Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur sollicite la permission d'en appeler de la décision de la division générale datée du 27 avril 2015.  La division générale en est arrivée à la conclusion que le demandeur avait déposé en retard un avis d'appel de la décision en révision de l'intimé. La division générale a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai dont dispose le demandeur pour déposer un avis d'appel, après avoir conclu qu'il n'avait pas fourni d'explications raisonnables pour justifier le retard dans le dépôt de cet avis, et qui plus est, elle n'a pas jugé qu'il y avait une cause défendable.  Le demandeur a déposé une demande de permission d'en appeler auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 22 juillet 2015, le tout accompagné d'une lettre de l'intimé datée du 16 juillet 2015. Pour que cette demande soit accueillie, la division d'appel doit être convaincue que l'appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Historique des procédures

[3] Le demandeur a fait une demande de pension d'invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. L'intimé a rejeté la demande initiale et a maintenu ce verdict par la suite dans le cadre d'une révision.  La décision en révision a été communiquée au demandeur par l'entremise d'une lettre datée du 15 novembre 2013.  Cette décision a été postée au demandeur à son ancienne adresse de la rue X à Victoria (C.-B.).

[4] Des notes téléphoniques révèlent que le demandeur a appelé au bureau de l'intimé le 23 janvier 2014, afin de demander un autre exemplaire de la décision en révision, étant donné qu'il avait déménagé avant que cette décision lui soit envoyée et que celle-ci lui avait été postée avant qu'il ait informé l'intimé de sa nouvelle adresse (document GD3-4).  Ces notes donnent à penser qu'il s'agissait de la deuxième demande de renseignements qu'il transmettait au bureau de l'intimé, mais aucune note ne permet de confirmer qu'il y avait eu une première demande de renseignements ou, dans le cas où il y en ait eu une, de savoir ce dont on a discuté dans le cadre de cette première demande.

[5] Le demandeur en a appelé de la décision en révision en déposant un avis d'appel le 7 mars 2014. Il a indiqué qu'en raison d'un déménagement ayant eu lieu en novembre 2013, il n'avait reçu la décision en révision que le 7 février 2014.  Le formulaire d'avis d'appel fait état d'une nouvelle adresse sur l'avenue X à Victoria (C.-B.).  Le demandeur a aussi mentionné que [traduction] « ses genoux et son dos [étaient encore] en mauvais état et que ça ne s'améliorait [pas], voire que cela empirait ».

[6] Le 19 mars 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit au demandeur à son adresse de l'avenue X afin de lui mentionner qu'il semblait avoir déposé son avis d'appel plus de 90 jours après la date à laquelle il avait reçu la décision en révision. Le Tribunal de la sécurité sociale a indiqué qu'il avait le pouvoir de proroger la période d'appel dans certains cas et qu'un membre de la division générale allait examiner l'affaire afin de déterminer s'il y avait lieu d'accorder une prorogation de délai.

[7] Le demandeur a répondu le 22 avril 2014 par l'entremise d'une lettre dans laquelle il confirmait qu'il avait déménagé le 1er novembre 2013 et qu'il avait avisé l'intimé de son changement d'adresse le 14 novembre 2013.  Il a aussi indiqué que l'intimé avait quand même envoyé la décision en révision datée du 15 novembre 2013 à son ancienne adresse. Le demandeur a joint l'enveloppe oblitérée par la poste en date du 7 février 2014 et qui contenait la décision que l'intimé avait envoyée à sa nouvelle adresse de l'avenue X (document GD2).

[8] Dans sa lettre du 22 avril 2014 ou lors de la conférence téléphonique qu'il a eue avec l'intimé le 23 janvier 2014 (si l'on s'en fie aux notes téléphoniques de l'intimé), le demandeur n'a fait aucune déclaration explicite quant à la question de savoir s'il avait peut-être reçu la lettre datée du 15 novembre 2013; il n'a pas indiqué non plus s'il avait fait suivre son courrier à sa nouvelle adresse, ou s'il était retourné à son ancienne adresse pour récupérer tout courrier qui y aurait été envoyé. Quoi qu'il en soit, cela ressort implicitement de sa lettre du 22 avril 2014 dans laquelle il mentionne que cette situation équivaut à [traduction] « un rejet imputable à son retard ».

[9] La division générale a rendu sa décision le 27 avril 2015. Nonobstant le fait qu'aucune disposition déterminative légale ne s'applique à la réception de décisions en révision, la division générale n'en a pas moins procédé afin de déterminer à quel moment le demandeur avait probablement reçu la décision en révision en appliquant de facto l'alinéa 19(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a raisonnablement tenu pour acquis que la décision en révision avait été livrée dix jours après la date qui y figure et elle a considéré que le demandeur l'avait donc reçue le 25 novembre 2013. La division générale a établi que le délai de 90 jours prévu à l'alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (LMEDS) prenait fin le 23 février 2015 et que l'avis du demandeur avait donc été envoyé 12 jours après l'expiration de ce délai.

