Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

L. C. : Appelante

Ray Guilbeault : Représentant de l’appelante

A. A. : Fille de l’appelante

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada présentée par l’appelante a été estampillée par l’intimé le 14 juin 2011. L’intimé a rejeté sa demande initialement et après révision. L’appelante a porté la décision de révision en appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) et cet appel a été transféré au Tribunal en avril 2013.

[2] L’audience a d’abord été tenue par téléconférence le 12 mai 2015 pour les raisons suivantes :

  1. Il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  2. La crédibilité ne figure pas au nombre des questions principales;
  3. Le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[3] L’audience a été ajournée pour être reprise par vidéoconférence le 27 août 2015 pour les raisons suivantes :

  1. Le lien téléphonique ne fonctionnait pas adéquatement à la résidence de l’appelante;
  2. L’appelante voulait présenter des documents médicaux supplémentaires, y compris des documents de la CSPAAT et des dossiers de traitement de son chiropraticien.

Droit applicable

[4] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée à la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le Tribunal conclut que la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2010.

[9] Dans la présente affaire, le Tribunal doit décider s’il est plus probable que non que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à la date de la fin de sa PMA ou avant cette date.

Rapports médicaux tardifs

[10] Le 24 juillet 2015 (plus d’un mois après le 15 juin 2015, date d’expiration du délai prolongé pour déposer des documents supplémentaires), l’appelante a présenté 167 pages de rapports médicaux supplémentaires dont certains avaient déjà été produits. Les nouveaux rapports comprenaient un rapport d’analyse des compétences transférables daté du 14 janvier 2010; un rapport d’évaluation psycho professionnelle daté du 9 février 2010 préparé par le Dr Phillips, psychologue; une évaluation et la proposition d’un plan de réintégration au marché du travail (RMT) daté du 19 février 2010; un rapport d’achèvement concernant une RMT en date du 25 mars 2010; des documents relatifs à une évaluation sur l’indemnité pour perte non financière (PNF) de la CSPAAT; un rapport du Dr Vliet, chirurgien orthopédiste, daté du 12 octobre 2012; diverses IRM et études d’imagerie de ses deux épaules; des rapports de progression d’un physiothérapeute et d’un professionnel de la santé à l’intention de la CSPAAT; un rapport du Dr Kreps, chiropraticien, daté du 25 septembre 2013; une décision du tribunal d’appel de la CSPAAT en date du 20 février 2014; et un autre rapport du Dr Kreps daté du 22 mai 2015.

[11] Le 19 août 2015, le Tribunal a écrit aux parties pour les informer que le membre du Tribunal allait décider au moment de l’audience s’il accepterait les rapports supplémentaires, et que si c’était le cas, il entendrait les témoignages et une période raisonnable serait accordée au ministre pour lui permettre de présenter des observations supplémentaires en réponse à ces documents.

[12] Au début de l’audience, le représentant de l’appelante a expliqué qu’il lui avait fallu beaucoup de temps pour réunir les documents et qu’il ne s’était pas rendu compte qu’un délai prolongé de dépôt avait été fixé au 15 juin 2015. Il a admis avoir reçu l’avis d’audience daté du 21 mai 2015, mais il n’a pas remarqué qu’il comportait de nouvelles périodes de dépôt et de réponse.

[13] Le Tribunal a déterminé que les rapports supplémentaires revêtaient une importance particulière et que, dans l’intérêt de la justice, ils devaient être admis et que l’intimé devait se voir accorder une chance raisonnable de déposer des observations supplémentaires à son tour.

[14] Après la présentation des témoignages et des observations de l’appelante, le Tribunal a ajourné l’audience dans les termes suivants :

  1. L’intimé a jusqu’au 30 septembre 2015 pour déposer des observations supplémentaires en réponse aux derniers documents.
  2. Lorsqu’il recevra les observations supplémentaires, le Tribunal déterminera si une autre audience est requise. Si une autre audience est requise, elle sera probablement tenue par téléconférence.
  3. Si aucune autre audience n’est requise, le Tribunal rendra ses motifs de décision.

[15] Les observations supplémentaires de l’intimé ont été déposées le 9 septembre 2015 et l’intimé est d’avis que la preuve supplémentaire ne permet pas de conclure que l’appelante était atteinte d’une invalidité au sens de la Loi à la date où sa PMA a pris fin ou avant cette date et de manière continue par la suite.

