Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) refuse d'annuler ou de modifier la décision de refuser les demandes de prorogation du délai applicable au dépôt de la demande de permission d'en appeler et à cette demande de permission elle-même.

Contexte et motifs de la demande

[2] Le 17 mars 2015, la division d'appel du Tribunal a publié une décision dans laquelle elle a rejeté la demande qu'a faite la demanderesse pour que soit prorogé le délai applicable au dépôt de sa demande de permission d'en appeler et à la demande de permission elle-même (la décision du 17 mars 2015). Par l'entremise d'une lettre datée du 27 mai 2015, que le Tribunal a reçue le 4 juin 2015, la demanderesse sollicitait la permission d'en appeler de la décision du 17 mars 2015. La demanderesse a aussi exprimé le souhait que le Tribunal rouvre et révise son dossier de demande.  L'essentiel de la lettre de la demanderesse, à laquelle elle a joint plusieurs documents, se lit comme suit :

[Traduction] J'ai reçu votre lettre de décision datée du 18 mars 2015 dans laquelle il est indiqué que la demande de prestations d'invalidité faite par ma femme aux termes du RPC n'a pas été approuvée. La présente lettre vise à interjeter appel de nouveau de cette décision.

Tel que vous le savez, l'état de santé de ma femme ne s'est pas amélioré et n'a pas changé à cause de l'accident d'automobile, et pour cette raison-là, nous avions mentionné que nous serions à l'extérieur du pays pendant quelques mois. Elle ne peut faire les mêmes gestes durant de longues périodes de temps et elle est incapable de travailler. Sans aide, la situation devient de plus en plus difficile.

Veuillez noter que je n'ai reçu aucune lettre ni aucun appel de votre service durant la période allant du 3 décembre 2013 au 18 mars 2015. J'avais téléphoné trois fois à votre service pour m'informer de la progression de la demande et on m'avait dit que cela allait prendre un certain temps et que je devais attendre de recevoir une décision. Si j'avais su que vous vouliez obtenir certains renseignements, je vous les aurais envoyés sur-le-champ. Je m'excuse du retard que cela a pu causer, mais comme je l'ai mentionné, je n'ai reçu aucune lettre dans laquelle on me demandait des documents. J'ai maintenant joint les copies des timbres d'entrée au Canada et de sortie de ce pays pour ma femme et moi-même, car elle voyageait avec moi. Ma fille habite notre domicile de Mississauga lorsque nous sommes partis et elle ramasse notre courrier jusqu'à ce que nous revenions.

Je vous demanderais d'avoir l'obligeance de rouvrir son dossier et de réviser sa demande, cela serait grandement apprécié. Aussi, si vous avez besoin d'autres documents, veuillez me le dire.

[3] La décision du 17 mars 2015 était, en fait, une décision finale de la division d'appel. Comme il n'y a pas de dispositions permettant de déposer un autre appel auprès du Tribunal, ce dernier était functus officio en ce qui a trait à la décision.  Par conséquent, le Tribunal a décidé de traiter la lettre comme une demande effectuée aux termes du paragraphe 66(2) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (LMEDS), plus précisément comme une demande d'annulation ou de modification de la décision du 17 mars 2015. Le Tribunal a invité les parties à faire des observations, mais seul l'intimé lui en a fait parvenir.  Le représentant de la demanderesse a mentionné au Tribunal que ladite demanderesse avait l'intention de s'appuyer sur l'information et les documents qui accompagnaient sa lettre du 27 mai 2015.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit trancher la question suivante :

L'information et les documents présentés par la demanderesse constituent-ils des faits nouveaux et essentiels qui n'auraient pu être connus au moment où le Tribunal a rendu sa décision du 17 mai 2015, et ce, malgré l’exercice d’une diligence raisonnable?

Droit applicable

[5] L'article 66Footnote 1 de la LMEDS régit le cas où le Tribunal peut annuler ou modifier une décision.  Il se lit comme suit :

66. Modification de la décision - (1) Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue relativement à une demande particulière :

  1. b) dans les autres cas, si des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui sont présentés.

Analyse

[6] Pour que la demande soit accueillie, la demanderesse doit présenter des faits nouveaux et essentiels au Tribunal. Les critères d'admission de ces faits nouveaux et essentiels sont les suivants :

  1. a) les faits présentés ne pouvaient pas être connus au moment de l'audience;
  2. b) toujours au moment de l'audience, les faits n'auraient pu être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

[7] En son nom, le représentant de la demanderesse a soumis des copies des timbres d'entrée au Canada et de sortie de ce pays pour la demanderesse (sa femme) et lui-même.  Il a aussi déclaré qu'il avait voyagé avec la demanderesse et qu'en leur absence, leur fille est demeurée à leur résidence de Mississauga et a ramassé leur courrier jusqu'à leur retour.

[8] L'avocat de l'intimé a avancé que la demanderesse n'a cité aucun fait nouveau et essentiel qui n'aurait pu être connu lorsque la décision a été rendue le 17 mars 2015, et ce, malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.  Dans le cadre de son exposé, l'avocat a soutenu que le critère des faits nouveaux énoncé à l'alinéa 66(1)b) de la LMEDSest le même que celui décrit au paragraphe 84(2) du RPC, qui a été abrogé depuis, et dans la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale dans laquelle elle interprète les dispositions de ce paragraphe.  Dans ce contexte, l'avocat s'est appuyé sur le paragraphe 8 de la décision rendue par la division d'appel dans l'affaire C.T. c. Ministre des Ressources humaines du Développement des compétences (10 septembre 2013), CP29153 (TSSDA).

