Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 27 octobre 2014. La division générale a déterminé que la demanderesse avait abandonné son appel à l’encontre d’une décision en révision de l’intimé et a donc fermé le dossier. La demanderesse nie avoir abandonné son appel et allègue qu’elle a toujours eu l’intention de poursuivre son appel. Pour accéder à cette demande de permission d’en appeler, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Contexte

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada en mars 2010. L’intimé a rejeté la demande tant au stade initial qu’à l’étape de la révision. Le 12 avril 2011, la demanderesse a fait appel de la décision en révision du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[4] Aux termes de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable,tout appel interjeté avant le 1er avril 2013 en application du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada,dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013. Le 1er avril 2013, le BCTR a transféré au Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») l’appel de l’appelante à l’encontre de la décision en révision.

[5] Le 4 décembre 2013, la Tribunal a envoyé à la demanderesse une lettre l’avisant qu’il avait reçu un avis de procéder signé de l’une des parties à l’appel. Dans cette lettre, le Tribunal a également précisé qu’une fois qu’il aurait reçu un avis de procéder signé de chacune des parties, ou après que 365 jours se seraient écoulés depuis la date du dépôt de l’avis d’appel, il ne serait plus permis aux parties de déposer des observations ou documents additionnels et que le Tribunal rendrait alors une décision ou enverrait un avis d’audience aux parties. Cette lettre a été retournée au tribunal le 20 décembre 2013 avec la mention « renvoi à l’expéditeur ». Aucune adresse de réexpédition n’a été fournie pour la demanderesse.

[6] En février 2014, le Tribunal a tenté de communiquer avec la demanderesse en composant le numéro de téléphone apparaissant sur sa demande de pension d’invalidité. Les notes au dossier d’audience indiquent que le numéro de téléphone n’était [traduction] « pas attribué à un appareil ».

[7] Le 22 avril 2014, le Tribunal a envoyé à la demanderesse une lettre à la même adresse que celle à laquelle il avait expédié la précédente lettre. Dans cette lettre, le Tribunal informait la demanderesse que l’appel était considéré comme prêt à être poursuivi et que le Tribunal confierait bientôt l’instruction de l’appel à un membre du Tribunal. Le Tribunal informait aussi la demanderesse que si elle souhaitait déposer d’autres documents ou observations écrites qu’elle n’avait pas déjà envoyés, elle était invitée à le faire « sans délai ». Cette lettre a été marquée [traduction] « non distribuable » à la demanderesse et a été retournée au Tribunal.

[8] Le 29 juillet 2014, le Tribunal a écrit aux parties pour les informer que le membre de la division générale avait l’intention de procéder par vidéoconférence. Le Tribunal a avisé les parties qu’elles avaient jusqu’au 2 septembre 2014 pour déposer d’éventuels documents ou observations supplémentaires et jusqu’au 7 octobre 2014 pour répondre aux éventuels documents. Cette lettre a été marquée [traduction] « non distribuable » à la demanderesse et a été retournée au Tribunal.

[9] La division générale a rendu sa décision le 27 octobre 2014. Le Tribunal a expédié par la poste une copie de la décision aux parties, mais la décision était non distribuable à la demanderesse et a été retournée au Tribunal.

[10] Le 16 janvier 2015, la demanderesse a communiqué avec le Tribunal pour s’enquérir de l’état d’avancement du traitement de son appel devant la division générale. Une agente des services aux clients a informé la demanderesse que le Tribunal avait maintes fois tenté, sans succès, de communiquer avec elle par téléphone, mais que le numéro de téléphone qu’elle avait fourni n’était plus en service. L’agente a également informé la demanderesse que le courrier qu’on lui avait adressé avait été retourné au Tribunal avec la mention « déménagé » ou « non distribuable ».

