Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demande de prestation d’invalidité présentée par l’appelante au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) a été estampillée par l’intimé le 12 mars 2012. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a porté la décision de révision en appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR), et cet appel a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) en avril 2013.

[2] Pour cet appel, l’appelante est représentée par la faculté de droit Queen’s Legal Aid.

[3] L’audience du présent appel a été tenue au moyen de questions et réponse pour les motifs suivants :

  1. Ce mode d’audience est celui qui permet le mieux à plusieurs personnes de participer ;
  2. Ce mode d’audience permet d’accommoder les parties ou participants ;
  3. Les questions en litige ne sont pas complexes ;
  4. Il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications ;
  5. La crédibilité ne figure pas au nombre des questions principales ;
  6. Le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[4] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013 qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[5] L’alinéa 44(1)b) du RPCénonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans ;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC ;
  3. c) est invalide ;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Au moment où sa demande a été reçue en mars 2012, le relevé d’emploi (RE) de l’appelante indiquait que sa dernière cotisation était en 2011. Dans ses observations, l’intimé à GT9-7 a fourni un RE mis à jour indiquant des cotisations valides jusques et y compris 2014. D’après le RE mis à jour, l’appelante avait bel et bien des cotisations valides de 1988 à 2014. Conformément au sous-alinéa 44(2)a)(i.1) du RPC, calculant trois des six dernières années pendant 25 ans de cotisations, le Tribunal conclut que la date de fin de la PMA de l’appelante est le 31 décembre 2017.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si, selon toute vraisemblance, l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de la décision du Tribunal ou avant cette date.

Preuve

[10] L’appelante avait 47 ans à la date de la décision, et aura 49 ans à la date de fin de sa PMA. Elle a obtenu son diplôme d’études secondaires de l’Ontario en juin 1998 après avoir quitté l’école en dixième année. Elle a également suivi un cours de deux ans en design graphique, a obtenu un diplôme en administration pour des cabinets médicaux du Collège Saint-Laurent en avril 2003, a suivi un cours de coiffure d’un an ainsi qu’un cours de huit mois pour devenir une aide en soins de santé.

[11] Elle a été embauchée en tant que secrétaire/adjointe de bureau du 27 octobre 2006 au 4 mars 2010. Du 16 mars au 19 juillet 2011, elle a travaillé comme planificatrice/commis aux dossiers et à la dotation à la maison de retraite Rideaucrest Nursing Home. Elle indique qu’elle a été licenciée parce qu’elle ne [traduction] « s’intégrait » pas bien. L’appelante a également indiqué qu’elle a reçu des prestations d’assurance-emploi du 27 juin 2010 au 25 juin 2011.

[12] L’appelante indique dans le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité qu’elle a rempli le 24 avril 2012 qu’elle devait effectuer un travail léger ou différent à cause de son état de santé. Elle a indiqué qu’elle était restreinte à un travail de bureau, car elle n’était pas capable de se pencher ou de soulever rapidement des objets en raison d’étourdissements et de vertige. Elle s’est fait offrir un type différent de poste, car celui-ci lui permettait d’avoir accès à la lumière du jour et non pas uniquement à des ampoules fluorescentes, ce qui ne lui convenait pas.

[13] Elle a indiqué que son médecin lui avait dit qu’elle pouvait retourner au travail lorsqu’elle se sentirait assez bien, et elle a donc essayé. Elle indique qu’elle compte retourner au travail ou se chercher du travail dans un avenir proche, mais uniquement à l’aide de Frontenac County Mental Health (Santé mentale du comté de Frontenac). Elle n’avait aucune intention de retourner travailler pour son ancien employeur, mais elle indique qu’elle commencera à se chercher un nouvel emploi en 2012.

[14] L’appelante indique que ses maladies sont les suivantes :

  1. Maladie de Ménière. Les symptômes sont de l’acouphène continu dans l’oreille droite, des étourdissements à intermittence chaque jour et des nausées à intermittence chaque jour.
  2. Syndrome d’Asperger. Il s’agit d’une forme d’autisme qu’elle a eu toute sa vie.

[15] Elle indique que ces conditions l’empêchent de travailler, car la maladie de Ménière lui cause des bourdonnements incessants dans son oreille et qu’elle ne peut pas se concentrer. Elle a également des maux de tête, des étourdissements et des nausées. L’appelante affirme que le syndrome d’Asperger a fait en sorte qu’elle a perdu tous les emplois qu’elle a eus. Les gens ont de la difficulté à la comprendre. Elle est mal comprise. Elle a des difficultés à apprendre. Elle peut apprendre, mais elle a besoin de temps pour le faire, et elle affirme qu’elle est différente des gens normaux, et que pour cette raison, on a tendance à ne pas lui donner la chance d’essayer.

[16] En outre, elle a des troubles gastro-intestinaux depuis les cinq dernières années. Elle fait valoir qu’elle doit faire attention à ce qu’elle mange, et parfois, elle n’a aucune idée de ce qui cause ma diarrhée. Ces habitudes alimentaires peuvent également se détériorer à cause de cela, car elle est toujours incertaine de ce qu’elle peut manger.

[17] Lorsqu’elle a décrit les activités qu’elle a dû cesser, l’appelante a indiqué qu’elle n’avait plus l’endurance qu’elle avait auparavant. Elle semblait ne pas être capable de se sentir de bonne humeur et réveillée, même si elle dormait huit heures d’affilée. Elle avait maintenant peur de faire du ski de descente. Elle a fait du ski toute sa vie, mais elle a arrêté il y a cinq ans. Elle était trop étourdie, et elle avait trop peur de tomber. Elle aimerait faire du bénévolat, et elle en a fait pour sa ville pendant quatre années, mais elle ne s’en sent plus capable.

[18] L’appelante soutient que souffre de difficultés et limitations fonctionnelles suivantes : Elle a eu un grave accident de voiture et doit avoir un bureau et une chaise ergonomiques pour être confortable. Pour ce qui est de marcher, la maladie de Ménière lui cause des problèmes de genoux. Pour ce qui est de soulever et transporter des charges, s’étirer et se pencher, l’appelante indique que durant [traduction] « une attaque » de Ménière, elle ne peut rien faire. Elle ne prend plus soin d’elle-même à moins qu’elle doive aller travailler. De la méfiance envers les autres fait en sorte qu’elle a de la difficulté à établir des relations de travail. Elle semble avoir un problème de selles molles depuis ses problèmes gastro-intestinaux qui sont apparus il y a de cela environ cinq ans. L’entretien ménager de sa maison se détériore lorsqu’elle est déprimée ou anxieuse. Il y a un cillement fort (parfois extrêmement fort) dans son oreille droite en tout temps. Parfois, elle n’est pas capable de bien s’exprimer à l’oral ce qu’elle pense. Elle n’est pas toujours en mesure de contrôler les commentaires qu’elle fait aux autres, et ceux-ci peuvent être blessants. Cependant, elle dit qu’elle ne peut pas toujours prédire si le commentaire sera blessant à moins de le dire à voix autre. Elle a des problèmes précis de mémoire, lesquels se sont détériorés au cours des cinq dernières années, et cela lui pose des difficultés majeures. Elle a des problèmes constants de concentration. Elle doit être seule sans interruption, être capable de recevoir de la lumière de l’extérieur et ne peut pas du tout se trouver dans un endroit bruyant et rempli de monde. Elle a consommé beaucoup de somnifères au cours des 10 dernières années. Si elle n’est pas médicamentée, elle ne peut pas dormir. En ce qui a trait à la conduite automobile, elle a des problèmes de concentration. Elle doit mémoriser les routes pour être certaine. En ce qui concerne le transport en commun, elle était inquiète des odeurs, des microbes, des foules et de la pression de la part du monde extérieur pour de l’attention. Elle se sent plus à l’aise lorsqu’elle reste à l’intérieur, loin des autres.

[19] Elle a indiqué que la Dre Sabina Sladic est sa nouvelle médecin de famille, car son autre médecin a pris sa retraite après 26 ans de pratique.

[20] L’appelante indique que les médicaments qu’elle prenait au moment où elle a présenté sa demande étaient les suivants : Demulen 30.1 tablette quotidiennement, Cipralex 20 mg quotidiennement, Seroquel 25 mg tous les soirs, Oxazapam 45 mg le soir au besoin.

[21] En ce qui concerne la question de réadaptation professionnelle, l’appelante a indiqué qu’elle était prête à subir une évaluation, mais elle a indiqué qu’elle était en réadaptation psychiatrique à cette époque avec Frontenac County Mental Health (Santé mentale du comté de Frontenac). Auparavant, elle a suivi un programme de réadaptation pendant un an après avoir subi une chirurgie à l’épaule.

