Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité au Régime de pensions du Canada présentée par l’appelante a été estampillée par l’intimé le 13 janvier 2012. L’intimé a accueilli la demande et les versements de la pension commencèrent en février 2011. Cette décision a été maintenue à la suite d’une révision. L’appelante a porté la décision de révision en appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et cet appel a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) en avril 2013.

[2] Après l’examen des documents et des observations déjà déposés par les parties, le Tribunal décida de rendre sa décision sur la foi du dossier en vertu de l’article 28 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) et selon les motifs suivants :

  1. Le membre a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience.
  2. Le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[3] Un avis indiquant l’intention du Tribunal de rendre sa décision sur la foi du dossier a été envoyé aux parties le 19 juin 2015 et elles ont eu jusqu’au 24 juillet 2015 pour soumettre au des documents et observations additionnels. Aucune des parties ne fit d’ajout au dossier.

Droit applicable

[4] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013, et qui n’ont pas été instruits par le BCTR, sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (Loi) énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour avoir droit à une pension d’invalidité, le requérant doit être âgé de moins de 65 ans, ne doit pas toucher de prestations de retraite du RPC, doit être invalide, et doit avoir versé des cotisations valides au RPC au moins pendant la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] L’alinéa 44(2)a) du RPC prévoit qu’aux fins d’invalidité, une personne est considérée avoir fait des cotisations pour au moins la PMA seulement si les cotisations proviennent de gains d’emploi qui sont supérieurs à l’exemption de base pour l’invalidité. En d’autres termes, les cotisations d’une personne au RPC pour une année donnée comptent seulement aux fins de la demande de pension d’invalidité s’il ou elle obtint des gains d’emploi supérieurs à l’exemption de base pour invalidité de l’année en question. Le montant de l’exemption de base à des fins d’invalidité est calculé chaque année selon les articles 18, 19 et 20 du RPC.

[7] Une disposition relative au requérant tardif est prévue au sous-alinéa 44(1)b)(ii) du RPC. Elle établit qu’une réparation est possible pour une personne qui n’a pas fait de demande de pension d’invalidité au temps où il ou elle avait suffisamment cotisé, en considérant si la personne était ou n’était pas invalide à cette période et continue d’être invalide.

[8] Une fois que la personne satisfait aux exigences d’admissibilité pour la pension d’invalidité alors, le RPC établit les règles pour le paiement. En vertu de l’alinéa 42(2)b) du RPC, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité. C’est le cas où même la disposition relative au requérant tardif est utilisée. L’article 69 du RPC limite davantage le paiement de la pension au quatrième mois qui suit la date où l’invalidité réputée débute.

[9] Les paragraphes 60 (8), (9) et (10) du RPC prévoit une exception à la rétroactivité limitée des paiements en permettant qu’une demande soit réputée avoir été présentée à une date antérieure à celle déposée dans les cas d’incapacité. Ces dispositions prévoient :

  1. (8) Dans le cas où le ministre est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur ou en son nom, que ce dernier n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite, le ministre peut réputer cette demande de prestation avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, dans le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé, période ou mois qui est le plus tardif.
  2. (9) Quand une demande de pension est faite par une personne ou au nom d’une personne et que le ministre est convaincu, sur la foi de la preuve déposée par cette personne ou au nom de la personne, que
    1.  a) la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite ;
    2. b) la période d’incapacité de la personne avait cessé avant cette date ;
    3. c) la demande avait été faite ;
      1. (i) durant la période qui commence la journée où la personne a cessé d’être incapable et qui comprend le même nombre de jours, sans excéder douze mois, que la période d’incapacité ou
      2. (ii) quand la période, tel que décrit au sous-alinéa (i), comprend moins de trente jours et moins d’un mois après le mois durant lequel l’incapacité de la personne a cessé,
  3. le ministre peut réputer une demande avoir été faite le mois qui précède le premier mois au cours duquel une prestation aurait pu commencer à être payable ou, le mois au cours duquel, selon lui, la dernière période pertinente d’incapacité a commencé, période ou mois qui est le plus tardif.
  4. (10) Pour l’application des paragraphes (8) et (9), une période d’incapacité doit être continue sous réserve des règlements.

Question en litige

[10] Le Tribunal doit décider quand commenceront les paiements de la pension d’invalidité de l’appelante.

Preuve

[11] L’appelante est née en 1952. Son relevé d’emploi révèle qu’elle a versé des cotisations valides au RPC en 1970, de 1972 à 1990 ; de 1995 à 2000 et en 2004 et 2005.

