Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 2 mars 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») a rendu une décision refusant au demandeur une prestation d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») de la décision rendue par la division générale.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Les appels interjetés à l’encontre de décisions de la division générale sont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »). Ce sont les paragraphes 56(1) et 58(3) de cette loi qui régissent la permission d’en appeler, prévoyant qu’« [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission. »

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS stipule que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Les moyens d’appel admissibles sont énoncés au paragraphe 58(1). Ils comprennent les manquements à la justice naturelle, les erreurs de droit et les erreurs de fait.Footnote 1 Ce sont là les seuls moyens d’appel prévus par la loi.

Observations

[6] Au nom de son client (le demandeur), l’avocate a plaidé que la division générale avait commis plusieurs erreurs de droit en plus de rendre sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[7] Les demandes de permission d’en appeler constituent la première étape du processus d’appel. Le critère est moins rigoureux que celui qui doit être appliqué à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour qu’une permission d’en appeler soit accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable susceptible de faire accueillir l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF).

[8] La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les motifs de la Demande se rattachent à un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

Erreurs alléguées

[9] L’avocate du demandeur a cité plusieurs exemples dans la décision de la division générale qui, soutient-elle, équivalent à des conclusions de fait erronées que la division générale a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Afin de déterminer si le demandeur a soulevé une cause défendable, nous discutons ci‑après de ces erreurs alléguées.

[10] Le premier point soulevé est que la division générale a commis une erreur de droit en concluant que le fait que le demandeur touchait des prestations régulières d’assurance-emploi en 2011 était pertinent pour déterminer sa capacité de travailler à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). La conclusion contestée se trouve au paragraphe 53 de la décision, qui se lit comme suit :

[Traduction]

[53] Lorsqu’il y a une preuve de la capacité de travailler, le demandeur doit démontrer que les efforts qu’il a déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (PG), 2003 CAF 117). L’appelant a continué de toucher des prestations régulières d’AE après avoir cessé de travailler, indiquant qu’il était prêt et capable de détenir une occupation rémunératrice. L’appelant a témoigné qu’il avait présenté une demande d’emploi auprès d’une entreprise de service de traiteur, qu’on lui avait accordé une entrevue, mais qu’il n’a pas été embauché. Il n’y a aucune preuve que l’appelant ait continué de se chercher un autre emploi.

[11] Je ne peux souscrire à la position de l’avocate. À mon sens, la question des déclarations faites par le demandeur pendant qu’il touchait des prestations d’AE, bien qu’elles remontent à 2011, soit environ deux ans avant la fin de la PMA, se rattachent directement à la question que devait trancher le membre de la division générale, cette question étant la suivante : le demandeur a‑t‑il démontré que son état de santé l’empêchait de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice? Ici, le membre relatait les démarches que le demandeur avait entreprises après avoir cessé d’occuper son emploi régulier pour se trouver un autre emploi. Tandis qu’il relate la preuve, le membre fait observer que le demandeur a déclaré en 2011 qu’il était prêt et apte à travailler; cependant, sa tentative de se trouver du travail était négligeable en ce qu’elle avait consisté en une seule entrevue d’emploi. Dans ces circonstances, je ne souscris pas à la thèse selon laquelle le membre de la division générale aurait commis une erreur de droit. À mon sens, l’appel ne saurait être accueilli sur le moyen de cette observation.

[12] L’observation que le demandeur présente ensuite est étroitement liée à sa première observation. Il plaide que la division générale a commis une erreur en se fiant à Inclima c. Canada (PG), 2003 CAF 117, pour tirer sa conclusion que, lorsqu’il y a une preuve de la capacité de travailler, le demandeur doit démontrer que les efforts qu’il a déployés pour se trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. Dans cette allégation, l’avocate du demandeur déclare que cette conclusion [traduction] « fait abstraction du fait que l’appelant avait recherché et conservé un emploi jusqu’au 9 juin 2010, emploi qui a pris fin en raison de son état de santé (voir la lettre de Hearthstone Communities Services Ltd en GTl-49) ». L’avocate du demandeur plaide aussi que cette conclusion [traduction] « ne tient pas compte du fait que les spécialistes de l’appelant avaient déterminé qu’il n’avait pas la capacité de détenir une occupation rémunératrice. »