[22] Preuve médicale

[23] L’appelante a présenté de nombreux rapports à l’appui de ses différents problèmes médicaux de 2003 à 2013. Le Tribunal décrit ces rapports afin de démontrer les nombreuses consultations qu’a effectuées l’appelante.

[24] Les notes du Dr Joe Burley datées du 8 janvier 2003 ont été présentées comme éléments de preuve. Elles indiquent que l’appelante était une étudiante au collège âgée de 34 ans qui suivait un cours d’aide en soins de santé d’une durée de deux ans. Après avoir terminé son cours, elle espérait se trouver un emploi dans un hôpital. Avant cela, elle a aimé être infirmière dans une maison de retraite. Elle aimait les liens qu’elle avait avec les personnes âgées, et elle a arrêté, car cela ne rapportait pas assez d’argent et causait des dommages à sa voiture. La journée avant d’aller voir le Dr Burley, une relation de deux mois s’est terminée.

[25] L’appelante s’est fait référer au Dr Burley à cause d’une dépression et elle a indiqué qu’elle a eu son premier épisode de dépression en 1996 après qu’une relation de 10 ans ait pris fin. Cet épisode dépressif a duré un an, et elle a indiqué qu’elle n’a plus jamais été la même depuis cela. Elle a signalé que son humeur n’a pas été bonne depuis octobre, malgré le fait qu’elle prenait du Celexa, et elle croyait que c’était parce qu’elle réalisait de plus en plus que sa vie [traduction] « est nulle ». L’appelante a indiqué au Dr Burley qu’elle a consulté deux professionnels de la santé mentale, mais elle trouvé cela infructueux et a arrêté après quelques séances. Elle aimerait aller en thérapie. Elle a indiqué qu’elle buvait trop, et qu’elle devrait arrêter de boire. Elle utilisait l’alcool comme moyen d’effacer ses problèmes, et elle allait au bar presque tous les vendredis soirs pour boire jusqu’à la fermeture. Elle faisait cela par ennui et afin d’interagir socialement. Elle a arrêté de fumer le mois passé, après avoir fumé pendant 15 ans. Elle n’avait pas de programme d’exercice périodique.

[26] Le diagnostic du Dr Burley était celui d’une dépression avec abus de substances de façon intermittente, un trouble de la personnalité limite, de faibles compétences interpersonnelles et de l’isolement social. Il l’a référé au service des troubles de la personnalité de l’hôpital Kingston Psychiatric Hospital, il a augmenté sa dose de Citalopram à 30 mg par jour pendant deux semaines, qui pourrait être augmentée à 40 mg s’il n’y a aucun changement, Trazadone mg au coucher pour aider à dormir, et si cela n’est pas efficace, essayer l’Oxazepam 30 mg pendant deux mois.

[27] Le Dr S. McNevin, psychiatre au service des troubles de la personnalité du Providence Continuing Care Centre (Centre de soins prolongés Providence), a effectué sa première évaluation de l’appelante le 18 février 2003. À cette époque, elle était étudiante à temps plein au Collège Saint-Laurent et elle en était à la deuxième année de son programme d’aide en soins de santé. Elle habitait seule dans un appartement qu’elle payait à l’aide de l’argent qu’elle a reçu de l’héritage de son père adoptif. Elle était alors très isolée et elle avait des antécédents de dépression et de difficultés interpersonnelles. Elle a été référée au Dr McNebin, car elle se sentait très seule, elle se sentait coincée et incapable de nouer de bonnes relations sociales.

[28] On lui a d’abord prescrit l’antidépresseur Citalopram, initialement à 20 mg, ce qui a par la suite été augmenté à 30 puis finalement, à 40 mg. Cela a amélioré son humeur. Elle a des problèmes continus de sommeil, et a insisté pour avec des somnifères réguliers. On lui a d’abord prescrit de l’Oxazepam, et à cause des inquiétudes de son aide familial, on lui a prescrit du Trazodone, lequel n’a pas aidé. Au moment de l’évaluation, elle prenait de l’Oxazepam. Sans ce médicament, elle souffre d’insomnie modérée et matinale. Elle a des idéations suicidaires depuis longtemps, et n’a aucun plan ou aucune intention d’y remédier, mais elle sent d’une certaine manière que la mort serait un soulagement et qu’elle ne manquerait à personne.

[29] De plus, elle a depuis longtemps des problèmes d’élocution. Elle a beaucoup de difficultés à s’exprimer. Elle sait ce qu’elle veut dire, mais les bons mots ne semblent pas lui venir en tête. Cela semble être lié à ses difficultés à atteindre la vitesse de frappe requise pour terminer son programme de formation et obtenir un emploi dans le domaine de l’administration médicale. Cela était frustrant pour elle.

[30] Au moment de son évaluation, elle voulait en faire pour régler ses problèmes, plus particulièrement pour résoudre ses problèmes liés à ses relations interpersonnelles. En 1982, elle a participé à une thérapie familiale pendant quelques mois, mais l’appelante a estimé que la thérapie s’était arrêtée parce que le thérapeute a reconnu qu’elle n’avait pas de problème. En plus de l’épisode dépressif de 1996 énoncé précédemment, elle a récemment eu un autre épisode en octobre 2002, et elle a vu le Dr Burley en janvier 2003, lequel fournissait des soins psychiatriques sous le même modèle de soins que son médecin de famille.

[31] Son cheminement, tel qu’énoncé par le Dr McNevin, révèle que l’appelante est née et a été élevée au Québec. Elle soutient que de grandes périodes de sa vie ont [traduction] « disparu de sa mémoire ». Elle a vécu avec des amis différents au fil du temps, et elle a fini par abandonner ses études. Au fil des ans, elle a réussi à obtenir son diplôme de 12e année, et au moment de l’évaluation, elle a informé le Dr McNevin qu’elle avait fait plus de cinq années de collège, participant généralement aux programmes avec succès. Elle a obtenu un permis de coiffeuse, a travaillé comme aide-soignante pendant cinq à six ans et a travaillé dans un bar pendant ses études.

[32] En se basant sur le DSM IV, le Dr McNevin a établi le diagnostic suivant pour l’appelante : Axe I — trouble dépressif majeur, récurrent, de gravité moyenne en rémission partielle ; demande de trouble cognitif à la suite d’une blessure à la tête ; un abus d’alcool. Axe II - troubles de la personnalité limite. Axe IV — problèmes avec le groupe de soutien principal et l’environnement social, éducationnel, professionnel, économique et problèmes d’accès aux soins de santé. Axe V — GAF 52. Le psychiatre a alors indiqué ce qui suit :

[traduction]

La patiente décrit plusieurs caractéristiques d’un trouble de la personnalité. Il semblerait que plusieurs de ces extrêmes ont été beaucoup moins apparents au cours des dernières années. Elle continue d’avoir un grand sentiment de solitude, de peur de l’abandon et est sensible aux risques de rejet [...] Ses relations interpersonnelles possèdent une certaine qualité qui porte les gens à comprendre pourquoi les autres pourraient la trouver comme étant une personne qu’ils aimeraient harceler ou qu’ils auraient de la difficulté à approcher ou avec qui il leur serait difficile de créer des liens d’amitié. Elle a tendance à jeter le blâme sur les autres et montre des signes d’idéalisation et de dévaluation. Elle se plaint d’instabilité affective, qui est maintenant aggravée par des épisodes dépressifs majeurs récurrents. Elle a également réagi positivement à son traitement actuel. Elle révèle des antécédents d’alcoolisme et demeure vulnérable à cela.

[33] Le Dr McNevin a recommandé certains tests de détection neuropsychologiques afin de déterminer si elle souffrait du syndrome postcommotionnel à la suite d’un traumatisme crânien subi dans un accident de la route à l’âge de 13 ans. Elle a également suggéré que l’appelante soit inscrite au Managing Powerful Emotions Program (Programme de gestions des émotions fortes) et au Chrysalis Day Hospital Program (Programme de l’Hôpital Chrysalis Day) pendant que les fournisseurs de soins de santé de sa communauté poursuivent leur rôle essentiel de gestion des soins qui lui sont prodigués.

