Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1]  La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») est refusée.

Introduction

[2]  Il s’agit d’une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») de la décision de la division générale rendue le 23 avril 2015 dans laquelle il a été conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité au versement d’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Moyens invoqués à l’appui de la demande

[3]  L’avocat de la demanderesse a fourni les deux motifs suivants à l’appui de la Demande. Il soutient :

  1. que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle en ce qu’elle a fait preuve de partialité et n’a pas fondé sa décision sur la preuve qui lui a été présentée et
  2. qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire.

Question en litige

[4]  Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5]  La demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.Note de bas de page 1 Pour accorder cette permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 2 Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, ainsi que dans Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès à une cause défendable. Dans Callihoo c. Canada (Procureur général), 2000 CF T-859-99 (CF, 1re inst.), la Cour fédérale a formulé le critère suivant pour déterminer s’il y a lieu d’accorder ou non la permission d’en appeler :

[Le bon critère à appliquer pour une demande de permission d’en appeler présentée à la CAP à l’encontre d’une décision du tribunal de révision] consiste à évaluer si la demande avait des chances sérieuses d’être accueillie sans en examiner le fond. En l’absence d’une nouvelle preuve importante qui n’aurait pas été examinée par le tribunal de révision, une demande d’autorisation a des chances sérieuses d’être accueillie lorsque le décideur conclut qu’il en ressort une question ou une erreur de droit, appréciée en vertu de la norme de la décision correcte, ou une erreur de fait importante commise de façon déraisonnable ou arbitraire à la lumière de la preuve.

[6]  L’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») énonce trois moyens sur lesquels un appelant peut interjeter appel. Ces moyens, les seuls qui soient admissibles, sont les suivants :

  1. 1) un manquement à la justice naturelle;
  2. 2) une erreur de droit commise par la division générale;
  3. 3) une décision que la division générale a fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Note de bas de page 3

[7]   Compte tenu des moyens d’appel prévus par l’article 58 de la Loi sur le MEDS et du fait que cette loi renferme des dispositions précises s’appliquant aux demande d’annulation ou de modification d’une décision sur la base de faits nouveaux, l’applicabilité de la remarque incidente dans Callihoo doit être étendue aux situations où un manquement à la justice naturelle est allégué tout en excluant les demandes qui sont fondées sur des faits nouveaux.

Analyse

[8]   Pour accorder une permission d’en appeler, le Tribunal doit être convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès. Cela signifie que le Tribunal doit d’abord déterminer, dans le cas d’une affaire dont l’instruction appelle la tenue d’une audience,

  1. a) qu’au moins l’un des moyens invoqués à l’appui de la Demande se rattache à un moyen d’appel admissible et
  2. b) que l’appel aurait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Pour les motifs exposés ci‑dessous, le Tribunal n’est pas convaincu que cet appel aurait une chance raisonnable de succès.

Observations

[9]  L’avocat de la demanderesse fait un certain nombre d’observations à l’appui de la Demande. Sa principale prétention est que la division générale [traduction] « a mal interprété la preuve fournie par les experts médicaux et a apprécié cette preuve de façon partiale et arbitraire. » (AD1-3) L’avocat met en doute les déclarations que renferme le paragraphe 65 de la décision de la division générale, à savoir que la division générale a indiqué qu’elle [traduction] « a accordé relativement peu de poids » aux examens médicaux indépendants et a décrit les [traduction] « experts médicaux ayant procédé aux examens médicaux » comme étant [traduction] « […] en grande partie […] des défenseurs éclairés de la cause de leurs clients respectifs » sans disposer d’un fondement factuel pour tirer pareille conclusion. L’avocat fait observer que les médecins indépendants aux rapports desquels la division générale a fait allusion étaient le Dr Wong, le Dr Gouws, le Dr MacCallum, le Dr Dancyger, l’ergothérapeute Sarah McDonald et la kinésiologue Lisa Minello. Il déclare que les services des Drs Wong et Gouws ont été retenus par la demanderesse, tandis que c’est l’assureur qui a fait appel aux quatre autres médecins pour les litiges relatifs aux réclamations. De cette distinction, le Tribunal déduit que ces praticiens n’auraient pas été des défenseurs de la cause de la demanderesse et que la division générale a conclu à tort qu’ils l’étaient. (AD1-3)

[10] De plus, l’avocat de la demanderesse soutient que la division générale a accordé beaucoup d’importance aux examens médicaux indépendants qui ont été effectués par les personnes engagées par les assureurs de la demanderesse et peu ou pas d’importance à ceux effectués par les professionnels engagés par la demanderesse. Il affirme que la division générale n’a pas fourni de justification à cette distinction qu’elle a faite et que la manière dont elle a évalué le poids à accorder aux divers examens médicaux allait à l’encontre de ses propres déclarations concernant la façon dont elle a apprécié la preuve.

