Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 9 mars 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »), a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au motif qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité mentale ou physique « grave et prolongée » au sens du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») à la division d’appel du Tribunal.

Moyens invoqués à l’appui de la demande

[3] Au nom de la demanderesse, son avocat plaide que la division générale a contrevenu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») en ce que sa décision renfermait des erreurs de droit et des erreurs de fait. L’avocat de la demanderesse a énoncé en détail les erreurs de droit ainsi que les conclusions de fait erronées que la division générale, allègue‑t‑il, a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] La demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.Footnote 1 Pour accorder cette permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès à une cause défendable : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] Les moyens d’appel admissibles sont énoncés à l’article 58 de la Loi sur le MEDS.Footnote 2 Ce sont là les seuls moyens sur lesquels un demandeur peut interjeter appel d’une décision de la division générale.

Analyse

[7] Le point essentiel de la décision de la division générale est que, bien que la demanderesse puisse souffrir d’une maladie progressive, elle ne s’est pas acquittée de l’obligation qui lui incombait d’établir qu’à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), ou avant cette date, elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée. Pour accorder une permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Pour les motifs énoncés ci‑après, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[8] L’avocat de la demanderesse allègue que la division générale a mal appliqué le contexte réaliste à son examen de la capacité de la demanderesse de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’avocat soutient que la division générale n’a pas tenu compte des limitations physiques et de la capacité diminuée de la demanderesse de se présenter au lieu de travail et de conserver un emploi de façon régulière et fiable. Le Tribunal trouve peu d’appui à cette allégation dans la décision.

[9] La division générale a abondamment discuté des symptômes de la demanderesse, de la preuve médicale et des effets des troubles médicaux de la demanderesse sur sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Les limitations physiques de la demanderesse et sa capacité de se présenter au travail sont abordées aux paragraphes 68 et 69 ainsi qu’aux paragraphes 75 à 87. La division générale a pu en arriver à des conclusions qui diffèrent de ce que la demanderesse aurait souhaité, mais elle n’a certes pas manqué d’aborder l’ensemble de la capacité de la demanderesse de détenir et conserver un emploi, ni n’a fait abstraction des limitations physiques de cette dernière dans son analyse. Ainsi, un appel ne reçoit pas d’appui sur ce moyen.

[10] Outre ces erreurs de droit alléguées, l’avocat de la demanderesse affirme que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve du Dr Baker relative à [traduction] « la corrélation entre la CMT et la vestibulopathie périphérique et l’impact que cela a sur la capacité de l’appelante de rechercher, conserver et régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Le Tribunal estime que la division générale a explicitement abordé la position du Dr Baker au paragraphe 80. Toutefois, la division générale a conclu que le Dr Baker n’avait pas imputé l’incapacité de travailler de la demanderesse à sa CMT (maladie de Charcot-Marie-Tooth). Plutôt, la division générale a jugé que le Dr Baker avait fait un commentaire d’ordre général sur les effets possibles de la CMT sur certains patients qui apportait peu d’eau au moulin de la demanderesse.

[Traduction]

[80] En novembre 2010, le Dr Baker ne dit pas que l’appelante est incapable de travailler en raison de sa CMT. Tout au plus dit‑il que certains patients atteints de la CMT déclarent souffrir de fatigue et que cela pourrait nuire à la capacité de l’appelante d’accomplir ses tâches d’aide-éducatrice. De l’avis du Tribunal, il s’agit d’un commentaire très général qui milite peu en faveur de la prétention de l’appelante qu’en décembre 2011 elle était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[11] L’avocat poursuit en soutenant que la division générale a fait abstraction des précisions que le Dr Baker a ultérieurement apportées au commentaire susmentionné, ainsi que de ses rapports subséquents du 14 novembre 2014 et d’un courriel daté du 18 février 2015. La difficulté que pose cette prétention vient de ce que le rapport du Dr Baker, qui se trouve être postérieur de trois ans à la PMA, ne parle pas de l’état de santé de la demanderesse à la fin de la PMA. Par conséquent, que la division générale ait omis d’aborder ce rapport ou encore le courriel ultérieur du Dr Baker n’est pas une erreur qui donnerait lieu à un moyen d’appel admissible.

