Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • B. P. : appelant
  • Elen Bereket : représentante de l’appelant
  • Arlene Wheeler : infirmière autorisée

Introduction

[1] La demande de pension au Régime de pensions du Canada (RPC) que l’appelant a présentée est datée du 17 mai 2010. Initialement, l’intimé rejeta la demande ainsi qu’à la suite de la révision. L’appelant interjeta appel de la décision de la révision auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et le 13 février 2013 (décision rendue le 3 mai 2013) un tribunal de révision (TR) détermina qu’une pension d’invalidité doit être payée à l’appelant à partir de juin 2012.

[2] Le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité indiquait que l’appelant a travaillé entre octobre 1988 et août 2009. Il avait été responsable de la flotte de véhicules pour l’Alberta Motor Association (l’« AMA ») mais, on lui avait confié un emploi de bureau en raison de limites résultant d’une crise cardiaque. L’appelant a indiqué, dans le questionnaire, qu’il a cessé de travailler parce que [traduction] « son cœur [ne pouvait pas] supporter le travail ». Il a également indiqué qu’il avait maintenant une très mauvaise mémoire et se fatiguait rapidement. Il a décrit plusieurs limitations et restrictions fonctionnelles.

[3] À l’audience du TR, en février 2013, l’appelant déclara qu’il avait récemment commencé à travailler à temps partiel dans un atelier de réparation automobile, et que parfois son assiduité au travail était irrégulière en raison de sa santé. Il a déclaré qu’il pouvait habituellement travailler deux jours par semaine, mais devait parfois s’absenter en raison de sa santé. Il qualifia ses employeurs de bienveillants. L’appelant estimait qu’il avait gagné environ 1 000 $ par mois de cet employeur, ce qui était beaucoup moins que les revenus qu’il recevait lorsqu’il travaillait à l’AMA.

[4] Il a été déterminé que le dossier médical soumis au TR appuyait les observations de l’appelant. L’appelant avait reçu un diagnostic de maladie coronarienne, de cardiomyopathie ischémique, d’une maladie discale dégénérative de la colonne lombaire avec douleurs chroniques, d’hyperthyroïdie, d’œsophagite peptique, de dysthymie et de troubles dépressifs majeurs et récurrents.

[5] Le TR a reconnu que l’appelant souffre de « problèmes de santé graves »; il était toutefois clair que l’appelant faisait un peu de travail à temps partiel dans un atelier de réparation automobile. Lorsqu’il a évalué si l’invalidité de l’appelant était « grave » au sens du RPC, le TR a évalué si l’emploi à temps partiel était [traduction] « sensiblement rémunérateur ». Ultimement, le TR a conclu que l’appelant n’était pas en mesure d’exercer régulièrement une [traduction] « occupation sensiblement rémunératrice ».

[6] Le 8 août 2013, l’intimé déposa une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). Dans les observations de la demande de permission d’interjeter appel, l’intimé se fonda sur un nouvel élément de preuve : un relevé d’emploi (RE) récent et imprimé le 1er mai 2013 indiquant que l’appelant avait eu des revenus de 10 004 $ en 2011 et de 52 625 $ en 2012. Dans ses observations, l’intimé nota que le TR avait déterminé que l’appelant était invalide à partir de juin 2012, l’année pour laquelle un élément de preuve montre qu’il avait gagné 52 626 $. L’intimé affirma que ceci démontre que l’appelant détenait un emploi véritablement rémunérateur en 2012. L’intimé déclara que le TR avait aussi fait diverses erreurs mixtes de fait et de droit.

[7] La division d’appel accorda la permission d’en appeler le 30 juin 2014, et le 26 janvier 2015, elle accueillit l’appel pour le motif voulant que la décision du TR n’était pas justifiable au regard du droit, car le TR avait omis de prendre en considération la décision de la Cour fédérale permission dans l’affaire Fancy c. Canada, 2008 FC 1414 au par. 13, et qu’elle avait procédé incorrectement à une analyse comparative des revenus de l’appelant pour déterminer s’il était régulièrement en mesure d’exercer une occupation véritablement rémunératrice.