[12] L’appelante a présenté une première demande de pension d’invalidité du RPC en août 2006.   Cette demande a été rejetée en mai 2007, car elle n’avait pas versé suffisamment de cotisations valides au RPC. Elle refit une demande en juin 2008 et celle-ci fut rejetée en août 2008 pour le même motif. Dans aucun des cas, l’appelante ne demanda une révision. Aucune décision ne considéra la disposition relative au requérant tardif ou à la disposition d’incapacité.

[13] La demande qui fait l’objet du présent appel a été déposée en janvier 2012. Elle a été remplie par le mari de l’appelante, qui agit comme représentant, et elle lui fut retournée pour signature par l’appelante, ce qu’elle fit le 16 février 2012. Dans le questionnaire qui accompagne la demande, l’appelante affirma qu’elle avait arrêté de travailler le 14 novembre 2005. Ensuite elle n’avait pu travailler à cause de trouble obsessionnel compulsif, de maux de dos, de schizophrénie paranoïde, de trouble bipolaire de type 2 et de dépression clinique.

[14] Le médecin de famille de l’appelante, Dr D. M. Barry, compléta un rapport médical daté du 1er février 2012, en appui à la demande. Il déclara qu’il traitait l’appelante depuis avril 2001 pour une dépression bipolaire et qu’elle demeurait extrêmement dysfonctionnelle. Il affirma qu’avec le traitement [traduction] « elle avait atteint un certain niveau d’interactions et d’affect », mais il était clair qu’elle n’aurait pas pu y arriver sans l’aide de son ex-mari, de ses médecins traitants et sans aide financière.

[15] Dr Barry remplit une déclaration d’incapacité datée du 1er février 2012 dans laquelle il affirme que l’incapacité de l’appelante était causée par un trouble bipolaire qui avait commencé le 1er janvier 2000 et qui était toujours en cours. Il indiqua que l’appelante était traitée au centre Victoria Mental Health [de santé mentale Victoria] par Dr C. Blashko.

[16] Le résumé initial de la procédure d’arbitrage pour la demande de janvier 2012 révéla que l’intimé appliqua les dispositions relatives aux requérants tardifs et détermina que l’appelante était invalide de manière continue depuis le 31 décembre 2002. Date à laquelle elle satisfaisait, pour la dernière fois, aux exigences à l’égard des cotisations. Ses gains d’emploi en 2004 et 2005 n’étaient pas considérés comme indicatifs d’une occupation véritablement rémunératrice. Par conséquent, la demande avait été accordée. L’intimé avait considéré l’appelante invalide en octobre 2010 et commença les paiements de la pension en février 2011.

[17] Dans une lettre adressée à l’intimé et datée du 11 août 2012, l’appelante et son mari ont remis en question la date de commencement des paiements de la pension et ont soulevé la question relative à l’incapacité. Ils affirmaient que son invalidité avait commencé plusieurs années auparavant et que sa santé mentale [traduction] « était telle que de faire une demande ou demander à quelqu’un de faire une demande de pension d’invalidité du RPC pour elle dépassait ses capacités. Elle était aussi incapable de fournir l’information nécessaire pour remplir une demande exacte pour des prestations. Les demandes faites pour elle l’avaient été avec l’intervention de son mari. »

[18] L’intimé rendit deux décisions de révision : une en date du 17 septembre 2012, qui déterminait que le calcul de la date de commencement de paiement était exact et une autre datée du 8 janvier 2013, qui établissait que l’information au dossier ne permettait pas de conclure que la disposition à l’égard de l’incapacité du RPC s’appliquait à l’affaire de l’appelante.

[19] Outre les rapports de Dr Barry traités précédemment, le dossier contient l’information pertinente  suivante sur les capacités mentales de l’appelante :

