Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

B. D. : Appelant

Introduction

L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant le 19 mars 2012. L’intimé a rejeté la demande lors de sa présentation initiale puis après révision. L’appelant a porté la décision de révision en appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et cet appel a été transféré au Tribunal en avril 2013.

[2] L’audience de cet appel a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelant sera la seule partie à participer à l’audience;
  2. le matériel nécessaire à une vidéoconférence est disponible dans la région où réside l’appelant;
  3. il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des précisions;
  4. le mode d’audience est le plus approprié pour clarifier des éléments de preuve contradictoires;
  5. Le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[3] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1 er avril 2013 et qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.
[4] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (Loi) énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[6] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme étant atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle est susceptible de durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou d'entraîner le décès.

Question en litige

[7] Le Tribunal conclut que la date à laquelle a pris fin la PMA est le 31 décembre 2015.

[8] Puisque cette date se situe dans l’avenir, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant ait été atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l'audience, ou avant cette date.

[9] Le registre des gains de l'appelant, imprimé le 7 mai 2015, montre des gains de 30 315 $ en 2013 et de 33 940 $ en 2014. Au cours d'une conversation téléphonique avec l'intimé en mai 2014, l'appelant a mentionné que ce revenu provenait de la Commission des accidents du travail et de la Great West Life. En conséquence, ce revenu régulier n'est pas révélateur d'une activité professionnelle bien qu'il continue de faire avancer la PMA.

Rapports médicaux tardifs

[10] Le 29 juillet 2015 (moins d'une semaine avant la date prévue pour l'audience), l'appelant a déposé des rapports médicaux supplémentaires comprenant le rapport du Dr Kholiaf du 28 juillet 2015 (une page) et une opinion consensuelle publiée le 11 février 2015 par le Office of the Medical Panel Commissioner au sujet d'une audience tenue le 30 janvier 2015, à la demande de la CAT, devant trois psychiatres (37 pages).

[11] Le 30 juillet 2015, le Tribunal a informé les parties par écrit que le membre déterminerait à l'audience si les rapports supplémentaires allaient être admis et, le cas échéant, de quelle façon l'intimé aurait l'occasion de se faire entendre.

[12] Au début de l'audience, l'appelant a expliqué qu'en raison de sa dépression et de son trouble de stress post-traumatique, il n'avait pas relu attentivement l'avis d'audience et, jusqu'à ce qu'il reçoive l'appel de l'agent de gestion des cas, il ne s'était pas rendu compte qu'il y avait une audience et n'avait pas réalisé l'existence d'un échéancier pour le dépôt de rapports médicaux supplémentaires. Il s'est donc présenté immédiatement au cabinet de son médecin de famille pour obtenir des copies des rapports médicaux supplémentaires et les transmettre au Tribunal.

[13] L'audience a suivi son cours et une fois la preuve testimoniale terminée, le Tribunal a déterminé que les rapports supplémentaires revêtaient une importance particulière et que, dans l’intérêt de la justice, ils devaient être admis et que l’intimé devait à son tour se voir accorder une chance raisonnable de déposer des observations supplémentaires.

[14] Le Tribunal a donc ajourné l'audience sur les conditions suivantes :

  1. L’intimé a jusqu’au vendredi 11 septembre 2015 pour déposer des observations supplémentaires en réponse aux documents déposés en retard.
  2. Lorsqu’il recevra les observations supplémentaires, le Tribunal déterminera si une autre audience est requise. Si une telle audience est requise, le Tribunal la tiendra probablement par téléconférence.
  3. Si aucune autre audience n’est requise, le Tribunal prononcera les motifs de sa décision.

[15] On a reçu les observations supplémentaires de l'intimé le 12 août 2015 et cette dernière a allégué que la preuve supplémentaire ne concordait pas avec l'affirmation voulant que l'appelant soit invalide au sens du RPC.