[12] Quant à l’argument de l’avocat de la demanderesse selon lequel la division générale aurait tiré à tort une conclusion défavorable du fait que la demanderesse n’a pas déposé en preuve le rapport de 2010 de l’ergothérapeute, Mme Mazurkiewicz, le Tribunal estime, pour les motifs exposés dans la décision (par. 76), que la division générale a tiré à juste titre une conclusion défavorable, d’autant plus que la lettre ultérieure faisait mention de ce rapport antérieur et qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse ait également pu communiquer ledit document antérieur. Comme le fait valoir la décision Pereira c. MDRH (26 juillet 199), CP 425 (CAP), lorsqu’il manque des rapports médicaux, on accorde moins de poids aux constatations cliniques et physiques. Ainsi, malgré ce qu’il aurait pu renfermer, le rapport ergothérapeutique de 2010 que la demanderesse n’a pas déposé a signifié que la division générale a été privée d’une description complète de la capacité de la demanderesse de participer à une physiothérapie vestibulaire ou d’un commentaire sur les éventuels bienfaits qu’aurait pu lui apporter ce traitement.

[13] Parmi les autres erreurs que la division générale a prétendument commises, il y a les suivantes :

  1. i) elle a incorrectement qualifié la preuve de la demanderesse concernant les raisons pour lesquelles cette dernière a cessé de travailler en 2009, soit ses vertiges et ses craintes pour sa sécurité;
  2. ii) elle a tiré une conclusion défavorable de ce que la demanderesse n’avait pas essayé de retourner au travail après le 9 janvier 2009, même si cela avait été cautionné par un médecin;
  3. iii) elle a omis de répéter les [traduction] « nombreuses compétences transférables » que possède la demanderesse;
  4. iv) de l’emploi des mots « nous » et « rédiger » par le Dr Stephenson dans la phrase [traduction] « il nous faut rédiger », elle a conclu de façon erronée que cela signifiait que la demanderesse avait contribué à la rédaction de la lettre, le Dr Stephenson étant le médecin de famille de la demanderesse;
  5. v) elle s’est concentrée uniquement sur les « vertiges » qu’avait la demanderesse et non sur ses symptômes de CMT progressive;
  6. vi) elle n’a pas tenu compte du fait que la tentative de retour au travail de la demanderesse avait échoué.

[14] Eu égard aux prétentions de l’avocat, le Tribunal n’est pas convaincu que la division générale ait, d’une quelconque façon, mal qualifié les raisons pour lesquelles la demanderesse a cessé de travailler ou n’ait pas tenu compte de ses tentatives de retour au travail. La division générale a abondamment traité, aux paragraphes 85 et 86 de la décision, des raisons invoquées par la demanderesse pour avoir cessé de travailler. La membre de la division générale a eu l’occasion de voir et d’entendre la demanderesse directement et donc d’évaluer son témoignage, témoignage qu’elle a trouvé vague. Que la membre de la division générale ait jugé que le témoignage de la demanderesse n’était pas étayé par la preuve médicale constitue, de l’avis du Tribunal, une conclusion que la membre pouvait tirer à la lumière du témoignage et de la preuve présentés au Tribunal.

[15] Ainsi, malgré le témoignage livré par la demanderesse au sujet des raisons pour lesquelles elle a quitté son travail, raisons que le Tribunal a estimé être en grande partie liées aux vertiges dont souffrait la demanderesse, le Tribunal n’est pas convaincu que la division générale ait commis une quelconque erreur d’importance en ce qui touche les raisons pour lesquelles la demanderesse a cessé de travailler ni que la division générale a fait abstraction du fait que la demanderesse avait tenté un retour au travail.

[16] L’avocat de la demanderesse a aussi prétendu que la décision ne tenait pas compte de la totalité de la preuve de la demanderesse concernant ses affections, ce qui est une erreur de droit. L’avocat affirme que la division générale a omis de prendre en considération le caractère progressif de la CMT préexistante de la demanderesse ou de l’impact que la vestibulopathie périphérique de la demanderesse a eu sur sa CMT. En fait, la division générale a non seulement abordé les deux principales maladies de la demanderesse et la corrélation qu’il y a entre elles au paragraphe 87 de sa décision, mais elle a également abordé les autres affections de la demanderesse, dont le syndrome du canal carpien, la bursite et les douleurs aux épaules et aux genoux. Le Tribunal estime que la division générale n’a pas commis d’erreur à cet égard. Par conséquent, le Tribunal conclut que cette prétention ne saurait constituer un moyen d’appel.