  1. Des prestations de maladie avaient été autorisées du 31 juillet au 18 août 2000 et, ensuite, pour le maximum de 15 semaines à partir du 21 août 2000.
  2. Les notes de Dr Barry au sujet des consultations faites au cabinet par l’appelante, consultations qui avaient débutées en septembre 2001 jusqu’en mai 2012, indiquaient que l’appelante le voyait fréquemment pour plusieurs problèmes de santé. Il est mention périodiquement de stress, d’anxiété et de problèmes de sommeil. Toutefois aucune consultation n’est faite pour de la thérapie ou de l’aide psychiatrique avant décembre 2005.
  3. Un [traduction] « certificat de retour au travail/études », daté du 25 septembre 2001 et signé par Dr Barry, indiquait qu’il avait suivi l’appelante de septembre 2000 à septembre 2001 et qu’elle ne serait pas capable de retourner au travail avant, ce qui semblait être, le 8 décembre.
  4. Une demande de dispense temporaire, signée par Dr Barry et datée du 15 novembre 2001, indiquait que l’appelante ne pouvait pas travailler à cause d’un trouble affectif, de fibromyalgie et d’un syndrome de fatigue chronique.
  5. Une demande de dispense temporaire, signée par Dr Barry et datée du 2 août 2002, indiquait que l’appelante ne pouvait pas travailler à cause de trouble affectif, de crises de panique et de trouble de la personnalité et qu’elle pourrait chercher du travail dans six mois. Dr Barry indiqua que son pronostic était peu prometteur.
  6. Un questionnaire d’employeur, daté du 15 mai 2012, indiquait que l’appelante travaillait à temps partiel au service alimentaire de Zeller’s Inc. d’avril 2003 à novembre 2006. Elle arrêta de travailler pour des motifs personnels. Elle devait être réembauchée si un poste devenait disponible.
  7. Un sommaire du traitement et de l’évaluation de l’appelante, produit par Dr M. Korn, psychiatre, et C. MacDonald, thérapeute, en date des 4 et 5 octobre 2006, indiquait que l’appelante avait été référée aux services Vancouver Island Mental Health and Addiction [services de santé mentale et de toxicomanie de l’île de Vancouver] par Dr Barry pour de l’anxiété et de la dépression découlant des mauvais traitements chroniques que lui faisait subir son conjoint. Son traitement commença le 2 mars 2006 et a pris fin le 26 septembre 2006. Elle a été vue la dernière fois, le 3 mai 2006. Le rapport indiquait que l’appelante avait été évaluée, avait reçu une thérapie de courte durée et des médicaments. Avec les traitements reçus, son sommeil s’améliora, son anxiété diminua de certaines façons et sa capacité à résoudre des problèmes s’améliora aussi de certaines façons. Elle arrêta son traitement et il est noté qu’elle vivait dans un logement avec services de soutien qui offrait un appui informel.
  8. Le rapport de consultation psychiatrique de Dr L. Chapman, daté du 2 septembre 2008, indiquait que l’appelante avait été dirigée en psychiatrie d’urgence par son médecin de famille pour raison d’idéation suicidaire. Dr Chapman nota que l’appelante décrivait « un historique de trouble affectif bipolaire relativement chronique avec de fréquents épisodes thymiques presque chaque année » accompagnés d’une détérioration graduelle durant l’année précédente et un déclin global dans son fonctionnement. Elle décrit qu’elle s’isolait, était plus déprimée, plus anxieuse et négligeait son hygiène. Elle s’isolait socialement, avait tendance à éviter les foules, elle mangeait moins et dormait plus.
  9. Dr Chapman rapporta que, lors de l’examen de son état mental, l’appelante était alerte, bien orientée, coopérante et agréable durant l’entretien. Elle établit un bon rapport et était accessible ; son affect était légèrement inapproprié ; son discours était modérément concret avec certains raisonnements légèrement faibles. Elle signala avoir des hallucinations auditives passagères desquelles elle semble garder quelques souvenirs. Elle nia avoir des délires paranoïaques ou de grandeur, ou des impulses ou intentions de se faire du mal. Elle ne démontrait pas d’autres symptômes psychotiques, et elle était lucide et son jugement était intact.
  10. Dr Chapman diagnostiqua un trouble affectif bipolaire et un trouble généralisé d’anxiété chez l’appelante. Elle dirigea à l’appelante vers un traitement psychiatrique de long terme à la Mood Disorders Clinic [clinique des troubles affectifs] et une réévaluation de sa médication psychiatrique.
  11. Un rapport produit par Dr C. Blashko, psychiatre, et daté du 7 novembre 2008, indiquait qu’il avait fait une évaluation de l’appelante au Victoria Mental Health Centre [centre de santé mentale Victoria] le 6 novembre 2008. Elle se plaignit principalement d’avoir à lutter contre l’isolement et la dépression depuis un temps. Elle décrit son historique de dépression intermittente qu’elle a eu durant toute sa vie et l’épisode aigu maniaque avec psychose vers 2003. Elle reçut des traitements ambulatoires. Elle a des antécédents familiaux importants de troubles mentaux.
  12. Dr Blashko observa que lors de l’examen d’état mental, l’appelante était attentive durant tout l’entretien, même s’il était évident qu’elle réfléchissait lentement. Il n’y avait pas de signes d’agitation psychomotrice. Ses réflexions révélaient des pensées suicidaires constantes et la peur d’être abandonnée et de perte, ainsi que de la paranoïa intermittente. Elle était pleinement consciente de ceci. Dr Blashko observa que même s’il n’avait pas formellement évalué les capacités cognitives de l’appelante, elle était orientée dans les trois sphères (temps, lieu, personne) et n’était pas distraite. Son raisonnement et sa compréhension étaient moyens.
  13. Dr Blashko attesta que l’appelante avait un trouble bipolaire I et une situation sociale aggravante qui devait être remédiée, incluant la nécessité d’avoir un appui accru et de la prévention contre d’autres crises. Par conséquent, elle se qualifiait pour un suivi de cas par le centre, et il se chargerait de faire le suivi de sa médication. Il lista plusieurs changements de sa médication qu’il voulait faire, et ajouta que « ceci avait été expliqué à l’appelante et à son mari. Les deux étaient d’accord et considéraient ces recommandations raisonnables. » Il devait la revoir dans trois semaines. Elle fut dirigée vers la clinique ambulatoire [traduction] « pour essayer d’améliorer ses contacts sociaux. »
  14. Dans une lettre datée du 20 décembre 2011, le mari de l’appelante déclara que l’appelante était invalide depuis juillet 2000 et que son incapacité était due à la manie, le délire et la dépression. Elle avait des problèmes de mémoire, de concentration, de vigueur mentale et qu’elle ne pouvait pas résoudre de problèmes, lire des livres, remplir des formulaires ou gérer ses propres affaires. Elle ne pouvait pas suivre des instructions ou des directions. Elle n’était pas capable de vivre de manière indépendante. Il attesta qu’il était intervenu pour l’appelante lors de la demande de pension d’invalidité précédente et qu’elle n’avait pas demandé qu’une demande soit faite. Il affirma que l’appelante [traduction] « ne pouvait se souvenir de détails, aider ou fournir l’information nécessaire pour qu’il puisse s’occuper d’elle de manière efficace [dû] à sa maladie mentale. »
  15. Un questionnaire pour prestations d’invalidité non déposé et daté du 27 décembre 2011 avait été rempli par le mari de l’appelante. On y décrit des difficultés similaires à celle de la lettre précédente. Il indique que l’appelante continuait de voir Dr Blashko toutes six semaines pour une thérapie psychiatrique continue et qu’elle voyait Dr Barry chaque mois pour son renouvellement d’ordonnances.

