Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Comparutions

Appelant : M. S. et son représentant Steve Matovic

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’aucune pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) n’est payable à l’appelant.

Introduction

[2] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en novembre 2007, et l’intimé a refusé cette demande au stade initial. L’appelant n’a pas interjeté appel de la décision. La demande actuelle de l’appelant a été estampillée par l’intimé le 10 avril 2012. L’intimé a refusé la demande initiale et la demande découlant de la révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] L’audience relative à l’appel a été prévue par téléphone pour les motifs donnés dans un avis d’audience daté du 20 avril 2015. L’intimé a choisi de ne pas y participer.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2009, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est probable que l’appelant avait une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant celle-ci.

Preuve

[10] L’appelant était âgé de 32 ans et possédait une douzième année à la date de fin de sa PMA. Dans le questionnaire rempli pour sa demande actuelle de pension d’invalidité du RPC, il a déclaré avoir été employé comme apprenti affûteur lorsqu’il a cessé de travailler en avril 2007 en raison de lésions par écrasement aux jambes à la suite d’un accident d’automobile. Il a affirmé qu’il travaillait à ce poste depuis 1997.

[11] Dans le questionnaire rempli dans le cadre de sa demande actuelle, il a déclaré qu’il a une très faible capacité en ce qui concerne le transport d’objets, le soulèvement d’objets, l’endurance ou les mouvements qui nécessitent l’utilisation des jambes en raison de blessures subies à la suite d’un accident d’automobile. Il a affirmé pouvoir parcourir lentement 100 verges à la marche, se tenir debout de 10 à 15 minutes, demeurer en position assise pendant 30 minutes et ne pas pouvoir s’accroupir ni soulever des objets lourds. Il a déclaré pouvoir très peu se plier, mais qu’il peut faire sa toilette personnelle et de petites tâches ménagères. Il a dû cesser de pratiquer la plupart de ses activités sportives, de faire du bénévolat et d’aider à la ferme de ses parents.

[12] Il a déclaré dans son témoignage qu’il n’a pas essayé de retourner sur le marché du travail depuis 2007, mais qu’il a suivi une formation de perfectionnement pour du travail en conception graphique. Il a suivi avec succès un programme de conception graphique et numérique, qu’il a fait d’avril 2013 à septembre 2014. Il a déclaré qu’il lui a fallu environ cinq mois de plus pour terminer le programme en raison des effets de son problème de santé. Il a déclaré que malgré qu’il ait effectué une recherche d’emploi exhaustive, les emplois dans le domaine de la conception graphique sont rares et qu’il n’a pas réussi à se trouver un emploi.

[13] À l’audience, l’appelant a déclaré que son emploi en tant qu’affûteur demandait beaucoup d’efforts physiques, de soulever des objets lourds, de monter des escaliers et de demeurer en position debout pendant une période prolongée.

[14] Le Dr Kelly, médecin de famille, a rédigé un rapport pour le RPC le 19 novembre 2007. Il a déclaré que l’appelant a subi plusieurs fractures comminutives ouvertes aux tibias à la suite d’un accident d’automobile en avril 2007. Il a affirmé que l’appelant a subi plusieurs chirurgies et greffes osseuses et que le pronostic est réservé. L’appelant a déclaré que les chirurgies ont été effectuées avant la fin de 2009.

[15] Selon une évaluation de la capacité fonctionnelle effectuée en 2008, l’appelant n’était pas capable de détenir un emploi compétitif dans un métier à ce moment-là. L’appelant pouvait soutenir un poids sur la jambe droite, mais pas sur la jambe gauche. Un programme de réadaptation a été recommandé.

[16] Le 15 septembre 2009, la Dre Zoffman a effectué une évaluation psychiatrique de l’appelant. Elle a posé un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) chronique, d’un épisode de dépression majeur partiellement résolu et de douleurs chroniques. Elle a conclu que l’état mental actuel de l’appelant ne correspond pas à celui exigé d’un emploi compétitif. L’appelant a déclaré avoir reçu des services de counseling à la fin de 2009 ou en 2010, mais qu’il n’avait pas reçu un service de counseling psychologique ou une évaluation psychologique de la part d’un spécialiste depuis ce moment-là.

[17] Le Dr Anton, physiatre, a évalué l’appelant. Dans un rapport daté du 17 mai 2010, le Dr Anton estime que l’appelant continue de souffrir d’une invalidité partielle et qu’il souffrira probablement de douleurs permanentes aux jambes, d’une mobilité généralement limitée et de tolérances réduites concernant la marche prolongée, la position assise prolongée et les activités qui comprennent un choc, comme la course, l’accroupissement et l’agenouillement. Il a déclaré que l’appelant est probablement capable d’effectuer un travail sédentaire seulement et qu’il doit limiter sa participation aux activités ménagères et récréatives exigeantes sur le plan physique.