[8] La division d’appel indiqua qu’il ne relève pas de sa compétence de rendre une décision sur de « nouvelles preuves » que l’intimé pourrait souhaiter lui soumettre sous forme de relevés d’emploi à jour, même si ceux-ci démontraient que l’appelant avait des gains supérieurs à des niveaux qui suggèrent qu’il était ou est capable d’exercer régulièrement une occupation « véritablement rémunératrice », après sa période minimale d’admissibilité. La division d’appel ajouta que cette preuve n’avait pas été et devrait être vérifiée, et devrait corroborer le témoignage de l’appelant selon lequel ses gains s’élevaient à environ 1 000 $ par mois.

[9] L’appel fut accueilli et la question renvoyée à la division générale pour que l’affaire soit entendue de nouveau en tenant compte des présents motifs. Ceci est l’audience ordonnée par la division d’appel.

[10] Cette nouvelle audience fut tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelant sera la seule partie à participer à l’audience;
  2. un service de vidéoconférence est situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelant;
  3. les questions qui font l’objet du présent appel sont complexes;
  4. il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  5. le mode d’audience convient le mieux pour traiter des incohérences dans la preuve;
  6. le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[11] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[12] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (RPC) énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[13] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[14] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, l’invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Relevé d’emploi

[15] Un relevé d’emploi (RE) imprimé le 17 mai 2010 était le seul RE présenté au TR. Ce RE n’a pas révélé de gains ouvrant droit à pension après 2009, et par conséquent, le TR instruit sur la foi que la PMA était le 31 décembre 2012.

[16] Un RE imprimé le 1er mai 2013 a été produit à la division d’appel par l’intimé. Ce RE ne révéla pas de gains ouvrant droit à pension en 2010, mais bien des revenus additionnels de 10 004 $ en 2011 et 50 100 $ en 2012, ce qui déplace la PMA au 31 décembre 2014.

[17] Un RE imprimé le 29 avril 2015 a été déposé pour la nouvelle audience. Ce RE montre des revenus additionnels de 51 100 $ en 2013 et déplace la PMA au 31 décembre 2016.

Question en litige

[18] Le Tribunal détermine que la PMA prend fin le 31 décembre 2016 (basé sur 25 ans de gains ouvrant droit à pension et des revenus ouvrant droit à pension dans trois des dernières six années).

[19] Cependant, pour être admissible à une pension d’invalidité, un bénéficiaire ne peut bénéficier d’une prestation de retraite. Aux termes du paragraphe 66.1(1.1) du Régime et du paragraphe 46.2(2) du Règlement, une personne peut demander la cessation d’une prestation de retraite pour la remplacer par une prestation d’invalidité s’il ou elle est réputé être devenu invalide avant le mois où il ou elle a commencé à toucher sa pension de retraite.

[20] L’appelant commença à toucher sa prestation de retraite en mai 2015; toutefois, il doit être réputé invalide, au sens du Régime, avant le 1er mai 2015.

[21] Dans cette affaire, le Tribunal doit décider s’il est plus probable que l’appelant avait l’invalidité sévère et prolongée le ou avant le 30 avril 2015.

Preuve orale

Preuve de l’appelant

[22] L’appelant affirma que son état présent est essentiellement la même qu’elle était en avril 2015. L’appelant a fait un compte rendu détaillé de ses études et de ses antécédents de travail. Il a une cinquième secondaire et il affirma qu’il avait été promu à des postes de gestion pour chacun des emplois qu’il a occupés. Ses expériences de travail incluent des postes comme technicien en explosif (il suivit un cours dans ce domaine dans les années 70) et comme gérant d’entrepôt. Il commença à travailler à temps partiel pour AMA en 1988 et gravit les échelons jusqu’au poste de superviseur de la flotte et éventuellement superviseur provincial de toutes les dépanneuses.