[34] Le 20 février 2003, la Dre McNevin a envoyé son rapport au Dr Joe Burley ainsi qu’une copie à la Dre Elizabeth DuBois, et cela, à la suite de l’évaluation initiale de l’appelante. La psychiatre a noté que l’appelante était plus indemne que plusieurs clients qui ont participé au Chrysalis Day Hospital Program (Programme de l’Hôpital Chrysalis Day). L’appelante a indiqué que c’était son choix de retourner à un travail rémunéré à temps plein le plus tôt possible. Bien qu’ils aient considéré cela comme étant un objectif louable et non comme quelque chose avec laquelle interférer, ils ont estimé qu’elle pourrait encore bénéficier de certains services qu’ils offrent, notamment, du groupe de gestions des émotions fortes qui commencé en septembre. Une autre recommandation qu’ils ont faite était qu’ils examinent rapidement s’il y avait une possibilité de déficits cognitifs qui contribueraient à certaines des difficultés de l’appelante. La psychiatre a noté que certains troubles cognitifs mineurs sont communs aux individus atteints de troubles de la personnalité, et que d’être conscient de ces troubles cognitifs peut souvent aider à la thérapie, à l’adaptation au travail et au placement professionnel. Il était également indiqué qu’à cette époque, l’appelante avait beaucoup de difficulté à taper le minimum de 55 mots par minute requis pour l’emploi. Puisque le Centre n’offre que des programmes de groupes, le Dr McNevin a refusé de la prendre comme patiente et a suggéré qu’un autre médecin gère les soins prodigués à l’appelante.

[35] Les Dr Lawrence Hookey et Eric Raddatz, de la division de la gastro-entérologie de l’Hôpital Hôtel-Dieu, ont rencontré l’appelante le 7 novembre 2007, à la recommandation de son médecin de famille à l’égard d’un épisode de diarrhée. Elle a eu un épisode de diarrhée d’environ 6 semaines au cours des mois de juin et de juillet. Après avoir demandé les antécédents médicaux de l’appelante, elle a subi un examen et semblait bien aller. Son abdomen était souple, non douloureux et il n’y avait aucune présence de masses palpables. Il y avait présence de bruits intestinaux et il n’y avait pas d’hépatosplénomégalie. Les médecins ont conclu que cela a été un épisode aigu de diarrhée, et que cela a été réglé. L’explication la plus probable à laquelle ils ont pensé est la gastro virale avec certains éléments du syndrome du côlon irritable post-infectieux. Elle se sentait mieux même son transit intestinal n’était pas complètement de retour à la normale. Ils lui ont fait passer des tests sanguins et des tests de la fonction hépatique afin d’écarter la possibilité d’autres pathologies, et ils ont indiqué qu’ils feraient un suivi quatre mois plus tard.

[36] Le 3 décembre 2007, le Dr Russell Hollins, oto-rhino-laryngologiste, a rencontré l’appelante après que le Dr Robert Bryson l’ait référée en raison de changements soudains au niveau de son ouï. La journée après être tombée sur ses genoux et ses poignets alors qu’elle marchait, elle s’est plainte d’un bourdonnement dans son oreille droite et d’une diminution de l’audition. Elle n’avait pas de vertige. Mis à part cela, elle était en bonne santé. Un examen physique a révélé des oreilles d’apparence normale au niveau bilatéral. L’examen des nerfs crâniens s’est avéré normal. L’examen du cervelet s’est avéré normal. Un audiogramme a confirmé un déficit auditif de perception qui touche principalement les fréquences basses et qui affecte l’oreille droite, avec une diminution moyenne d’environ 20 décibels, mais préservant une bonne discrimination. Le fonctionnement de l’oreille moyenne était normal. Le Dr Hollins a diagnostiqué un déficit auditif de perception soudain et léger pour lequel il s’attendait à une récupération spontanée dans les deux à quatre semaines qui suivent. Il a expliqué au patient qu’il n’existait pas de traitement spécifique et il a offert de la prednisone par voie orale, ce qu’elle a refusé.

[37] Le 2 janvier 2008, le Dr R. Hollins a rencontré l’appelante en raison de vertige. Elle a signalé trois épisodes de vertige qui ont duré environ trois heures, et le lendemain suivant ces épisodes, elle ne s’est pas bien sentie. Il s’agissait de vrais épisodes de vertige accompagnés de nausées et de vomissements. On lui a prescrit du Diazepam pour contrôler les épisodes, mais elle n’était pas certaine si cela l’aidait. Elle a trouvé que son ouï s’était amélioré depuis sa visite précédente. Lors de l’examen, le Dr Hollins a noté que son oreille semblait normale, qu’il n’y avait pas de signe de nystagmus et que tous les nerfs crâniens semblaient fonctionner normalement. Un audiogramme qui a été effectué cette journée-là a montré une nette amélioration de l’audition de l’oreille droite. Celle-ci était à 5 décibels près d’être normale. Le médecin était d’avis que l’historique et les résultats concordaient avec la maladie de Ménière.

[38] Le Dr L. Hookey de la division de la gastro-entérologie de l’Hôpital Hôtel-Dieu a examiné l’appelante le 27 février 2008 en raison de diarrhée. Elle prenait des médicaments pour traiter la maladie de Ménière, qui selon elle, semblaient l’aider, mais qui réduisaient son appétit et qui ont conduit à une perte de poids. Pour ces raisons, elle n’a pas voulu arrêter de prendre ses médicaments. Le Dr Hookey a suggéré qu’elle prenne du dronabinol s.5 mg deux fois par jour afin de stimuler son appétit ou, il a suggéré à contrecœur qu’elle prenne de l’acétate de mégestrol 800 mg par jour.

[39] Dans une lettre rédigée à l’attention du médecin de famille et datée du 9 juin 2009, le gestionnaire et physiothérapeute agréé de la Physical Therapy Clinic (Clinique de physiothérapie) de l’Université Queen’s a indiqué qu’ils traitaient l’appelante depuis le 10 novembre 2008 pour des blessures survenues à la suite d’un accident de la route. Il a indiqué que, dans l’ensemble, elle avait fait beaucoup de progrès. Elle continuait cependant à ressentir une douleur permanente dans son épaule droite. Les tests ont révélé une irritation des biceps et du muscle sus-épineux. Compte tenu de ces constatations, il a référé de nouveau l’appelante à son médecin de famille pour une ultrasonoscopie ou un aiguillage vers un spécialiste.

[40] L’audiologiste du Canada Hearing Centre (Centre canadien de l’ouïe) a indiqué le 24 juillet 2009 qu’elle avait rencontré l’appelante pour une évaluation audiologique. À ce moment-là, elle faisait l’objet d’un examen par un oto-rhino-laryngologiste pour un diagnostic de la maladie de Ménière. Elle se plaignait, à l’époque, d’acouphène continu dans son oreille droite. Elle a indiqué qu’il était difficile de se concentrer sur les tâches à son bureau, à son lieu de travail à l’époque, car elle trouvait qu’elle devait déployer de gros efforts pour ignorer l’acouphène et le bruit ambiant sur son lieu de travail. Elle a indiqué les efforts accrus qu’elle devait déployer pour se concentrer sur son travail et non pas sur l’acouphène lui ont causé de l’anxiété et du stress. À cette époque, elle estimait qu’elle devrait avoir droit à un dispositif de réduction des bruits afin de réduire le bruit de fond sur son lieu de travail.

[41] Le 24 juillet 2009, sur la recommandation de son médecin de famille, la Dre Allison De La Lis, audiologiste au Canada Hearing Centre (Centre canadien de l’ouïe), a effectué une évaluation audiologique avec un audiogramme et une évaluation avec une prothèse auditive, et elle a interprété le tout de la façon suivante : les seuils auditifs se situaient essentiellement dans les limites normales le jour de l’évaluation, et cela, pour les deux oreilles ; impédancemétrie qui concorde avec un fonctionnement normal de l’oreille moyenne ; excellente reconnaissance des mots à droite et à gauche, à un niveau sonore de 80 dB. Elle a fait des recommandations et l’appelante a tenu compte des éléments suivants : 1. Soins continus par un ORL concernant un diagnostic possible de maladie de Ménière 2. Tel que convenu par le médecin de famille, évaluation par un médecin de famille ou par un autre professionnel de la santé de l’anxiété et du stress qui, selon les dires, auraient été causés en milieu de travail. 3. Discuter des différents mécanismes d’adaptation et traitements de l’acouphène, y compris le programme TRT (thérapie pour la rééducation des acouphènes).