Contexte

[16] L’appelante avait 48 ans à la date où sa PMA a pris fin, le 31 décembre 2010; elle est maintenant âgée de 52 ans. Elle a terminé une neuvième année de scolarité et ses antécédents d’emploi comprennent des emplois de commis d’entrepôt/manutentionnaire, cuisinière, serveuse, préposée au nettoyage (travaux légers) sur un terrain de golf, et dernièrement, préposée à l’entretien ménager le soir au centre de soins Lady Isabella.

[17] Elle a commencé à éprouver des problèmes aux épaules en 2006. En septembre 2007, elle s’est blessée au membre supérieur droit lorsqu’elle passait une polisseuse à planchers Taski. Aux alentours de Noël, son bras droit avait enflé. Elle a communiqué avec son employeur pour lui demander des tâches modifiées, mais aucune n’était disponible. Elle n’a pas travaillé depuis avril 2008 et elle reçoit une indemnité partielle de perte d’emploi de la CSPAAT.

Documents relatifs à la demande

[18] Dans son questionnaire sur les prestations d’invalidité du RPC, estampillé par l’intimé le 14 juin 2011, l’appelante a indiqué qu’elle avait une neuvième année de scolarité et qu’elle avait travaillé pour la dernière fois au Centre de soins Lady Isabella du 9 mars 2002 au 14 avril 2008; elle a souligné qu’elle avait cessé de travailler parce qu’elle avait subi des blessures au travail. Elle a affirmé être invalide depuis le 4 avril 2008 et a déclaré que les maladies ou invalidités qui l’empêchaient de travailler sont les suivantes : des déchirures dans les deux épaules; une tendinite au bras droit; une masse dans le dos qui pousse sur les nerfs et l’empêche d’être mobile; et une douleur au haut du corps.

[19] Un rapport daté du 19 janvier 2011 rédigé par le Dr Runciman, médecin de famille de l’appelante, accompagnait la demande de prestations du RPC. Ce rapport présente les diagnostics suivants : douleur au membre supérieur droit; déchirure du sus-épineux; lésion du bourrelet; épicondylite au coude droit; arthrose de la colonne cervicale; douleur à l’épaule et à l’omoplate gauches; douleur mécanique de la colonne vertébrale et dysthymie réactionnelle. Le rapport souligne que l’appelante a cessé d’occuper un emploi actif en 2008 en raison de son coude droit et que la douleur et l’inconfort avaient progressé dans les zones indiquées. Le rapport de pronostic indique que l’appelante décrit une perte progressive de ses capacités et de son confort, que des experts ont suggéré une prise en charge conservatrice sans chirurgie, et que la principale pathologie concerne les tissus mous.

Première demande

[20] Il s’agit de la deuxième demande de prestations d’invalidité du RPC présentée par l’appelante. La première demande a été estampillée par l’intimé le 5 février 2009. L’intimé a rejeté la demande le 21 avril 2009 et l’appelante n’a pas demandé que cette décision soit révisée.

[21] Dans son questionnaire sur les prestations d’invalidité du RPC, reçu par l’intimé le 5 février 2009, l’appelante a indiqué qu’elle avait cessé de travailler le 8 avril 2008 en raison d’une blessure au bras droit. Elle a allégué qu’elle était invalide depuis le 4 avril 2008 et a indiqué que la maladie ou l’atteinte qui l’empêchait de travailler était une douleur intense causée par la déchirure des tissus musculaires de son bras droit. Elle a ajouté qu’elle avait entrepris des traitements de physiothérapie et de chiropractie, et qu’elle attendait un rendez-vous avec le Dr Bodley à la clinique de gestion de la douleur.

[22] Un rapport du Dr Runciman, daté du 28 janvier 2009, accompagnait la première demande. Ce rapport présentait les diagnostics suivants : douleur au bras droit, déchirure du sus‑épineux, lésion du bourrelet et possible épicondylite au coude droit, et arthrose précoce de la colonne cervicale. Le rapport indique que l’appelante s’est rendue deux fois à l’Hôpital général de North Bay pour une douleur au bras droit. Le pronostic indique qu’une réparation de la déchirure du sus-épineux pourrait vraisemblablement corriger le problème et que des injections de cortisone pourraient améliorer la situation.