[11] L’avocat allègue en outre que la division générale a substitué son opinion médicale aux opinions qui ont été produites en preuve et a tiré, au sujet de l’état psychiatrique de la demanderesse, des conclusions que la preuve n’étayait pas. La division générale a refusé de tenir compte du trouble anxieux de la demanderesse appuyé par la preuve. (AD1-5)

[12] De plus, l’avocat de la demanderesse soutient que [traduction] « sans donner de raisons à cela, le Tribunal a arbitrairement rejeté ou refusé de prendre en considération la preuve de la demanderesse et d’Adam Kent, ne consacrant que peu ou pas d’analyse à cette preuve ou n’y accordant que peu ou pas de poids. » (AD1-5)

La division générale a‑t‑elle commis un manquement à la justice naturelle?

[13] L’avocat de la demanderesse allègue que la division générale a commis un manquement à la justice naturelle en ce qu’elle a fait preuve de partialité et n’a pas fondé sa décision sur la preuve qui lui a été présentée. L’avocat a fait plusieurs observations sur la façon dont la division générale a rendu sa décision. Toutefois, il n’indique pas clairement en quoi consistait la partialité alléguée. Le Tribunal en est réduit à inférer la nature précise du ou des manquements allégués à la justice naturelle à partir des observations de l’avocat. Nonobstant cette difficulté, le Tribunal est d’avis que la barre est haute en ce qui concerne les allégations de partialité, puisque c’est au demandeur qu’il incombe d’établir l’existence d’une partialité. La déclaration qui fait autorité quant au critère à appliquer pour déterminer s’il y a crainte raisonnable de partialité émane de la Cour suprême du Canada (CSC), qui, dans Committee for Justice and Liberty c. l’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 394, a dit ceci :

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne censée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. […] »

[14] Dans des jugements rendus ultérieurement, la CSC a davantage précisé ce critère. Dans l’arrêt R.C.S. (R.D.), la CSC a fait valoir que le critère de la partialité, tel que l’a exposé le juge de Granpré, comporte un double élément objectif : la personne examinant l’allégation de partialité doit être raisonnable, en ce sens qu’elle doit être une personne bien renseignée, au courant de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris « des traditions historiques d’intégrité et d’impartialité, et consciente aussi du fait que l’impartialité est l’une des obligations que les juges ont fait le serment de respecter. »Note de bas de page 4

[15] La seconde partie du critère consiste en un examen de la question de savoir si la crainte de partialité est, en soi, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, raisonnable. La CSC a fait valoir que le critère exige aussi que « la personne raisonnable » soit bien renseignée et au courant de l’ensemble des circonstances pertinentes.

[16] La CSC a énoncé d’autres considérations qu’il faut garder à l’esprit au moment de déterminer l’existence d’une partialité. Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité et la charge d’établir la partialité incombe à la personne qui en allègue l’existence. La raison pour laquelle il faut ainsi faire preuve de rigueur est, ainsi que la CSC l’a fait observer dans Roberts c. R, que « la norme exige une crainte de partialité fondée sur des motifs sérieux, vu la forte présomption d’impartialité dont jouissent les tribunaux. »Note de bas de page 5

[17] La norme n’est pas différente dans le cas d’un tribunal administratif qui fait face à une allégation de partialité. Dans ArrachchNote de bas de page 6, la Cour fédérale a souligné qu’une allégation de partialité, surtout réelle et non simplement appréhendée, portée à l’encontre d’un tribunal est une allégation sérieuse. Elle met en doute l’intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Ainsi, en raison de la nature sérieuse d’une allégation de partialité, la CSC apporte la précision qu’il faut établir une réelle probabilité de partialité et qu’un simple soupçon est insuffisant. La partialité dénote un état d’esprit prédisposé de quelque manière à un certain résultat ou fermé sur certaines questions. Ce ne sont pas toutes les dispositions favorables ou défavorables qui justifieront qu’on parle de partialité ou de préjugé.Note de bas de page 7