[17] L’avocat a allégué que la division générale avait commis une erreur en omettant d’énoncer les compétences transférables que possédait la demanderesse. En réponse à la demande que le Tribunal lui a faite de fournir un fondement étayant cette position, l’avocat a cité la décision rendue dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, où la juge L'Heureux- Dubé a déclaré ceci au paragraphe 43 : « Il serait injuste à l’égard d’une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise. » Respectueusement, le Tribunal n’est pas convaincu que la remarque incidente de la juge L’Heureux-Dubé soit d’un quelconque secours à la demanderesse étant donné que la division générale a clairement exposé les motifs de sa décision. Si, en revanche, l’argument invoqué par l’avocat, ainsi que le Tribunal l’a initialement interprété, est que la division générale avait le devoir de faire l’énumération des compétences transférables que la demanderesse était censée posséder, le Tribunal n’a pu trouver de jurisprudence pouvant donner appui à cette position, pas plus que l’avocat de la demanderesse n’a produit de fondement à l’appui de cette thèse.

[18] De l’avis du Tribunal, les déclarations de la division générale doivent être mises dans le contexte de l’ancien emploi d’assistante-enseignante pour enfants ayant des besoins particuliers qu’occupait la demanderesse et de son témoignage selon lequel elle fournissait aux enfants une assistance pour leurs besoins physiques et qu’avant cela elle avait occupé un emploi de caissière. Dans ce contexte, le Tribunal n’est pas convaincu que la division générale ait commis une erreur. Et même si c’était le cas, le Tribunal n’est pas convaincu que, dans le contexte de la conclusion que la division générale a tirée à l’effet qu’après 2009 la demanderesse n’a pas essayé de trouver et de conserver une occupation véritablement rémunératrice, cette erreur soit importante.

[19] Qui plus est, il est de jurisprudence constante qu’il n’incombe pas à l’ancienne CAP (et, par conséquent, à l’instance qui lui a succédé, le Tribunal) de [traduction] « répondre à la question : Quel type de travail le demandeur peut accomplir? Pas plus qu’il n’incombe au ministre de définir ou de décrire précisément les types d’emploi pouvant correspondre aux aptitudes que possède le demandeur ni d’indiquer si ces emplois sont effectivement ou immédiatement disponibles » : Montilla c. MDRH (28 novembre 2000) CP 06657; Kostoglou c. MDRH (3 septembre 1998) CP 5623. Ainsi, la réponse de l’avocat selon laquelle [traduction] « à l’examen de la preuve de la demanderesse présentée au Tribunal, il ne trouve aucune preuve de compétences transférables qui indiquerait que la demanderesse a la capacité de travailler » n’est qu’une simple énonciation de son opinion et, qui plus est, suivant Montilla et Kostoglou, n’a pas de fondement juridique. Pour ces motifs, le Tribunal n’est pas convaincu que les allégations susmentionnées se rattachent à un moyen d’appel qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[20] Pour ce qui est de l’affirmation que la division générale a conclu à tort que le Dr Stephenson était devenu un défenseur de la cause de la demanderesse, le Tribunal estime qu’il est plus vraisemblable qu’une personne raisonnable lisant la phrase [traduction] « nous allons rédiger une lettre » déduirait, de l’emploi du verbe « rédiger », comme la membre de la division générale l’a fait, que le médecin de famille de la demanderesse avait adopté le rôle de défenseur de la cause de cette dernière. Pour ce motif, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il s’agit d’un moyen qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[21] La demanderesse, par l’entremise de son avocat, a soutenu que la division générale avait commis un certain nombre d’erreurs, lesquelles comprennent les suivantes : a mal qualifié des éléments de preuve et/ou en a fait abstraction; a tiré des conclusions défavorables injustifiées; a omis de se concentrer sur toutes les affections dont souffrait la demanderesse; a omis de citer les compétences transférables que possède la demanderesse. Ayant examiné la décision de la division générale et le dossier du Tribunal, le Tribunal n’est pas convaincu que ces prétentions de l’avocat donnent lieu à un moyen d’appel qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[22] La Demande est rejetée.

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