Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 9 août 2011. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a porté la décision de révision en appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et cet appel a été transféré au Tribunal en avril 2013.

[2] Le présent appel a été instruit sur la foi des documents et des observations déposés pour les raisons suivantes :

  • L’information au dossier est complète et ne nécessite aucune clarification ;
  • La crédibilité n’est pas un enjeu principal.

Droit applicable

[3] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant :

  1. a) qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  2. b) à qui aucune pension de retraite n’est payable;
  3. c) qui est invalide;
  4. d) qui a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[6] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

[7] Le sous-alinéa 49(1)b)(ii) décrit lorsqu’une prestation d’invalidité peut être visée par les dispositions relatives aux demandes tardives. Si l’individu a été en mesure de satisfaire aux exigences en matière de cotisations applicables à une date antérieure, il peut établir une période minimale d’admissibilité. Il indique que les prestations sont payables à un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si une demande de pension d’invalidité avait été reçue avant le moment où elle l’a effectivement été.

Question en litige

[8] Le Tribunal conclut que la date à laquelle la PMA a pris fin est le 31 décembre 2002.

[9] Dans la présente affaire, le Tribunal doit déterminer s’il est probable que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à la date de la PMA ou avant celle-ci.

Preuve

[10] L’appelant avait 36 ans à la date de fin de sa PMA.

[11] L’appelante est célibataire. Elle est sourde des deux oreilles à cause de la rubéole congénitale. Elle communique en langue des signes américaine, et elle est également aveugle de l’œil droit.

[12] L’appelante a terminé sa douzième année et a suivi plusieurs cours de perfectionnement entre les années 2000 et 2010. Elle a participé au Programme ontarien de soutien de l’emploi aux personnes handicapées en collaboration avec la Société canadienne de l’ouï de 2011 à 2007. Elle a mis à jour ses compétences en informatique, a fait de la recherche d’emplois et a reçu un certificat en 2007 en système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail.

[13] En automne 2006, l’appelante a participé à un programme parrainé par le Conseil scolaire du district de Toronto. Elle a eu deux placements professionnels en 2006-2007, ainsi qu’en 2008 pendant quelques mois, à deux endroits différents.

[14] Elle a participé à plusieurs salons de l’emploi pour tenter de se trouver un emploi. Elle a également fait des recherches d’emplois régulières sur le web et du réseautage tout en se tenant au courant des programmes informatiques et des logiciels. (GT1-20)

[15] Dr Parrish, le médecin de famille de l’appelante, était son médecin depuis 1990. Il a fourni ses notes cliniques pour la période de janvier 2002 à 2012. L’appelante a rencontré le Dr Parrish à deux reprises en 2002. En juillet, elle a indiqué qu’elle était déprimée en raison de sa rupture avec son petit ami. Il lui a prescrit de l’Elavil 10 mg deux fois par jour pour deux semaines, puis son plan était de réévaluer par la suite. Elle a rencontré son médecin de nouveau en octobre 2002 pour un mal de gorge, et des antibiotiques lui ont été prescrits. En décembre, l’appelante a eu un examen physique qui s’est révélé normal. Elle a rencontré le Dr Parrish de façon occasionnelle en 2003 et en 2004 pour des raisons mineures. (GT1-49)

[16] En mai 2011, on a retrouvé l’appelante sur le plancher. Elle a subi un traumatisme médullaire. Il a été constaté qu’elle souffrait de sténose du canal rachidien cervical causant une compression de la moelle épinière. Une opération chirurgicale a été faite le jour suivant, puis elle a dû subir une opération supplémentaire du dos le 15 mai 2011. L’appelante a indiqué à ses médecins qu’elle ne présentait au préalable aucun symptôme de sténose du canal rachidien, niant avoir eu auparavant des sensations de picotement, engourdissement ou diminution de sa force à ses extrémités. (GT1-82)

[17] L’appelante a indiqué sur le questionnaire du RPC qu’elle n’était plus en mesure de travailler à cause de son état de santé en date du 4 mai 2011. Toutes les limitations fonctionnelles énumérées sont liées à sa blessure survenue en mai 2011.