[23] Il a subi sa première crise cardiaque en 2004. Ils lui brisèrent une côte lors des manœuvres de réanimation et, de plus, il subit un accident vasculaire cérébral. Il n’a pas travaillé et a été en invalidité de longue durée (ILD) pendant deux ans. Lorsqu’il est retourné au travail, il ne pouvait plus fonctionner comme il le faisait avant et il a graduellement été rétrogradé pour se retrouver dans un centre d’appels à gérer des plaintes. Il cessa de travailler pour l’AMA en août 2009, car il ne pouvait plus supporter le stress. Il prit sa pension, partit en Thaïlande pour quelques années et vécut des bénéfices de sa pension. C’était moins dispendieux de vivre en Thaïlande et la météo était meilleure pour son arthrite. De plus, les médicaments dont il avait besoin y étaient moins chers et il recevait les soins d’un cardiologue. Le seul travail qu’il fit en Thaïlande était d’enseigner l’anglais à des enfants une ou deux heures par semaine. Il est revenu au Canada, car il avait dépensé son argent et il devait régler une contravention de stationnement – l’auto qu’il avait donnée à la Fondation du rein était toujours à son nom et celle-ci avait été remorquée pour une contravention de stationnement. Il fit une demande à Alberta Works [Travail Alberta] et celle-ci fut transférée au programme Barriers to employment [Obstacles à l’emploi], qui le dispensa de rechercher du travail en raison de sa santé.

[24] Son premier épisode suicidaire est survenu dans les années 80 lorsqu’il prit une surdose de médicaments et qu’il fut admis à un programme ambulatoire de huit heures par jour et d’une période de 19 semaines. En 2005, il a reçu un diagnostic de dépression sévère à la suite d’un autre épisode suicidaire. En juin 2011, la GRC l’amena menotté à l’hôpital Royal Albert à cause d’un autre épisode suicidaire (voir la pièce GDR3-22). C’était à l’époque où il est revenu au Canada.

[25] En 2011, il envoya son curriculum vitæ à des employeurs potentiels et finalement il trouva un emploi à temps partiel pour une franchise OK Tire, emploi qui devient graduellement un travail à temps plein. La franchise était exploitée par une famille asiatique et il indiqua qu’il leur était utile dans la gestion de leurs employés, car il connaissait la culture asiatique. Il travailla pour la concession OK Tire d’octobre 2011 à novembre 2013, et confirma que ses revenus étaient bien ceux inscrits sur le RE (voir les paragraphes 16&17, supra).

[26] Lorsque le Tribunal lui demanda pourquoi il avait affirmé devant le BCTR en février 2013 qu’il n’avait gagné que 1 000 $ par mois quand ses revenus étaient plus de quatre fois ce montant, l’appelant répondit : [traduction] « Je leur ai peut-être menti... Je devais avoir des difficultés à ce moment-là... Je pensais qu’ils me payaient au noir. » Pendant qu’il travaillait pour OK Tire, il devait utiliser de la nitroglycérine trois fois par jour à cause de ses douleurs thoraciques, son arthrite empirait et son état général se détériorait. Il a déclaré : [traduction] « Je n’avais pas de qualité de vie. » Il avait cessé de prendre du Vioxx car, ce médicament n’était plus sur le marché, et il prit de l’OxyContin sur une courte période ainsi que 6 à 8 Tylenol no 3 par jour. Il arrêta de prendre l’OxyContin, car c’était trop facile de développer une dépendance. Il continue maintenant de prendre 6 à 8 Tylenol no 3 par jour pour sa douleur.

[27] En mars 2013, il subit sa deuxième crise cardiaque et une intervention de pose d’endoprothèses. Il a été hospitalisé le 7 mars 2013 et a obtenu son congé le 10 mars 2013 (voir la pièce GDR3-15). Il indiqua que son état s’était aggravé. Il devait se lever à 3 h du matin pour utiliser son vaporisateur de nitroglycérine, car il avait des douleurs thoraciques et il s’absentait beaucoup du travail. Il fit une épreuve d’effort et, après environ 20 secondes, le cardiologue arrêta le test et appela une ambulance pour qu’il soit amené à l’hôpital.

[28] Il n’a manqué que quelques jours de travail — il retourna au travail, car il n’avait pas d’avantages sociaux et il avait besoin d’argent. Il a été congédié en novembre 2013; son superviseur l’avait informé qu’ils le congédiaient à cause de sa condition médicale, car il ne pouvait pas faire le travail. Toutefois, l’employeur ne voulait pas inscrire cette raison qui a été remplacée par un congédiement à cause d’un manque de travail. L’appelant reçut des prestations d’assurance-emploi régulières pour 9 mois et il reconnut qu’il avait complété les déclarations en indiquant qu’il était prêt, apte et désireux de travailler. Il envoya des curriculum vitæ, mais ne fut appelé que pour une entrevue. Il indiqua avoir fait des demandes d’emploi pour n’importe quel emploi, mais il ne croyait pas que quelqu’un l’embaucherait une fois son état connu. Au moment de son congédiement, il ne travaillait pas de manière satisfaisante – il avait des problèmes de mémoire, il faisait beaucoup d’erreurs et il ne pouvait lire les manuels. Il croit que la situation aurait été la même dans n’importe quel autre emploi.

