Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur s’est blessé au pied droit lors d’un accident de véhicule à moteur. Il a soutenu qu’il était devenu invalide à cause de cette blessure et de blessures à l’épaule gauche, au dos et au coude droit lorsqu’il a fait une demande de pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté sa demande initiale ainsi que sa demande de révision. Le demandeur a interjeté appel au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Cet appel a été renvoyé à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu une audience par conférence téléphonique et rejeté l’appel le 30 mai 2015.

[2] Le demandeur a demandé la permission d’en appeler de cette décision à la division d’appel du Tribunal. Il a allégué que la division générale avait erré dans l’appréciation des faits et en droit et qu’elle avait enfreint les principes de justice naturelle.

[3] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Analyse

[4] Pour se voir accorder la permission d’en appeler, le demandeur doit avoir une cause défendable en appel : Kerth c. Canada (ministre du Développement) [1999] A.C.F. no 1252 (C.F.). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 58 de la Loi établit les seuls moyens d’appel pouvant être pris en considération aux fins de l’octroi d’une permission d’en appeler d’une décision de la division générale (ces moyens sont énoncés en annexe de la présente décision). Par conséquent, je dois déterminer si le demandeur a présenté un moyen d’appel qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

[6] Le demandeur a énuméré de nombreux moyens d’appel dans sa demande de permission d’en appeler. Premièrement, il a soutenu que la division générale avait erré en ne tenant pas compte adéquatement de la documentation médicale et qu’elle n’avait pas évalué l’incidence de toutes les blessures subies par le demandeur. La division générale est juge des faits. Il lui revient d’examiner la preuve des parties, de l’évaluer et de rendre une décision fondée sur les faits et le droit. La décision résume la preuve médicale. D’autres éléments de preuve ont aussi été pris en considération aux fins de cette décision. Il ne revient pas à la division d’appel, lorsqu’elle doit déterminer s’il y a lieu d’accorder une permission d’en appeler, d’évaluer la preuve à nouveau pour tirer des conclusions différentes (voir Misek c. Canada [Procureur général] 2012 C. F. 890). Ce moyen d’appel n’a pas de chance raisonnable de succès.

[7] De même, l’argument du demandeur selon lequel la division générale s’est trop attardée à son diagnostic et au fait qu’il avait été traité par son médecin de famille plutôt que par des spécialistes doit être rejeté puisqu’il appartient à la division générale de soupeser cette preuve.

[8] Le demandeur a aussi soutenu que la division générale n’a pas tenu compte de sa crédibilité. Par conséquent, affirme-t-il, il n’a pas eu droit à une audience équitable. Il n’est pas nécessaire pour la division générale de tirer des conclusions précises au sujet de la crédibilité d’un demandeur et de les exposer dans sa décision. Elle n’a pas erré à cet égard. De plus, le poids accordé à la déposition d’un témoin n’est pas déterminant quant à la question de savoir si une partie à une procédure a eu droit à une audience complète et équitable. Rien n’indique que le demandeur n’a pas été en mesure de faire valoir complètement sa cause ou de réfuter les arguments de la partie adverse. Par conséquent, l’argument du demandeur voulant qu’il n’ait pas eu droit à une audience juste n’a pas de chance raisonnable de succès en appel.

[9] Le demandeur a aussi affirmé que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage de manière adéquate. La division générale a résumé la preuve écrite et verbale. Cela comprend les rapports médicaux et la preuve écrite et verbale présentée par le demandeur. La Cour d’appel fédérale a déterminé que le tribunal est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée. Il n’est pas nécessaire que chaque élément de preuve soit mentionné dans la décision écrite (Simpson c. Canada [Procureur général] 2012 CAF 82). Le demandeur n’a produit aucun élément de preuve qui pourrait servir à réfuter cette présomption. Cela ne constitue donc pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[10] Le demandeur a aussi expressément allégué que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte de son témoignage sur ses capacités fonctionnelles et sans y faire référence dans sa décision. Il est indiqué dans cette décision que le demandeur utilise parfois une canne et qu’il a de la difficulté à monter des escaliers, à marcher, à soulever des objets et à dormir et l’on y décrit aussi les problèmes que rencontre le demandeur lorsqu’il nettoie des piscines. Cette preuve a été prise en considération au moment de rendre la décision. Ce moyen d’appel n’a pas lui non plus de chance raisonnable de succès.