[18] Voilà donc la norme à laquelle la demanderesse doit satisfaire si elle veut étayer son allégation de partialité. De l’avis du Tribunal, les observations de l’avocat suggèrent trois fronts possibles sur lesquels un manquement à la justice naturelle a pu se produire. Tout d’abord, en ce qui concerne le poids que la division générale a accordé à certains éléments de preuve médicale, un manquement à la justice naturelle a pu se produire si la division générale s’est contredite sur la façon dont elle dit qu’elle a apprécié la preuve et la manière dont elle l’a réellement appréciée. En deuxième lieu, un manquement a pu survenir si la division générale a indûment substitué sa propre opinion médicale à celle des médecins et experts. En troisième lieu, il pourrait y avoir eu manquement à la justice naturelle si la division générale a omis de justifier son rejet ou son refus de prendre en considération la preuve de la demanderesse et du témoin.

La division générale a‑t‑elle agi de façon contradictoire dans son appréciation de la preuve?

[19] La première question que le Tribunal doit trancher est de savoir si la division générale a commis un manquement à la justice naturelle ou une autre erreur en se contredisant quant à son traitement des rapports médicaux. L’avocat soutient que la division générale, au paragraphe 65 de la décision, a déclaré qu’elle accordait peu de poids à la preuve des experts médicaux ayant procédé aux examens médicaux indépendants. Cependant, la division générale s’est ensuite fondée sur la preuve du Dr MacCallum, le physiatre. L’avocat de la demanderesse estime qu’il s’agissait d’une contradiction, du fait que le Dr MacCallum était aussi un médecin indépendant. Ainsi, si l’on mène l’argument de l’avocat à sa conclusion logique, il y a eu manquement à la justice naturelle lorsque la division générale s’est fiée aux déclarations que renfermait le rapport du Dr MacCallum tout en excluant les rapports des autres [traduction] « médecins indépendants ».

[20] De la façon dont le Tribunal le comprend, le problème vient du fait que la déclaration faite au paragraphe 65 est quelque peu ambiguë. La division générale n’a pas précisé à quels rapports de médecin précis elle accorderait peu de poids. Toutefois, le Tribunal est d’avis que le paragraphe 65 doit être lu conjointement avec le paragraphe 64 de la décision et ne doit pas en être dissocié. Au paragraphe 64, la division générale a nommé les examinateurs médicaux, soit les Drs Wong, Gouws et Dancyger, dont elle rejetait les rapports et a expliqué pourquoi, en fournissant les raisons suivantes :

  1. a) les rapports dataient de bien après la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) de la demanderesse, soit le 31 décembre 2009;
  2. b) bien que les rapports [traduction] « faisaient état de graves problèmes de santé », ces médecins ont maintenu un régime de traitement conservateur;
  3. c) les médecins se sont prononcés sur certaines des questions que la division générale devait trancher. (GT-1, par. 65)

[21] Lorsque l’on lit ensemble les paragraphes 64 et 65, le Tribunal n’est pas convaincu qu’une personne bien renseignée qui examinerait l’affaire de façon réaliste et pratique et aurait bien étudié la question conclurait que le membre de la division générale a fait preuve de partialité ou a commis une erreur susceptible de contrôle. Le Tribunal s’appuie sur l’arrêt GiannarosNote de bas de page 8 pour cette position.

[22] Qui plus est, l’appréciation de la preuve est du ressort de la division générale. La décision montre que le membre de la division générale a pris en considération et abordé le contenu et les dates de la preuve médicale lorsqu’il a tiré ses conclusions. Bien que, comme le fait valoir l’avocat de la demanderesse, la division générale ait accordé une grande importance au rapport du Dr MacCallum, le physiatre, il est également vrai que la division générale a aussi accordé une importance significative aux conclusions et opinions médicales du Dr Tunks, médecin que la demanderesse déclarait avoir vu ou voir tous les un à trois mois. En outre, le rapport du Dr MacCallum, à la différence de ceux des Drs Wong, Gouws et Dancyger, est antérieur à la PMA. Lorsque l’on prend en considération toutes ces circonstances, le Tribunal estime que la division générale ne s’est pas contredite. Ainsi, le Tribunal conclut que la division générale n’a pas fait preuve de partialité lorsqu’elle a apprécié la preuve médicale qui lui était soumise. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il ne s’agit pas là d’un moyen d’appel qui conférerait une chance raisonnable de succès à l’appel.