[18] Le Dr Kelly a rédigé un rapport le 13 septembre 2010 dans lequel il a déclaré qu’il est peu probable que l’appelant retournera à son ancien emploi d’affûteur, mais qu’il devrait envisager la formation de perfectionnement pour obtenir un emploi en tant qu’opérateur de machines lourdes dans le cadre duquel ses membres inférieurs ne subiraient pas trop de tension.

[19] Une évaluation de la capacité fonctionnelle a été effectuée le 7 septembre 2010 par Mary Richardson, ergothérapeute. Elle a conclu que l’appelant était apte à occuper un emploi à temps plein, sous réserve de restrictions physiques, dans des occupations comportant des tâches limitées ou légères sur le plan physique. Elle a indiqué qu’un travail sédentaire comportant des exigences limitées quant à se tenir debout, marcher, grimper, s’accroupir ou s’agenouiller conviendrait le mieux. Il est capable de tâches exigeant de s’étirer pour atteindre un objet et de manipuler un objet.

[20] Un rapport des aptitudes professionnelles daté du 18 mars 2011 a été rédigé par Richard Carlin, consultant en réadaptation. Il conclut que, bien que l’appelant possède une capacité déficiente, celui-ci pourrait se recycler afin d’obtenir un emploi adapté. Cet avis est partagé dans un rapport produit par le Dr Kelly le 18 mars 2011.

[21] Dans un rapport à l’intention du RPC daté du 6 octobre 2011, le Dr Kelly déclare que les symptômes de TSPT de l’appelant se sont améliorés grâce aux médicaments. Il a déclaré que le traitement orthopédique est terminé, qu’il ne retrouvera jamais le fonctionnement intégral de ses jambes et que le pronostic de récupération du TSPT est réservé.

[22] Le Dr Oliver, chirurgien orthopédiste, a rédigé des rapports datés du 24 février 2014 et du 27 mars 2014. Il a affirmé que l’appelant se plaint de sensibilité au toucher autour du genou gauche, mais le Dr Oliver ne pouvait pas préciser l’origine de la douleur. Il a déclaré que le genou est stable, qu’il n’y a aucune enflure et qu’il a une amplitude de mouvement. Aucune chirurgie n’a été recommandée. Il a déclaré que l’appelant doit retourner à la clinique pour une injection au genou si celui-ci devient enflé et sensible au toucher. L’appelant a affirmé ne pas être retourné pour une injection et il consulte son médecin de famille pour se faire prescrire des médicaments pour traiter la douleur. Il n’est pas retourné consulter un chirurgien orthopédiste depuis mars 2014.

[23] L’appelant a déclaré que, en 2014, il n’a pas été capable de prendre part à un voyage de deux mois en X dans le cadre de retrouvailles familiales. Il a affirmé qu’il passe beaucoup de temps assis devant l’ordinateur pour améliorer sa présence en ligne dans le cadre de sa recherche d’emploi. Il a déclaré conduire sa voiture. Il a affirmé qu’aucune autre chirurgie n’est prévue à l’heure actuelle.

[24] Le frère de l’appelant a témoigné. Il a déclaré qu’il n’a pas habité avec l’appelant depuis le moment de l’accident d’automobile jusqu’à aujourd’hui et qu’il communique régulièrement avec l’appelant par téléphone. Il a affirmé que l’état de santé physique et affectif de l’appelant n’a pas progressé comme il l’aurait souhaité au cours des deux dernières années. Il a déclaré que l’appelant est apte à la conception graphique en raison de sa créativité et qu’il est au courant de la recherche d’emploi infructueuse de l’appelant jusqu’à présent en raison de la rareté des offres d’emploi dans ce domaine. Il est également au courant du fait que l’appelant passe beaucoup de temps à l’ordinateur.

Observations

[25] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. il souffre d’une invalidité grave et prolongée qui l’empêche d’effectuer tout type de travail;
  2. il a suivi une formation de perfectionnement en arts graphiques dans le but de devenir apte à occuper un emploi à la lumière de ses limitations continues, mais les emplois dans ce domaine sont rares et il n’a pas réussi à en trouver;
  3. malgré le fait qu’il se conforme à la réadaptation physique et psychologie ainsi qu’au perfectionnement professionnel, il n’a pas été capable de détenir un emploi adapté en raison d’importantes déficiences fonctionnelles permanentes.

[26] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour la raison suivante :

  1. l’appelant ne satisfait pas au critère relatif à l’invalidité « grave et prolongée » et il ne peut pas être réputé invalide au sens du RPC;
  2. bien qu’il soit reconnu que l’appelant pourrait avoir des difficultés à effectuer son emploi précédent, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il soit capable d’effectuer un certain type de travail au moyen d’une formation de perfectionnement;
  3. la capacité de l’appelant de faire une formation de perfectionnement démontre qu’il devait aussi avoir une capacité de travail pour certains types d’emploi;
  4. l’évaluation orthopédique après la PMA ne démontre pas la présence d’un trouble invalidant.

Analyse

[27] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2009 ou avant cette date.