[29] En décembre 2004, il a été admis à l’hôpital de l’Université de l’Alberta dans un programme ambulatoire de 16 semaines à la suite d’une autre tentative de suicide (voir la pièce GDR3-10). Il n’a pas travaillé depuis novembre 2013 et il est maintenant dans le programme Alberta Works, Barriers to Employment [Travail et obstacles à l’emploi de l’Alberta]. Lorsqu’il décrit ses activités quotidiennes, il déclare qu’il loue une chambre et qu’il dort de 12 à 14 heures par jour; il doit prendre deux Tylenol 3 le matin aussitôt qu’il se réveille et les effets secondaires ne lui permettent pas de faire grand-chose; il a essayé de marcher, mais il est courbé et doit utiliser une canne; il ne fait pas d’entretien ménager ou de nettoyage — parfois, il se fait chauffer de la nourriture au micro-ondes; il ne conduit plus et prend l’autobus s’il doit se déplacer. Il lit parfois le journal sur une tablette, mais il a trop de douleur s’il reste assis un certain temps. Il affirma [traduction] « qu’essentiellement il restait au lit. »

[30] Il souffre de pertes de mémoire, d’étourdissements, de fatigue et de dépression avec tendances suicidaires. Il prend de nombreux médicaments pour l’anxiété, pour l’aider à dormir, pour réduire son cholestérol, pour l’hypertension et pour ses problèmes cardiaques. Il voit le Dr Clarke pour ses ordonnances et il est suivi, sur une base annuelle, par un cardiologue. Il a consulté un spécialiste pour son dos, mais lorsqu’il est allé à la Back Institute [Institut pour le dos] ils lui ont dit qu’il n’y avait rien d’autre à faire que de prendre des analgésiques. Il participe maintenant à des séances de thérapie de groupe à l’Université de l’Alberta toutes les semaines; en plus, il a des séances hebdomadaires avec un psychologue, un travailleur social pour de la psychothérapie ainsi qu’avec une autre travailleuse sociale à la Safe House [refuge], et avec Mme Wheeler. Il a été placé à la Safe House [refuge] il y a environ un mois, car l’environnement où il louait une chambre était violent. Il a été vu par des cardiologues sur une base régulière (incluant le cardiologue qu’il a consulté quand il était en Thaïlande) et il pense que son cœur n’a jamais été stable depuis sa première crise cardiaque. Il croit que ses problèmes cardiaques ne sont pas aussi graves depuis qu’il a cessé de travailler, car il n’a plus à prendre de nitroglycérine quelques fois par jour comme il le faisait quand il travaillait.

La preuve d’Arlene Wheeler

[31] Elle est infirmière autorisée et travaille en santé publique. Sa tâche principale est d’offrir de la thérapie psychiatrique aux personnes âgées. Son premier contact avec l’appelant a été le 21 avril 2015 lorsqu’un employé de la Safe House [refuge] pour personnes âgées l’a contacté, car il était préoccupé de l’état dépressif de l’appelant qui avait une profonde tristesse et un sentiment de perte. Lors de l’entrevue initiale, l’appelant avait des idées suicidaires, des pertes de mémoire et était isolé. Il était passé d’un thérapeute à un autre et sentait qu’il n’avait aucun lien avec personne.
Elle remarqua qu’il avait des problèmes de langage, il cherchait ses mots et avait des problèmes de mémoire à court terme – ces symptômes sont communs chez les victimes d’accident vasculaire cérébral. Ses obstacles à l’emploi incluent son incapacité à se concentrer, sa douleur chronique, son incapacité à demeurer assis un certain temps, ses problèmes de mémoire à court terme et son incapacité à apprendre de nouvelles tâches.

Preuve médical

[32] Le Tribunal a examiné attentivement toute la preuve médicale au dossier d’audience. Les extraits que le Tribunal considère les plus pertinents sont les suivants.

