Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 20 janvier 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») a rendu une décision dans laquelle elle refusait au demandeur une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler de cette décision (la « Demande »).

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Les appels interjetés à l’encontre de décisions de la division générale sont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »). Ce sont les paragraphes 56(1) et 58(3) de cette loi qui régissent la permission d’en appeler, prévoyant qu’« [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission. »

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS stipule que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Les moyens d’appel admissibles sont énoncés au paragraphe 58(1). Ils comprennent les manquements à la justice naturelle, les erreurs de droit et les erreurs de fait.Note de bas de page 1 Ce sont là les seuls moyens d’appel prévus par la loi.

Observations

[6] L’avocate du demandeur plaide que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle et a commis des erreurs de droit en omettant d’admettre certains documents ayant été déposés après l’expiration du délai prévu pour déposer des documents, en n’accordant pas une importance suffisante à ces documents et en tenant audience par téléconférence.

[7]  L’avocate plaide aussi que la division générale a commis une erreur de droit en se fiant uniquement à l’absence de preuve médicale objective pour étayer ses conclusions. En outre, l’avocate du demandeur plaide que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, y compris les documents présentés tardivement.

Analyse

[8] Les demandes de permission d’en appeler constituent la première étape du processus d’appel. Le critère est moins rigoureux que celui qui doit être appliqué à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour qu’une permission d’en appeler soit accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable susceptible de faire accueillir l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF).

[9] La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les motifs de la Demande se rattachent à un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

Erreurs de droit alléguées

[10] L’avocate du demandeur se plaint de ce que la division générale a commis une erreur de droit en [traduction] « se fiant uniquement à l’absence de preuve médicale objective pour étayer ses conclusions et n’a pas accordé l’importance voulue à la preuve médicale qui confirmait que les problèmes psychologiques et comportements axés sur la douleur de l’appelant avaient sensiblement entraîné et aggravé les affections médicales de l’appelant. » Essentiellement, il s’agit d’une plainte sur la façon dont la division générale a apprécié la preuve qui lui était soumise.

[11] Le Tribunal juge que la plainte n’est pas appuyée par la décision.

[12] La date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) du demandeur est le 31 décembre 2010. Le demandeur s’est lui-même infligé des blessures le 28 octobre 2008 et a cessé de travailler en décembre 2008. Il a consulté un certain nombre de médecins au cours de la période comprise entre la date de sa blessure et la date de fin de sa PMA, notamment un psychologue qu’il a vu d’avril 2009 à avril 2010. La division générale note que le psychologue a conclu que le demandeur avait un trouble de la douleur et un état dépressif modéré. En août 2010, le demandeur a aussi participé à un programme thérapeutique de cinq jours sur le contrôle de la douleur chronique. Les administrateurs de ce programme en sont arrivés à des conclusions semblables et ont recommandé que le demandeur participe à quinze autres séances.

[13] La division générale a conclu qu’avant la date de fin de sa PMA, le demandeur ne souffrait pas de dépression grave. Au paragraphe 73 de la décision, la division générale commente les conclusions du psychologue et fait observer que la dépression n’était pas énumérée comme une affection invalidante dans le questionnaire médical. En outre, pour en arriver à sa décision, la division générale a bel et bien tenu compte tant du témoignage du demandeur au sujet de son affection médicale que de la preuve médicale à laquelle l’avocate renvoyait (décision de la DG, GT-116799, par. 26 à 20). Il apparaît donc clairement que la division générale ne s’est pas uniquement fiée à l’absence de preuve médicale objective pour étayer ses conclusions. Dans ces circonstances, il ne s’agit pas d’un moyen qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[14] L’avocate du demandeur affirme aussi que la division générale a commis une erreur en se penchant sur la pertinence et le poids à accorder aux documents déposés en retard tout en refusant d’admettre lesdits documents tardifs qui renfermaient le dossier de POSPH du demandeur et la décision de verser des prestations au demandeur. Le Tribunal rejette cet argument. En premier lieu, le membre de la division générale a expressément exclu les documents déposés tardivement parce qu’il a conclu que, alors que ces documents ont été divulgués au Tribunal le 30 octobre 2014, le dossier du POSPH et la décision de ce programme d’accorder des prestations au demandeur étaient disponibles un an plus tôt. En deuxième lieu, le membre de la division générale a relevé une contradiction entre la date à laquelle le représentant d’alors du demandeur a dit que les documents avaient été envoyés au Tribunal et le contenu d’une lettre qui contredisait directement cette affirmation. Le membre de la division générale a aussi fait remarquer que le représentant d’alors du demandeur n’avait jamais déposé d’observations sur l’admissibilité des documents. Qui plus est, la discussion, par le membre de la division générale, de la pertinence des documents déposés tardivement et du poids à leur accorder a été avancée à titre subsidiaire, c’est‑à‑dire au cas où il aurait tort d’exclure les documents produits tardivement.