[18] Elle s’est fait soigner à l’hôpital Sunnybrool du 4 au 25 mai 2011, puis elle est allée au centre Lyndhurst à partir du 25 mai 2011 et y était encore au moment où elle a présenté sa demande. Au mois de juillet 2011, elle avait fait du progrès et pouvait marcher sur de courtes distances à l’aide d’une canne tétrapode, mais elle se déplaçait à fauteuil roulant pour les longues distances.

Observations

[19] Le représentant de l’appelante a fait valoir en son nom qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Malgré une invalidité grave et prolongée, l’appelante a eu, par moments, un emploi rémunéré. Cela ne devrait pas constituer une preuve de sa capacité de se trouver un emploi véritablement rémunérateur. Il convient de noter que malgré ses énormes efforts, elle n’a pas réussi à se trouver un emploi depuis l’année 2000, lorsqu’elle a été mise en disponibilité de son poste chez Purolator.
  2. Il faut prendre en considération la directive en matière de politique des programmes de la sécurité du revenu (comme on le nommait à l’époque) afin de déterminer si un emploi est considéré une occupation effectivement rémunératrice. En 1995, le seuil ou le chiffre repère était de 8 559 $.
  3. En appliquant l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 aux faits en l’espèce et tenant compte de l’expérience de travail antérieure et limitée de l’appelante, de ses incapacités importantes et des statistiques actuelles sur l’emploi de personnes ayant des incapacités, il est clair que les incapacités de l’appelante, telles qu’elles existaient avant décembre 2002, font en sorte qu’elle est incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice.

[20] L’intimé fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Les notes cliniques du médecin font état d’un épisode dépressif, qui a nécessité un seul antidépresseur et n’indiquent pas qu’il était nécessaire que l’appelante consulte un professionnel de la santé mentale.
  2. Il est convenu que l’appelante a subi une importante lésion médullaire en mai 2011. Cependant, la preuve ne fait pas mention d’une invalidité en décembre 2002 qui l’aurait empêchée d’exercer tout emploi modifié.
  3. L’appelante a indiqué en mai 2011 qu’elle n’était plus en mesure de travailler en raison de son état de santé.

Analyse

[21] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une invalidité grave et prolongée le ou avant le 31 décembre 2002.

Grave

[22] Le Tribunal est guidé par l’affaire Dhillon c. MHRD (le 16 novembre 1998), CP 5834(CAP)où il est indiqué qu’il incombe directement à l’appelante de convaincre le Tribunal que son invalidité, qu’elle soit physique ou mentale, correspond à la définition réputée énoncée dans le RPC.

[23] L’appelante a fait valoir que malgré son invalidité, elle a eu un emploi à certains moments. Elle a travaillé pour la même compagnie pendant plus de 13 ans, et son salaire augmentait au fil des années, ce qui indique un rendement satisfaisant. Elle était limitée en raison de sa vision et de son ouï au moment de son embauche, et a continué à travailler à cet endroit pour plus d’une décennie. Elle a cessé de travailler à cet endroit pour des raisons non médicales.

[24] Le Tribunal juge que travailler pour la même entreprise pendant 13 ans n’est pas considéré comme travailler à certains moments, et il n’est pas convaincu que cela pourrait être considéré comme étant une durée d’emploi insignifiante.

[25] Le représentant de l’appelante a souligné les efforts énormes déployés par l’appelante pour obtenir un emploi malgré ses invalidités. Elle a été en mesure de fréquenter l’école pour mettre à jour ses compétences, ainsi que de participer à deux placements professionnels dans le cadre d’un programme d’amélioration. Elle indique dans son questionnaire qu’elle n’était pas en mesure de travailler à cause de son état de santé après sa blessure à la moelle épinière. Le Tribunal accorde du poids à l’opinion de l’appelante afin de déterminer le moment auquel ses limitations physiques auraient sérieusement affecté sa capacité de travailler de façon régulière.