[11] La demanderesse a répondu à cela qu’elle s’était rendue, à un moment donné, à un bureau du gouvernement à X et qu’elle y avait fourni son changement d’adresse, car le gouvernement l’avait alertée que ses renseignements personnels avaient été compromis. La demanderesse croyait qu’après avoir fourni un changement d’adresse au bureau du gouvernement elle s’était acquittée de son obligation de fournir des coordonnées à jour. L’agente des services aux clients lui a dit que le Tribunal ne possédait pas à son sujet de renseignements à jour, si bien que la demanderesse les lui a fournis.

[12] L’agente des services aux clients du Tribunal a informé la demanderesse qu’une date d’audience avait été fixée et que, comme la division générale avait considéré son appel comme ayant été abandonné, le dossier avait été fermé. La demanderesse a répondu qu’elle avait maintes fois appelé le bureau pour s’enquérir de l’état d’avancement de son appel.

[13] La demanderesse a de nouveau communiqué par téléphone avec le Tribunal le 21 janvier 2015. Un second agent des services aux clients lui a dit que l’affaire était considérée comme close devant la division générale et que, de ce fait, il lui faudrait solliciter la permission d’en appeler de la décision de la division générale devant la division d’appel. L’agent lui a fait savoir qu’elle disposerait de 90 jours à partir de la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée pour déposer une demande de permission d’en appeler. La demanderesse a interjeté l’appel auprès de l’agent, pensant que de fournir un changement d’adresse à Service Canada était tout ce qu’on lui demandait de faire.

[14] On ne sait pas au juste si la demanderesse a jamais reçu copie de la décision de la division générale et, le cas échéant, à quel moment elle l’aurait reçue. La demanderesse a tenté de déposer une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 12 février 2015 en envoyant la demande comme pièce jointe d’un courriel adressé au Tribunal. Elle a réussi à joindre la demande à son courriel du 6 février 2015 envoyé au Tribunal. La demanderesse n’a toutefois pas signé la demande.

[15] Le 18 février 2015, le Tribunal a écrit à la demanderesse pour l’informer que sa demande de permission d’en appeler était incomplète car elle n’avait pas énoncé de moyens à l’appui de sa demande ni exposé l’énoncé des faits qui avait été présenté à la division générale. Le Tribunal a rappelé à la demanderesse qu’il lui fallait déposer la demande de permission d’en appeler dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée.

[16] Le Tribunal a également signalé à la demanderesse que si elle voulait qu’on procède alors qu’elle n’aurait pas fourni les renseignements requis dans le délai de 90 jours après que la décision de la division générale lui a été communiquée, il lui faudrait demander une prorogation du délai pour déposer la demande remplie de permission d’en appeler. Il lui faudrait aborder les quatre facteurs suivants :

  1. a) s’il y avait une intention persistante de poursuivre la demande;
  2. b) si la cause était défendable;
  3. c) si le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) si la prorogation du délai causerait un préjudice aux autres parties.

[17] Le 25 février 2015, la demanderesse a demandé un formulaire de demande afin de pouvoir déposer une demande de permission d’en appeler. Elle a aussi expliqué que lorsqu’elle s’était rendue au bureau du gouvernement à X, elle avait cru comprendre que si elle fournissait un changement d’adresse cela serait communiqué à tous les services gouvernementaux. De nouveau, elle a nié qu’elle avait abandonné son appel devant la division générale.

[18] Le 26 février 2015, le Tribunal a envoyé à la demanderesse un courriel l’informant qu’il jugeait sa demande de permission incomplète. Le Tribunal a joint une copie de sa lettre datée du 18 février 2015.

[19] Le 4 mai 2015, la demanderesse a répondu au courriel du 26 février 2015 du Tribunal. La demanderesse sollicitait de l’aide pour remplir le formulaire de demande de permission d’en appeler. Elle expliquait qu’elle faisait appel de la décision de la division générale car une audience n’avait jamais été fixée et on lui avait dit qu’elle avait abandonné son appel.

