre du Methotrexate, médicament qui lui cause des maux de tête pour environ deux jours et des ballonnements. Le Tribunal soulève que l’appelante a travaillé lorsqu’elle souffrait de psoriasis et a cessé de travailler en raison d’épisodes de type AIT, non pas à cause du psoriasis. En ce qui concerne l’arthrite psoriasique, le Tribunal n’a pas reçu de rapports médicaux sur cette condition, sur son diagnostic ou sur son pronostic. Le Tribunal soulève que l’appelante rencontrera sous peu un spécialiste et discutera d’un changement de médication en raison des effets secondaires qu’elle ressent en prenant du Methotrexate. Le Tribunal n’est pas convaincu selon le dossier médical existant et selon le témoignage de l’appelante que ces conditions étaient gravement invalidantes à la fin de la PMA, ou que les efforts pour suivre un traitement ont été épuisés pour traiter l’arthrite psoriasique.

[76] Le Tribunal soulève aussi que l’atteinte des articulations par l’arthrite psoriasique n’empêcherait pas l’appelante d’effectuer un travail sédentaire. Bien que l’appelante ait mentionné avoir des problèmes d’articulation touchant ses genoux et ses poignets, elle a témoigné être capable de conduire jusqu’à 3 fois par semaine, quoique pour de courtes périodes en raison de troubles de concentration. Elle n’a pas mentionné avoir de la difficulté à conduire en raison de troubles touchant ses genoux et ses poignets.

[77] Le Tribunal n’est pas plus convaincu que la prise de poids secondaire au manque de mobilité de l’appelante nuirait à sa capacité à accomplir un travail sédentaire.

Prolongée

[78] Ayant conclu que l’invalidité de l’appelante n’était pas grave, il serait inutile de se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[79] L’appel est rejeté.

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