Dr Clarke, omnipraticien

[33] Un rapport du Dr Clarke, omnipraticien de l’appelant, daté du 23 mai 2010 accompagnait la demande de prestations du RPC. Le rapport confirmait un diagnostic de maladie coronarienne, un infarctus du myocarde en décembre 2004 et un arrêt cardiaque duquel l’appelant a été réanimé. Le rapport concluait en mentionnant que l’appelant avait suivi à la lettre toutes les formes de traitement à ce jour et qu’il était demeuré stable.

[34] Le 6 mai 2011, Dr Clarke indiqua au RPC que l’appelant n’avait pas de douleurs thoraciques à l’heure actuelle, mais qu’il trouvait que sa tolérance à l’effort était réduite. L’appelant se plaint principalement de ses pertes de mémoire et de ses difficultés de fonctionnement cognitif. L’appelant se plaignit aussi de maux de dos dont il souffre quotidiennement et qui le limitent. Le rapport liste les conclusions suivantes :

Son arrêt cardiaque augmente grandement ses risques de subir un autre évènement cardiaque.

Son déclin cognitif aggravé par son encéphalopathie ischémique peut progresser avec le processus de vieillissement naturel. La combinaison des facteurs mentionnés précédemment rend son pronostic réservé. De plus, les limitations liées à sa discopathie dégénérative limitent sa mobilité, sa tolérance à l’effort et augmentent ses risques de dépression qui complexifient tous les problèmes mentionnés précédemment.

À la suite de son infarctus du myocarde, le patient est retourné au travail et avait des difficultés majeures avec l’environnement de travail et les affectations multiples.

Dr Stovel, psychiatre

[35] Le 22 septembre 2006, le Dr Stovel diagnostiqua un trouble dysthymique et un trouble dépressif majeur récurrents en rémission partielle.

[36] Le 11 octobre 2006, le Dr Stovel indiqua à Manuvie que l’appelant présentait des symptômes de dépression, de fatigue, d’hypersomnie, d’idéation suicidaire, de perte d’intérêt et de sentiments d’impuissance et d’être inutile. Dr Stovel signala aussi que l’appelant suivait des traitements très régulièrement et participait activement en groupe. À son congé, le diagnostic de l’appelant consistait en un trouble dysthymique, un trouble dépressif majeur récurrent, en rémission partielle, un trouble de la personnalité ainsi que des traits de narcissisme et d’évitement. L’évaluation globale de fonctionnement (EGF) de l’appelant était de 65.

Dr Paterson, cardiologue

[37] Le 16 décembre 2008, Dr Paterson, cardiologue, indiqua dans son rapport que l’appelant s’était bien senti depuis son rendez-vous il y a 15 mois; qu’il n’avait pas eu d’épisode de douleur thoracique; qu’il continuait de faire de longues marches lorsque la météo le permettait et qu’il était capable de prendre les escaliers et monter sans difficulté trois étages au travail; qu’il dormait bien; qu’il n’avait plus d’anxiété à propos de son infarctus et qu’il ne voyait plus son psychologue; qu’il était actuellement en instance de divorce et qu’il pensait aller en Thaïlande pour y acheter et gérer un café.

Radiographies

[38] Les radiographies lombaires de l’appelant faites le 11 janvier 2011 ont révélé une discopathie dégénérative aux vertèbres L3-L4, L4-L5 et L5-S1. Les radiographies ont aussi révélé une découverte fortuite de discopathie dégénérative aux vertèbres C5-C6.

Hospitalisation le 13 mars 2013

[39] Un congé d’hospitalisation sommaire a été préparé par le Dr Oudit, cardiologue. Il indique que l’appelant a été admis à l’hôpital, le 7 mars 2013, pour un risque élevé d’angine instable et il a obtenu son congé le 10 mars 2013.

Dr Clarke, octobre 2014

[40] Dans son évaluation médicale réalisée pour Alberta Works [Travail Alberta] et datée du 14 octobre 2014, le Dr Clarke a signalé que les principaux problèmes médicaux de l’appelant incluaient la dépression chronique, le trouble dysthymique et l’insuffisance coronaire. Le rapport mentionne de faibles/graves problèmes de mémoire, de compréhension, à marcher et se tenir debout, et de légers problèmes à utiliser les escaliers. Le rapport note également que, de manière permanente, l’appelant est incapable de travailler et qu’il est médicalement incapable de suivre un programme d’entraînement ou de rééducation.