[28] L’intimé n’est pas tenu de prouver que l’appelant est capable de travailler; il incombe au demandeur de prouver qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée avant la date de fin de sa PMA (Dossa c. Canada (CAP), 2005 CAF 387).

Caractère grave

[29] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour évaluer la capacité de travailler d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[30] L’appelant était âgé de 30 ans et possédait une douzième année lorsqu’il a cessé d’occuper son emploi journalier en tant qu’affûteur en avril 2007 en raison de blessures subies à la suite d’un accident d’automobile. Il a subi des fractures comminutives aux deux tibias ayant requis de multiples chirurgies, greffes osseuses et greffes cutanées. Il a développé un TSPT. Il reste une vie active considérable pour l’appelant, et celui-ci possède des compétences en anglais.

[31] Le Tribunal conclut que , à la fin de sa PMA en décembre 2009, l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave. Bien que, en septembre 2009, la Dre Zoffman était d’avis que, du point de vue de la santé mentale, l’appelant pourrait ne pas être apte à occuper un emploi concurrentiel, en 2010 les Drs Anton et Kelley, ainsi que l’ergothérapeute Mary Richardson, confirment tous qu’il est apte à occuper un emploi sédentaire approprié à ses limitations. Il n’y a pas d’autre élément de preuve de la Dre Zoffman concernant l’aptitude au travail de l’appelant.

[32] L’appelant soutient que, malgré le fait qu’il se conforme à la réadaptation physique et psychologie ainsi qu’au perfectionnement professionnel, il n’a pas été capable de détenir un emploi adapté en raison d’importantes déficiences fonctionnelles permanentes. Cependant, l’appelant n’a pas établi qu’il était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Il a été capable de suivre un programme en conception graphique. L’appelant et son frère reconnaissent la capacité de passer beaucoup de temps à l’ordinateur. Il continue de conduire. En 2014, il a été capable de faire un voyage en X pendant deux mois. De plus, en 2014, le Dr Oliver conclut que le genou est stable, qu’il n’y a aucune enflure et qu’il a une amplitude de mouvement. Aucune chirurgie n’a été recommandée. L’appelant n’est pas retourné pour recevoir une injection au, comme il a été offert par le Dr Oliver, et il n’est pas retourné chez le chirurgien orthopédiste depuis mars 2014.

[33] En mai 2010, le Dr Anton était d’avis que l’appelant avait une invalidité partielle seulement. En septembre 2010, le rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles rédigé par Mary Richardson indiquait qu’un travail sédentaire comportant des exigences limitées quant à se tenir debout, marcher, grimper, s’accroupir ou s’agenouiller conviendrait le mieux.

[34] En mars 2001, un consultant en réadaptation et le Dr Kelley ont confirmé la capacité de l’appelant à se recycler dans un emploi adapté.

[35] L’intimé soutient que la capacité de l’appelant de faire une formation de perfectionnement démontre qu’il devait aussi avoir une capacité de travail pour certains types d’emploi. L’appelant a démontré d’importantes capacités intellectuelles, physiques et psychologiques en suivant avec succès le programme de perfectionnement en conception graphique en 2014.

[36] Même si l’appelant n’est peut-être pas capable de retourner occuper son ancien emploi ou un autre emploi journalier, ses limitations ne l’empêchent pas d’occuper tous les types d’emploi, y compris un emploi sédentaire. La gravité d’une invalidité ne dépend pas de l’incapacité du requérant à occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité à exécuter quelque travail que ce soit (Klabouch c. Canada (MDS), 2008 CAF 33).

[37] L’appelant soutient avoir suivi une formation de perfectionnement en arts graphiques dans le but de devenir apte à occuper un emploi à la lumière de ses limitations continues, mais les emplois dans ce domaine sont rares et il n’a pas réussi à en trouver. Lorsqu’il existe des preuves de capacité au travail, l’appelant doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G), 2003 CAF 117). Aucun élément de preuve établissant qu’il y a eu une tentative infructueuse de retourner sur le marché du travail n’a été présenté.

[38] Des facteurs socio-économiques, comme les conditions du marché du travail, ne sont pas pertinents dans une décision visant à déterminer si une personne est invalide. Il faut considérer la notion d’emploi véritablement rémunérateur du point de vue de la situation personnelle de l’appelant, et non en fonction de ce qui est offert sur le marché du travail (Canada (MDRH) c. Rice, 2002 CAF 47).

[39] Bien que que personne ne remet en question le fait que l’état de santé physique et psychologique de l’appelant entraînement des limitations à celui-ci ainsi que des limitations fonctionnelles, après avoir examiné l’ensemble de la preuve présentée, le Tribunal n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant souffre d’une invalidité grave selon les critères du RPC.

Caractère prolongé

[40] Puisque le membre a déterminé que l’invalidité de l’appelant n’était pas grave, il n’est pas nécessaire de rendre une décision concernant le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[41] L’appel n’est pas accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.