Preuve orale

Preuve de l’appelante

[23] L’appelante a exposé en détail ses antécédents en matière d’études et d’emploi. Elle a déclaré qu’en décembre 2010, ses deux bras étaient très douloureux, que ses côtes à droite s’étaient déplacées et qu’elle n’a pu bouger pendant près de trois mois – elle ne faisait que s’asseoir dans le Lazy Boy. Elle ne pouvait rien faire et la CSPAAT voulait qu’elle retourne aux études. Elle a refusé parce qu’elle avait trop de douleur, et l’organisme a donc décidé de mettre un terme à ses prestations. Elle ne pouvait rien faire à cette époque – elle n’aurait pas été en mesure de faire l’aller-retour en voiture pour se rendre en classe et elle n’aurait pas été assidue.

[24] Elle est en douleur constante, il lui est pénible de se rendre à l’épicerie lorsqu’elle doit le faire; elle ne va nulle part – son état s’est aggravé parce que maintenant les côtes des deux côtés sont déplacées et elle a une névralgie sciatique. Les bons jours, elle peut préparer le souper, faire un peu de vaisselle et balayer le plancher – elle peut seulement accomplir des tâches ménagères de base. Les mauvais jours, elle ne peut même pas balayer le plancher. Ses voisins, ses sœurs et ses enfants l’aident. Elle n’a pas un horaire de sommeil régulier – elle a essayé des somnifères, mais ils n’ont pas eu l’effet escompté et elle était étourdie au réveil.

[25] Son médecin de famille lui a prescrit des médicaments pour soigner la dépression, mais elle a cessé de les prendre parce qu’elle ne croyait pas qu’elle en avait besoin – c’était sa décision, car elle ne voulait pas prendre de médicaments. Elle se rappelle qu’un chirurgien orthopédiste lui avait dit qu’elle avait des problèmes psychologiques, mais elle n’a jamais suivi de thérapie avec un psychologue ou un autre spécialiste en santé mentale. Elle n’était pas certaine que le Dr Runciman lui avait déjà suggéré de voir un psychiatre, mais elle se rappelle que son chiropraticien, le Dr Kreps, le lui avait suggéré. Elle ne voulait pas et a déclaré : [traduction] « je n’ai pas de problèmes psychologiques – j’ai seulement été manipulée par mon employeur, les médecins et par la CSPAAT ». Elle n’a pas accepté les injections à la cortisone parce qu’elle ne voulait pas que quelqu’un la pique et elle n’aimait pas l’attitude du médecin. Elle a déclaré : [traduction] « je ne veux pas de traitement temporaire, et les injections ne seraient qu’un traitement temporaire ». Le Dr Bodley voulait qu’elle se rende à la clinique de gestion de la douleur, mais elle ne voulait pas avoir à quitter la maison (et n’y revenir que les weekends) pour suivre le programme.

[26] Lorsqu’on l’a confrontée au résumé de la proposition de réintégration au marché du travail (RMT) (GT6-9) qui indique qu’elle ne souhaitait pas se déplacer temporairement à des fins de formation, qu’elle n’était pas d’accord pour s’installer ailleurs de manière permanente à des fins de formation, et qu’elle ne voulait pas terminer sa formation de niveau collégial, l’appelante a déclaré ceci : [traduction] « J’avais trop de douleur, je n’aurais pas pu être assidue... ils m’ont dit qu’ils me couperaient mes paiements si je ne finissais pas et que j’aurais besoin de certificats médicaux chaque fois que je ne me présenterais pas. » Interrogée pour savoir si elle avait eu un suivi avec le Dr Vliet après son rendez-vous d’octobre 2012 pour examiner la possibilité de recevoir des injections (GT6-103), elle a déclaré [traduction]« Je ne veux pas d’injections...c’est le médecin qui a été congédié par l’hôpital en raison de sa mauvaise attitude... je demeure à ½ heure de North Bay et ce n’est pas réaliste pour moi de courir pour voir des médecins pour des traitements temporaires... le repos m’aide et j’essaie de faire le moins possible d’efforts. » Elle a déclaré que la physiothérapie ne l’avait pas aidée, et qu’elle ne peut recevoir de massages parce que ses épaules sont trop douloureuses. Elle n’a aucun rendez-vous prévu avec des spécialistes. Son seul médicament actuellement est Anacin; les médicaments plus forts contre la douleur lui causent des maux d’estomac.