[42] Le Dr Edmund Jones a rencontré l’appelante le 2 octobre 2009, sur recommandation de son médecin de famille. Dans son rapport, il a indiqué que l’appelante a été référée avec des antécédents de la maladie de Ménière et elle avait des problèmes importants de concentration, de fatigue et de perte d’attention. La question pour Dr Jones était de déterminer si sa [traduction] « confusion mentale » pouvait être associée à la maladie de Ménière. Avant le rendez-vous, elle prenait du Ritalin, ce qui a essentiellement éliminé la [traduction] « confusion mentale ». Elle a eu quelques épisodes aigus de vertige en décembre 2007 et quelques épisodes plus modérés en janvier 2009, mais aucun épisode depuis ce temps. Elle a signalé que son ouïe était normale, mais qu’elle avait de l’acouphène permanent. Elle prenait de l’hydrochlorothiazide 25 mg PO une fois par jour. Après examen, le médecin a conclu que les membranes du tympan étaient normales. L’examen du nez a révélé une légère déviation de la cloison nasale vers la droite. Les examens oraux, pharyngés et du cou n’ont rien révélé d’anormale.

[43] Il a recommandé la diminution de la dose d’hydrochlorothiazide pour les deux prochains mois, mais que s’il y avait récurrence d’épisodes de vertige, il a recommandé de rétablir la dose d’hydrochlorothiazide. Il ne pensait pas que la [traduction] « confusion mentale » dont a souffert l’appelante plus tôt dans l’année était liée à la maladie de Ménière. Le Dr Jones a estimé que la perte auditive suivie d’un rétablissement ainsi que les épisodes de vertige qu’elle a décrits correspondaient tout à fait à la maladie de Ménière. Il a noté que la maladie de Ménière est très variable et que certains patients connaissent de très longues périodes au cours desquelles la maladie est quiescente, et il croyait que cela était le cas pour l’appelante.

[44] Dans son rapport daté du 19 novembre 2009, le Dr Ryan Bicknell a indiqué qu’il a rencontré l’appelante en clinique au sujet de douleur dans son épaule droite. Elle avait été impliquée dans un accident de la route en octobre 2008 et depuis ce temps, elle a souffert de douleur constante dans l’épaule. Elle a suivi un traitement complet de physiothérapie, ce qui a aidé un peu, mais elle avait toujours de la difficulté à effectuer des activités où il faut lever les bras au-dessus de la tête et des problèmes de douleur nocturne. À l’examen, elle avait toute sa capacité de mouvement de son épaule, malgré la présence antérieure de douleur lorsqu’elle levait les bras vers l’avant et de sensibilité au niveau de la longue portion du biceps. Le médecin a diagnostiqué une rupture partielle de la coiffe des rotateurs et, de manière plus significative, une tendinopathie de la longue portion du biceps. Il a discuté des injections de corticostéroïdes, de l’arthroscopie et de la ténodèse du tendon avec une possibilité de réparation de la coiffe des rotateurs. L’appelante a choisi de subir une arthroscopie.

[45] Le 9 mars 2010, l’appelante a rencontré le Dr Ryan Bicknell à la clinique orthopédique de l’Hôpital Hôtel-Dieu. Cela faisait deux mois qu’elle avait subi un débridement de l’épaule droite sous arthroscopie avec de la douleur au niveau de la paroi latérale de l’humérus. Elle a signalé qu’elle ressentait de la douleur la nuit, et elle avait alors une amplitude de mouvement réduite. À la suite d’un examen, le médecin a noté qu’elle était une femme de 41 ans en santé. Il n’y avait pas d’atrophie musculaire. Son épaule n’était pas sensible, il n’y avait pas d’inflammation et la plaie chirurgicale a bien guéri. En comparaison avec son épaule gauche, il y a une réduction de la rotation interne et externe dans son épaule droite, et la rotation interne est réduite de façon plus significative que la rotation externe. Il y avait également une légère réduction de la puissance de l’épaule droite en raison de la douleur. Le médecin a prescrit des traitements continus de physiothérapie afin de détendre une capsule au niveau de la luxation antérieure de l’épaule droite, et a recommandé qu’il y ait un suivi dans trois mois.  

[46] Le Dr Edmund Jones a signalé le 10 juin 2010 qu’il avait rencontré l’appelante pour une évaluation audiométrique après qu’elle se soit plainte de l’aggravation de ses épisodes de vertige, secondaires à la maladie de Ménière. On lui a prescrit de l’hydrochlorothiazide et du Flonase, mais elle n’a signalé aucune amélioration avec la prise de Flonase. Elle était stressée pour avoir été mise à pied par Queen’s en raison d’une restructuration. Certains de ses symptômes étaient difficilement conciliables avec la maladie de Ménière tels que la perte de mémoire et une perpétuelle confusion mentale. Elle a signalé qu’elle ressentait de la douleur dans son oreille droite avec les attaques récentes, qu’elle tombait parfois et qu’elle ne pouvait pas tolérer les bruits intenses. Puisqu’elle n’a pas réagi au traitement, il lui a prescrit du propranolol 40 mg PO une fois par jour.

[47] Le Dr Ryan Bicknell a rencontré l’appelante l 13 juillet 2010 à la clinique orthopédique après son arthroscopie diagnostique de l’épaule droite en décembre 2009. La seule anomalie qu’ils ont relevée était une petite bursite sous-acromiale qui a été réséquée. Elle était complètement rétablie de la chirurgie, mais elle n’a pas observé de gros changements dans ses symptômes. Elle était très heureuse que rien ne nécessitait un traitement chirurgical.

[48] Le 14 juillet 2010, le Dr Edmund Jones a rencontré l’appelante pour un suivi de ses épisodes de vertige. Elle a indiqué que le propranolol n’a pas aidé et qu’elle a eu une attaque sa semaine précédente au cours de laquelle elle vomissait. Elle s’est sentie mieux cette journée-là, mais a signalé une plénitude et un bourdonnement incessant et très fort. Elle a éprouvé des nausées et [traduction] « gobait des Gravol comme s’il s’agissait de bonbons sur une base quotidienne ». Le Dr Jones n’avait rien d’autre à suggérer et l’a référé au Dr Schramm pour obtenir une deuxième opinion. Il était perplexe, car toutes les tentatives de thérapie médicale de l’appelante ont échoué. Il a noté que l’appelante avait effectué une recherche sur Internet et se demandait si elle serait une candidate pour la thérapie Meniett, à quoi le médecin a répondu que c’était très dispendieux et qu’il n’était pas clair si cette méthode était efficace. Le Dr Jones a noté que dans son IRM effectuée en 2008, bien qu’elle n’ait pas été faite dans le but spécifique d’exclure une pathologie rétrocochléaire, les fosses postérieures étaient clairement visibles et ont été décrites comme n’aillant clairement aucune anomalie. Il a ensuite demandé qu’une vidéonystagmographie et qu’une réponse évoquée auditive du tronc cérébral soient effectuées.

[49] Le 17 août 2010, le rapport du patient (vidéonystagmographie) en provenance du Vestibular Lab (laboratoire vestibulaire) de l’Hôpital Hôtel-Dieu a indiqué que l’examen des yeux n’a relevé aucun nystagmus, que la saccade était normale, que la poursuite oculaire était normale et que l’optocinétique était normale. Dans son oreille droite, il y avait une faiblesse unilatérale à 33 %.

[50] Le 18 août 2010, l’appelante a eu son rendez-vous de suivi avec le Dr Edmund Jones à l’Hôpital Hôtel-Dieu. Le médecin n’a relevé aucun signe de pathologie rétrocochléaire. Dans son oreille droite, il y avait une faiblesse calorique unilatérale à 33 %. Les tests du regard, de la saccade, de la poursuite oculaire et optocinétique se trouvaient les limites normales. Il n’y avait aucun signe de nystagmus de position. À cette époque, elle a présenté une demande d’invalidité. L’appelante a signalé au médecin qu’elle avait de bonnes et de mauvaises journées, mais elle ne pouvait pas compter sur le fait qu’elle aurait peut-être suffisamment de bonnes journées pour lui permettre d’occuper confortablement un nouvel emploi. Elle trouvait que l’acouphène était plus sévère du côté droit. Sa dernière crise s’est produite en juillet, et elle a indiqué que s’était si grave qu’elle a dû être physiquement escortée à l’extérieur de son véhicule. Avant cela, elle a eu une crise à la maison en juin, et elle a pris l’ambulance jusqu’à l’hôpital pour que la crise soit documentée. Le Dr Edmund a conclu que bien que la maladie de Ménière reste une possibilité, les essais cliniques avec de l’hydrochlorothiazide et du Serc se sont avéré négatifs. Il l’a référé au Dr David Schramm à Ottawa afin de voir s’il avait des suggestions à offrir concernant l’amélioration du contrôle de ses symptômes.

[51] Un rapport d’une et daté du 18 août 2010 n’a rien révélé d’anormal.