Observations

[20] L’appelante attesta qu’elle se qualifie pour une pension d’invalidité débutant aussitôt qu’en février 2011, car :

  1. elle est invalide depuis juillet 2000, mais à cause de son incapacité mentale et son pronostic incertain elle n’avait pas fait sa demande de prestations d’invalidité à ce moment ;
  2. elle n’était pas capable de fournir les documents ou l’information nécessaires pour remplir correctement sa demande de juin 2008, et si elle avait été capable de le faire, sa demande aurait probablement été accordée.

[21] L’intimé n’a pas présenté d’observations au Tribunal.

Analyse

[22] L’intimé reçut la demande de l’appelante en janvier 2012. Conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, l’appelante était réputée être devenue invalide en octobre 2010 soit 15 mois avant la date de la demande. Selon l’article 69 du RPC, les paiements commencèrent en février 2011 soit quatre mois après la date du début de l’invalidité réputée.

[23] L’appelante a reçu le montant rétroactif maximum permis par le RPC. Des paiements antérieurs à ceux-ci ne seraient possibles que si elle était réputée avoir fait une demande avant conformément aux dispositions relatives à l’incapacité des paragraphes 60(8) à (10) du RPC. De manière à ce que ça soit possible, le Tribunal doit conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a été faite et que sa période d’incapacité était continue.

[24] Dans l’affaire Baines c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2011 CAF 158 (rejet de la demande de permission d’en appeler auprès de la Cour suprême du Canada), la Cour d’appel fédérale a maintenu une décision de la Commission d’appel des pensions dans laquelle la commission précise que les dispositions liées à l’incapacité s’appliquent seulement aux demandes de prestations et non aux appels des rejets de demandes. Dans l’affaire Baines, un réexamen avait été refusé à l’appelante et celle-ci n’avait pas interjeté appel. Elle avait reçu des prestations à la suite d’une demande faite ultérieurement pour les mêmes blessures. Elle fit valoir que ses prestations devraient être antidatées à la période de rétroactivité maximale permise par le RPC comme si son appel initial avait été formé. En l’espèce, l’appelante soutient qu’elle aurait dû présenter sa demande de 2008 différemment et de manière plus diligente, sauf qu’elle était incapable de le faire.