Preuve d’A. A.

[27] Elle avait quitté la maison pendant quelques années et était revenue en 2009. Lorsqu’elle est revenue, sa mère était en [traduction] « dépression profonde... pleurait sans cesse ... était toujours découragée. » Elle restait tout le temps à la maison et ne faisait rien. Elle (Mme A.) partageait certaines tâches comme sortir les poubelles, soulever de lourdes charges, et faire du grand ménage avec ses frères et sœurs. Sa mère n’a pas pu prendre sa première petite‑fille dans ses bras, lorsqu’elle est née. Sa mère était très bouleversée et cela a mis son mariage et ses amitiés à dure épreuve.

[28] Elle a tenté de parler à sa mère et de lui donner des conseils sur la façon de composer avec sa situation, notamment en faisant des promenades et en accomplissant de petites choses. Sa mère était très susceptible à propos de son état, et elle se rappelle avoir mentionné à sa mère qu’il serait bon qu’elle voie un spécialiste en santé mentale pour sa dépression, mais sa mère était contrariée et elles ont eu une grosse dispute à ce sujet.

Preuve médicale

[29] Le Tribunal a examiné attentivement tous les éléments de preuve médicale au dossier d’audience. Ci-dessous figurent des extraits des éléments que le Tribunal considère comme les plus pertinents.

[30] Dans un rapport d’une salle d’urgence daté du 13 mars 2008, le Dr Rivet a souligné que l’appelante s’était présentée avec une douleur au bras droit, qui irradiait vers le haut de son bras jusque dans son cou et vers le bas jusqu’à son thorax droit. Une radiographie de son cou a démontré des modifications dégénératives mineures. Il n’y a aucun élément de preuve de récidive du zona développé par l’appelante autour de Noël. Le Dr Rivet avait conseillé à l’appelante de prendre quelques jours de congé, mais elle a décidé de retourner au travail.

[31] Une tomodensitométrie de la colonne cervicale de l’appelante réalisée le 19 avril 2008 a révélé des modifications plutôt légères, notamment un changement dégénératif bilatéral au niveau C3-4, une importante arthrose interfacettaire, et une saillie de certaines articulations uncovertébrales.

[32] Dans une note écrite à la main adressée au Dr Foell, le 12 novembre 2008, le Dr Runciman a indiqué qu’il croyait qu’il existait d’importants problèmes de douleur secondaire et que l’appelante contredit la CSPAAT et son employeur. Il a noté que l’appelante avait suivi des traitements de chiropractie et de physiothérapie sans amélioration importante, et que les AINS et les analgésiques n’avaient été d’aucune utilité. Le Dr Runciman attendait le rapport d’une consultation avec le Dr Bodley ainsi que des résultats d’IRM pour l’épaule et le coude.

[33] Un examen d’IRM du coude droit en date du 20 décembre 2008 a révélé la présence possible d’un ganglion ou d’une lésion kystique antérieure du muscle supinateur au niveau du col du radius et une possible épicondylite ou tendinite latérale. Un examen d’IRM de l’épaule droite à la même date a révélé une déchirure du tendon sus-épineux dans sa partie antérieure près de l’insertion avec enthésopathie sous-jacente, lésions aux parties supérieure et postérieure du bourrelet et dégénérescence de l’articulation acromio-claviculaire (AC).

[34] Le 23 décembre 2008, le Dr Foell, neurologue, a mentionné que l’appelante avait d’abord développé une sensibilité au bras droit en septembre 2007, qui s’était progressivement aggravée au cours des mois suivants, que la douleur était particulièrement présente à la fin d’une journée de travail, et qu’elle avait dû cesser de travailler en avril 2008 en raison de la sévérité de ses symptômes. L’examen neurologique était normal et n’a pas permis de révéler la présence de myélopathie, de radiculopathie cervicale, ou de neuropathie périphérique focale pour expliquer ses symptômes ressentis dans le membre supérieur droit. Le Dr Foell a indiqué que les symptômes de l’appelante semblaient davantage de nature musculosquelettique, mais il n’avait pas de diagnostic exact. Il a discuté avec elle du rôle de l’amitriptyline comme traitement non spécifique de la douleur chronique, mais l’appelante n’était pas intéressée à commencer ce jour‑là et a indiqué qu’elle devait d’abord en discuter avec le Dr Runciman

[35] Le 5 mars 2009, le Dr Khodabandehloo, chirurgien orthopédiste, a recommandé une prise en charge conservatrice, comprenant des massages et des traitements d’acuponcture.