[23] L’avocat de la demanderesse a également mis en cause la déclaration de la division générale selon laquelle les examinateurs médicaux avaient été des [traduction] « défenseurs éclairés de la cause de leurs clients respectifs ». L’avocat soutient que la division générale a omis de fonder cette évaluation. Le Tribunal estime que cette évaluation relève de la division générale et ne donne pas lieu à un manquement à la justice naturelle ni à une erreur susceptible de contrôle. Même s’il a tort, le Tribunal n’est pas convaincu que, dans le contexte de l’explication que la division générale a donnée des raisons pour lesquelles elle accordait peu de poids à des rapports médicaux particuliers, son défaut d’expliquer pourquoi elle a considéré les auteurs de ces rapports comme des défenseurs éclairés aurait eu un effet déterminant sur la décision, laquelle a reposé en bout de ligne sur la conclusion que les rapports émanant du principal thérapeute de la demanderesse ne corroboraient pas l’existence d’une invalidité grave. Ainsi, en appliquant le critère relatif à une « crainte raisonnable de partialité », le Tribunal est convaincu qu’il n’est guère question d’une conclusion selon laquelle le membre de la division générale aurait, consciemment ou inconsciemment, tranché la question de manière inéquitable.

[24] Le Tribunal ne croit pas davantage que de la partialité ou une erreur ressorte de la façon dont la division générale a compris le fondement du rapport du Dr MacCallum ou déterminé quelles personnes, parmi les médecins, étaient les examinateurs indépendants et les thérapeutes. Le Tribunal en vient à la même conclusion en ce qui concerne la prétention que la division générale a attribué un poids disproportionné aux examens effectués par [traduction] « les personnes engagées par les assureurs de la demanderesse et peu de poids à celles dont les services ont été retenus par elle. » De l’avis du Tribunal, ces allégations ne sauraient tenir pour plusieurs raisons.

[25] Tout d’abord, le rapport du Dr MacCallum a clairement été soumis à la division générale. Le Dr MacCallum n’a pas caché le fait qu’il avait consulté des rapports médicaux établis par d’autres personnes. En guise de préambule, il a déclaré dans son rapport : [traduction] « les recommandations formulées dans le présent rapport sont basées sur l’historique obtenu de Mme S. M., sur un examen physique de la patiente et sur l’examen des évaluations médicales et thérapeutiques disponibles. » (GT1-100) Le Dr MacCallum a inclus, dans son rapport, des résumés des évaluations médicales et thérapeutiques. Ces résumés portent sur l’évaluation psychologique réalisée par le Dr Dancyger et sur le rapport du Dr Sicoli. (GT1‑105-107) À la lumière de cela, le Tribunal considère qu’il est raisonnable de conclure que la division générale avait connaissance de ces déclarations lorsqu’elle a rendu sa décision. Qui plus est, dans son rapport, Lisa Minello indique qu’elle n’était pas en mesure de commenter la capacité de la demanderesse d’accomplir, au travail, les tâches qu’elle effectuait avant son accident et qu’elle s’en remettait au Dr MacCallum pour les recommandations finales et les réponses aux questions précises. (GT1-87) Le Tribunal estime qu’il s’agissait là d’une reconnaissance explicite de l’expertise du Dr MacCallum. Ainsi, le Tribunal conclut que la division générale n’a pas commis d’erreur dans son traitement du rapport du Dr MacCallum.