Antécédents personnels

[16] L’appelant a 38 ans. He was born in Ethiopia and came to Canada in 1997. Il est né en Éthiopie et est arrivé au Canada en 1997. Il a obtenu, en Éthiopie l’équivalent d’une 12 e année. Il a travaillé en Éthiopie à la ferme familiale et a aidé sa mère au magasin général appartenant à la famille. À son arrivée au Canada, il a pris des cours d'anglais pendant 40 semaines, puis s'est inscrit au NorQuest College où il a obtenu des certificats en santé mentale et en soins de santé. Alors qu'il allait à l'école il travaillait dans un hôtel en tant que plongeur et aide cuisinier. Après avoir terminé au collège, il a travaillé comme aide psychiatrique à l'hôpital de l'Alberta à Edmonton, de 2004 à 2007. En juillet 2007, il a commencé à travailler comme agent correctionnel à un Centre provincial Remand.

[17] Le 31 mars 2011, en glissant sur une surface glacée dans le stationnement de son travail, il est tombé sur la tête et s'est blessé au poignet gauche. Il n'a pas travaillé depuis le 2 avril 2011 et reçoit présentement des prestations intégrales de la Commission des accidents du travail.

Documents relatifs à la demande

[18] Dans son questionnaire sur les prestations d’invalidité du RPC, estampillé le 31 mars 2010 par l’intimé, l’appelant a indiqué qu’il avait un diplôme de 12e année et qu'il détenait des certificats en santé mentale et en soins de santé du NorQuest College. Il a mentionné qu'il avait travaillé comme agent correctionnel du 1er juillet 2007 au 4 avril 2011. Puis, il a déclaré qu'il avait arrêté de travailler parce qu'il s'était blessé au travail. Il a aussi mentionné qu'il avait travaillé comme travailleur humanitaire en santé mentale du 6 octobre 2004 au 30 juin 2007. Il n'a pas spécifié la date à partir de laquelle il prétendait être invalide.

[19] Dans ce questionnaire, l'appelant a déclaré que parmi les maladies ou les troubles dont il était affligé figuraient l'entorse cervicale (cou), l'entorse au poignet gauche, la perte de vision de l'œil gauche, les vertiges immodérés, les étourdissements et maux de tête quotidiens, la sensibilité à la lumière, l'incapacité à se contrôler au moment de se lever ou de se lever pour marcher. Il a aussi déclaré qu'en raison de sa blessure à la tête, il souffrait maintenant de dépression et de douleurs continuelles au cou et aux autres parties du corps, qu'il avait de la difficulté à se concentrer et qu'il était incapable de dormir sans somnifères.

[20] Il a expliqué que ses difficultés ou ses limitations fonctionnelles se manifestaient comme suit : incapacité à rester assis pendant plus de 10 minutes et capacité à se lever limitée, incapacité à marcher pendant plus de cinq minutes, incapacité à soulever une charge de plus de deux ou trois kilos, incapacité à se pencher, besoin de l’aide de sa femme pour subvenir à certains besoins personnels, incapacité à faire l'entretien ménager comme il le faisait auparavant, aveugle de l'œil gauche, troubles de langage et de mémoire, difficultés à se concentrer, problèmes de sommeil, difficultés à respirer en marchant ou en parlant plus de cinq minutes, détérioration de conduite automobile et peur d’utiliser les transports en commun à moins d’être accompagné.

[21] La demande de prestations du RPC est accompagnée d’un rapport du 23 août 2012 rédigé par le Dr Rosenstock, le médecin de famille de l’appelant. Le rapport relate le diagnostic de cécité à l'œil gauche, de dépression, de douleur au poignet gauche, de diminution de l'acuité auditive à l'oreille droite et d'étourdissements. Le rapport mentionne que l'appelant consultait un psychologue et qu'il allait consulter un psychiatre. Le pronostic était sombre.