[13] À mon avis, la difficulté à laquelle se bute cette observation de l’avocate tient au fait que le membre de la division générale ne tirait pas une conclusion, mais énonçait un principe de droit, à l’appui de la jurisprudence. Il est bien établi en droit que l’arrêt Inclima est à l’origine du principe même énoncé par le membre de la division générale. Il s’agit du critère auquel un demandeur doit satisfaire pour démontrer que son invalidité était « grave » au sens de la définition qu’en donne le RPC. La division générale n’a pas commis d’erreur à cet égard.

[14] Le point suivant plaidé par l’avocate du demandeur est qu’en remettant en question la lettre d’appui du médecin de famille, le Dr Singh, dans laquelle l’affection de fibromyalgie est mentionnée, la division générale a fait fi du fait qu’au paragraphe 18 de la décision il est dit que le demandeur voyait le Dr Singh de façon irrégulière. À mon avis, il y a un grand pas à franchir entre « voir le Dr Singh de façon irrégulière » et poser un diagnostic de fibromyalgie, si l’on veut croire cette observation. L’avocate du demandeur n’a pas démontré l’existence d’un lien clair entre les deux événements et je ne suis pas en mesure de conclure que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a déclaré qu’il n’y avait pas eu de diagnostic de fibromyalgie auparavant. Ainsi, l’appel ne peut être accueilli sur le moyen de cette observation.

[15] L’avocate du demandeur allègue en outre qu’en remettant en question la déclaration du Dr Singh selon laquelle les symptômes du demandeur étaient apparus en 2009 plutôt qu’après son accident de voiture de 2005, la division générale [traduction] « n’a pas tenu compte du fait que le demandeur est retourné au travail après son accident de voiture et a cessé de travailler en juin 2010, après que des activités liées au travail eussent aggravé ses symptômes en 2009 et 2010, comme l’indique le rapport du Dr Boucher (GT3-24, deuxième paragraphe). »

[16] Toutefois, si l’on en croit le témoignage du demandeur, tel qu’il est consigné au paragraphe 11 de la décision, le demandeur n’a pas cessé de travailler en raison d’activités liées au travail mais du fait que son employeur ne pouvait lui offrir de mesures d’adaptation et a mis fin à son emploi. Bien que ce soit une cause immédiate, ce ne sont ni les maux de tête ni les engourdissements dans les bras qui ont amené le demandeur à cesser de travailler. La vraie raison pour laquelle le demandeur a cessé d’occuper son emploi de cuisinier était l’absence de mesures d’adaptation et son congédiement subséquent. Bien que le demandeur soit clairement en désaccord avec la conclusion tirée par le membre, j’estime que le membre a motivé de façon convaincante la position qu’il a adoptée concernant le diagnostic de fibromyalgie. La décision rendue par la division générale est raisonnable du point de vue de la justification de la décision et de la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel. Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur à cet égard.

[17] L’avocate du demandeur allègue en outre que la division générale a tiré des conclusions de fait erronées quant au poids que le membre a accordé aux évaluations des Drs Turner et Bouchard. L’avocate a fait observer que la division générale avait [traduction] « soutenu » que, dans les deux cas, le demandeur s’était lui-même adressé à ces médecins dans le seul but de se faire évaluer pour les fins de sa demande de pension d’invalidité au titre du RPC. L’avocate a plaidé que cette observation [traduction] « présume que ces consultations étaient des évaluations ponctuelles, ce qui est factuellement inexact et non étayé par la preuve. »

[18] L’avocate a poursuivi en disant que ces deux médecins traitaient le demandeur sur une base continue et régulière depuis juin 2012. Elle a souligné en outre que les deux médecins avaient qualifié leurs rapports en indiquant qu’ils avaient tenté de minimiser les problèmes de conflit d’intérêts et d’assurer la neutralité et l’objectivité du rapport. La position de l’avocate du demandeur est que le Tribunal a commis une erreur en n’accordant pas l’importance voulue à ces rapports.