[26] En ce qui concerne la prétention que la division générale a accordé plus de poids aux examinateurs de l’assureur et aucun poids à ceux de la demanderesse, les Drs Wong et Gouws, je constate que cette observation a été abordée en partie dans les paragraphes traitant de la façon dont la division générale a apprécié la preuve. Cependant, le Tribunal souhaiterait ajouter que la division générale n’était pas tenue d’opérer une distinction fondée sur les sources ayant commandé un rapport. La demanderesse a produit tous les renseignements médicaux en question. À l’évidence, elle avait l’intention de s’appuyer sur l’ensemble de ces renseignements. La fonction propre que doit remplir la division générale relativement aux renseignements médicaux consistait simplement à évaluer la preuve et à s’assurer qu’elle étayait une conclusion que la demanderesse souffrait d’une affection grave et prolongée au sens du RPC. Le Tribunal juge peu probable qu’une personne bien renseignée qui examine l’affaire de façon réaliste et pratique et étudie la question en profondeur pencherait davantage pour la thèse que la division générale a tranché la question de façon inéquitable. De l’avis du Tribunal, la déclaration selon laquelle [traduction] « des examens médicaux indépendants ont été effectués par les Drs Wong, Gouws et Dancyger » est plus qu’un énoncé de fait. Par conséquent, cette prétention ne saurait constituer un moyen d’appel.

La division générale a‑t‑elle substitué sa propre opinion à celle des médecins et experts?

[27] À l’examen de la décision, le Tribunal n’est pas convaincu que la division générale ait substitué sa propre opinion à celle des médecins. Il incombait à la division générale d’analyser la preuve médicale dans le but de déterminer si l’état de santé de la demanderesse pouvait la faire déclarer invalide au sens de la définition d’une « invalidité physique ou mentale grave » donnée par le RPC. Ce faisant, la division générale a cité les divers rapports médicaux et résumé leur contenu. (GD1- par. 29 à 53) L’avocat de la demanderesse n’a pas montré où ni comment la division générale avait substitué sa propre opinion à celle des divers médecins ayant traité la demanderesse. Il n’a pas non plus montré en quoi, à cet égard, la division générale aurait commis un manquement à la justice naturelle ou une autre erreur. Le désaccord avec les conclusions auxquelles en vient le membre de la division générale au sujet des rapports médicaux n’est pas suffisant pour constituer un moyen d’appel. Par conséquent, le Tribunal conclut que cette allégation ne soulève pas de moyen d’appel qui conférerait une chance raisonnable de succès à l’appel.

La division générale a‑t‑elle commis un manquement à la justice naturelle ou une autre erreur en omettant de tenir compte de la preuve de la demanderesse et du témoin?

[28] L’avocat de la demanderesse soutient que la division générale a fait fi ou n’a autrement pas suffisamment tenu compte de la preuve de la demanderesse et de celle de son conjoint, le témoin. Si, par cette prétention, l’avocat de la demanderesse veut dire que la division générale a fait abstraction de leur témoignage concernant l’état de santé et les limitations fonctionnelles de la demanderesse, il ne s’agit pas, ici, d’une affirmation exacte. Il est vrai que la division générale, dans la partie « Analyse » de sa décision, n’a pas consacré de section distincte à son analyse du témoignage de la demanderesse et du témoin, mais l’on ne saurait dire pour autant qu’elle a fait fi de leur témoignage. Leur témoignage, et en particulier le témoignage de la demanderesse concernant son expérience de travail, son trouble d’apprentissage et ses tentatives de retourner sur le marché du travail, a éclairé les conclusions que le membre de la division générale a tirées au sujet de l’application des facteurs de VillaniNote de bas de page 9 au cas de la demanderesse ainsi que la décision qu’il a rendue sur la question de savoir si la demanderesse répondait à la définition d’une personne atteinte d’une invalidité grave et prolongée. (GT1- par. 57-58)

[29] En ce qui a trait à l’exigence de motiver une décision, la division générale a, ainsi que le prescrit la loi, le mandat d’exposer des motifs. Aux termes du paragraphe 54(2) de la Loi sur le MEDS, la division générale doit rendre une décision motivée par écrit et faire parvenir une copie de cette décision à l’appelant et, selon le cas, au ministre ou à la Commission, et à toute autre partie. Dans Whiteley c. Canada (Ministre du Développement social du Canada), 2006 CAF 72, le juge Décary, examinant une décision de la Commission d’appel des pensions (CAP), a fait l’observation suivante :

[…] la Commission [la CAP] a l’obligation de fournir aux parties les motifs de sa décision (voir le paragraphe 83(11) du Régime de pensions du Canada). L’analyse de la preuve doit être telle qu’elle permet aux parties et, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, à la Cour de comprendre comment la Commission a pris sa décision. De plus, la Cour doit être en mesure de déterminer si la Commission a compris l’état du droit et si elle l’a appliqué aux faits en l’espèce.