[52] Le 7 octobre 2010, l’appelante a rencontré le Dr Edmund Jones à l’Hôpital Hôtel-Dieu. Ce dernier a indiqué que la réponse évoquée auditive du tronc cérébral et la videonystagmographyie ont toutes deux été effectuées le 17 août, et qu’il la rencontrait pour un suivi. Les résultats de la réponse évoquée auditive du tronc cérébral étaient normaux. Elle avait un rendez-vous avec le Dr Schramm à Ottawa en janvier. Elle s’était sentie étourdie pendant quelques jours la semaine dernière ; autrement, elle n’a pas vraiment souffert d’étourdissement. Cependant, elle entendait alors un bourdonnement dans son oreille droite. Elle a dit au médecin qu’elle s’était fait embaucher par Queen’s, et elle y a travaillé pendant seulement une semaine, puis elle a été mise à pied encore une fois. Elle n’était pas certaine pourquoi elle avait été mise à pied, mais elle a été capable de travailler pendant toute la semaine, donc l’absence du travail en raison de maladie n’était pas un facteur cette fois-ci, du moins.

[53] Le 27 octobre 2011, l’appelante a rencontré le Dr Francis J. Jarrett, professeur agréé de psychiatrie, pour une consultation concernant la possibilité du syndrome d’Asperger. L’appelante lui a dit qu’elle a souffert d’une invalidité toute sa vie, qu’elle avait perdu plusieurs emplois, qu’elle avait été victime d’intimidation et de moqueries et qu’elle ne savait pas pourquoi. Elle a dit au médecin qu’elle n’était pas capable de comprendre les signaux sociaux et qu’elle avait des troubles d’apprentissage. Elle a remarqué qu’elle n’était pas capable de taper rapidement, de se répéter et qu’elle avait une mauvaise mémoire. Elle a indiqué qu’elle ne pouvait pas apprendre lorsqu’elle était soumise au stress, et pour répondre à une question du médecin, elle a répondu qu’elle ne comprenait pas les émotions des autres et qu’elle avait de la difficulté à développer un sentiment d’empathie. Elle croyait que ces caractéristiques s’aggravaient. Pour répondre à une question directe de son médecin, elle a dit qu’elle trouvait que son discours était parfois [traduction] « incompréhensible », et que lorsqu’elle allait à l’école, elle était souvent victime d’intimidation parce qu’elle était [traduction] « différente ».

[54] L’appelante a dit au Dr Jarrett qu’elle a souffert d’un épisode de dépression en 1996 qui a été caractérisée par des troubles du sommeil, une humeur dépressive, un manque de confiance en elle et un sentiment de désespoir. À cette époque, elle travaillait dans un bar et elle a commencé à boire beaucoup, et depuis ce temps, elle s’est abstenue. Elle ne se souvient pas d’épisodes dépressifs majeurs avant 1996, mais depuis ce temps-là, elle s’est souvent sentie déprimée, bien que pas autant qu’avant. Au cours de cette consultation avec le Dr Jarrett en 2011, l’appelante a signalé qu’elle se sentait déprimée à un tel point qu’elle ressentait presque du désespoir, bien qu’elle n’ait jamais voulu se faire du mal. Elle n’avait pas beaucoup d’appétit et, sans oxazépam, elle pensait ne pas être capable de dormir. Son énergie varie, mais elle peut parfois se motiver et alors devenir assez énergique. Elle a une bonne concentration, et elle a dit qu’elle était capable de se concentrer et d’accomplir des choses.

[55] En 2011, elle était frustrée, car elle était sans emploi et n’était pas capable de se trouver un emploi. Elle a eu plusieurs emplois, mais elle a occupé deux emplois pour une durée de cinq ans chacun : l’un en tant qu’aide-soignante et l’autre pour lequel elle effectuait des essais cliniques pour l’Université Queen's. À cette époque, son dernier emploi était comme commis pour l’hôtel de ville, mais elle a été mise à pied deux semaines avant la fin de sa période de probation. La raison donnée était qu’elle ne [traduction] « s’intégrait pas ». Elle a dit qu’elle n’avait aucune idée de ce que cela signifiait, mais cela s’est produit toute sa vie.

[56] Elle n’a pas terminé ses études secondaires, mais elle est retournée plus tard aux études pour obtenir son diplôme de 12e année. Au niveau collégial, elle s’est qualifiée comme aide-soignante et a complété un cours de design graphique. Le Dr Jarrett a signalé que l’appelante était d’avis qu’elle était plutôt intelligente et qu’elle croyait pouvoir être en mesure de fréquenter l’université à un moment donné.

[57] L’appelante a signalé au Dr Jarrett qu’elle est née à Montréal et qu’elle a été adoptée lorsqu’elle avait cinq semaines. Elle a indiqué qu’elle a déménagé en Ontario lorsqu’elle avait huit ans, après que ses parents adoptifs se sont séparés, et sa relation difficile avec sa mère qui a fait en sorte qu’elle quitte la maison à l’âge de 15 ans. En 2011, elle habitait dans un logement en copropriété, mais parce qu’elle ne travaillait pas, elle ne savait pas pour combien de temps elle pourrait y habiter. Elle avait quelques amis, mais les communications se faisaient surtout par téléphone.

[58] Le Dr Jarrett a noté que les journées de l’appelante consistaient à faire la grasse matinée et éventuellement sortir du lit pour promener ses trois chiens. Elle préparait ses propres repas, écoutait la télévision, nettoyait et rangeait sa copropriété. Elle postulait pour des emplois, mais avait le sentiment qu’elle n’aboutirait à rien.

[59] Les antécédents médicaux de l’appelante étaient qu’elle a souffert d’un épisode de la maladie de Ménière en 2008, et qu’elle a ensuite souffert d’acouphène chronique. Deux ou trois ans avant cela, elle a eu un épisode de diarrhée qui n’a jamais été expliqué et qui l’a laissée avec des problèmes intestinaux mineurs. Elle a souffert d’un traumatisme crânien lorsqu’elle était jeune, ce qui a fait en sorte qu’elle s’est retrouvée dans le coma pendant deux jours. Elle ne fume pas, elle n’a pas consommé d’alcool depuis trois ans et elle n’a jamais consommé de drogues illicites. À l’époque, ses médicaments consistaient en du citalopram 20 mg par jour, de l’oxazépam 45 mg le soir et cela fait 30 ans qu’elle prend des contraceptifs oraux.

[60] Pour ce qui est de sa personnalité, elle reconnait que les gens la considèrent comme [traduction] « différente », et elle ne s’entendait pas bien avec les hommes. Elle trouve difficile de tolérer certaines personnes et elle manque de confiance envers les gens. Elle a récemment communiqué avec Frontenac Community Mental Health Services (Services de santé mentale du comté de Frontenac) et a rencontré un conseiller à quelques reprises. Elle a trouvé que cela aidait et avait l’intention de continuer.

[61] Pour ce qui est de la façon qu’elle paraissait, le Dr Jarrett a observé qu’il n’a remarqué aucun mouvement stéréotype, aucune anomalie du discours ou aucune difficulté de maintien du contact visuel. Dans son évaluation, le Dr Jarrett a indiqué que, après une demande spécifique provenant de l’appelante, il n’y avait aucun doute que certaines caractéristiques du syndrome de l’Asperger étaient présentes, mais celui-ci ne semble pas sévère. Compte tenu de son enfance traumatisante et des déceptions dont elle a souffert, il se pourrait très bien qu’elle n’ait jamais eu la chance, dans un environnement sécuritaire, de développer des compétences sociales d’adaptation. Il serait souhaitable de lui faire subir des tests psychologiques avec pour objectif de déterminer si l’appelante souffre de déficits cognitifs spécifiques. Il n’est pas nécessaire de changer ses médicaments, lesquels semblent avoir un peu allégé l’humeur dépressive de l’appelante. Elle bénéficierait d’une thérapie centrée sur l’image d’elle-même, et elle gagnerait à développer et à pratiquer des compétences sociales.