[36] Le 29 mai 2009, le Dr Bodley, spécialiste en gestion de la douleur, a indiqué à la CSPAAT que l’appelante avait bien établi un trouble de douleur chronique associé à des facteurs psychologiques et à une affection médicale générale, et que des changements dégénératifs dans son épaule et de l’enflure au coude avaient été observés, ce qui suggère qu’il peut exister une certaine inflammation. Il a suggéré des doses régulières d’AINS avec des doses régulières de Tylénol et a déconseillé les médicaments plus forts contre la douleur. Il a noté qu’il n’y avait aucune atrophie aux muscles voisins, ce qui permettait de penser que l’appelante était encore capable de fonctionner très bien avec son bras.

[37] Une scintigraphie osseuse en date du 29 mars 2010 n’a révélé aucune pathologie importante à l’épaule droite ou au coudre droit, ce qui n’excluait toutefois pas un changement dégénératif léger, mais ne suggérait pas la présence de polyarthropathie inflammatoire.

[38] Le 12 mai 2010, le Dr Kreps, chiropraticien, a mentionné que l’appelante s’était présentée à 27 rendez-vous depuis juillet 2009 et qu’elle avait atteint le niveau maximal de bénéfice thérapeutique.

[39] Le 25 mai 2010, la Dre Nam, chirurgienne orthopédiste à la clinique de l’épaule et du coude de l’hôpital Sunnybrook, a indiqué que l’appelante ne travaille pas depuis avril 2008 et qu’il n’était pas possible qu’on lui confie des tâches modifiées. Elle a aussi indiqué qu’il avait été question de retour aux études pour l’appelante pour un éventuel recyclage professionnel, mais l’appelante a déclaré qu’elle était incapable d’assister à des cours en raison de douleurs au bras droit, à l’épaule gauche et aux côtes. La Dre Nam a souligné que l’appelante avait reçu des traitements de chiropractie trois jours par semaine entre juillet 2008 et mars 2010.

[40] La Dre Nam a résumé ainsi la situation : l’appelante a une douleur chronique au membre supérieur droit qui n’a pas été atténuée par le traitement, et elle présente un tableau clinique correspondant à une dégénérescence dans l’épaule et le coude. Elle lui a suggéré de suivre un traitement de physiothérapie spécialisé et d’essayer une approche plus multidisciplinaire à la clinique de la douleur. Elle lui a recommandé de restreindre l’utilisation du membre supérieur droit, notamment de ne pas soulever des charges lourdes ou des poids et de ne pas appliquer de résistance.

[41] Le 5 mai 2011, le Dr Runciman a orienté l’appelante vers le Dr Pollack, chirurgien orthopédiste, à l’Hôpital général d’Ottawa. Selon lui, l’appelante a des problèmes médicaux complexes largement liés aux troubles musculosquelettiques et le principal problème concerne une douleur bilatérale aux membres supérieurs et une amplitude limitée des mouvements, touchant l’épaule et le coude. La lettre de recommandation indique aussi que des résultats d’IRM ont confirmé des conclusions de tendinite et de dislocation.

Rapports médicaux tardifs et documents de la CSPAAT (déposés le 24 juillet 2015)

[42] Dans un rapport d’analyse des compétences transférables daté du 14 janvier 2010, D. D. de la Marche des dix sous, pour la CSPAAT, a suggéré six possibilités qui requièrent un niveau comparable de compétences, qui correspondent aux exigences physiques de l’appelante pour un travail sédentaire et qui requièrent seulement des tâches de manutention à l’occasion : réceptionniste, commis au service à la clientèle, vendeur de commerce au détail/préposé à la location, conseiller en voyages, préposé à la réception d’un hôtel, et hôte de restaurant. L’emploi ou le domaine considéré comme le plus approprié pour l’appelante, compte tenu de ses capacités physiques, cognitives et intellectuelles, est celui de préposée à la réception d’un hôtel.

