Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est rejetée.

Introduction

[2] Dans une décision rendue le 16 juillet 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (la demande).

Moyens invoqués à l’appui de la demande

[3] L’avocat de la demanderesse a invoqué le moyen d’appel suivant à l’appui de la demande : il soutient que [traduction] « la division générale a commis une erreur de droit dans sa décision en omettant de prendre en considération et d’appliquer le critère approprié servant à déterminer si la demanderesse souffrait de problèmes de santé graves et prolongés pendant ou avant la période minimale d’admissibilité applicable.

Question en litige

[4] La question en litige consiste à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Pour pouvoir appeler d’une décision de la division générale du Tribunal, il faut d’abord présenter une demande de permission d’en appeler à la division d’appelNote de bas de page 1. Pour accorder cette permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Dans les affaires Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a établi qu’avoir une chance raisonnable de succès revient à avoir une cause défendable.

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement énonce les trois seuls moyens d’appel sur lesquels peut se fonder un appel :

  1. (1) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle;
  2. (2) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit;
  3. (3) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3.

Analyse

[7] Pour accueillir la demande, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, pour que l’affaire fasse l’objet d’une audience, je dois d’abord conclure :

  1. (1) qu’au moins l’un des moyens invoqués dans la demande correspond à un moyen d’appel admissible;
  2. (2) et que l’appel, fondé sur ce moyen, a une chance raisonnable de succès.

Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Erreurs de droit alléguées

[8] L’avocat de la demanderesse a regroupé ses observations détaillées sous la rubrique « MOTIFS D’APPEL ». Elles sont formulées comme suit :

La division générale a commis les erreurs de droit suivantes dans sa décision :

  1. i) aux paragraphes 51 et 52, elle a établi que pour savoir si les problèmes de santé de l’appelante étaient « graves », le critère consistait à déterminer s’ils l’empêchaient d’exercer [traduction] « toute forme de travail » avant la période minimale d’admissibilité applicable;
  2. ii) elle n’a pas énoncé ni appliqué le critère approprié pour établir si les problèmes de santé de l’appelante étaient « graves », lequel consiste à déterminer si l’appelante souffrait de problèmes de santé qui la rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation rémunératrice;
  3. iii) elle n’a pas tenu compte de l’effet cumulatif des problèmes de santé de l’appelante, qui la rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation rémunératrice;
  4. iv) elle ne s’est pas demandé si les rares emplois temporaires à la portée de l’appelante pouvaient être considérés comme des « occupations rémunératrices » avant la période minimale d’admissibilité.

[9] Relativement à ces erreurs alléguées, la division générale a commenté, au paragraphe 51, l’effet cumulatif des problèmes de santé de la demanderesse et la correspondance avec la définition d’une invalidité « grave ». La division générale a établi qu’il y avait deux dates de fin possibles à la période minimale d’admissibilité de la demanderesse : le 31 décembre 2005 et, si elle est calculée au prorata, en août 2006. Le membre a fait remarquer qu’avant le mois d’août 2006, les problèmes de santé de la demanderesse ne correspondaient pas à la définition d’une invalidité grave au sens du RPC. 

[51] L’appelante a fait valoir que le Tribunal doit tenir compte de l’effet cumulatif de l’ensemble de ses problèmes de santé. Le Tribunal constate que bon nombre des problèmes de santé de l’appelante ne sont pas étayés par des pièces justificatives ou sont mineurs, en ce sens qu’ils ne seraient pas considérés comme des problèmes de santé graves empêchant toute forme de travail au cours de la période minimale d’admissibilité prenant fin en août 2006.

[10] L’avocat de la demanderesse a soutenu que la division générale n’avait pas appliqué le critère approprié pour déterminer si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave. Au paragraphe 52 de sa décision, le membre de la division générale a énoncé le droit applicable pour déterminer si une personne souffre d’une « invalidité grave ». Ce paragraphe est ainsi libellé :

[52] Une invalidité est considérée comme grave non pas parce que le diagnostic atteste sa gravité, mais bien si elle empêche le demandeur de gagner sa vie (Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2001] RCS 703). C’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC (Klabouch c. Ministre du Développement social, [2008] CAF 33). À la lumière des décisions mentionnées précédemment, le Tribunal est d’avis que l’appelante ne souffrait pas de problèmes de santé graves empêchant toute forme de travail au cours de sa période minimale d’admissibilité. Cette conclusion se fonde également sur le fait que l’appelante a touché une rémunération en 2008.

