Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 11 février 2015. La division générale a tenu une audience en personne le 16 décembre 2014 et a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, ayant conclu qu’il n’y avait [traduction] « pas une preuve suffisante sur laquelle fonder une déclaration d’invalidité grave et prolongée » à la date de fin de la période minimale d’admissibilité du demandeur, soit le 31 décembre 2013, ou avant cette date. Le représentant du demandeur, un parajuriste titulaire d’un permis, a déposé une demande de permission d’en appeler le 14 mai 2015 au nom du demandeur. Pour accueillir cette demande, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Dans la demande de permission, le représentant du demandeur plaide que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé sa compétence, qu’elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier, et qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon arbitraire.

[4] En particulier, le représentant plaide que la division générale a privé le demandeur d’une audience équitable lorsqu’elle a jugé que les observations concernant la question de la gravité de l’affection médicale du demandeur n’étaient pas nécessaires. Le représentant du demandeur plaide aussi que la division générale a commis une erreur en rendant sa décision sans tenir compte de la totalité de la preuve médicale et de l’opinion médicale dont elle était saisie, en confondant les critères relatifs au caractère prolongé de l’affection médicale avec les critères relatifs à la gravité et, finalement, en ne tenant pas compte de l’impact de l’invalidité de la conjointe du demandeur sur les activités de la vie quotidienne de ce dernier.

[5] Le représentant du demandeur a déclaré, dans la demande initiale de permission déposée le 14 mai 2015, qu’il allait [traduction] « remplir une soumission plus formelle ». Il a demandé à ce que l’on garde en suspens la demande de permission jusqu’à ce que des observations formelles aient été déposées. Le 19 mai 2015, le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») a écrit au représentant du demandeur pour lui faire savoir que la demande était incomplète et qu’il manquait des renseignements, en l’occurrence les coordonnées du demandeur et une déclaration signée par ce dernier. Le 19 juin 2015, le représentant du demandeur a fourni les renseignements manquants, ainsi qu’un rapport de consultation émanant d’un physiatre daté du 15 juillet 2011 et quelques images diagnostiques datées du 1er mars 2011 et du 23 juin 2011. Le représentant du demandeur n’a pas produit d’observations supplémentaires quant à la raison pour laquelle ces divers dossiers médicaux étaient produits.

[6] Le 30 juin 2015, le représentant du demandeur a communiqué avec le Tribunal pour indiquer qu’il déposerait des arguments juridiques assortis de la jurisprudence applicable. Le Tribunal a tenté d’effectuer un suivi par téléphone auprès du représentant du demandeur les 2, 3 et 10 juillet 2015. Le représentant du demandeur a indiqué, par téléphone, qu’il déposerait ces observations au plus tard le 17 juillet 2015. Le Tribunal a confirmé qu’il pourrait s’attendre à recevoir ces observations de la part du représentant du demandeur d’ici le 17 juillet 2015. Le représentant du demandeur a demandé par la suite à ce qu’on lui donne jusqu’au 24 juillet 2015 pour déposer ces observations. Le Tribunal a accédé à cette nouvelle demande. Le 27 juillet 2015, le représentant du demandeur a sollicité dix jours de plus pour déposer les observations. Le Tribunal a accédé aussi à cette autre demande. Plus d’un mois s’est écoulé depuis l’expiration du délai supplémentaire que le représentant du demandeur a lui‑même sollicité, mais aucune observation supplémentaire n’a été reçue ni du demandeur ni de son représentant et aucune autre demande de délai supplémentaire n’a été faite. Vu que la période de dépôt des observations est maintenant échue depuis longtemps et qu’aucune autre demande de prorogation de délai n’a été faite, il convient d’examiner la demande de permission.

[7] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[8] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Avant que je puisse accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

a) Justice naturelle

[11] Le représentant du demandeur plaide que la division générale a privé le demandeur d’une audience équitable lorsqu’elle a jugé que les observations concernant la question de la gravité de l’affection médicale du demandeur n’étaient pas nécessaires. On peut présumer que cette allégation est faite dans le contexte de l’audience devant la division générale, puisque le Tribunal avait invité les parties à déposer d’éventuels documents ou observations écrites additionnels dans ses lettres datées du 1er août et du 15 septembre 2014. Le Tribunal a aussi invité les parties à répondre, au plus tard le 13 novembre 2014, aux éventuels documents qui seraient déposés d’ici le 14 octobre 2014. Le Tribunal a avisé les parties que si des documents n’étaient pas déposés dans le délai imparti et qu’il fallait encore qu’une décision soit rendue, le membre de la division générale chargé de rendre la décision ne tiendrait compte de ces documents qu’à sa discrétion. L’intimé a déposé des observations écrites le 26 septembre 2014. Ni le demandeur ni son représentant n’a saisi la possibilité de déposer d’éventuels documents ou observations supplémentaires durant cette période. Comme on les avait invités à produire d’éventuels documents ou observations, on ne saurait dire qu’on les a privés de la possibilité de présenter des observations par écrit.