[43] Un rapport d’évaluation psycho professionnelle rédigé par le Dr Philips, psychologue, concernant des évaluations effectuées le 26 janvier et le 2 février 2010 a souligné que le document de référence faisait état de restrictions à l’égard de gestes impliquant de soulever, pousser, se tenir debout, marcher, prendre, tirer (principalement avec le bras droit). L’appelante s’est fait dire qu’elle pouvait marcher et se tenir debout, selon sa tolérance. De plus, l’appelante s’est vu interdire de soulever des objets du sol à la taille et de la taille à l’épaule avec son bras droit, de monter une échelle, de saisir et de pincer des objets et de travailler au-dessus des épaules. Le rapport indique que le bras gauche de l’appelante se détériorait aussi en raison de sa surutilisation. L’appelante ne se voyait pas développer ses capacités au point de pouvoir retourner à un emploi rémunérateur. Le rapport affirme que l’appelante a démontré qu’elle avait le potentiel de terminer une douzième année de scolarité et de poursuivre sa formation au niveau collégial.

[44] Le rapport indique que même si l’appelante démontre un bon potentiel pour poursuivre des études de niveau collégial et occuper des emplois liés à cette formation, elle a soulevé beaucoup de compromis à l’égard de sa forme physique et elle ne se sent pas capable d’occuper un emploi valorisant. Le Dr Philips a fourni une liste d’adaptations professionnelles possibles, mais a recommandé qu’aucune mesure ne soit envisagée à moins que des professionnels de la réadaptation physique confirment que de telles mesures seraient réalistes, compte tenu de son incapacité physique.

[45] Un résumé de la proposition du plan de réintégration daté du 19 février 2010 indique que l’appelante ne consent pas à déménager temporairement à des fins de formation, qu’elle n’est pas pour un déménagement à long terme à des fins de formation et qu’elle ne souhaite pas poursuivre des études de niveau collégial. Le résumé indique que l’occupation qui conviendrait le mieux à l’appelante serait un emploi de préposée à la réception d’un hôtel.

[46] Un rapport final de réintégration daté du 25 mars 2010 indique que le dossier de réintégration au marché du travail a été clos en raison d’un problème de santé. Lors d’une conversation téléphonique, le 22 février 2010, l’appelante a confirmé qu’elle n’avait pas l’intention de suivre une formation parce que la douleur avait augmenté dans ses épaules et ses bras, tant du côté droit que du côté gauche.

[47] Le 12 octobre 2012, le Dr Vliet, chirurgien orthopédiste, a examiné l’appelante pour des douleurs bilatérales aux épaules présentes depuis six ans. Il a informé l’appelante qu’elle avait une tendinopathie bilatérale de la coiffe des rotateurs avec de petites déchirures d’origine dégénérative et les épaules bloquées. Il lui a aussi dit que le blocage des épaules devait être traité en premier, après quoi elle serait réévaluée pour sa douleur à la coiffe des rotateurs. Il a recommandé un programme énergique de physiothérapie et des exercices à faire à la maison trois à quatre fois par jour; il a aussi recommandé d’envisager des injections de cortisone si les exercices à la maison étaient trop douloureux.

[48] Le 25 septembre 2013, le Dr Kreps a indiqué que la physiothérapie s’était révélée peu efficace et que les deux épaules de l’appelante étaient encore frappées d’une incapacité moyennement importante, et que l’amplitude de ses mouvements dans ses deux épaules continuait d’être limitée. En raison de la chronicité de son état, le Dr Kreps a affirmé qu’il était peu probable que l’état de l’appelante s’améliore uniquement avec des traitements de physiothérapie.

[49] Une décision du tribunal d’appel de la CSPAAT rendue le 20 février 2014 (après avoir entendu les témoignages et avoir procédé à un examen exhaustif des documents de la CSPAAT et du programme de réinsertion) a conclu qu’il se peut qu’un emploi de préposée à la réception d’un hôtel ne convienne pas à l’appelante, mais elle conserve tout de même sa capacité d’accomplir d’autres tâches dans les limites de ses restrictions. Le tribunal de la CSPAAT a conclu que même si l’appelante croit qu’elle est incapable de travailler, cette hypothèse n’est pas appuyée par la preuve médicale, et elle conserve la capacité d’occuper certains emplois qui tiennent compte de ses restrictions. La décision souligne aussi que de nombreux traitements supplémentaires ont été recommandés et que l’appelante ne les a pas suivis.