Preuve testimoniale

[22] L'appelant a décrit en détail les nombreuses conditions invalidantes suivantes :

  • perte de vision de l'œil gauche : il a déclaré qu'il était aveugle de l'œil gauche et que cette perte sensorielle constituait selon lui la perte la plus lourde puisqu'elle provoquait la honte dans sa famille.
  • étourdissements : il a décrit ses étourdissements comme étant très sévères et a déclaré qu'il avait l'impression que la pièce bougeait et qu'il était incommodé par la lumière - il ne pouvait rester longtemps assis et se sentait constamment nauséeux.
  • dépression et trouble de stress post-traumatique : il ne peut se concentrer et éprouve des difficultés à dormir. Il a fait allusion à un incident survenu alors qu'il avait été convoqué comme interprète. Il s’est effondré au moment de l'introduction parce qu'il croyait que tout le monde était au courant de sa condition. Il était si mal à l'aise qu'il s'est rendu aux toilettes, et a été incapable d'en sortir et revenir. Il se revoit dans la situation de l'accident et dès qu'il tente de s'endormir, il a l'impression qu'il va tomber. Il fuit les gens et demeure dans la mosquée depuis que sa femme l'a expulsé de la maison;
  • poignet gauche : il souffre, de façon permanente, d'une blessure au poignet gauche et ne peut rien soulever avec sa main gauche;
  • maux de tête : il souffre de graves maux de tête quotidiens et doit prendre des médicaments et s'étendre dans un endroit sombre;
  • oreille droite : son acuité auditive est réduite dans l'oreille droite;
  • douleur chronique : il souffre de douleur au cou lorsqu'il a mal à la tête et de douleur au bas du dos lorsqu'il s'assied ou marche;
  • diabète : on a récemment diagnostiqué chez lui un diabète;
  • difficultés à dormir : il ne peut pas dormir, même lorsqu'il prend des somnifères. Il se considère chanceux quand il réussit à dormir pendant deux heures, et il se réveille épuisé.

[23] Lorsqu'on l'a questionné au sujet des efforts qu'il a faits pour retourner au travail, l'appelant a déclaré qu'il avait tenté, à une dizaine d'occasions, de faire du bénévolat en tant qu'interprète, mais chaque fois il se sentait nerveux et était incapable de se concentrer parce qu'il croyait que les gens s'apercevraient de sa condition. Il a tenté d'aider un ami, qui possède un dépanneur, en travaillant comme caissier. Il est demeuré en poste pendant une semaine seulement. Il lui arrivait de rester seulement une demi-heure et de fondre en larmes lorsqu'il voyait quelqu'un qu'il connaissait. Il a essayé de travailler un peu à la mosquée en faisant du travail de bureau, mais n'a pu résister plus d'une journée. Avant l'audience de la Commission des accidents du travail de janvier 2015, il a participé à une formation en informatique de la Commission des accidents du travail au cours de laquelle on lui a demandé de taper à l'aide d'une seule main. On a tenté de lui trouver un emploi et, initialement, on a réduit ses paiements parce qu'il pouvait, aux termes d'un rapport, occuper différents types d'emploi. Il a reçu des prestations intégrales de la Commission des accidents du travail depuis l'audience de janvier 2015.

[24] L'appelant a décrit une journée habituelle à la mosquée. Il a déclaré qu'il priait cinq fois par jour, mais qu'il devait le faire assis. Il passe une grande partie de sa journée allongé dans une pièce sombre. Ses amis lui apportent de quoi manger. Il ne passe jamais une journée normale et n'a aucune activité. Il évite les gens autant qu'il le peut. Parfois, il accompagne ses enfants au parc, mais il ne peut jouer avec eux. Il ne sort jamais pour socialiser.

[25] Il prend des somnifères et des médicaments contre la dépression et les troubles de stress post-traumatique, contre la douleur et contre le cholestérol. Son pharmacien planifie la prise de ses médicaments et sa sœur lui téléphone pour lui faire penser de les prendre. Il consulte actuellement un psychiatre, un psychologue et un thérapeute relativement à sa dépression et à son trouble de stress post-traumatique. Il consulte également son médecin de famille, de même qu'un neurologue, pour ses maux de tête et ses douleurs. Il a vécu à la mosquée de façon intermittente depuis mai 2014, lorsque sa femme l'a expulsé de la maison. Il souhaite que son état s'améliore, mais il ne fait que dépérir. Il retournerait travailler s'il le pouvait ­ il souhaite retrouver dignité et le respect.