[15] Sur la foi du dossier, tel que décrit par le membre de la division générale aux paragraphes 17 à 19 de la décision, le Tribunal n’est pas convaincu que les documents présentés tardivement ont été exclus à tort. En deuxième lieu, même si l’avocate de l’appelant soutient que le critère du POSPH fait intervenir une déficience importante et des limitations importantes et pas simplement une déficience, comme l’a dit le membre, ce qui pourrait fort bien être le cas, il reste que, dans son analyse, le membre de la division générale a souligné et invoqué les différences entre les critères du POSPH et ceux du RPC concernant l’admissibilité à une pension d’invalidité. Il a conclu que les critères du RPC étaient plus rigoureux pour ce qui est d’être admissible à des prestations; par conséquent, la décision du POSPH n’était pas utile au membre pour déterminer si le demandeur satisfaisait aux critères du RPC relatifs à l’invalidité grave et prolongée.

[16] L’arrêt Halvorsen c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CAF 377, est généralement cité pour étayer la proposition selon laquelle la décision d’accorder ou non des prestations au titre d’un régime provincial n’est pas pertinente à une détermination d’admissibilité à des prestations d’invalidité du RPC à moins que l’on puisse établir que les critères d’admissibilité soient identiques dans les deux régimes. Au surplus, le Tribunal n’est pas convaincu, ainsi que l’avocate du demandeur l’a soutenu, que la décision rendue dans l’affaire Birtch c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), (2003) CP18930 (CAP), modifie sensiblement cette position. Birtch est une décision de la CAP, tandis qu’Halvorsenest tout à la fois une décision rendue ultérieurement et un arrêt de la Cour d’appel fédérale que le Tribunal est tenu de suivre. Ainsi, compte tenu de la conclusion du membre de la division générale que les critères auxquels satisfaire pour avoir droit à des prestations diffèrent sensiblement entre les deux régimes, le Tribunal est convaincu que le membre de la division générale n’a pas commis d’erreur dans sa position subsidiaire que l’on devait accorder peu de poids aux documents du POSPH déposés tardivement.

[17] Il vaut de mentionner qu’en réponse aux questions du Tribunal, l’avocate du demandeur a plaidé que la décision Birtch ainsi que les paragraphes 1.3 et 1.3.1 de la composante no 5 du Cadre d’évaluation de l’invalidité du RPC appuyaient la position du demandeur selon laquelle la division générale aurait dû, dans sa décision, tenir compte des documents et de la décision du POSPH. Étant un organisme indépendant, le Tribunal n’est pas convaincu que le Cadre d’évaluation de l’invalidité du RPC, qui est un document préparé à l’intention des employés de l’intimé et dans le but de guider le processus décisionnel, a pu peser de façon significative dans la décision de la division générale d’admettre ou non des documents particuliers.

Erreurs de fait alléguées

L’avocate du demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur un certain nombre de conclusions de fait erronées qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, principalement les documents déposés tardivement, y compris la décision du Tribunal de l’aide sociale (TAS) de l’Ontario. L’avocate s’est beaucoup appuyée sur la décision du TAS pour faire cette observation (AD1-9-11). Compte tenu des conclusions tirées par la division générale concernant les exigences plus strictes auxquelles il faut satisfaire pour qu’il soit conclu à l’existence d’une invalidité grave en vertu du RPC, le Tribunal estime que la décision du TAS n’est pas convaincante en ce qui concerne la décision de la division générale. Ainsi, la décision de la division générale, dans la mesure où elle a fait la distinction entre les décisions du TAS et les décisions rendues en vertu du RPC, n’est pas fondée sur des conclusions de fait erronées.

[18] De plus, en ce qui concerne les erreurs au sujet du rapport du Dr Jhawar que la division générale aurait commises aux dires de l’avocate, le Tribunal est d’avis que, comme le Dr Jhawar est un spécialiste de la neurochirurgie, on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il commente les autres problèmes dont le demandeur pouvait être affecté. Ainsi, il n’y a pas d’erreur dans la façon dont la division générale a traité le rapport du Dr Jhawar et le Tribunal n’est pas convaincu que les erreurs de fait alléguées soulèvent des moyens qui pourraient conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

Manquements allégués à la justice naturelle

[19] L’avocate du demandeur plaide que la division générale a manqué à la justice naturelle en tenant audience par voie téléphonique plutôt qu’en personne. En réponse à la demande du Tribunal de produire un fondement juridique ou autre à l’appui de cette thèse, l’avocate a présenté deux études qui visaient à démontrer en quoi l’utilisation de la technologie dans une salle d’audience pouvait être préjudiciable à un défendeur ou un demandeur. Le Tribunal ne disconvient pas de ce que, dans certains cas, le fait qu’une audience ne soit pas tenue en personne puisse être préjudiciable à certaines parties, mais il n’est pas convaincu que ce soit le cas ici.