[50] Le 22 mai 2015, le Dr Kreps a déclaré au représentant de l’appelante qu’il n’était pas responsable du traitement ou de la gestion de la douleur à l’épaule de l’appelante depuis le 25 septembre 2013. Il a aussi indiqué que l’appelante était venue le consulter le 1er avril 2015 pour une douleur au bas du dos et au nerf sciatique du côté droit, laquelle n’a pas été réglée à ce jour.

Observations

[51] M. Guilbeault a fait valoir que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Les témoignages et la preuve médicale ont établi que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en avril 2008 lorsqu’elle a cessé de travailler;
  2. L’état de l’appelante ne s’est pas amélioré malgré les traitements, et elle est invalide, tant physiquement que psychologiquement;
  3. En ce qui concerne le fait que l’appelante n’a pas continué son traitement en santé mentale, il a soutenu qu’il est très difficile pour une personne d’accepter qu’elle a des problèmes psychologiques;
  4. Il a conclu que l’appelante vit avec une douleur constante et qu’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’elle soit capable d’occuper un emploi.

[52] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Le traitement de l’appelante à ce jour n’a pas été exhaustif, et des mesures conservatrices ont été recommandées en plus d’un traitement à la clinique de la douleur;
  2. L’appelante n’a pas suivi les modalités de traitement recommandées;
  3. Bien que l’appelante ait des limitations à l’égard de son ancien emploi, rien n’indique que l’appelante a essayé d’occuper un autre emploi tenant compte des restrictions énoncées par la Dre Nam dans son rapport de mai 2010;
  4. L’appelante a refusé de participer au programme de réintégration au marché du travail malgré le fait que l’analyse des compétences transférables et l’évaluation psycho professionnelle ont permis de conclure qu’elle avait la capacité de perfectionner ses compétences scolaires et d’occuper un emploi qui tient compte de ses restrictions;

Analyse

[53] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2010 ou avant cette date.

Invalidité grave

[54] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité sont définies au paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada (la Loi) qui prévoit essentiellement que, pour qu’une personne soit considérée comme invalide, elle doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Non seulement la personne ne doit pas être capable d’occuper son emploi habituel, mais elle doit aussi être incapable d’occuper n’importe quel genre d’emploi qu’il est raisonnable de croire qu’elle peut détenir. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[55] Les décisions suivantes ont fourni une orientation et une aide au Tribunal pour trancher les questions du présent appel.

[56] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le 31 décembre 2010 ou avant, elle était atteinte d’une invalidité au sens où ce terme est défini. La gravité de cette invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge de la personne, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques et ses antécédents de travail et son expérience de vie lorsqu’il détermine l’« employabilité » par rapport à son invalidité.

[57] Toutefois, cela ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les demandeurs sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[58] Il n’est pas suffisant de conclure qu’un syndrome de douleur chronique existe; la douleur doit être telle qu’elle rend la personne atteinte régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il incombe aussi à la personne qui a demandé des prestations d’invalidité de démontrer que des traitements ont été suivis et que des efforts ont été déployés pour régler la douleur : MNH c. Densmore (le 2 juin 1993), CP 2389 (CAP).

[59] La preuve que l’appelante a fourni des efforts sérieux pour améliorer sa situation constitue l’un des éléments essentiels pour qu’elle soit admissible à des prestations d’invalidité. Cette exigence implique aussi bien l’obligation de chercher activement des traitements que la responsabilité qui incombe à l’appelante d’établir que des efforts raisonnables et réalistes ont été fournis pour trouver et conserver un emploi en tenant compte des caractéristiques personnelles énoncées dans l’arrêt Villani et de son employabilité : A.P. c MRHDC (le 15 décembre 2009) CP 26308 (CAP).