[12] Il aurait été d’une certaine utilité que le représentant du demandeur me renvoie à des parties précises de l’enregistrement de l’audience devant la division générale pour étayer son allégation que la division générale a privé le demandeur d’une audience équitable lorsqu’elle a jugé que les observations sur la question de la gravité n’étaient pas nécessaires. Même si, pour une raison quelconque, le représentant du demandeur ne pouvait accéder à l’enregistrement de l’audience, il n’a toutefois pas produit une preuve quelconque – par exemple un affidavit de son client – pour étayer cette allégation. Il n’aurait pas non plus été inutile que le représentant du demandeur m’informât de ce qu’étaient ces observations proposées. La division générale a résumé chacune des observations des parties, mais le représentant du demandeur n’a pas indiqué si les éventuelles observations proposées auraient simplement donné plus de poids aux observations qui avaient déjà été produites ou s’il se serait agi d’observations complètement différentes. Ne disposant de rien de plus pour corroborer ces allégations, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

b) Totalité de la preuve

[13] Le représentant du demandeur plaide que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la totalité de la preuve dont elle était saisie.

[14] Il est présumé en droit qu’un décideur tient compte de l’ensemble de la preuve qui lui est produite. Cette présomption est certes réfutable, mais, dans cette affaire, le représentant du demandeur n’a pas précisé les éléments de preuve que, ainsi qu’il l’allègue, la division générale n’aurait pas pris en considération lorsqu’elle a rendu sa décision. Cela étant dit, je retiens les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, où, dans cette affaire, l’avocate a fait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire dont elle était saisie, déclarant qu’« un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. »

[15] En l’absence d’autres éléments pouvant étayer cette allégation, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

c) Critères relatifs au caractère prolongé et à la gravité

[16] Le représentant du demandeur plaide que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a confondu les critères relatifs au caractère prolongé et à la gravité d’une invalidité. Il n’a toutefois pas expliqué en quoi la division générale avait pu faire cette confusion entre les critères.

[17] La division générale a énoncé le critère applicable à la gravité et au caractère prolongé d’une invalidité au paragraphe 8 de sa décision. On ne voit pas exactement, à l’examen des observations faites par le représentant du demandeur, en quoi la division générale aurait pu confondre les critères alors qu’elle a reformulé le critère relatif à une invalidité grave et prolongée qui est stipulé à l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada. En l’absence d’éléments pouvant étayer ces allégations, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce motif.

d) Activités de la vie quotidienne

[18] Le représentant du demandeur plaide que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’impact de l’invalidité de la conjointe du demandeur sur les activités de la vie quotidienne de ce dernier.

[19] C’est peut-être la seule considération qui aurait pu peser dans la détermination globale du degré de gravité et du caractère prolongé de l’invalidité du demandeur, mais ce n’aurait certainement pas été un facteur déterminant du résultat de cette évaluation. À moins que les faits aient une valeur probante suffisante, on ne peut attendre d’un décideur qu’il fasse seulement état des conclusions de fait les plus importantes et de leurs justifications. Comme l’a fait valoir le juge Stratas dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation et Liard Plywood and Lumber Manufacturing Inc., 2012 CAF 165 :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[20] Si le représentant du demandeur laisse entendre que la division générale a commis une erreur de droit, il n’a pas cité de fondement juridique particulier à l’appui de cette allégation, et je n’en connais pas qui exigerait de la division générale qu’elle prenne en considération l’impact de l’invalidité d’un conjoint sur les activités de la vie quotidienne de ce dernier. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen allégué.

e) Dossiers médicaux additionnels

[21] Le représentant du demandeur a produit un rapport médical de consultation additionnel émanant d’un physiatre, ainsi que deux rapports diagnostiques. Si ces documents représentent des « faits nouveaux », il faudrait qu’ils se rattachent aux moyens d’appel pouvant être invoqués dans une demande de permission. Le représentant du demandeur n’a pas indiqué en quoi les dossiers médicaux additionnels pouvaient se rattacher ou correspondre à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. S’il demande à ce que je prenne en considération ces faits supplémentaires, réentende la preuve et réévalue la demande en sa faveur, il s’agit de quelque chose qu’il m’est impossible de faire à cette étape, en raison des limitations qu’impose le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ni la demande de permission ni l’appel ne donne la possibilité de réévaluer ou d’examiner à nouveau la demande en vue de déterminer si le demandeur est invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[22] Si le représentant du demandeur a déposé ces dossiers médicaux supplémentaires dans le but de faire annuler ou modifier la décision de la division générale, il lui faut maintenant se conformer aux exigences énoncées aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et en outre déposer une demande d’annulation ou de modification auprès de la division qui a rendu la décision. Des exigences et des délais stricts prévus par l’article 66 de la Loi sur le MEDS doivent être respectés pour faire infirmer ou modifier une décision. Le paragraphe 66(2) de la Loi sur le MEDS stipule que la demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date où la partie en cause reçoit communication de la décision, et l’alinéa 66(1)b) de cette même loi exige d’un demandeur qu’il démontre que les faits nouveaux sont essentiels et n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Aux termes du paragraphe 66(4) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel, en l’espèce, n’a pas compétence pour annuler ou modifier une décision à la lumière des faits nouveaux, puisque seule la division ayant rendu la décision en cause est habilitée à le faire.

[23] Les « faits nouveaux » déposés et présentés par le représentant du demandeur ne soulèvent pas ni ne font intervenir de moyens d’appel admissibles, et je suis donc dans l’impossibilité de les prendre en considération aux fins d’une demande de permission.

Conclusion

[24] La Demande est rejetée.

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