[30] Nonobstant l’exigence légale et la remarque incidente dans Whiteley, le Tribunal n’est pas convaincu que la division générale ait commis une erreur en omettant de motiver sa décision sur chaque point individuel. Dans R c. Burns, [1994] 1 RCS, la Cour suprême du Canada a abordé cette question précise, quoique dans un contexte de droit criminel. La Cour suprême a tenu ce propos :

L’omission d’indiquer expressément que tous les facteurs pertinents ont été considérés pour en arriver à un verdict ne constitue pas une raison d’admettre un appel en application de l’al. 686(1)a). Cela est conforme à la règle générale selon laquelle le juge du procès ne commet pas une erreur du seul fait qu’il ne motive pas sa décision sur des questions problématiques. Le juge n’est pas tenu de démontrer qu’il connaît le droit et qu’il a tenu compte de tous les aspects de la preuve. Il n’est pas tenu non plus d’expliquer pourquoi il n’a pas de doute raisonnable sur la culpabilité de l’accusé. L’omission d’accomplir l’une de ces choses ne permet pas en soi à une cour d’appel d’annuler le verdict.

[31] Dans la présente affaire, l’argument invoqué est a) que la division générale n’a consacré que peu ou pas d’analyse aux témoignages oraux ou ne leur a attribué que peu ou pas de poids et qu’elle a fait cela de façon arbitraire (argument que le Tribunal ne retient pas) et b) que la division générale a omis de fournir une raison à cela. Toutefois, à la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que cette prétention ne peut ni tenir ni trouver appui dans la jurisprudence. En conséquence, cette allégation ne révèle pas de manquement à la justice naturelle ni ne soulève d’autre moyen d’appel qui conférerait une chance raisonnable de succès à l’appel.

[32] Le Tribunal en déduit que ce dont l’avocat de la demanderesse se plaint vraiment est que la division générale n’a pas apprécié la preuve d’une manière favorable à la demanderesse. La division d’appel ne peut apprécier de nouveau la preuve pour en venir à une conclusion différente de celle qu’a tirée la division générale. Ce n’est pas le rôle de la division d’appel. Le rôle de la division d’appel est de déterminer si la division générale a commis une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et si tel est le cas, de fournir un redressement pour corriger cette erreur. En l’absence d’une telle erreur susceptible de contrôle, la loi ne permet pas à la division d’appel d’intervenir. Notre rôle n’est pas de reprendre de novo l’instruction de l’affaire. Ainsi, l’argument selon lequel la division générale n’a consacré que peu ou pas d’analyse aux témoignages oraux ou ne leur a attribué que peu ou pas de poids, et qu’elle a fait cela de façon arbitraire, ne constitue pas un moyen d’appel qui confère une chance raisonnable de succès à l’appel.

[33] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la demanderesse ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait d’établir que la division générale a fait preuve de partialité.

La division générale a‑t‑elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire?

[34] L’avocat de la demanderesse allègue que la décision de la division générale a reposé sur des conclusions de fait erronées qui ont été tirées de façon abusive ou arbitraire. Là encore, l’avocat n’indique pas quelles erreurs précises ont été commises. Il n’est pas suffisant de déclarer simplement que la division générale a commis une erreur puis de laisser au Tribunal le soin de deviner quelle erreur. Quoi qu’il en soit, le Tribunal a déjà traité de toutes les observations faites par l’avocat de la demanderesse et ne trouve aucun fondement probatoire qui viendrait étayer cette affirmation pour en faire un moyen d’appel conférant une chance raisonnable de succès à l’appel.

Conclusion

[35] L’avocat de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle en ce qu’elle a fait preuve de partialité et n’a pas fondé sa décision sur la preuve dont elle était saisie. Après avoir pris en considération les observations faites par l’avocat de la demanderesse, le Tribunal conclut que la demanderesse ne s’est pas acquittée de l’obligation qui lui incombait d’établir l’existence d’une partialité de la part de la division générale. L’avocat de la demanderesse a aussi affirmé que la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire. Le Tribunal juge que cette allégation n’est pas fondée. Par conséquent, compte tenu des motifs exposés ci‑dessus, le Tribunal n’est pas convaincu que l’une ou l’autre des observations faites par l’avocat révèle un moyen d’appel qui conférerait une chance raisonnable de succès à l’appel. En conséquence, la Demande est rejetée.

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