[62] La coordonnatrice de l’enseignement professionnel du Frontenac Community Mental Health & Addiction Services (Services de santé mentale et de toxicomanie du comté de Frontenac) a rédigé un rapport le 26 janvier 2012 à l’appui de la demande de l’appelante auprès du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Elle a indiqué que l’appelante a souffert de symptômes graves de maladie mentale, notamment de dépression et d’anxiété pendant la majeure partie de sa vie adulte. Elle a essayé de travailler, mais avait des difficultés en situation d’emploi, en raison de son incapacité de travailler avec les autres et de communiquer de façon à ce qu’elle puisse garder son emploi. Au moment du rapport, l’appelante participait au programme Ontario au travail après été licencié de son emploi à l’Université Queen’s après seulement quelques heures. Elle a reçu, par la suite, un soutien en santé mentale et des services de réadaptation professionnelle dans un programme de réhabilitation cognitive offert par le Frontenac Community Mental Health and Addiction Services (Services de santé mentale et de toxicomanie du comté de Frontenac) afin de l’aider à mieux gérer son emploi. Le programme comprenait des sujets tels que réduire l’impulsivité, favoriser la résolution de problèmes et améliorer le contrôle émotionnel. Bien que la coordonnatrice estimait que ce programme augmenterait la capacité de l’appelante à conserver un emploi, elle estimait que l’appelante devrait tester graduellement ces aptitudes en milieu de travail afin de mettre en application les changements qu’elle apprenait. La coordonnatrice a conclu que les troubles psychiatriques de l’appelante lui ont causé une invalidité profonde qui l’a empêchée de progresser avec succès dans ses emplois.

[63] La Dre Sabina Sladic, médecin de famille, a rempli la section Rapport médical de la demande le 21 février 2012. La Dre Sladic a indiqué qu’elle connait l’appelante depuis le 19 août 2003 et qu’elle avait commencé à la traiter pour sa condition principale en août 2006. La dernière rencontre avant qu’elle ne remplisse le rapport était le 14 février 2012. Les diagnostics du médecin étaient les suivants :

  1. Syndrome d’Asperger
  2. Maladie de Ménière
  3. Dépression
  4. Côlon irritable

[64] Les antécédents médicaux pertinents indiquent ce qui suit : syndrome d’Asperger toute sa vie, bien que récemment diagnostiqué, causant une incapacité à fonctionner en société. Ménière causant des crises débilitantes de vertige et des vomissements avec de l’acouphène quotidiennement. L’appelante n’a pas été hospitalisée au cours des deux dernières années.

[65] Lorsqu’elle a décrit les résultats physiques et les limitations fonctionnelles pertinents, la Dre Sladic les a décrits de la façon suivante :

  1. Syndrome d’Asperger : les signaux sociaux et la reconnaissance interpersonnelle sont affectés. Cela cause des difficultés importantes à interagir avec les autres. Par conséquent, elle est souvent considérée comme incapable de s’intégrer et les gens se moquent d’elle.
  2. La maladie de Ménière cause des crises de vertige soudaines et imprévisibles ainsi que des nausées, ce qui déséquilibre l’appelante. Cela peut se produire tous les jours ou tous les mois. Elle entend un bourdonnement dans l’oreille tous les jours, et ce presque constamment. Le résultat en est qu’elle a de la difficulté à se concentrer, que ses pensées sont obscurcies, et c’est donc plus difficile d’acquérir de nouvelles connaissances.
  3. Dépression : les médicaments aident, mais elle n’est pas tout à fait en rémission. Elle a un manque de concentration, une mémoire déficiente et les larmes lui viennent facilement.
  4. En raison de son côlon irritable, l’appelante souffre de diarrhée imprévisible accompagnée de douleurs à l’estomac.

En février 2012, il n’y a pas eu d’autres consultations ou examens médicaux prévus pour ces conditions. À cette époque, ses médicaments étaient du Cipralex 20 mg, du Seroquel 25 mg au coucher et de l’oxazépam 45 mg au coucher au besoin. Le traitement consistait à des séances de counseling, une orientation professionnelle destinées aux personnes prises avec des problèmes de santé mentale et la participation au programme « Ready, get, go <» (Traduction libre : Prêts, c’est parti).>

[66] Le pronostic de la Dre Sladic était le suivant : syndrome d’Asperger à vie et a peu de chances de changer ; la maladie de Ménière variera d’intensité au cours de sa vie ; la dépression chronique depuis son adolescence ne changera vraisemblablement pas ; et le syndrome du côlon irritable variera d’intensité au cours de sa vie. La Dre Sladic a noté que l’appelante est extrêmement déterminée à travailler et s’est relevée à maintes reprises après des problèmes d’emploi. La médecin lui a suggéré à plusieurs reprises depuis 2003 de considérer des prestations d’invalidité du gouvernement provincial, mais elle a persévéré.

[67] Le 24 mai 2013, Jacqueline Stoneman, coordonnatrice de l’enseignement professionnel, a rédigé une lettre dans laquelle elle a indiqué que l’appelante a eu beaucoup de difficultés avec ses emplois pendant la majeure partie de sa vie adulte en raison d’importants défis liés à la santé mentale et è la maladie de Ménière. Après une période de réhabilitation, l’appelante a travaillé comme coiffeuse à temps partiel, et elle s’entendait bien avec le propriétaire. Elle travaillait des quarts plus courts et de façon indépendante des autres afin qu’elle ne travaille pas avec trop de personnes en même temps. L’appelante en était venue à réaliser qu’il était préférable d’accepter ses limites et d’être heureuse. Elle n’essayait plus de faire correspondre ses attentes relatives à son emploi avec son éducation et sa formation au lieu de les faire correspondre avec sa capacité émotionnelle. Cela limiterait sa capacité résiduelle, mais elle a accepté le fait que cela l’aidera à garder une bonne santé mentale.

[68] La Dre Carolyn Borins, qui remplaçait la Dre Sladic, médecin de famille, a écrit le 23 avril 2013 que l’appelante souffrait de dépression, de THADA et de la maladie de Ménière, ce qui lui rend la tâche de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice difficile. Des facteurs de stress en milieu de travail peuvent déclencher sa maladie de Ménière et aggraver sa dépression et son THADA. À cette époque, l’appelante n’avait pas réalisé de tests récents ou rencontré des spécialistes.

Observations

[69] L’appelante a fait valoir qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Ses nombreux troubles médicaux, pris en compte de façon cumulative, constituent une invalidité grave et prolongée la rendant incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Elle souffre de nombreux troubles médicaux y compris de dépression, du THADA, du syndrome du côlon irritable (SCI), de la maladie de Ménière et du syndrome d’Asperger. Elle souffre depuis longtemps de dépression datant de son adolescence et a souffert de son pire épisode dépressif en 2006. Depuis 2008, elle a souffert quotidiennement d’étourdissement et de nausées ainsi que d’un bourdonnement constant dans son oreille droite.
  2. Elle aura ces troubles toute sa vie, et il est extrêmement difficile pour l’appelante de détenir et de conserver un emploi véritablement convenable. Bien que son médecin de famille ait commenté qu’elle est extrêmement déterminée à travailler et qu’elle s’est relevée à maintes reprises après des problèmes d’emploi, ses troubles médicaux sont aggravés par les facteurs de stress au travail, ce qui déclenche les symptômes de la maladie de Ménière et aggrave sa dépression ainsi que son THADA. La coordonnatrice de l’enseignement professionnel à Frontenac Community Mental Health & Addiction Services (Services de santé mentale et de toxicomanie du comté de Frontenac) a indiqué que les troubles médicaux de l’appelante sont complexes et qu’avec le temps, ses troubles psychiatriques lui ont causé une invalidité profonde qui l’a empêchée de progresser avec succès dans ses emplois.
  3. Ses troubles médicaux se sont manifestés plus d’une fois, et puisque la maladie de Ménière est apparue en 2008 et selon ses rapports médicaux, ses troubles médicaux sont constants et permanents. Ils sont, par conséquent, prolongés.
  4. En août 2012, la demande de soutien du revenu de l’appelante en vertu du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) a été accueillie.
  5. Le fait que l’appelante soit retournée au travail à temps partiel en tant que coiffeuse en juin 2012 et qu’elle ait continué à travailler de cette façon ne devrait pas empêcher de conclure à l’existence d’une invalidité. Le paragraphe 68.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement) prévoit qu’une occupation est véritablement rémunératrice si celle-ci procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité. Les rapports trimestriels des montants mensuels du Régime de pensions du Canada concernant les montants mensuels d’octobre à décembre 2013 et 2014 indiquent que le montant annuel maximal qu’une personne peut recevoir à titre de pension d’invalidité est de 14 554,80 $ en 2013 et 14 836,20 $ en 2014. Il s’agit d’un montant supérieur à la somme de 8 458 $ en 2013 et à la somme de 7 852 $ en 2014 que l’appelante a gagnée en tant que coiffeuse à temps partiel.