Preuve médicale

[26] Le Tribunal a examiné attentivement tous les éléments de preuve médicale figurant au dossier d’audience. Les extraits que le Tribunal juge les plus pertinents sont présentés ci-après.
[27] Le 29 juin 2011, le neurologue, Dr Roberts, a fait un compte rendu de l'examen médical indépendant qu'il a réalisé de l'appelant. Il a décrit l'appelant comme un historien extrêmement marginal qui n’offre aucun renseignement et qui refuse de répondre aux questions ouvertes. Le Dr Robert avait l'impression que l'appelant était un plaignant extrêmement complexe qui semblait avoir une réaction désastreuse face à ses blessures. Le Dr Roberts a déclaré : « Il réagit de façon désastreuse à presque tout". Par exemple, il a envisagé de mettre un mydriatique dans son œil, ce qui n’est pas particulièrement inconfortable, une forme de supplice. Il est extrêmement sensible, même à un minimum d’inconfort. Son degré de sensibilité du cuir chevelu est incompatible avec sa maladie organique. On assiste à une exagération extrême de la symptomatologie, ce qui rend très difficile l’appréciation de ses maux de tête, de ses étourdissements et de tous ses symptômes. »

[28] Le Dr Roberts est d’avis que :

  • L’examen n’est pas valide. Je considère les changements de vision comme étant fondés jusqu’à preuve du contraire. Cependant, si l’on se fie à la réaction aux symptômes, on remarque qu’une grande part de la symptomatologie est nettement exagérée;
  • L'appelant a subi une blessure à la tête et a réagi de façon hautement désastreuse à ses blessures;
  • En raison de ses problèmes psychiatriques et de sa réaction à ses blessures, l’appelant n'est pas en mesure de travailler actuellement;
  • Les restrictions liées au travail, de même que leur durée, dépendront du rétablissement du côté psychiatrique de sa maladie. Du côté neurologique, il fera des progrès au cours des prochains trois à six mois et pourra vraisemblablement s'adonner à des travaux légers et sédentaires. L'aspect neurologique de sa blessure est toutefois relativement mineur en comparaison avec l'aspect psychiatrique.

[29] Le 4 juillet 2011, le Dr Blackman, psychiatre, a rendu compte, auprès du bureau de la Commission des accidents du travail, de son examen psychiatrique indépendant de l'appelant. Le Dr Blackman a décrit les motifs de consultation de l'appelant comme suit :

Le requérant s'est présenté comme un homme très prudent et agissant sur la défensive qui semblait souffrir de démence grave. Il n'arrivait pas à se rappeler sa date de naissance, son âge, la date de sa blessure, ou tout autre fait dont le requérant devrait normalement se rappeler en premier lieu. Il se souvenait de l'accident même si au même moment il déclarait avoir été inconscient et avoir subi une commotion cérébrale. Il s'est plaint de difficultés de concentration et de problèmes de mémoire. Il ne se souvenait pas des différents médecins qu'il avait consultés ou de leurs conclusions. Il a poursuivi au sujet de sa « commotion cérébrale ». Il a déclaré qu'il avait produit une déposition écrite au sujet de ce qui s'était passé et à laquelle je devrais référer. Je lui ai laissé entendre que notre temps serait mieux utilisé s'il expliquait lui-même. Il s'est plié à mon commentaire avec réticence. Comme il fut mentionné précédemment, il s'est plaint d'étourdissements, d'une certaine ataxie légère, et de nausées et vomissements qui se manifestent trois fois par jour. Il a aussi mentionné qu'il était maintenant aveugle de l'œil gauche (ce que n'a pas confirmé l'examen ophtalmologique).