[20] Le 12 mai 2015, la demanderesse a de nouveau envoyé au Tribunal un courriel dans lequel elle réitérait qu’elle n’avait pas abandonné son appel. Elle sollicitait encore une assistance pour remplir le formulaire de demande de permission d’en appeler. Elle mentionnait à nouveau qu’elle s’était rendue à un bureau du gouvernement à X et avait fourni un changement d’adresse. Elle déclarait qu’elle avait [traduction] « appelé le rpc [sic] pendant des années dans l’attente d’une date », mais que la seule réponse qu’elle eût jamais reçue était que ses renseignements personnels avaient été compromis.

[21] Le 13 mai 2015, la Tribunal a répondu par courriel à la demanderesse. L’agent indiquait que le Tribunal avait de nouveau tenté de communiquer avec elle par téléphone, mais qu’elle n’était pas là et qu’il n’y avait pas de possibilité de laisser un message vocal. L’agent a invité la demanderesse à prendre connaissance du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») aux fins d’obtention d’une assistance pour remplir sa demande de permission d’en appeler.

[22] Le 15 mai 2015, la demanderesse a envoyé au Tribunal un courriel dans lequel elle disait qu’elle n’était pas financièrement en mesure de communiquer par téléphone avec le Tribunal (bien qu’il existait une ligne sans frais). Dans ce courriel, la demanderesse ne fournissait pas de nouveaux renseignements par rapport à ceux qu’elle avait fournis auparavant.

[23] Le 20 mai 2015, le Tribunal a communiqué avec la demanderesse, qui a déclaré qu’elle avait fourni les renseignements manquants.

[24] Le 24 juin 2015, le Tribunal a écrit à la demanderesse pour lui confirmer qu’il avait maintenant reçu sa demande complète de permission d’en appeler.

[25] Le 6 juillet 2015, le Tribunal a envoyé à la demanderesse une lettre l’invitant à répondre aux questions et demandes suivantes :

[Traduction]

  1. Veuillez fournir une copie de la lettre dans laquelle il est dit que vos renseignements personnels avaient été compromis. Quand avez‑vous reçu cette lettre? De qui émanait cette lettre? À quelle adresse cette lettre vous a‑t‑elle été envoyée? À votre adresse de X ou à celle de X?
  2. Quand avez‑vous déménagé de X pour vous établir à X? Quelle preuve avez‑vous de ce déménagement? Veuillez fournir une copie de toute preuve (comme une facture d’électricité ou de gaz) attestant de votre déménagement.
  3. Vous dites que vous vous êtes rendue aux « services sociaux gouvernementaux » et que vous les avez avisés de votre changement d’adresse. Quand vous êtes‑vous rendue aux « services sociaux gouvernementaux »? Avez‑vous une quelconque preuve que vous y avez rempli un formulaire de changement d’adresse? C’est‑à‑dire, vous a‑t‑on fourni une copie du changement d’adresse?
  4. De la même façon, vous dites que vous avez communiqué à plusieurs reprises avec le RPC. De quelle façon avez‑vous pris contact avec le RPC? Quel numéro de téléphone avez‑vous composé? À quelle(s) date(s) avez‑vous communiqué avec le RPC? À qui avez‑vous parlé chaque fois?
  5. En novembre 2011, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision avait demandé à ce que vous fournissiez un numéro de téléphone à jour. Le BCTR vous a également avisée que s’il n’obtenait pas de vos nouvelles dans les 30 jours il en conclurait que vous avez abandonné votre appel. À la lumière de ces renseignements obtenus du BCTR, avez‑vous pris quelque mesure pour aviser le BCTR ou le Tribunal de la sécurité sociale de tout changement de vos coordonnées après vous ayez déménagé de X pour vous établir à X? Le cas échéant, quand avez‑vous communiqué avec le BCTR ou le Tribunal de la sécurité sociale et de quelle façon avez‑vous communiqué avec le BCTR ou le Tribunal de la sécurité sociale?
  6. Quand avez‑vous reçu une copie de la décision de la division générale? De quelle façon avez‑vous reçu copie de cette décision?

[26] Le Tribunal a demandé à recevoir par écrit les renseignements supplémentaires d’ici le 20 juillet 2015. Le Tribunal a indiqué que s’il ne recevait pas de réponse dans ce délai, le membre de la division d’appel pourrait rendre une décision sur la foi des renseignements figurant déjà au dossier.