[70] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante avait 43 ans au moment où elle a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC, et elle possède un diplôme d’études collégiales. Il a été signalé qu’elle avait des difficultés à travailler avec les autres, mais elle a travaillé comme adjointe de bureau à temps plein d’octobre 2006 à mars 2010, et elle a travaillé de 22 à 30 heures par semaine de mars 2011 à juillet 2011 en tant que planificatrice/commis aux dossiers et à la dotation, et elle a arrêté de travailler pour des raisons non médicales. Elle a terminé une formation de réadaptation professionnelle et elle a travaillé de façon régulière et à temps partiel depuis juin 2012.
  2. L’appelante est retournée travailler en tant que coiffeuse à temps partiel en juin 2012, et elle a continué d’exercer cet emploi. Son dernier RE indique qu’elle a eu des revenus de 8 458 $ en 2013 et 7 852 $ en 2014. Ces revenus proviennent de trois salons différents. Cela indique également que l’appelante est retournée travailler. Les éléments de preuve médicale supplémentaires fournis à l’appui de son appel ne viennent pas appuyer son incapacité à exercer tous types d’emploi. Sa date de fin de PMA qui était le 31 décembre 2014 se voit modifiée pour devenir le 21 décembre 2017.
  3. Bien qu’elle puisse avoir des limitations et qu’elle travaille habituellement moins de 24 heures par semaine avec des quarts de travail d’une durée moyenne de quatre heures, cela démontre qu’elle a une capacité de travailler à temps partiel, de s’acquitter de fonctions modifiées, d’occuper un emploi sédentaire ou de suivre des cours. Cela empêche de conclure à l’existence d’une invalidité, au sens du RPC puisque cela indique l’existence d’une capacité de travailler.
  4. La Dre Slade indique dans son rapport que les troubles de l’appelante, notamment sa dépression, son THADA, et sa maladie de Ménière sont permanents, et elle est d’avis qu’en raison de ces problèmes de santé, il serait difficile pour l’appelante de détenir une occupation véritablement rémunératrice ; aucun examen, traitement ou avis de spécialiste ne vient appuyer cette opinion. Bien que le stress puisse exacerber les symptômes de l’appelante, aucun élément de preuve supplémentaire n’a été fourni afin de venir appuyer une invalidité grave qui l’empêcherait d’exercer tous types d’emploi convenable ou qui l’empêcherait de se recycler. En fait, elle est retournée travailler et s’est trouvé un autre type d’emploi à temps partiel.
  5. Bien que l’appelante ait expliqué qu’elle a des limitations, ses limitations ne l’empêchent pas d’exercer tous types d’emplois. Le fait qu’elle continue à exercer un emploi quelconque, même si ce n’est qu’à temps partiel, constitue une solution raisonnable.
  6. En réponse à l’observation de l’appelante selon laquelle son emploi en tant que coiffeuse n’est pas véritablement rémunérateur, elle est une travailleuse indépendante et il se peut que ses revenus indiqués sur son T1 ne reflètent pas bien sa capacité de gain. Aux fins du RPC, la capacité de travailler à temps partiel, d’effectuer des tâches modifiées ou de vaquer à des occupations sédentaires indique l’existence d’une capacité de travailler et peut empêcher de conclure à l’existence d’une invalidité.
  7. Les éléments de preuve médicale fournis ne viennent pas appuyer l’existence d’un trouble médical grave et prolongé qui rendrait l’appelante incapable d’exercer tous types d’emploi avant la date de fin de sa PMA, c’est-à-dire, avant le 21 décembre 2017. Par conséquent, elle n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’invalidité du RPC et son appel devrait être rejeté.

Analyse

[71] Puisque la date de fin de sa PMA se situe dans le futur, c’est-à-dire le 31 décembre 2017, l’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une invalidité grave et prolongée en date de cette décision.

Caractère grave

[72] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, l’invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Non seulement la personne doit-elle être incapable de faire son travail habituel, mais elle doit aussi être incapable de détenir tout emploi qu’il aurait été raisonnable de s’attendre à ce qu’elle puisse occuper. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[73] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie au moment de déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité grave.

[74] En plus de ses antécédents, toutes les détériorations de l’appelante ayant une incidence sur son employabilité doivent être examinées, et pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47).

[75] C’est la capacité de la demanderesse à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC : Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33.

[76] Lorsqu’un appelant soutient que son trouble médical l’empêche de consacrer suffisamment de temps à son entreprise pour la rendre prospère, la cour a conclu à l’existence d’une capacité et a indiqué que la rentabilité d’une entreprise commerciale n’est pas nécessairement un indicateur de la capacité (Kiriakidis c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 316).

[77] Il n’est pas possible de déterminer si un emploi est un emploi véritablement rémunérateur en utilisant une approche universelle, particulièrement une approche qui coïncide avec le montant maximal actuel de la pension. Cela nécessite une évaluation appréciative, ce qui pourrait impliquer de tenir compte des niveaux de revenus locaux et du coût de la vie, en plus des autres conditions particulières de l’individu : MDS c. Nicholson (17 avril 2007), CP 24143 (CAP).

[78] Lorsqu’il y a des preuves de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a faits pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117).

Application des lignes directrices

[79] En évaluant le critère de gravité dans un contexte réaliste conformément aux principes établis dans l’arrêt Villani, le Tribunal tient compte du fait que l’appelante est âgée de 47 ans. Elle a reçu son diplôme d’études secondaires de l’Ontario en juin 1998 après avoir quitté l’école en dixième année. Elle a reçu un diplôme pour avoir complété un cours de coiffeuse d’une durée d’un an en 1998, et elle a participé à un cours d’aide-soignante d’une durée de huit moins. Elle a également suivi un cours de design graphique d’une durée de deux ans et elle a reçu un diplôme en avril 2003 pour avoir complété un cours de deux ans en administration de cabinet médical du Collège Saint-Laurent. Elle a été embauchée en tant que secrétaire/adjointe de bureau d’octobre 2006 au mars 2010. Lorsqu’elle a arrêté de travailler le 19 juillet 2011, elle travaillait comme planificatrice/commis aux dossiers et à la dotation à la maison de retraite Rideaucrest Nursing Home. Elle avait commencé à travailler à cet endroit le 16 mars 2011, et elle a congédiée, parce qu’elle ne [traduction] « s’intégrait » pas bien. Le Tribunal estime que, selon la preuve dont elle était saisie, l’appelante n’a pas quitté son emploi en mars 2011 en raison d’un trouble médical.

[80] L’appelante a indiqué dans son questionnaire qui était joint à sa demande en mars 2012 qu’elle souffre de la maladie de Ménière, ce qui l’empêche de travailler en raison d’un bourdonnement constant dans son oreille, ce qui l’empêche de se concentrer. Elle a également des étourdissements et des nausées. De plus, elle perd tous ses emplois en raison de son Asperger, car les gens ont de la difficulté à la comprendre. Elle a besoin de temps pour apprendre de nouvelles choses, et les gens ont tendance à ne pas lui donner cette chance. Elle a également décrit avoir eu des problèmes gastro-intestinaux au cours des cinq dernières années. La volumineuse preuve médicale indique que l’appelante a souffert de dépression en plus des autres troubles qu’elle a indiqués. Elle relate un accident de la route dans lequel elle a été impliquée à l’âge de 13 ans, ce qui a pu causer un traumatisme crânien, son premier épisode de dépression en 1996, ses difficultés interpersonnelles, son abus d’alcool ainsi que d’autres épisodes dépressifs en octobre 2002.