[9] L'avocat a aussi mentionné que le critère d'admission du « fait nouveau » proposé est un « critère à deux volets » et que les deux exigences s'y rapportant doivent être satisfaites. Les deux éléments de ce critère sont la possibilité de découverte et le caractère substantiel. La possibilité de découverte veut que le fait nouveau proposé ait existé à l'époque de l'audience initiale, mais qu'il ne pouvait être connu avant la tenue de cette audience malgré l'exercice d'une diligence raisonnable. L'autre élément est le caractère essentiel, à savoir que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que le fait nouveau proposé influence le résultat de la procédure précédente.

[10] L'avocat de l'intimé s'est appuyé sur les décisions Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. McDonald, 2002 CAF 48, au para 2, et Mazzotta c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 297 (C.A.). Il a affirmé que la jurisprudence est en accord avec les dispositions légales et, en particulier, avec l'alinéa 66(1)b) de la LEMDS, lequel prévoit que le fait nouveau et essentiel cité doit être un fait qui, au moment de l’audience, ne pouvait être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.  Le Tribunal souscrit à cette position.

[11] Après avoir bien pris acte du critère applicable aux faits nouveaux, le Tribunal juge que les faits nouveaux présentés par la demanderesse n'y répondent pas.   Premièrement, ces faits nouveaux ne sont, en fait, que des réponses aux questions que le Tribunal pose à la demanderesse dans une lettre datée du 14 août 2014.  Dans cette lettre, le Tribunal invite la demanderesse à répondre aux questions suivantes :

[Traduction] « Quant êtes-vous partie pour l'Inde?
Étiez-vous accompagnée et le cas échéant, par qui?
Quelqu'un vivait-il dans votre résidence de Mississauga pendant que vous étiez partie et le cas échéant, qui?
S'il n'y avait personne à votre résidence pendant votre absence, quel arrangement avez-vous pris pour que votre courrier soit ramassé? »

Le Tribunal a aussi demandé à la demanderesse de fournir des copies des timbres d'entrée et de sorties apposés dans le passeport de toute personne qui l'aurait accompagnée en Inde et de transmettre sa réponse au plus tard le 25 septembre 2014.  Le Tribunal a envoyé la lettre à l'adresse qui figurait au dossier de la demanderesse. Dans une communication subséquente datée du 26 septembre 2014, la demanderesse se borne à demander au Tribunal de lui fournir une mise à jour de son dossier, mais elle ne répond pas aux questions.

[12] Compte tenu de la réponse de la demanderesse voulant que sa fille ait habité à la résidence familiale et qu'elle ait ramassé le courrier pendant que ladite demanderesse était partie, le Tribunal estime qu'elle manque de franchise lorsqu'elle nie avoir reçu la lettre du Tribunal lui demandant des renseignements.

[13] De plus, comme l'a mentionné l'avocat de l'intimé, les timbres apposés dans le visa contredisent l'information fournie dans la demande de prorogation de délai dans la mesure où ils révèlent que, contrairement à ce que prétend la demanderesse, cette dernière a quitté le pays après l'expiration du délai applicable du dépôt de l'appel, et non avant. Les observations de l'intimé se lisaient comme suit :

[36] [Traduction] Le tribunal de révision a publié sa décision le 14 janvier 2013. Cela signifie que la demanderesse devait déposer sa demande de permission d'en appeler de la décision au plus tard le ou vers le 13 avril 2013. Le BCTR n'a reçu la demande qu'environ cinq semaines plus tard, soit le 23 mai 2013.  (RA-3)

[37]   Les faits nouveaux allégués confirment que la demanderesse a quitté le Canada le 20 avril 2013 après l'expiration de la période de 90 jours accordée pour interjeter appel de la décision du tribunal de révision publiée le 14 janvier 2014. De plus, l'allégation de la demanderesse voulant qu'elle ait reçu, le 6 ou le 9 mai 2013, la décision du tribunal de révision publiée le 14 janvier 2013 contredit l'information estampillée dans son passeport, laquelle révèle qu'elle avait déjà quitté le Canada à ces dates-là.  (RA-3)

[14] Le manque de franchise de la demanderesse nuit à sa cause.  De plus, tous les renseignements présentés en tant que faits nouveaux auraient pu être connus au moment où le Tribunal a rendu sa décision en mars 2015 si une diligence raisonnable avait été exercée. Et la demanderesse et son représentant étaient au courant de tout cela.  Les faits nouveaux proposés ne répondent pas à la première exigence liée au critère, soit celle de la possibilité de découverte.  Le critère est conjoint, c'est-à-dire que le fait nouveau proposé doit répondre tant à l'exigence de la possibilité de découverte qu'à celle du caractère essentiel avant de pouvoir être accepté en tant que « fait nouveau » aux fins de l'annulation ou de la modification de la décision en cause.  Dans le cas de la demanderesse, le fait nouveau proposé ne répond pas à l'exigence de la possibilité de découverte et il ne peut donc servir à fonder la demande d'annulation ou de modification de la décision du 17 mars 2015. Par conséquent, le Tribunal doit rejeter la demande d'annulation ou de modification de la décision en vertu de laquelle la permission d'en appeler n'a pas été accordée.

Conclusion

[15] La demande d'annulation ou de modification de la décision rendue par le Tribunal le 17 mars 2015 et en vertu de laquelle la permission d'en appeler n'a pas été accordée est rejetée.

Erratum et Rectification

[16] Il y a une erreur au paragraphe 16 de la décision de la division d'appel où cette dernière rejette la demande de permission d'en appeler. Ce paragraphe se lit comme suit : [traduction] le Tribunal estime que le fait de se trouver à l'extérieur du pays suffit à lui seul à expliquer le retard de la demanderesse.  Cette déclaration devrait plutôt se lire comme suit : [traduction] le Tribunal estime que le fait de se trouver à l'extérieur du pays ne suffit pas à lui seul à expliquer le retard de la demanderesse.

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