[27] Le tribunal a aussi invité l’intimé à fournir, s’il le souhaitait, des observations au sujet de l’une ou l’autre des questions.

[28] Accédant à une demande de la demanderesse, vu qu’elle était en vacances, le Tribunal a prolongé jusqu’au 17 août 2015 le délai qu’il lui avait imparti pour répondre. La demanderesse a fourni une réponse le 11 août 2015. Elle y expliquait que, comme elle avait déménagé plusieurs fois entre 2012 et 2014, elle n’avait pas conservé de copie de nombreux dossiers, y compris ceux demandés par le Tribunal. Elle a déménagé de X à X le 1er octobre 2014 et a produit une facture de gaz qui était censée démontrer qu’elle avait versé un dépôt de sécurité pour l’adresse de X; Malheureusement, cette facture n’était pas lisible. La demanderesse a également produit une copie d’une lettre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada datée de décembre 2012 qu’on lui a envoyée à son ancienne adresse de X et qui confirmait que certains de ses renseignements personnels, qui se trouvaient sur un dispositif de stockage électronique, avaient été égarés. Cette lettre n’indique toutefois pas que la demanderesse s’est rendue à un centre de Service Canada au sujet de cet incident de perte de renseignements personnels. La demanderesse a aussi déclaré qu’elle n’avait [traduction] « pas appelé le RPC » car on lui avait dit antérieurement qu’il fallait qu’elle attende qu’une nouvelle date soit fixée. Elle allègue qu’il y avait un travailleur appelé Peter à qui elle pouvait envoyer des courriels pour s’enquérir de l’état d’avancement de son dossier.

Observations

[29] La demanderesse allègue qu’elle a fourni son changement d’adresse à un bureau du gouvernement à X et plaide qu’elle n’a jamais abandonné son appel devant la division générale.

[30] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Droit applicable

[31] Avant qu’on puisse accorder une permission d’en appeler, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[32] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division gsnérale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c)  elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[33] Avant que je puisse accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

a) Demande de permission tardive

[34] La décision de la division générale a été rendue le 27 octobre 2014, mais la demanderesse n’en n’a pas eu connaissance avant au moins le 16 janvier 2015, date à laquelle elle a communiqué avec le Tribunal pour s’enquérir de l’état d’avancement du traitement de l’appel. Elle a déposé une demande de permission d’en appeler à la mi‑février 2015. Elle a énoncé les moyens d’appel dans la demande. Malgré cela, le Tribunal lui a écrit le 18 février 2015 pour l’informer que la demande était incomplète en ce qu’elle devait exposer les moyens invoqués aux fins de la demande, de même que l’énoncé des faits ayant été présentés à la division générale et sur lesquels la demanderesse s’appuierait pour les fins de sa demande de permission. On ne sait pas exactement s’il y avait des faits supplémentaires que la demanderesse aurait pu présenter à la division générale et sur lesquels elle se serait appuyée aux fins de sa demande de permission.

[35] Comme la demanderesse a déposé une demande de permission à la mi‑février 2015, je ne considère pas que cette demande a été déposée tardivement, puisque la décision ne lui a pas été communiquée avant au moins le 16 janvier 2015. Ainsi, le délai prescrit a bien été respecté pour le dépôt de cette demande.

b) Chance raisonnable de succès

[36] Les observations de la demanderesse auraient eu plus de poids si elle avait fourni une quelconque preuve documentaire attestant qu’elle s’est effectivement rendue, à un moment donné, au bureau du gouvernement à X pour signifier son changement d’adresse. Par exemple, elle aurait pu produire la lettre émanant du gouvernement qui l’avisait que ses renseignements personnels avaient été compromis. Cela n’aurait peut‑être par prouvé qu’elle se soit effectivement rendue au bureau du gouvernement, mais cela aurait étayé sa prétention qu’elle avait un motif de se rendre à un bureau du gouvernement.