Questionnaire sur le travail & questionnaire médical

[41] Dans le questionnaire de prestations d’invalidité du RPC rempli le 16 avril 2015, l’appelant indiqua qu’il était, de manière permanente, invalide et qu’il n’avait pas de travail.

[42] Dans le questionnaire médical du RPC rempli le 16 avril 2015, l’appelant indiqua que ses problèmes courants de santé incluaient une maladie cardiaque, deux crises cardiaques, un accident vasculaire cérébral, des problèmes de mémoire, de l’arthrite dégénérative et de la dépression chronique sévère.

Preuve

[43] Mme Bekeret a soutenu que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. il souffre de plusieurs affections incapacitantes qui incluent des problèmes cardiaques, des séquelles de son accident vasculaire cérébral et de deux crises cardiaques, de la dépression grave, des pertes de mémoire à court terme, des douleurs arthritiques chroniques, de la fatigue, des étourdissements et les effets secondaires de la prise de nombreux médicaments;
  2. il a des antécédents de nombreuses tentatives de suicide;
  3. le Tribunal devrait considérer un contexte « réaliste » lorsqu’il évalue la capacité de l’ appelant à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice;
  4. l’appelant a établi une invalidité grave et prolongée en novembre 2013 lorsqu’il a été congédié par OK Tire à cause de son état de santé.

[44] L’intimé fit valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. bien que l’appelant ait des limites liées à son état de santé, la preuve de ses revenus confirme qu’il a conservé la capacité d’avoir un emploi convenable qui tient compte de ses limites;
  2. ses revenus déclarés pour 2012 et 2013 sont bien au-dessus de ceux d’une occupation véritablement rémunératrice;
  3. bien que l’appelant a eu besoin d’une intervention médicale d’urgence pour traiter son angine instable en mars 2013, l’information au dossier indique que son état s’est amélioré à la suite de l’intervention médicale;
  4. aucun rapport de consultation additionnel de son cardiologue n’a été soumis pour confirmer que les problèmes de santé de l’appelant sont graves et l’empêchent d’avoir tout emploi convenable;
  5. le relevé d’emploi émis par KSC Holdings le 29 novembre 2013 indique que l’appelant était employé du 24 octobre 2011 jusqu’au 30 novembre 2013, et que la raison pour laquelle le relevé a été émis était le Code A, qui signifie le manque de travail/fin de contrat. Ceci laisse croire que l’emploi le plus récent de l’appelant s’est terminé pour des facteurs socio-économiques plutôt que médicaux.
  6. Bien que l’état de santé de l’appelant peut l’avoir empêché de retourner à des emplois physiquement plus exigeants; une maladie cardiovasculaire faisant l’objet d’un suivi médical ne devrait pas empêcher l’exécution de tout type d’emploi, incluant des activités convenables plus sédentaires moins exigeantes physiquement ou du travail à temps partiel.

Analyse

[45] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le ou avant le 30 avril 2015.

Grave

[46] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité sont définies au paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada (la Loi) qui prévoit essentiellement que, pour qu’une personne soit considérée comme invalide, elle doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse s’adonner. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[47] Les affaires suivantes ont fourni une orientation et une aide au Tribunal afin de trancher les questions relatives au présent appel.

[48] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’en date du 30 avril 2015 il était invalide comme le définit la Loi. La gravité de cette invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge de la personne, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques ainsi que ses antécédents de travail et son expérience de vie lorsqu’il détermine l’« employabilité » à l’égard de son invalidité.

[49] On doit prendre en compte toutes les déficiences possibles de l’appelant qui ont une incidence sur son employabilité et non seulement les déficiences les plus importantes ou la déficience principale : Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Bien que les problèmes médicaux de l’appelante considérés individuellement puissent ne pas mener à une invalidité grave, l’effet groupé des diverses affections peut rendre l’appelant gravement invalide : Barata c. Ministre du Développement des ressources humaines (17 janvier 2001) CP 15058 (CAP).