[81] D’ici 2003, le Dr McNevin a diagnostiqué que l’appelante souffrait d’un trouble dépressif majeur, récurrent, de gravité moyenne en rémission partielle et d’un trouble de la personnalité limite. En février 2003, lorsqu’il l’a rencontrée pour la deuxième fois, le Dr McNevin a noté que l’appelante était plus indemne que plusieurs clients qui ont participé au Chrysalis Day Hospital Program (Programme de l’Hôpital Chrysalis Day), et surtout, elle a exprimé le désir de retourner à un travail rémunéré à temps plein le plus tôt possible. Bien qu’il ait estimé qu’il s’agissait là d’un objectif louable, ils étaient d’avis que l’appelante pourrait encore bénéficier de certains services qu’ils offrent. En décembre 2007, le Dr Hollins a diagnostiqué un déficit auditif de perception soudain et léger pour lequel il s’attendait à une récupération spontanée dans les deux à quatre semaines qui suivent. Il a offert à l’appelante de la prednisone par voie orale, ce qu’elle a refusé. Lorsque l’appelante a rencontré le Dr Hollins en janvier 2008 en raison de l’épisode de vertige accompagné de nausées et de vomissements, il a noté une nette amélioration de son ouï dans son oreille droite et que l’oreille avait l’air normale, qu’il n’y avait pas de signe de nystagmus et que tous les nerfs crâniens semblaient fonctionner normalement. Il a indiqué que les antécédents et les constatations correspondaient à la maladie de Ménière. Après plusieurs consultations pour des difficultés d’audition, la Dre De La Lis a conclu après examen que ses seuils auditifs se situaient essentiellement dans les limites normales et que le fonctionnement de l’oreille moyenne était normal. En octobre 2009, elle a signalé avoir une [traduction] « confusion mentale » et elle a rencontré le Dr Jones afin de déterminer si cela était lié à la maladie de Ménière. Il a conclu que la confusion mentale était liée à la maladie de Ménière, mais que sa perte auditive et sa rémission, ainsi que ses épisodes de vertige étaient conformes à sa maladie. En août 2010, l’appelante a dit au Dr Jones qu'elle avait de bonnes et de mauvaises journées, mais qu'elle ne pouvait pas compter sur le fait qu’elle aurait peut-être suffisamment de bonnes journées pour lui permettre d’occuper confortablement un nouvel emploi, et il l’a référé au Dr Schramm afin de voir s’il avait des suggestions à offrir concernant l’amélioration du contrôle de sa maladie de Ménière.

[82] En novembre 2011, l’appelante a signalé au Dr Jarrett qu’elle avait une bonne concentration et qu’elle était capable de se concentrer et d’accomplir des choses. L’appelante a signalé qu’elle était frustrée, car elle n’a pas été capable de se trouver un emploi, mais qu’elle estimait être plutôt intelligente et qu’elle croyait retourner à l’université à un moment donné. Elle a reconnu que les séances de counseling à Frontenac Community Mental Health Services (Services de santé mentale du comté de Frontenac) l’aidaient à gérer ses difficultés relationnelles et elle avait l’intention de continuer.

[83] En se fondant sur l’ensemble de la preuve, le Tribunal estime que l’appelante souffre bel et bien de dépression, de la maladie de Ménière, du syndrome d’Asperger et de problèmes gastro-intestinaux. Après avoir examiné les antécédents de l’appelante ainsi que tous ses troubles, tel qu’il a été prévu dans l’arrêt Bungay, la question est de déterminer si ces conditions rendent l’appelante incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal conclut que ce n’est pas le cas.

[84] En janvier 2012, la coordonnatrice de l’enseignement professionnel chez Frontenac Community Mental Health & Addition Services (Services de lutte contre les dépendances et de santé mentale) a signalé que l’appelante a de la difficulté lorsqu’elle se trouve en situation d’emploi, en raison de son incapacité à travailler avec d’autres personnes et de communiquer de manière à permettre de conserver son emploi. L’appelante a également discuté de ses difficultés interpersonnelles avec plusieurs professionnels. Cependant, en janvier 2012, elle a reçu de l’aide en santé mentale et des services de réadaptation professionnelle dans un programme de réadaptation cognitive afin de l’aider à mieux réussir à gérer ses emplois.   La coordonnatrice estimait que ce programme augmenterait la capacité de l’appelante à conserver un emploi. En mai 2013, Mme Stoneman, coordonnatrice de l’enseignement professionnel, a écrit que des dispositions ont été prises afin que l’appelante travaille comme coiffeuse à temps partiel, et que celle-ci s’entendait bien avec le propriétaire. Le représentant de l’appelante a également confirmé dans ses observations datées de juin 2015 que l’appelante continue de travailler à temps partiel en tant que coiffeuse. Mme Stoneman a noté que l’appelante en était venue à réaliser qu’il était préférable d’accepter ses limites et d’être heureuse. Elle n’essaie plus de répondre à ses attentes relatives à l’emploi avec uniquement son éducation et sa formation. Grâce à ses séances de counseling, l’appelante a appris à se trouver et à conserver un emploi, et elle a également appris à faire correspondre ses attentes relatives à son emploi avec sa capacité émotionnelle. Mme Stoneman a signalé que bien cela limiterait sa capacité résiduelle, l’appelante a accepté le fait que cela l’aidera à garder une bonne santé mentale.

[85] Le Tribunal accepte que, une fois que l’appelante a compris grâce à son counseling qu’elle devait se trouver un emploi qui correspond à sa capacité émotionnelle et pas seulement à ses études, elle ait été en mesure de se trouver et de conserver un emploi. Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, le Tribunal conclut que malgré la maladie de Ménière, le syndrome d’Asperger, la dépression et des problèmes gastro-intestinaux, l’appelante a la capacité de travailler. À son honneur, elle a démontré cette capacité en travaillant à temps partiel comme coiffeuse depuis juin 2012 (arrêt Klabouch).

[86] Est-ce que l’emploi à temps partiel en tant que coiffeuse constitue une occupation véritablement rémunératrice ? Afin de trancher cette question, le Tribunal garde en tête que la Cour d’appel fédérale a déclaré dans l’arrêt Kiriakidis que la capacité de travailler est fondée sur l’ensemble de la preuve et que la rentabilité d’une entreprise commerciale n’est pas nécessairement un indicateur de la capacité.

[87] L’intimé soutient que le Tribunal devrait conclure que les montants de revenues présentés par l’appelante sont inférieurs à son revenu réel puisqu’elle est une travailleuse indépendante. Puisqu’il n’existe aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation, le Tribunal refuse de se prononcer à ce sujet.

[88] L’appelante et son représentant indiquent qu’elle travaille environ 24 heures par semaine en tant que coiffeuse depuis juin 2012, que ses quarts de travail sont d’une durée de quatre heures, et qu’elle continue de travailler de cette façon. Elle soutient que puisque ses revenus sont inférieurs à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité, son emploi ne devrait pas être considéré comme étant véritablement rémunérateur. Le Tribunal note que cette observation s’appuie sur le paragraphe 68.1(1) du Règlement, lequel est entré en vigueur le 29 mai 2014 et s’applique aux décisions rendues par l’intimé après cette date. En l’espèce, la décision initiale a été rendue le 3 juillet 2012 et la décision relative à la révision est datée du 7 décembre 2012. Par conséquent, la disposition ne peut pas s’appliquer à l’affaire de l’appelante. Bien qu’il ne soit pas lié par le principe énoncé dans l’affaire Nicholson, le Tribunal est d’accord qu’il n’est pas possible de déterminer si un emploi est « véritablement rémunérateur » en utilisant une approche universelle, particulièrement une approche qui coïncide avec le montant maximal actuel de prestations de pension d’invalidité.

[89] Le RE de l’appelante daté de mai 2015 et présenté à la page GT13-4 indique que sa rémunération a dépassé l’exemption de base de l’année (EBA) à chaque année de 1988 à 2014. Les revenus de son emploi à temps partiel pour 2011, 2012, 2013 et 2014 étaient de 13 421 $, 5 174 $, 8 458 $ et 8 793 $ respectivement. Ces revenus sont plus faibles que ceux de 23 715 $ à 37 279 $ qu’elle a fait entre 2006 et 2010 lorsqu’elle a travaillé à temps plein comme secrétaire/assistante de bureau. Cependant, ses revenus de 2011 à 2014 sont similaires à ses revenus de 2002 à 2005 lorsque ceux-ci étaient de 5 484 $, 9 566 $, 15 421 $ et 3 836 $ respectivement. La capacité de travailler est fondée sur l’ensemble de la preuve et la rentabilité d’une entreprise commerciale n’est pas nécessairement un indicateur de la capacité (arrêt Kiriakidis). Le Tribunal accepte les éléments de preuve de Mme Stoneman, sa coordonnatrice de l’enseignement professionnel, qui indiquent qu’après sa réadaptation cognitive, l’appelante en est venue à la décision qu’elle gardera une bonne santé mentale en faisant correspondre le type d’emploi qu’elle exerce avec sa capacité émotionnelle. Il faut féliciter l’appelante pour avoir acquis cette perspective. Cependant, le fait qu’elle a décidé de se limiter à un emploi à temps partiel dans la profession qu’elle a choisie ne signifie pas qu’elle a pour autant prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que l’appelante a fait le choix personnel de travailler pour le nombre d’heures qu’elle fait présentement. Cette décision de réduire son nombre d’heures de travail et du fait même sa capacité de gain n’est pas fondée sur son état de santé actuel.

[90] Ayant pris connaissance de l’ensemble de la preuve, le Tribunal n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave, conformément aux critères du RPC.

Caractère prolongé

[91] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[92] L’appel est rejeté.

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