[60] L’appelante doit démontrer qu’elle est prête, en toute bonne foi, à suivre les conseils médicaux manifestement appropriés et à s’inscrire à des programmes de formation ou de recyclage qui lui permettront de trouver un autre emploi lorsqu’il apparaît évident que son ancien emploi n’est plus approprié : Lombardo c. MDRH, (le 23 juillet 2001), CP 12731(CAP). Le Tribunal doit se demander si le refus de l’appelante de suivre un traitement recommandé est déraisonnable ou non, et quel impact ce refus peut avoir sur l’état d’incapacité de l’appelante, dans le cas où le refus est déraisonnable : Lalonde c. Canada (MDRH), 2002 CAF 211.

[61] Si des éléments de preuve laissent entendre qu’une personne est apte à travailler, cette dernière doit prouver que les efforts qu’elle a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117. La question de savoir si l’appelante a tenté de trouver un autre travail ou manquait de motivation de le faire constituait clairement un facteur pertinent pour déterminer si son invalidité était « grave » : Klabouch c. Ministre du Développement social, 2008 CAF 33.

Application des principes directeurs

[62] Il ne fait aucun doute que l’appelante a des limitations importantes en raison de sa douleur chronique et qu’elle est incapable de retourner à un travail exigeant sur le plan physique comme c’était le cas pour son dernier emploi d’aide-ménagère. Cependant, tel qu’indiqué dans la décision Densmore, citée précédemment, la douleur doit être telle qu’elle empêche l’appelante de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le rapport de la Dre Nam, daté du 25 mai 2010 recommande de restreindre l’utilisation du membre supérieur droit, notamment de ne pas soulever des charges lourdes ou des poids et de ne pas appliquer de résistance. Le rapport du Dr Kreps, en date du 12 mai 2010, indique que l’appelante avait atteint le niveau maximal de bénéfice thérapeutique, et son rapport daté du 25 septembre 2013 indique qu’elle souffre encore d’incapacité moyennement importante à l’épaule gauche et à l’épaule droite, et que l’amplitude de mouvement dans ses deux épaules continue d’être limitée. Ces restrictions ne l’empêchent pas d’occuper certains emplois rémunérateurs.

[63] Le rapport d’analyse des compétences transférables, daté du 14 janvier 2010, a recommandé six possibilités d’emploi qui correspondent aux compétences et aux exigences physiques de l’appelante. Le rapport du Dr Philips concernant les évaluations psycho professionnelles de janvier et de février 2010 a confirmé que l’appelante a démontré le potentiel nécessaire pour terminer sa douzième année et pour poursuivre des études de niveau collégial. Néanmoins, l’appelante a refusé de suivre la formation offerte dans le cadre du programme de réintégration au marché du travail. Bien que le Tribunal reconnaisse que l’appelante était limitée par sa douleur chronique, cela ne justifie pas son refus inflexible de participer au programme.

[64] L’appelante reconnaît qu’elle n’a fait aucun effort pour perfectionner ses aptitudes professionnelles ou pour trouver un autre emploi moins exigeant. Bien que l’appelante croie qu’elle en est incapable, sa croyance subjective n’équivaut pas à un manque de capacité – particulièrement si elle n’a déployé aucun effort. Le Tribunal conclut que l’appelante ne répond pas au critère établi dans l’arrêt Inclima, cité précédemment.

[65] En outre, l’appelante ne s’est pas conformée aux nombreuses recommandations de traitements conservateurs. Elle a refusé de consulter un spécialiste en santé mentale malgré les recommandations de ses médecins traitants à cet égard; elle a cessé de prendre les antidépresseurs prescrits par son médecin de famille; elle a refusé de recevoir des injections; et elle n’a pas participé au programme de douleur chronique (voir paragraphes 25 et 26, supra). L’appelante n’a pas suivi les recommandations de traitement approprié et ce refus a eu des conséquences négatives sur son état de santé et continue d’en avoir. Le Tribunal estime qu’elle n’a pas respecté ses obligations, telles qu’énoncées dans les décisions Lombardo et Lalonde, citées précédemment.

[66] Le Tribunal a déterminé que l’appelante n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave conformément aux critères du Régime de pensions du Canada.

Invalidité prolongée

[67] Puisque le Tribunal a conclu que l’invalidité de l’appelante n’est pas grave, il n’est pas nécessaire de rendre une décision sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[68] L’appel est rejeté.

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