[20] L’avocate du demandeur soutient qu’il aurait été utile au membre de la division générale de voir le demandeur en personne. La division générale avait avisé les parties qu’elle avait l’intention de tenir audience par téléconférence le 1er décembre 2014 (GT0b, voir aussi l’avis antérieur en GT0a). Ni l’une ni l’autre des parties ne s’est opposée à ce que l’audience soit tenue par téléconférence. En fait, l’intimé avait demandé à ce que l’audition du cas se fasse par écrit (GT-4). Le demandeur a été représenté par une avocate tout au long de la procédure devant le Tribunal; or, durant l’audience, ni le demandeur ni son avocate n’a soulevé d’objection quant à la tenue de l’audience par téléconférence. Dans l’arrêt Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), la Cour d’appel fédérale a clairement statué que de telles objections devaient être soulevées par l’appelant à la première occasion qui lui était donnée de le faire.Note de bas de page 2 En temps normal, cela se ferait pendant le déroulement de l’audience. Le juge Evans (s’exprimant au nom de la Cour) dans Benitez a dit ceci :

[31] Un appelant ne peut généralement pas soulever de nouvelles questions en appel parce que la cour d’appel serait alors obligée de se prononcer sur une question sans bénéficier de l’opinion du tribunal inférieur. Le rôle d’une cour d’appel se limite généralement à examiner la décision de l’instance inférieure pour déterminer si une erreur justifie l’infirmation de cette décision.

[21] Ainsi, le demandeur ne saurait maintenant s’opposer à la tenue d’une audience par téléconférence. De plus, alors que l’audience devant le Tribunal de l’aide sociale était une audience orale, le Tribunal n’a aucun moyen d’évaluer les raisons pour lesquelles le TAS a opté pour ce mode d’audience, tandis que la téléconférence est expressément mentionnée comme étant l’un des modes par lequel le Tribunal de la sécurité sociale peut tenir audience.

[22] De plus, même si l’audience avait été tenue en personne, ce mode n’aurait pas, à lui seul, aidé la division générale à brosser un portrait exact de l’état physique du demandeur à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2010, puisque l’audience a été tenue près de quatre ans après la fin de la PMA. Le plus que la division générale aurait été en mesure de déduire au sujet de la condition physique du demandeur si elle l’avait vu durant l’audience aurait concerné l’état actuel du demandeur, et non son état il y a quatre ans. Le demandeur pouvait fort bien souffrir d’une invalidité grave à la date de l’audience, mais de le voir durant l’audience n’aurait pas nécessairement permis d’établir qu’à la date de fin de sa PMA ou avant, il souffrait d’une invalidité grave et prolongée. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le fait que la division générale ait tenu audience par téléconférence ne constitue pas un manquement à la justice naturelle.

La division générale s’est‑elle fiée uniquement à l’absence d’une preuve médicale objective?

[23] L’avocate du demandeur prétend que la division générale s’est fiée uniquement à une absence de preuve médicale objective pour tirer sa conclusion que le demandeur ne souffrait pas d’une invalidité grave. Bien que l’on ait déjà discuté de cette allégation un peu plus haut, le Tribunal aimerait ajouter que, à son avis, la décision vient réfuter cette prétention. Dans la section « Analyse » de la décision, le membre de la division générale analyse le contenu des divers rapports médicaux. Cependant, les conclusions que le membre tire au sujet de la gravité des affections médicales du demandeur ne s’appuient pas uniquement sur la preuve médicale. Le membre a clairement tenu compte du témoignage de vive voix du demandeur sur les raisons pour lesquelles il est invalide (décision de la DG – GT-116799, paragraphes 67, 71 et 75). En dernière analyse, après avoir apprécié les conclusions des divers rapports médicaux par rapport à la déclaration subjective du demandeur au sujet de son invalidité, le membre de la division générale a préféré la preuve médicale objective au témoignage du demandeur, ce qui lui était indéniablement permis de faire. Le membre a fourni une explication raisonnable des raisons qui lui faisaient préférer la preuve médicale objective. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Conclusion

[24] L’avocate du demandeur a présenté nombre d’arguments qui, a‑t‑elle soutenu, militent en faveur d’une décision accueillant la Demande. Ayant examiné les arguments, le Tribunal n’est pas convaincu que l’un ou l’autre de ces arguments ait révélé une cause défendable. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès.

[25] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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