[26] Le Tribunal conclut que l’appelante a été parfaitement capable de conserver un emploi pendant plusieurs années. Ses limitations physiques ne l’ont pas empêché d’accomplir cela. Elle a prouvé sa capacité à travailler de façon régulière malgré ses problèmes auditifs et visuels, et cela, pendant plusieurs années.

[27] Des facteurs socio-économiques, comme les conditions du marché du travail, ne sont pas pertinents dans une décision visant à déterminer si une personne est invalide au sens du RPC : Canada (MDRH) c. Rice 2002 CAF 47.

[28] Le Tribunal note que l’appelante a continué à se chercher un emploi et à mettre à jour ses compétences au fil des ans. Elle a fait des stages en milieu de travail. Il est clair pour le Tribunal que l’appelante était confiante, avec toutes ses activités de recherche d’emploi, qu’elle était tout à fait capable de travailler si un employeur lui offrait un poste.

[29] Le Tribunal s’est référé à Buckley c. MDRH (20 septembre 2001), CP 15 265 (CAP) pour des lignes directrices lorsque la question d’invalidité est soulevée en lien avec un facteur tel qu’un problème auditif. La décision a également reflété dans sa décision les facteurs énoncés dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), [2001 CAF 248] lorsque ce qui suit est mentionné :

Une déficience auditive constitue une limite grave. Elle a un effet isolateur sur la personne touchée et réduit le niveau de communication orale qui peut d’emblée être engagé et, dans le contexte de l’emploi, ce genre de communication est habituellement très important. Des aides techniques peuvent contribuer à réduire le problème, mais elles ont aussi leurs limites. Malgré tout, je ne suis pas convaincu que le niveau de déficience de Mme Buckley, étant donné son âge et son expérience de travail, la rend incapable d’occuper régulièrement toute forme d’emploi effectivement rémunérateur. Il y a de la place dans le milieu de travail pour les personnes ayant une déficience auditive, et des moyens technologiques existent pour les aider à surmonter cet obstacle. Mme Buckley pourrait s’acquitter de manière satisfaisante […].

[30] L’appelante a su composer avec les limites de son ouï et de sa vision en occupant un emploi convenable pendant plusieurs années.

[31] L’appelante fait valoir qu’il faudrait déterminer si une occupation peut être considérée comme étant effectivement rémunératrice tel qu’il est décrit dans la directive en matière de politique des programmes de la sécurité du revenu de 1995.

[32] Le Tribunal est conscient qu’une directive en matière de politique des programmes de la sécurité du revenu ne lie pas le Tribunal et, par conséquent, ne serait pas considérée. L’appelante a travaillé régulièrement pendant plusieurs années et occupait en emploi qui fournissait un revenu véritablement rémunérateur.

[33] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie au moment de déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité grave. L’appelante encourage le Tribunal à tenir compte de ces facteurs.

[34] L’appelante avait 36 ans au moment de sa PMA. Elle avait des antécédents de travail impressionnants indiquant qu’elle avait travaillé pour le même employeur pendant plusieurs années. Elle a amélioré ses compétences dans plusieurs domaines, ce qui lui a donné une grande variété de compétences transférables.

[35] Le Tribunal ne prend pas en considération les caractéristiques personnelles dont il est question dans l’affaire Villani. Le Tribunal ne croit pas que le précédent emploi de l’appelante pourrait être considéré ou décrit comme étant une expérience de travail limitée. Il est clair que l’appelante a réussi à gérer plusieurs aspects de sa vie avec son incapacité à entendre et ses problèmes de vision.

[36] Lorsqu’il y a des preuves de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a faits pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117).

[37] En appliquant les affaires Villani et Inclima, le Tribunal doit conclure que l’appelante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau en raison des éléments de preuve de capacité de travail, et qu’il n’y a pas d’éléments de preuve permettant de conclure que son état de santé l’a empêché de se trouver ou de conserver un emploi.

[38] Le Tribunal a examiné attentivement les rapports médicaux ainsi que les observations. Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, il n’est pas convaincu que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave au sens de la Loi.

Invalidité prolongée

[39] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

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