[19] C’est à la division générale qu’il appartient de déterminer quel poids accorder à un élément de preuve. Dans le présent cas, malgré le fait que les médecins aient pu indiquer qu’ils ont tenté de minimiser les problèmes de conflit d’intérêts et d’assurer la neutralité et l’objectivité du rapport, la division générale a exposé des motifs précis et valables pour expliquer la façon dont elle a apprécié le poids de chaque rapport de médecin, y compris la conclusion que des constatations d’auscultation ne démontraient pas l’existence d’anomalies significatives qui porteraient à croire que le demandeur était incapable de travailler.

[20] Qui plus est, je ne saurais conclure que le membre de la division générale a présumé que les visites lors desquelles le demandeur a demandé à ce qu’on l’évalue étaient des consultations ponctuelles. Aux paragraphes 17 et 18 de la décision, le membre note que le demandeur avait des consultations fréquentes avec ces deux médecins. Ainsi, le membre était assurément saisi de cette preuve lorsqu’il a tiré ses conclusions :

[Traduction]

[18] L’appelant a témoigné qu’il n’avait aucune assurance d’exécuter tout type de travail et qu’il ne possédait pas de compétences transférables. Il ne peut se tenir debout ni marcher très longtemps. Il voit le Dr Bouchard pour recevoir des injections de Botox qui soulagent ses violents maux de tête. Il a des nerfs pincés au côté gauche de la colonne vertébrale, ce qui lui cause des douleurs qui se propagent vers le bas, à l’arrière des jambes. Il dort mal. Il est incapable de soulever une lourde charge ou de se pencher. Il n’est pas capable d’accomplir une même tâche pendant une période prolongée. Il habite avec sa conjointe de fait, avec qui il vit depuis neuf ans et qui travaille à Postes Canada.

[18] L’appelant voit régulièrement le Dr Bouchard pour le soulagement de ses douleurs. Il continue de voir le Dr Turner, son psychiatre, tous les deux mois ou plus souvent s’il a un épisode psychotique […]

[21] En conséquence, je ne puis conclure que la division générale a tiré des conclusions de fait erronées quant au poids accordé aux évaluations en question.

[22] L’avocate du demandeur allègue en outre qu’au paragraphe 57 de la décision, la division générale s’est uniquement fiée aux déclarations du médecin de famille du demandeur faites en février et mars 2012, selon lesquelles le demandeur allait mieux. L’avocate a plaidé que cette conclusion de fait ne tenait pas compte du fait que la date de fin de la PMA du demandeur est décembre 2013 et que [traduction] « son état mental s’est aggravé en 2013, avec un épisode psychotique, comme le mentionnent le rapport du 29 novembre 2013 (GT3-3) du Dr Turner de même que ses autres rapports versés au dossier datés du 22 février 2013 (GT3-17) et du 22 mars 2013 (GT3-16). » Le membre de la division générale a fait mention du rapport du Dr Turner. Toutefois, le membre n’a pas accordé un poids important à ce rapport en raison des circonstances ayant donné lieu à son établissement. Le Dr Turner a indiqué que le demandeur s’était lui-même adressé à lui dans le seul but de se faire évaluer pour les fins de sa demande de pension au titre du RPC. Dans ces circonstances, le Tribunal considère que la position que la division générale a adoptée quant à la fiabilité du rapport et au poids à lui accorder est raisonnable. Ainsi, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Conclusion

[23] L’avocate du demandeur a présenté nombre des arguments que le demandeur avait invoqués à l’appui de l’acceptation de la Demande. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’un ou l’autre de ces arguments soulève un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, le Tribunal rejette la Demande.

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