[11] La division d’appel estime que le membre de la division générale n’a commis aucune erreur en énonçant le droit applicable. Le principe voulant que l’invalidité faisant l’objet de la demande de pension d’invalidité au titre du RPC doive avoir pour conséquence d’empêcher régulièrement le demandeur d’exercer (autrement dit, de détenir) une occupation véritablement rémunératrice revient maintes fois dans la jurisprudence. Dès 2001, la Cour d’appel fédérale a établi, dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248, qu’une invalidité est grave si « elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice ».

[12] Dans la décision rendue en 2003 dans l’affaire Inclima c. Canada (Procureur général) 2003 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a consolidé sa position en disposant qu’« un demandeur [souhaitant toucher une pension d’invalidité au titre du RPC] qui dit répondre à la définition d'incapacité grave doit non seulement démontrer qu'il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires […] où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. » Dans le cas présent, le membre de la division générale a conclu que la demanderesse avait démontré, en conservant un emploi temporaire au service de son employeur, qu’elle était capable de travailler, du moins jusqu’au moment de sa cessation d’emploi en 2011.

[13] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a confirmé ce même principe dans l’affaire Ferreira c. Canada (Procureur général) 2013 CAF 81 : « La question principale dans ce cas n’est pas la nature ou le nom de la condition médicale, mais plutôt son effet fonctionnel sur la capacité de travailler de la demanderesse. »

[14] Il appert que l’avocat de la demanderesse s’oppose à l’utilisation du terme « toute forme de travail » par la division générale au paragraphe 52. Bien que le critère approprié pour savoir si une invalidité est « grave » consiste à déterminer si elle rend la demanderesse « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », je ne suis pas convaincue, à la lumière du contexte global de la décision, qu’il s’agit là d’une erreur importante. Le membre de la division générale a fondé sa décision sur la capacité de la demanderesse à détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant trois ans environ après la fin de la période minimale d’admissibilité, de même que sur la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle n’était plus en mesure de travailler, déclaration qui date d’avril 2011, soit près de cinq ans après la fin, en août 2006, de la période minimale d’admissibilité calculée au prorata.

[15] Qui plus est, le critère est formulé dans des termes similaires dans un certain nombre de précédents, notamment dans Crosset v. MEI (8 mai 1996) CP 337,où la Commission d’appel des pensions a établi que le demandeur doit être totalement invalide et incapable de travailler, et dans Mapplebeck c. Le ministre du Développement des ressources humaines (19 mai 2000) CP 08904, où la Commission d’appel des pensions a affirmé que le critère consiste à déterminer si une personne est incapable d’exercer un emploi, quel qu’il soit. Bien que ces formulations ne soient pas identiques à celle du RPC, elles laissent entendre qu’une invalidité n’est grave que si elle rend le demandeur régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. En l’espèce, j’estime que les observations de l’avocat ne donneraient pas une chance raisonnable de succès à l’appel.

[16] L’avocat de la demanderesse a également présenté des arguments à l’égard de l’examen par la division générale de l’effet cumulatif des problèmes de santé de la demanderesse et de la nature de la rémunération que cette dernière pourrait tirer des emplois occasionnels à sa portée. Cependant, puisque j’ai conclu que la demanderesse a conservé sa capacité de travailler, j’estime que ces arguments ne suscitent pas de moyen d’appel qui donnerait une chance raisonnable de succès à l’appel.

Conclusion

[17] L’avocat de la demanderesse a fait valoir que la division générale avait commis plusieurs erreurs de droit relativement au critère qu’elle a choisi d’appliquer pour déterminer si la demanderesse était atteinte d’une invalidité « grave ». Pour les motifs énoncés ci‑dessus, la division d’appel est d’avis qu’en raison du moyen d’appel invoqué dans les observations de l’avocat, l’appel n’a pas de chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande est rejetée.

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