[30] Le Dr Blackman a mentionné que l'entrevue avait été très laborieuse. L'appelant, résistant et prudent, paraissait si gravement atteint de troubles de la mémoire qu'il ne pouvait composer avec nos questions, même les plus simples. Le Dr Roberts prétend que :

  • Les résultats de l'examen suggèrent des conclusions non fondées. Il semble, compte tenu de la nature de la blessure et des nombreux examens médicaux, que les symptômes présentés ne s'appuient sur aucun fondement. L'appelant n'a pas rempli les critères habituels d'une commotion cérébrale et je ne suis pas certain de l'origine de ce diagnostic. En me fondant sur la présente entrevue, il faudrait que je détermine si le requérant tend à feindre d'être malade dans le but d'en tirer des avantages secondaires (italique ajouté).
  • Hormis les possibles feintes d'être malade de l’appelant, il ne peut s’avancer et poser un diagnostic psychiatrique.
  • Le requérant a besoin d'un examen neuropsychologique comportant une emphase particulière sur le biais de réponse et sur les variables de la personnalité.
  • D'un point de vue psychiatrique, l'appelant n'est pas incapable de travailler.

[31] Le 26 août 2011, le Dr Gregg, psychiatre, a posé un diagnostic de ganglion post-traumatique récurent au poignet gauche avec entorse à la première articulation carpo-métacarpienne.

[32] Le 26 octobre 2011, le Dr Pokroy, neurologue, a passé en revue les symptômes de l'appelant et a indiqué que ce dernier décrivait ses migraines chroniques et ses épisodes de vertige.

[33] Le 7 décembre 2011, le Dr MacDonald, ophtalmologiste, a rapporté que le profil temporal du sujet suggère la survenance d'une blessure suivie d'une perte de vision. Il a constaté que l'appelant avait subi un électrorétinogramme  full field qui démontrait une diminution significative de l'amplitude des formes d'onde en réponse à une stimulation de l'œil gauche. Il s'interrogeait à savoir si l'appelant présentait une forme d'ophtalmie sympathique avec nodules de Dalen-Fuchs.

[34] Le 21 décembre 2011, le Dr Lobay a rapporté que l'appelant s'était blessé de nouveau à la main et au poignet droits lors de sa en chutant au mois de mars 2011. Il s'était alors blessé à l'œil gauche et était devenu aveugle de cet œil, en plus de se plaindre de douleur et d'enflure au poignet gauche. Le Dr Lobay est d'avis que l'incapacité de l'appelant est vraisemblablement permanente puisque sa blessure sévit déjà depuis plusieurs mois.

[35] Le 18 juin 2012, le Dr Rosenstock a constaté que l'appelant avait subi une blessure ayant causé une perte de vision à l'œil gauche. Il aussi constaté que l'appelant souffrait de dépression. Les notes du médecin indiquent que l'appelant a affirmé qu'il souhaitait obtenir de l'aide psychologique.

Rapports déposés par l'appelant le 29 juillet 2015

[36] Le 30 janvier 2015, le Dr Els et le Dr Elwell, tous deux spécialistes en psychiatrie et médecine de la dépendance, et le Dr Bailey, spécialiste en psychiatrie, ont produit, à la demande de la Commission des accidents du travail, l'évaluation d'un comité d'experts médicaux en raison de la complexité de l'état de santé du sujet et des divergences d'opinions médicales. Le comité a passé en revue 109 documents du travailleur et de l'employeur, incluant les rapports, la correspondance et une abondante documentation médicale. L'appelant a déposé au Tribunal, une somme de renseignements y compris une vue d'ensemble des événements, une liste de ses symptômes psychiatriques actuels et ses antécédents médicaux et pharmacologiques. Le rapport indique qu'en dépit de ses cinq tentatives de suicide dans le passé, l'appelant n'a jamais été admis dans un établissement psychiatrique.

[37] Selon le comité, l'appelant remplissait les critères de diagnostic d'un épisode de dépression majeure et d'un trouble de stress post-traumatique chronique. Le comité a fait remarquer qu'il avait constaté que la barrière de la langue pouvait avoir contribué aux suppositions selon lesquelles l'appelant feignait d'être malade. Le comité est d'avis que l’importance actuelle des troubles mentaux et comportementaux de l'appelant écarte, à court terme, la possibilité d'un retour au travail. Il est aussi d'avis que l'état de santé de l'appelant n'a pas encore atteint le degré maximal d'amélioration. Enfin, le comité est d'avis qu'à la suite de la mise en œuvre d'interventions reposant sur des bases factuelles, lors de la rémission complète des symptômes liés à ses problèmes de santé, l'appelant pourrait potentiellement redevenir disponible pour travailler.