[50] D’une part, l’appelant doit démontrer qu’il est atteint d’un problème de santé grave et, d’autre part, lorsqu’il y a une preuve d’une capacité de travailler, il doit établir que ses efforts en vue de trouver un emploi et de le conserver se sont révélés infructueux en raison de son état de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Cependant, dans le cas où il y a incapacité de travailler, il n’y a aucune obligation de démontrer les efforts fournis pour trouver un emploi. L’incapacité peut être démontrée de diverses manières. Ainsi, elle peut être établie au moyen d’une preuve que l’appelante serait incapable d’accomplir toute activité liée à un emploi : C.D. c. MDRH (18 septembre 2012) CP 27862 (CAP).

[51] Un appelant n’a pas à trouver un employeur philanthrope, compréhensif et souple qui est prêt à s’adapter à son invalidité. L’expression « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » fait intervenir la capacité de l’appelant de se présenter à son lieu de travail au moment où, et aussi souvent que, cela est nécessaire; la prévisibilité est l’essence même de la régularité : MHRD c. Bennett (10 juillet 1997) CP 4757 (PAB).

[52] Le moment auquel une invalidité commence et le moment auquel elle devient grave est une question de fait. Dans certains cas, cela se produit en un instant. Dans d’autres cas, il faut des mois, voire des années, avant qu’elle ne devienne grave au sens où l’entend le RPC. De plus, une personne peut être atteinte d’une invalidité grave et ne pas s’en rendre compte, car elle est immobilisée pour d’autres raisons : Forrester c. MDRH (3 novembre 2003) CP 20789 (CAP).

Application des principes directeurs

[53] L’appelant souffre de multiples affections invalidantes qui se sont progressivement aggravées depuis sa première crise cardiaque en 2004. Malgré ces affections, l’appelant a été capable de retourner au travail chez AMA jusqu’en août 2009, de voyager en Thaïlande et de gagner un revenu important chez OK Tire d’octobre 2011 jusqu’à novembre 2013. Après la fin de son emploi (les raisons de la cessation d’emploi ne sont pas claires), il reçut des prestations régulières d’assurance-emploi durant neuf mois, il fit des déclarations confirmant qu’il était capable de détenir un emploi et qu’il faisait des efforts pour chercher un autre emploi. Cela étant dit, le Tribunal n’est de l’avis de Mme Bereket voulant que l’appelant doive être considéré comme étant invalide en novembre 2013.

[54] Cependant, le Tribunal constate que l’état de l’appelant s’est détérioré après novembre 2013 et, qu’à partir de décembre 2014 lorsqu’il a été admis à l’hôpital de l’Alberta après une autre tentative de suicide, son invalidité était devenue grave (voir l’affaire Forrester, supra).

[55] Le Tribunal a considéré l’effet cumulatif des multiples affections de l’appelant incluant la dépression sévère et l’anxiété, la maladie coronarienne et la douleur arthritique chronique (voir l’affaire Bungay et Barata, supra). Il est très limité dans ses activités quotidiennes et il dort maintenant pendant 12-14 heures par jour; il se rend à ses rendez-vous de thérapie quatre fois par semaine; il a fait plusieurs tentatives de suicide; il prend de nombreux médicaments qui causent des effets secondaires importants; et il est limité par des pertes de mémoire, des problèmes de concentration, de la fatigue, des maux de tête, de la douleur chronique et de la difficulté à rester assis, se tenir debout ou à marcher.

[56] Bien que l’appelant était capable de travailler durant plusieurs années malgré son état, le Tribunal est convaincu que son état s’est détérioré et qu’il n’a plus la capacité de détenir régulièrement toute forme d’occupation véritablement rémunératrice. À cause de ses limites multiples, il ne peut pas être un employé régulier et prévisible (voir l’affaire Bennett, supra).

[57] Le Tribunal établit que l’appelant a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est atteint d’une invalidité grave selon le critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada.

Invalidité prolongée

[58] L’appelant souffre de troubles invalidants depuis de nombreuses années et, malgré un traitement intensif et continu, son état de santé s’est détérioré.

[59] L’invalidité de l’appelant est de longue durée et il n’y a aucune perspective d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[60] Le Tribunal établit que l’appelant avait une invalidité grave et prolongée en décembre 2014 lorsqu’il a été admis à l’hôpital de l’Université de l’Alberta pour un traitement ambulatoire de 16 semaines, car il avait fait une autre tentative de suicide. En vertu de l’article 69 du RPC, les versements commencent à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements commencent à partir d’avril 2015.

[61] L’appel est accueilli.

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