[37] L’article 6 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le« Règlement ») exige qu’en cas de changement de ses coordonnées, la partie en informe sans délai le Tribunal en déposant un avis. La demanderesse ne s’est pas conformée à l’article 6 du Règlement.

[38] La division générale a conclu que, du fait que la demanderesse ne s’était pas conformée aux exigences de l’article 6 du Règlement, elle avait abandonné son appel. La division générale s’est fiée au paragraphe 3(2) du Règlement pour procéder à l’instruction de l’appel.

[39] Il existe une jurisprudence à l’appui de la décision de la division générale. Dans X (Re), 2011 CanLII 94644 (CA CISR), la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a déterminé que c’est la prestataire elle‑même qui était responsable des manquements. La CISR n’a pas retenu la thèse que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas observé un principe de justice naturelle ou avait commis un manquement à la justice naturelle et, par conséquent, n’a pas été disposée à rouvrir la demande.

[40] Je note qu’il existe une jurisprudence contradictoire. Dans Bamrah v. Canada (Minister of Employment and Immigration of Canada), 1989 CanLII 163 (CAF) (décision non traduite en français), le demandeur, dans cette affaire, n’avait pas reçu trois avis que la Commission d’appel de l’immigration lui avait successivement envoyés du fait qu’il n’habitait plus à l’adresse à laquelle ses avis avaient été envoyés. Le demandeur d’asile n’avait pas avisé la Commission d’appel ni son avocat de son changement d’adresse, mais en avait informé le ministère des Affaires culturelles du Québec, le ministère de l’Emploi et de l’Immigration du Canada ainsi que le bureau de poste. Cela n’a guère impressionné la majorité des membres de la Commission d’appel, qui ont déterminé que la raison pour laquelle le demandeur n’avait pas été informé des audiences était imputable à sa seule négligence. Les membres de la Commission d’appel ont jugé qu’il n’y avait aucune raison de rouvrir l’audition du cas.

[41] Le juge Marceau de la Cour d’appel fédérale a jugé qu’il était inique de priver la partie intéressée de l’occasion d’être entendue. Il a écrit ceci :

[Traduction]

Respectueusement, je mettrais en doute le fondement juridique de cette réaction de la majorité des membres. Dans un domaine comme celui‑ci et eu égard à une procédure aussi importante que celle‑là, je trouve inique de priver la partie intéressée de l’occasion d’être entendue, même tardivement, pour la punir de ne pas être restée en contact avec la Commission. On ne saurait si facilement faire fi du principe de justice fondamentale exprimé par la maxime audi alteram partem. Ce n’est pas seulement le demandeur qui est en cause ici mais aussi la Commission, qui ne devrait pas se résigner à rendre une décision aussi vitale sans être pleinement informée des circonstances, à moins que, des raisons majeures de nature administrative ou autres, il ne soit pas possible, dans les circonstances exceptionnelles du cas, de faire autrement. Rien n’indique que le demandeur évitait les avis de la Commission, et l’on ne saurait davantage dire que les actions du demandeur ont pu indiquer qu’il renonçait implicitement à son droit à une audition, ou même dénotaient une simple indifférence envers l’exercice de ce droit. À mon sens, le Tribunal ne pouvait, dans ces circonstances, priver le demandeur du droit de l’exercer.

[42] La Cour d’appel fédérale a annulé la décision de la Commission d’appel rejetant la demande d’asile du demandeur et lui a renvoyé cette affaire en disant que, dans les circonstances, la Commission d’appel ne pouvait refuser de rouvrir l’audition de la demande du demandeur aux fins d’un nouvel examen de sa demande d’asile.

[43] Dans l’affaire qui nous occupe, la demanderesse a manifestement manqué à ses obligations en n’ayant pas déposé d’avis au Tribunal de la sécurité sociale pour l’informer d’un changement de ses coordonnées. Toutefois, peut‑on dire pour autant qu’elle a nécessairement abandonné son appel par suite de son non‑respect des dispositions? Globalement, je suis convaincue que les questions en litige en l’espèce soulèvent une cause défendable et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[44] La Demande est accueillie.

[45] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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