[25] Le Tribunal considère que l’affaire Baines s’applique à cet appel malgré la situation factuelle différente. Le principe est le même. Il n’est pas possible de s’appuyer sur les dispositions liées à l’incapacité pour réactiver une demande antérieure qui avait été rejetée même si une demande soumise plus tard pour les mêmes raisons est acceptée. L’appelante, ici concernée, avait fait des demandes en 2006 et 2008. Celles-ci avaient été rejetées. Elle ne peut évoquer les dispositions liées à l’incapacité pour éviter les conséquences du fait qu’elle n’a pas déposé plus d’éléments de preuve lorsqu’elle a fait ces demandes ou qu’elle n’a pas demandé de révision des décisions lorsque les demandes ont été rejetées.

[26] Le Tribunal a aussi examiné l’affaire Baines à savoir si celle-ci ne s’appliquait pas, car le mari de l’appelante avait affirmé qu’il avait fait les demandes antérieures pour l’appelante, apparemment sans qu’elle ne l’ait donné. En effet, l’appelant fit valoir que les demandes antérieures ne devraient pas être considérées comme ayant été faites ou elles ne sont pas une preuve qu’elle était capable à ces moments-là. Le Tribunal ne reconnaît pas cet argument. L’appelante était au courant des demandes, car elle les avait signées. Comme discuté, la preuve ne permet pas de conclure qu’elle satisfaisait aux critères relatifs à l’incapacité aux moments où les demandes ont été faites.

[27] Même si l’affaire Baines ne s’appliquait pas ici, le Tribunal ne peut déterminer que l’appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande en aucun temps entre 2000 et le temps où elle le fit en en janvier 2012.

[28] Le Tribunal n’accepte pas les déclarations du mari de l’appelante comme étant une indication de son état mental. Son point de vue est basé sur ses émotions plutôt que sur des observations objectives. De plus, durant toutes les années pour lesquels il affirme que l’appelante était incapable de prendre de décisions, remplir des formulaires ou vaquer à des activités simples, à aucun temps, il n’a pris les mesures nécessaires pour obtenir le contrôle légal de ses affaires ou pour obtenir des soins pour elle, soins qu’on pourrait considérer nécessaires pour quelqu’un qui avait les problèmes qu’il affirme qu’elle a ou avait.

[29] Les activités menées par l’appelante durant la période d’incapacité alléguée permettent de déterminer si elle avait la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations. L’examen exige uniquement de prendre en compte la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande, et non la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité (Canada [Procureur général] c. Kirkland 2008 CAF144 ; Canada [Procureur général] c. Danielson 2008 CAF 144)

[30] La preuve médicale indique que l’appelante a fait face à des problèmes liés à sa santé mentale durant plusieurs années et qu’elle a été en observation et a reçu des traitements depuis au moins 2000. Avant février 2012, rien n’indique dans les notes ou les rapports médicaux qu’elle était continuellement incapable à un niveau qui puisse être considéré par le RPC. Elle a eu des rendez-vous médicaux, est allée au travail, donna et reçu des informations, pris ses médicaments sans assistance, signa des documents et a été décrite comme alerte, orientée et ayant un jugement intact. Aucun des professionnels de la santé qui l’ont évaluée ou l’ont traitée ne suggère qu’elle était incapable de s’occuper d’elle ou de gérer ses affaires, qu’elle ne comprenait pas son état ou son environnement ou qu’elle avait besoin de plus qu’un traitement ambulatoire positif et une médication.

[31] Il y a un manque de documentation médicale entre novembre 2008 et février 2012. L’appelante continua de voir Dr Blashko toutes les six semaines durant cette période ce qui ne suggère pas un changement marqué de son état. Il n’y a pas de preuve de crises ou de détérioration nécessitant des soins plus intensifs. Cette absence de preuve amène le Tribunal à conclure que l’état de l’appelante demeurait la même qu’elle ne l’avait été précédemment.

[32] Bien que Dr Barry attestait en février 2012 que l’appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande d’invalidité en avril 2001, cette déclaration n’est pas confirmée par une preuve médicale de cette période et n’est pas corroborée par les actions de l’appelante ni celles de ses médecins.

[33] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a été, à aucun moment, incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC.

Conclusion

[34] Puisqu’aucune preuve d’incapacité ne confirme une date de demande réputée antérieure, l’appel est rejeté. 

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