[11] Le demandeur a aussi allégué que la division générale a erré en n’appliquant pas la formule indiquée dans la version actuelle du Règlement sur le Régime de pensions du Canada pour déterminer si le demandeur gagnait un revenu véritablement rémunérateur. On rappelle à l’avocat du demandeur que ce règlement s’applique uniquement à une demande de pension d’invalidité déposée après mai 2014. Le demandeur a fait une demande de pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada en janvier 2011. La division générale n’a donc pas erré en ne faisant pas référence à ce règlement. Cette allégation n’est pas un moyen d’appel.

[12] Le demandeur a également soutenu que la décision de la division générale n’était pas suffisamment motivée. Il n’a pas expliqué en quoi les motifs exposés étaient insuffisants. Après avoir lu la décision, je conclus qu’elle informe les parties des motifs qui la sous-tendent, qu’elle en permet l’examen efficace aux fins d’un appel et que le Tribunal s’est acquitté de son obligation de rendre compte au public. Voilà à quoi servent les motifs écrits (R. c. Sheppard, 2002 CSC 26). L’argument ne donne lieu à aucun moyen d’appel qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

[13] Le demandeur a déclaré à juste titre dans sa demande de permission d’en appeler que la division générale devait accorder au demandeur le droit à une audience équitable. Il a allégué que la division générale aurait dû lui donner [traduction] « l’occasion de se faire entendre et lui indiquer les motifs de sa décision. » Le sens de ce moyen d’appel n’est pas clair. Dans Pantic c. Canada (Procureur général) 2011 CF 591, la Cour fédérale conclut qu’on ne peut dire d’un moyen d’appel qu’il a une chance raisonnable de succès s’il n’est pas clair. Par conséquent, ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[14] Si le demandeur voulait soutenir qu’il n’a pas eu droit à une audience équitable étant donné que cette audience a été tenue par conférence téléphonique plutôt qu’en présence physique des parties, cet argument est aussi voué à l’échec. L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale habilite le Tribunal à tenir des audiences par écrit, par conférence téléphonique ou vidéoconférence ou d’autres moyens de télécommunications, ou par comparution en personne des parties. Le membre de la division générale choisit le mode d’audience. Le demandeur n’a pas laissé entendre que le membre de la division générale avait pris cette décision de façon inappropriée. Il n’a pas allégué qu’il n’avait pas pu présenter sa cause à l’audience ou que quiconque s’était comporté de façon telle que les parties n’avaient pas pu participer pleinement à l’audience et y présenter sa cause.

[15] Le demandeur a allégué deux moyens d’appel qui pourraient avoir une chance raisonnable de succès. Premièrement, il a affirmé que la division générale avait erré en appliquant mal le principe juridique énoncé dans Inclima c. Canada (Procureur général) 2003 CAF 117. Dans cette affaire, la Cour a conclu que si un prestataire a la capacité de travailler, il doit démontrer qu’il n’a pas été en mesure de trouver ou de conserver un emploi à cause de son invalidité. Toutefois, un prestataire qui donne une explication raisonnable à la question de savoir pourquoi il n’a pas cherché un autre emploi (par exemple, il avait toujours la possibilité de reprendre son ancien emploi) ne sera peut-être pas tenu de prouver qu’il a fait des démarches pour trouver un autre emploi (voir Boyle c. ministre du Développement des ressources humaines [10 juin 2003], CP18508). Dans l’affaire qui nous occupe, la division générale a retenu le principe juridique établi dans la décision Inclima, mais n’a pas tenu compte des possibles explications raisonnables justifiant de ne pas avoir tenté de trouver un autre emploi. Cela est peut-être une erreur de droit et par conséquent, le moyen d’appel a peut-être une chance raisonnable de succès.

[16] Si le demandeur souhaite s’appuyer sur cet argument à l’audience de l’appel, il devrait fournir la transcription de l’audience de la division générale.

[17] Enfin, le demandeur a allégué que la décision de la division générale contenait une erreur de droit, car la position du demandeur n’y était pas évaluée dans un [traduction] « contexte réaliste », comme indiqué dans Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. La décision de la division générale n’a pas fait référence à l’affaire Villani ni analysé le profil personnel du demandeur parallèlement à ses troubles de santé avant de déterminer qu’il n’était pas invalide aux termes du Régime de pensions du Canada. Ceci est une erreur de droit. Ce moyen d’appel a aussi une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[18] Pour ces motifs, je suis convaincue que le demandeur a présenté au moins un moyen d’appel susceptible d’avoir une chance raisonnable de succès. La demande est accueillie.

[19] La décision d’accueillir la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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