[38] Le comité est également d'avis que l'appelant peut être guéri de ses symptômes de trouble de stress post-traumatique et de dépression majeure grâce à une intervention adéquate et suffisamment longue. Le comité a proposé plusieurs thérapies et traitements pharmacologiques. Il a également suggéré des examens supplémentaires et des changements au mode de vie de l'appelant.

[39] Le 28 juillet 2015, le Dr Kholiaf a attesté qu'il avait vu l'appelant en consultation le même jour et que l'appelant avait subi quatre ans plus tôt, une lésion professionnelle qui l'empêchait de travailler de façon permanente.

Observations

[40] L’appelant fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Il est une tout autre personne depuis qu'il a subi sa blessure.
  2. Il est incapable d'exercer un emploi, quel qu'il soit, et dépend des autres pour subvenir à ses besoins essentiels de la vie quotidienne.
  3. Il souffre de plusieurs affections invalidantes.

[41] L’intimé fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. En juin 2011, le Dr Roberts, neurologue, est d'avis que les symptômes relatifs à la commotion cérébrale de l'appelant devraient se dissiper d'ici trois à six mois.
  2. Les spécialistes qui ont évalué l'appelant en juillet 2011 ont constaté chez lui une « exagération extrême » de ses symptômes et une « propension à amplifier » ses doléances. Le Dr Blackman a diagnostiqué une possible tendance de l'appelant à feindre d'être malade, mais n'a pas décelé d'autre trouble psychiatrique.
  3. Il n'y a pas d'indication particulière au sujet d'un traitement plus approfondi du ganglion au poignet gauche non dominant, tandis qu'un des ganglions est présentement traité au moyen d'une intervention chirurgicale mineure.
  4. La perte de vision de l'œil gauche ne s'assimile pas à une invalidité permanente qui empêcherait l'appelant d'exercer tout type d'emploi. L'appelant conserve son permis de conduire de classe 5 et peut conduire.
  5. L'évaluation de 2015 du comité d'experts médicaux démontre que le trouble de stress post-traumatique et la dépression majeure de l'appelant peuvent être traités, que le rétablissement de l'appelant n'était pas complet d'un point de vue médical, et que l'état de santé de l'appelant pouvait encore s'améliorer si l'appelant recevait les traitements recommandés.
  6. Bien que l'appelant soit incapable de reprendre son ancien emploi qui nécessite une sensibilité à la sécurité, s'il bénéficiait d'un traitement approprié, il serait en mesure de trouver un autre emploi convenable.

Analyse

[42] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date.

Invalidité grave

[43] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité sont définies au paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada (Loi) qui prévoit essentiellement que, pour qu’une personne soit considérée comme invalide, elle doit être atteinte d’une invalidité « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse s’adonner. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[44] Les affaires suivantes ont fourni une orientation et une aide au Tribunal afin de l'aider à trancher les questions relatives au présent appel.

[45] Il incombe à l’appelant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de l'audience ou avant cette date, il était invalide au sens de la Loi. La gravité de cette invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge de la personne, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience de vie lorsqu’il détermine l’« employabilité » d'une personne par rapport à son invalidité.

[46] On doit prendre en compte toutes les déficiences possibles de l’appelant qui ont une incidence sur son employabilité et non seulement les déficiences les plus importantes ou la déficience principale : Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Bien que chacun des problèmes médicaux de l’appelant puisse ne pas mener, à lui seul, à une invalidité grave, l’effet groupé des diverses affections peut rendre l’appelant gravement invalide : Barata c. Ministre du Développement des ressources humaines, (17 janvier 2001) CP 15058 (CAP).