[10] La division générale a tenu compte des quatre facteurs énoncés dans l'affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro 2005 CF 883 lorsqu'elle a examiné la question de savoir s'il y avait lieu de proroger le délai applicable au dépôt de l'avis d'appel.  La division générale a conclu que le demandeur n'avait pas raisonnablement expliqué le retard, et qu'il n'y avait pas de cause défendable. Elle a aussi conclu que ces facteurs ne justifiaient pas l'octroi d'une prorogation de délai.  Elle a accordé beaucoup de poids au fait qu'il n'y avait pas de cause défendable avant de finalement rejeter la demande de prorogation de délai.

[11] La division générale n'a pas fait allusion aux explications qu'a fournies le demandeur relativement à la question de savoir pourquoi l'avis d'appel semblait avoir été déposé en retard.  Elle n'a pas non plus cité le fait que le demandeur avait déménagé à l'époque où la décision en révision lui avait été postée, et qu'il n'avait donc reçu la décision en révision qu'au début de février 2014 après que l'intimé en eut envoyé un exemplaire à sa nouvelle adresse.

Observations

[12] Le demandeur affirme que la division générale a erré en concluant qu'il avait tardé à déposer son avis d'appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale et en l'obligeant à demander une prorogation du délai de dépôt.  Le demandeur s'appuie en partie sur la lettre de l'intimé datée du 16 juillet 2015, qui se lit comme suit :

[Traduction] Le 23 janvier 2014, vous avez demandé un exemplaire de la lettre que nous vous avons envoyée le 15 novembre 2013, étant donné que vous ne l'aviez pas reçue. La présente lettre vise à vous informer de la décision que nous avons rendue relativement à la demande que vous avez faite pour que l'on révise votre demande de prestations d'invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

Nous vous avons envoyé un exemplaire de la lettre du 6 février 2014 et nous aurions aussi dû vous informer à ce moment-là de votre nouvelle période d'appel. Comme vous n'avez pas reçu la première lettre qui vous a été envoyée en novembre 2013, vous disposez maintenant de 90 jours à compter du 6 février 2014 pour en appeler de la décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Votre avis d'appel a été reçu à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 7 mars 2014.

(Document GD2-6)

[13] L'intimé n'a pas déposé d'observations écrites.

Droit applicable

[14] Certains moyens défendables pouvant faire en sorte que l’appel ait du succès sont requis pour que la permission d’en appeler soit accordée :  Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (C.F.). La Cour d’appel fédérale a établi que des questions défendables en droit reviennent à établir si, sur le plan juridique, un appel a une chance raisonnable de succès :  Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63.

[15] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[16] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs de l’appel relèvent de l’un des moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

[17] Même si la division générale aurait pu rejeter tout témoignage du demandeur voulant qu'il ait reçu la décision en révision seulement au début de février 2014, la décision ne permet aucunement d'établir clairement si la division générale a tenu compte de quelque façon que ce soit du témoignage fait par le demandeur à ce sujet, puisque celle-ci n'a jamais fait mention des explications fournies par le demandeur, à savoir qu'il avait déménagé.  De fait, la division générale a conclu, malgré la preuve qui lui avait été présentée, que le demandeur n'avait fourni aucune explication pour justifier le [traduction] « retard » dans le dépôt de son avis d'appel. Si la division générale avait accepté les explications fournies par le demandeur au sujet du « retard », elle aurait très bien pu en arriver à la conclusion qu'il avait déposé son avis d'appel à temps et elle aurait probablement décidé d'évaluer la demande sur le fond, que ce soit sur la foi du dossier ou autrement.

[18] Je suis convaincue que l'appel a une chance raisonnable de succès, puisque la division générale a peut-être fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le demandeur avait déposé son avis d'appel en retard, et ce, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et, en dernière analyse, qu'elle a peut-être erré en droit en statuant que le demandeur était donc tenu de demander une prorogation du délai applicable au dépôt de l'avis d'appel.

[19] Je suis convaincue que l'appel a une chance raisonnable de succès pour le motif, aussi, que la division générale a peut-être erré lorsqu'elle a appliqué de facto les dispositions déterminatives de l'alinéa 19(1)a) du Règlement et statué que le demandeur avait reçu la décision en révision dans les 10 jours ayant suivi sa publication.

[20] Habituellement, tout fait nouveau, comme la lettre de l'intimé datée du 16 juillet 2015, ne serait pas pris en considération, à bon droit, à l'étape de la demande de permission d'en appeler, compte tenu des restrictions énoncées au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Mais dans le cas qui nous occupe, la lettre provient de la partie adverse.  Cette lettre corrobore la preuve présentée à la division générale et la rend plus crédible. Elle étaye l'allégation voulant que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[21]    Enfin, la division générale est convaincue que le demandeur [traduction] « n'avait pas de possibilité raisonnable de succès ».  Quoi qu'il en soit, il appert que la division générale s'est peut-être intéressée à la question de savoir s'il n'y avait [traduction] « pas de cause défendable », plutôt qu'à celle de savoir s'il y en avait une.  Il semble également que la division générale a peut-être évalué le bien-fondé de la demande de pension d'invalidité.  Ces interventions pourraient être considérées comme des erreurs de droit.  Si l'on fait abstraction de la question de savoir si la division générale a erré en obligeant le demandeur à demander une prorogation du délai applicable au dépôt d'un avis d'appel, ces considérations appuient encore plus la conclusion selon laquelle l'appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[22] La demande est accordée.

[23] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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