[47] L’appelant doit non seulement démontrer qu’il est atteint d’un problème de santé grave, mais également, lorsqu’il y a preuve d’une capacité de travailler, il doit établir que ses efforts en vue de trouver un emploi et de le conserver se sont révélés infructueux en raison de son état de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. En revanche, dans le cas d’une incapacité de travailler, il n'a pas nécessairement à faire la preuve d’efforts fournis en vue d’obtenir un emploi. L’incapacité peut être démontrée de différentes façons. Par exemple, elle peut être établie en démontrant que l’appelant aurait été incapable d'exercer toute activité liée à un emploi : C.D c. MRHDC (18 septembre 2012) CP27862 (CAP).

Application des principes directeurs

[48] Le Tribunal a reconnu la crédibilité de l'appelant en tant que témoin. Bien que l'appelant fasse état de multiples troubles physiques et psychiatriques, le Tribunal est convaincu que les problèmes invalidants de l'appelant sont avant tout psychiatriques.

[49] L'intimé se fonde sur le rapport du Dr Roberts, daté du 29 juin 2011, dans lequel il est question de l'amélioration prévue de l'état de santé neurologique de l'appelant au cours des prochains trois à six mois. Cependant, ce rapport mentionne également que l'aspect neurologique des blessures qu'a subi l'appelant s'avère plutôt mineur en comparaison avec les aspects psychiatriques qui eux, l'empêchent d'exercer quelqu'emploi que ce soit.

[50] L'intimé se fonde également sur le rapport du 4 juillet du Dr Blackman qui propose l'idée d'une simulation de la maladie de la part de l'appelant afin d'en retirer un avantage secondaire. Le Tribunal n'est pas d'accord avec cette proposition. Il s'appuie en grande partie sur l'évaluation du 30 janvier 2015 menée par un comité d'experts médicaux, composé de trois psychiatres complètement impartiaux, qui a tenu une audience qui a duré quatre heures au cours de laquelle on a examiné les nombreux documents et le témoignage de l'appelant. Selon le rapport, l'ampleur des troubles mentaux ou comportementaux de l'appelant l'empêcherait d'envisager, à court terme, un retour au travail.

[51] L'intimé a fait valoir que le comité d'experts médicaux prétend que l'état de santé de l'appelant n'a pas encore atteint le degré maximal d'amélioration « pourrait », à la suite de la mise en œuvre d'interventions recommandées, « potentiellement redevenir disponible pour travailler ». Ces attentes sont, de l'avis du Tribunal, beaucoup trop optimistes. Les affections invalidantes de l'appelant duraient, à ce moment, depuis plus de trois ans et l'annexe au rapport confirme qu'il avait déjà subi, sans succès, un traitement de longue durée et continu. Le Tribunal a aussi noté, selon le témoignage de l'appelant, que malgré ses visites chez le psychiatre, chez le psychologue et chez le thérapeute pour le traitement de sa dépression et de son désordre de stress post-traumatique, l'appelant voyait son état de santé se détériorer. Le rapport du Dr Kholiaf, daté du 28 juillet 2015, confirme que l'appelant demeure incapable de travailler.

[52] Bien que l'appelant soit jeune et instruit, il est accablé par ses problèmes multiples et les séquelles de sa blessure. Le Tribunal est convaincu que l'appelant n'a pas la capacité d’exercer régulièrement toute forme d'occupation véritablement rémunératrice.

[53] Le Tribunal est d'avis, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant est atteint d’une invalidité grave conformément aux critères du RPC.

Invalidité prolongée

[54] Comme il a conclu que l’invalidité de l’appelant est grave, le Tribunal doit aussi se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

[55] Les conditions invalidantes de l’appelant persistent depuis de nombreuses années et, malgré un traitement de longue durée et continu, l'appelant n'a pu remarquer aucune amélioration de son état de santé. Il semble même se détériorer.

[56] L’invalidité de l’appelant est de longue durée et il ne semble y avoir aucune perspective d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[57] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en avril 2011, au moment de son dernier emploi. Selon l’article 69 du Régime de pensions du Canada, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements sont donc versés à compter d’août 2011.

‏[58] L’appel est accueilli.

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